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Rapport intérimaire - Rapport No. 337, Juin 2005

Cas no 2356 (Colombie) - Date de la plainte: 30-MAI -04 - Clos

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  1. 637. Ces plaintes figurent dans une communication datée du 30 mai 2004 du Syndicat national des fonctionnaires des employés publics du Syndicat national des fonctionnaires du Service national d’apprentissage (SINDESENA), du Syndicat des employés et des travailleurs du SENA (SINDETRASENA) et de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), dans la communication du 8 juin 2004 de l’Association académique syndicale des professeurs de l’U.P.T.C. (ASOPROFE-U.P.T.C.) et dans les communications du Syndicat des travailleurs des entreprises municipales de Cali (SINTRAEMCALI) datées des 2 et 29 juin 2004. L’Internationale des services publics s’est associée à la plainte de SINTRAEMCALI le 12 août 2004. SINDESENA a envoyé des informations supplémentaires par une communication datée du 21 juin 2004, SINTRAEMCALI les 12 et 20 août 2004, l’Internationale des services publics le 19 octobre 2004.
  2. 638. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées des 24, 27 janvier et 25 février 2005.
  3. 639. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 640. Dans leurs communications des 30 mai et 21 juin 2004, le Syndicat national des fonctionnaires du Service national d’apprentissage (SINDESENA), le Syndicat des employés et des travailleurs du SENA (SINDETRASENA) et la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) allèguent tout d’abord que, dans le décret no 249 du 28 janvier 2004, le gouvernement a décidé de restructurer le Service national d’apprentissage SENA et a décidé dans les décrets nos 248 et 250 datant du même jour de supprimer 1 093 postes de fonctionnaires et 31 postes de travailleurs officiels. Les organisations plaignantes signalent que ces décrets ne définissent pas de critères objectifs pour définir les employés dont le poste serait supprimé, ce qui a permis de licencier le personnel syndiqué, et plus particulièrement les militants et les dirigeants syndicaux. Ainsi, l’article 8 du décret no 250 prévoit la suppression de huit postes correspondant aux fonctions occupées par des dirigeants syndicaux protégés par le privilège syndical. Les organisations plaignantes signalent que ce même article prévoit de demander la levée du privilège syndical avant le licenciement et que les employés seront maintenus dans leur poste tant que leur privilège n’aura pas été levé. D’après les organisations plaignantes, cette mesure vise à éviter que les dirigeants soient réélus dans leurs fonctions syndicales. Les organisations plaignantes ajoutent que des congés syndicaux ont été supprimés unilatéralement et que leur nombre a été tellement réduit que les dirigeants ne pouvaient plus se déplacer pour se rendre sur les lieux de travail et conseiller les travailleurs.
  2. 641. Deuxièmement, les organisations plaignantes allèguent l’ingérence des autorités administratives dans la création d’un nouveau syndicat. Ils signalent qu’un groupe important de membres du SINDESENA a décidé en novembre 2003 de constituer une nouvelle organisation syndicale, le Syndicat des employés et des travailleurs du SENA (SINDETRASENA). L’organisation a été constituée après la publication des décrets susmentionnés relatifs à la restructuration du SENA mais avant le licenciement effectif des travailleurs. Les organisations plaignantes indiquent que, selon la législation colombienne, les fondateurs d’une organisation syndicale jouissent de la protection du privilège syndical contre le licenciement, la mutation ou la réduction de salaire jusqu’à l’inscription de la personne juridique, dans un délai maximum de six mois. Ceux qui adhérent à l’organisation bénéficient de la même protection pendant les formalités administratives d’inscription. Selon les organisations plaignantes, la nouvelle organisation cherchait à créer un espace afin de discuter avec l’administration de garanties concernant la définition et l’application de critères pour déterminer les suppressions de postes et afin de rester en tant qu’organisation de défense des droits des employés qui resteraient dans la structure.
  3. 642. Les organisations plaignantes ajoutent que, dans l’arrêté no 001661 du 26 avril 2004, l’autorité administrative a décidé de ne pas enregistrer le syndicat, suite à l’intervention d’un haut fonctionnaire du SENA qui avait qualifié la demande d’enregistrement d’«abus de droit» (l’organisation plaignante joint une copie de l’arrêté). Le jour même, le SENA a entamé la procédure de licenciement de 500 travailleurs syndiqués, membres à la fois du SINDESENA et du SINDETRASENA, après avoir également muté 60 autres affiliés et dirigeants et réduit leurs salaires.
  4. 643. Troisièmement, les organisations plaignantes indiquent que l’entreprise publique refuse la négociation collective avec le SINDESENA et le SINDETRASENA.
  5. 644. Dans sa communication du 8 juin 2004, l’Association académique syndicale des professeurs de l’U.P.T.C. (ASOPROFE-U.P.T.C.) allègue que l’Université pédagogique et technologique de Colombie n’a pas renouvelé le contrat de travail de Mme Nilce Ariza, professeur et dirigeante du syndicat. Selon l’organisation plaignante, le recteur adjoint a justifié cette mesure en alléguant qu’elle était due aux activités syndicales de son mari, président de l’organisation syndicale. L’ASOPROFE-U.P.T.C. ajoute que la demande de tutelle déposée auprès du Conseil national de la magistrature a été rejetée au motif qu’il existe d’autres recours. L’organisation plaignante ajoute que l’administration de l’université a porté également atteinte aux droits d’association de divers professeurs, en refusant de renouveler leur contrat ou en les rétrogradant de façon notoire. Les professeurs concernés sont: Victor Hugo Vargas, Gilma Socorro Vanegas, Lida Zuniga, German Bernal et Jorge Valcarcel.
  6. 645. Dans les communications datées des 2 et 29 juillet 2004 du Syndicat des travailleurs des entreprises municipales de Cali (SINTRAEMCALI), et dans la communication du 19 octobre 2004 de l’Internationale des services publics, les organisations plaignantes allèguent que les 26 et 27 mai 2004 a eu lieu une assemblée permanente dans les locaux administratifs de l’entreprise, situés au Centre administratif municipal, afin de protester contre l’imposition d’une convention signée par le gouvernement et les créanciers financiers et commerciaux, convention qui ne respectait pas l’accord conclu le 15 mai 2003 entre les autorités nationales, les autorités régionales, la commune et les travailleurs, et destiné à sauvegarder l’autonomie de l’entreprise; l’assemblée permanente protestait également contre les pressions à l’encontre des travailleurs pour qu’ils renoncent à leur convention collective. Dans ces locaux, l’entreprise n’abrite aucun service public essentiel. En effet, ces services ont pu continuer à fonctionner normalement dans les autres étages. Face à la tenue de l’assemblée, les cadres de l’entreprise se sont retirés des installations de leur propre gré. Ensuite, la police métropolitaine a entrepris de boucler le bâtiment, interdisant toute entrée ou sortie, et empêchant le public d’accéder aux services administratifs. Ce bouclage empêchait également que l’on apporte des aliments ou des boissons aux travailleurs présents dans l’assemblée. Leurs familles, qui avaient voulu s’approcher des bâtiments, ont été frappées et arrêtées par les policiers. L’approvisionnement en énergie, en eau ainsi que les télécommunications ont également été coupés. Les inspecteurs du travail qui avaient été convoqués par l’entreprise n’ont pas pu pénétrer dans le bâtiment, l’entreprise les en empêchant et les menaçant. C’est seulement le 29 mai que les travailleurs ont été autorisés à sortir du bâtiment des entreprises municipales de Cali. L’organisation plaignante signale que, le 31 mai 2004, une expertise judiciaire a été réalisée dans les locaux de EMCALI afin de constater l’état du bâtiment, et a vérifié qu’il n’y avait eu ni dégâts ni déprédation des lieux.
  7. 646. Le SINTRAEMCALI signale que, bien que les services publics d’approvisionnement en eau, en énergie, les égouts, et le téléphone n’aient pas été interrompus, le ministère de la Protection sociale a adopté l’arrêté no 1696 du 2 juin 2004 déclarant illégal ce que l’autorité administrative a considéré comme un arrêt de travail, et habilitant l’entreprise à licencier librement les travailleurs qui avaient participé à ce prétendu arrêt de travail, en application de l’article 450 du Code du travail. Une action en nullité a été présentée auprès du Conseil d’Etat contre l’arrêté no 1696, conformément à l’article 451 du Code du travail, ce qui n’a pas empêché l’entreprise de procéder le 14 juillet 2004 au licenciement de 49 travailleurs, dont 43 membres et six dirigeants (l’organisation plaignante joint copie des démarches effectuées par les inspecteurs du travail, l’expert judiciaire, de l’arrêté no 1696 ainsi que d’autres documents.)
  8. B. Réponse du gouvernement
  9. 647. Concernant les allégations présentées par le SINDESENA et le SINDETRASENA, le gouvernement indique que, conformément à l’article 209 de la Constitution, la fonction publique est au service de l’intérêt général et fonde ses activités sur les principes d’égalité, de moralité, d’efficacité, d’économie, de célérité, d’impartialité et de transparence. L’administration publique a le pouvoir de supprimer ou de fusionner des établissements ou des services, ainsi que de créer, de supprimer ou de fusionner les emplois afférents; ces attributions doivent être exercées dans le respect de critères techniques et objectifs visant à ce que l’Etat remplisse sa mission dans la recherche de l’intérêt général. Ceci justifie les modifications apportées aux effectifs des établissements publics dans le respect des droits des travailleurs, sans tenir compte de leur affiliation ou non à une organisation syndicale.
  10. 648. Le gouvernement ajoute que la suppression des postes devait se faire selon une procédure objective, obéissant à des raisons exclusivement liées à la prestation de bons services, indépendamment du poste qu’occupe chaque fonctionnaire.
  11. 649. Le gouvernement souligne qu’en aucune circonstance il n’a voulu attenter aux droits d’association et de liberté syndicale par le biais de cette restructuration. A cet égard, parmi les postes supprimés, huit étaient occupés par des fonctionnaires qui bénéficiaient du privilège syndical. Le SENA, en accord avec l’article 8 du décret no 250 de 2004, a demandé au juge du travail la levée du privilège syndical, c’est-à-dire que c’est l’autorité judiciaire du travail qui décidera si elle accède ou refuse la demande; le gouvernement colombien respectera sa décision.
  12. 650. Concernant la restructuration proprement dite, le gouvernement signale que le décret no 250 (art. 1 et 2) supprime 1 116 postes de l’effectif total du personnel du SENA, qui correspondent à des postes de directeurs régionaux adjoints, des conseillers, des chefs de centre, des chefs de division, des chefs de bureau, des secrétaires, des employés de bureau, des auxiliaires et des travailleurs officiels, et que l’article 3 crée 542 postes de directeurs régionaux, directeurs adjoints de centre, personnel administratif et techniciens. Sur un total de 2 656 fonctionnaires syndiqués, 187 ont quitté le service suite à la suppression de leur poste, ce qui correspond à 7 pour cent, tout ceci pour démontrer que la restructuration a été effectuée pour rénover l’administration publique et non pas pour attenter au droit d’association et à la liberté syndicale. La restructuration du SENA, après avoir fait l’objet d’études techniques, a été effectuée dans le respect de la loi no 790 du 27 décembre 2002, afin que les économies ainsi réalisées soient affectées à une plus grande couverture des services prestés. Le processus de restructuration du SENA est de nature politique, il s’inscrit dans le programme de rénovation de l’administration publique, dans le cadre duquel le gouvernement a décidé de ne pas supprimer ni de liquider, ni de fusionner le Service national d’apprentissage, SENA, afin d’optimiser la qualité et l’efficacité du service rendu en adéquation avec les objectifs de l’Etat.
  13. 651. Pour ce qui est de l’enregistrement de l’organisation syndicale SINDETRASENA, le gouvernement signale que la liberté de constituer des syndicats et d’en rédiger le règlement interne n’est pas illimitée mais doit se faire dans le cadre de la loi; c’est pourquoi il existe un contrôle administratif, étant donné que le ministère du Travail, aujourd’hui ministère de la Protection sociale, doit respecter et faire respecter la Constitution et la loi. Le ministère, dans l’arrêté no 001661 du 26 avril 2004, a décidé de ne pas inscrire l’organisation syndicale, car elle ne respectait ni la Constitution ni la loi. Un recours gracieux et un appel ont été interjetés contre cette décision, dans l’acte no 15768 du 15 mai 2004. Le recours gracieux a été tranché le 29 juin 2004 par l’arrêté no 2443, qui a confirmé la décision no 001661. Le gouvernement joint une communication du Service national d’apprentissage qui indique que le ministère a considéré que le SENA était en pleine restructuration et qu’inscrire la nouvelle organisation syndicale impliquerait une violation manifeste des principes constitutionnels, que le droit d’association syndicale est relatif et non absolu et qu’on le détourne de son objet en cherchant à protéger la stabilité des emplois et à entraver la restructuration.
  14. 652. Le 8 juillet 2004, le 13e Tribunal pénal de Circuit, dans une tutelle présentée par le SINDETRASENA a ordonné en conséquence à l’institution saisie: 1) de mettre sous tutelle les droits à la procédure due et à l’association syndicale; 2) de déclarer sans effets l’arrêté no 001661 du 26 avril 2004 et que la procédure devait se poursuivre en respectant à la lettre la législation du travail applicable; 3) de poursuivre, de façon immédiate, le traitement de la demande d’enregistrement de l’organisation syndicale qui avait été refusée au moyen de l’arrêté déclaré sans effets; 4) de notifier ce prononcé conformément à l’article 30 du décret no 2591 de 1991 et, s’il n’était pas contesté, de renvoyer le dossier pour examen éventuel à la Cour constitutionnelle. En application du jugement de tutelle, le ministère de la Protection sociale a promulgué l’arrêté no 002781 du 22 juillet 2004, qui rejetait la demande d’inscription au registre syndical de l’organisation syndicale SINDETRASENA. Par l’acte no 26104 du 12 août 2004, le fondé de pouvoir de SINDETRASENA interjetait un recours gracieux et subsidiairement un recours en appel. L’arrêté no 003567 du 16 septembre 2004 a statué sur le recours gracieux en confirmant l’arrêté no 002781 du 22 juillet 2004, et l’arrêté no 04630 du 25 novembre 2004 a statué sur le recours en appel en confirmant l’arrêté no 002781 du 22 juillet 2004, l’arrêté no 002781 du 22 juillet 2004 devenant alors exécutoire.
  15. 653. Le 3 novembre 2004, le président de SINDETRASENA a présenté un recours en tutelle pour violation des droits d’association et d’organisation en syndicat, au motif de l’exécution des arrêtés no 002781 du 22 juillet 2004 et no 003567 du 16 septembre 2004, mais il a été débouté pour irrecevabilité vis-à-vis du jugement du 22 novembre 2004, au motif que les mêmes faits avaient été à l’origine du jugement de tutelle du 8 juillet 2004.
  16. 654. Le gouvernement signale qu’il s’agit là d’un abus de droit, car il y a méconnaissance du respect des buts sociaux, et un doute quant à l’animus asociatis au profit de la défense des droits syndicaux. Le privilège syndical, qui est inscrit dans la Constitution afin de protéger le droit d’association, est un mécanisme établi, en premier lieu, en faveur du syndicat et, seulement en second lieu, pour protéger la stabilité du travail des représentants des travailleurs. Autrement dit, la loi renforce la protection de la stabilité du travail des représentants syndicaux pour favoriser la liberté d’action des syndicats. Pour cette raison, la Cour constitutionnelle, dans l’arrêt no C-381 de 2000, a indiqué que ce «privilège représente une garantie pour le droit d’association et la liberté syndicale, plutôt que la protection des droits au travail du travailleur syndiqué».
  17. 655. Concernant la négociation collective avec le SINDESENA, le gouvernement signale que le régime juridique qui s’applique aux employés de la fonction publique prévoit au moins deux situations: celle des «fonctionnaires» («empleados públicas») du cadre exécutif, de caractère légal et statutaire, et celle des «travailleurs officiels» («trabajadores oficiales»), qui est de nature contractuelle. En effet, la relation de travail du fonctionnaire se caractérise par une situation «légale et réglementaire», établie par la loi ou par des règlements en vigueur, qui ne peuvent être modifiés que par de nouvelles règles provenant de la même hiérarchie. C’est une différence radicale par rapport au lien contractuel, pour lequel il peut y avoir au préalable une discussion sur les conditions de service, qui peuvent être modifiées ultérieurement, ainsi que les rémunérations correspondantes, dans un sens favorable, par décision unilatérale de l’employeur ou par convention collective.
  18. 656. Le gouvernement signale que l’article 414 du Code du travail stipule que le droit d’association en syndicats s’étend aux travailleurs de l’ensemble du service public, à l’exception des membres de l’armée nationale et des corps ou forces politiques quels qu’ils soient, mais que les syndicats des fonctionnaires ont seulement les fonctions suivantes: i) étudier les caractéristiques de leurs professions respectives et les conditions de travail de leurs members; ii) conseiller ces derniers pour la défense de leurs droits en tant que fonctionnaires, notamment ceux qui ont trait à leur carrière administrative; iii) représenter devant un tribunal ou devant les autorités les intérêts économiques communs ou généraux de leurs affiliés ou de leurs professions respectives; et iv) présenter aux chefs respectifs de leur administration des requêtes respectueuses. Les fonctions signalées dans les deux derniers alinéas impliquent que les autorités, et tout particulièrement les supérieurs hiérarchiques des affiliés, soient dans l’obligation de recevoir en temps utile les représentants du syndicat et de rechercher une solution adéquate à leurs demandes. (art. 415 du Code du travail).
  19. 657. Au sujet des limitations des syndicats de fonctionnaires, la Cour constitutionnelle a estimé légitime l’interdiction imposée par l’article 416 du Code du travail aux syndicats de fonctionnaires de présenter des cahiers de revendications ou de conclure des conventions collectives, dans l’arrêt no C-110 du 10 mars 1994, qui l’a déclarée exécutoire. Cette restriction, quant à la présentation de cahiers de revendications et la conclusion de conventions collectives par les syndicats de fonctionnaires, se fonde sur l’article 55 de la Constitution, qui garantit le droit de négociation collective pour réguler les relations du travail avec les exceptions reprises dans la loi. Cette exception en fait partie, car elle a été établie par le pouvoir législatif. Dans l’arrêt no C-377 de 1998, lors de l’examen de la conformité constitutionnelle de la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et de la loi no 411 de 1997 qui approuve cet instrument, la Cour a estimé conforme à la Constitution la différence établie entre travailleurs officiels et fonctionnaires quant au droit de négociation collective, en signalant que les premiers jouissent pleinement de ce droit, alors que les seconds sont assujettis à des restrictions, car, s’ils ont le droit de rechercher et d’obtenir des solutions concertées en cas de conflit, cela ne peut en aucun cas affecter le droits des autorités de fixer unilatéralement les conditions d’emploi.
  20. 658. Dans l’arrêt no C-201 de 2002, la Cour constitutionnelle a indiqué que: «Pour déterminer si ces dispositions sont applicables aux syndicats de fonctionnaires, elles doivent s’aligner sur l’article 416 du Code du travail, qui restreint le droit de négociation collective pour les syndicats des fonctionnaires en leur interdisant de présenter des cahiers de revendications ou de conclure des conventions collectives, restriction que la Cour a considérée, de façon réitérée, conforme à la Constitution».
  21. 659. Concernant les congés syndicaux, le gouvernement joint un rapport de la direction du SENA qui explique qu’actuellement, étant donné la nouvelle organisation de l’institution, il n’est pas possible d’octroyer des congés permanents mais qu’ils seront accordés en fonction des nécessités du service.
  22. 660. Concernant le licenciement de Mme Nilce Ariza, professeur temporaire de l’Université pédagogique et technologique de Tunja, le gouvernement indique que cette université est un établissement public national, créé par le décret présidentiel no 2655 de 1953. Il doit donc respecter la réglementation pour la sélection et le recrutement des enseignants. La règle principale en la matière est la loi no 30 de 1992 «qui organise le service public de l’enseignement supérieur», et en particulier son chapitre III relatif au «régime spécial des universités d’Etat et des autres établissements d’enseignement supérieur d’Etat ou officiels». L’alinéa 3 de l’article 57 de cette loi prévoit que «le régime spécial dévolu aux universités d’Etat ou officielles comporte l’organisation et le choix des cadres de direction, du personnel enseignant et administratif … en accord avec la présente loi.» Cette même loi permet aux universités de mettre en place certaines procédures pour le recrutement des enseignants, dans le respect du cadre prévu par la loi no 30. Sur cette base, l’université a adopté l’accord no 021 de 1993, no 60 de 2002 et la décision no 57 de 2003 pour réglementer la sélection des enseignants.
  23. 661. Mme Ariza a été nommé en qualité d’enseignante «temporaire» en accord avec l’article 74 de la loi no 30 de 1992. pour la période allant du 26 février au 26 décembre 2002. Elle a ensuite été de nouveau nommée enseignante temporaire pour la période allant du 17 février au 17 décembre 2003, par la décision no 0609 de 2003.
  24. 662. Le 23 janvier 2004, Mme Ariza a interjeté une demande de renouvellement de son contrat. L’université lui a répondu que ce renouvellement était impossible d’après la loi, étant donné qu’elle avait été nommée en tant que temporaire, c’est-à-dire pour une durée déterminée, ainsi que cela lui avait été expliqué et accepté par elle lors de l’obtention du poste. On lui a indiqué également que, si elle souhaitait être recrutée de nouveau, elle devait se présenter aux examens qu’organisait l’université pour pourvoir les postes vacants. Le rapport rédigé par le Recteur de l’université, joint par le gouvernement, indique que, lorsque cette enseignante s’est présentée à la procédure de sélection, elle a été sélectionnée et engagée comme enseignante temporaire.
  25. 663. Le gouvernement ajoute que, pour les engagements «pour une période inférieure à un an», la loi n’exige pas de l’université qu’elle communique les raisons pour lesquelles elle ne renouvelle pas le contrat, étant donné que le renouvellement demandé à tort par Mme Ariza n’est pas autorisé. En fait, l’article 5 de l’accord no 60 de 2002 est clair en stipule clairement que «le recrutement d’enseignants temporaires se fera par le biais d’un acte administratif de nomination, pour un durée déterminée qui ne peut excéder dix (10) mois, pour effectuer des travaux d’enseignement, de recherche et autres, au terme duquel il sera mis fin au recrutement sans qu’il soit nécessaire d’envoyer une notification expresse à cet égard».
  26. 664. Le gouvernement ajoute que Mme Ariza a fondé le syndicat ASOPROFE-U.P.T.C. et que, de ce fait, la législation lui octroyait la protection découlant du privilège syndical des fondateurs. Toutefois, conformément à la loi no 584 de 2000, ce privilège protège les fondateurs de l’organisation syndicale à partir du jour de sa constitution jusqu’à deux mois après l’inscription au registre syndical, sans excéder six mois. Mme Ariza a bénéficié de cette protection du 10 juin 2003 (date de constitution du syndicat) au 7 décembre de la même année, puisque l’inscription au registre syndical a été faite le 7 octobre 2003. Autrement dit, pendant la période de protection du privilège syndical, l’enseignante était bien sous contrat à l’université. En plus, Mme Ariza a effectivement été enregistrée comme membre suppléante du bureau de ce syndicat. Conformément à la législation, elle devait être couverte par le privilège syndical s’appliquant aux dirigeants. Cependant, s’agissant de personnes recrutées pour une durée déterminée, comme c’est le cas pour les enseignants temporaires, ce privilège est en vigueur pendant la durée du contrat de travail ou de la nomination, qui se termine à la date prévue puisque la durée en est déterminée.
  27. 665. Concernant les allégations relatives au fait que d’autres enseignants ont été touchés par la fin de leur nomination, le gouvernement signale que ceci est dû au fait que tous les contrats des enseignants temporaires se sont terminés au mois de décembre 2003 et, en 2005, ceux qui ont présenté leurs curriculum vitae dans les écoles correspondantes ont été sélectionnés sans s’occuper de savoir s’ils étaient syndiqués ou non.
  28. 666. Concernant les allégations présentées par le SINTRAEMCALI, le gouvernement signale que la Constitution stipule que les services publics sont inhérents à l’objectif social de l’Etat et que, en conséquence, l’Etat peut intervenir pour garantir la prestation efficace de ces services à toute la population. Ces services peuvent être rendus par L’Etat, directement ou indirectement, par le biais des communes ou par des particuliers. Dans tous les cas, l’Etat se réserve la régulation, le contrôle et la surveillance de ces services. La Surintendance des services publics à domicile a été créée à ces fins. Le gouvernement ajoute que EMCALI est une entreprise industrielle et commerciale d’Etat de type municipal, qui a pour mission essentiellement la fourniture des services publics de l’eau et des égouts; la distribution et la commercialisation d’énergie et des services de télécommunication.
  29. 667. Le gouvernement signale qu’en avril 2000 EMCALI se trouvait dans une situation de crise telle qu’elle remplissait les conditions définies dans la loi pour que la Surintendance adopte la décision de saisir les biens de l’entreprise afin de l’administrer (arrêté no 002536 du 3 avril 2000). Le déficit d’EMCALI s’élevait à la fin de l’année à 489 962 000 000 dollars, soit 181 467 407 dollars américains.
  30. 668. En avril 2002, le Président de la République a autorisé, dans une décision exécutive, la prorogation d’un an du délai avant la saisie, la repoussant à avril 2003. Cette autorisation présidentielle avait été prise compte tenu des mesures prises par la Surintendance pour assainir les causes qui avaient entraîné la décision de saisie, parmi lesquelles on citait: «…e) l’apurement, l’ajustement et les alternatives au financement du passif en matière de retraites; f) la révision et la renégociation de la convention collective…(décision exécutive no 54 du 1er avril 2002).
  31. 669. Début 2003, EMCALI présentait un déficit annuel d’environ 104 millions de dollars E.-U., ce qui entraînait le non-respect des échéances aux créanciers. Elle n’avait pas non plus les moyens de réparer les dégâts ni d’apporter les améliorations technologiques nécessaires à la fourniture d’un service public adéquat aux usagers, et parfois n’avait même pas assez d’argent pour payer les salaires de ses travailleurs.
  32. 670. En conséquence, en janvier 2003, la Surintendance adopta la décision no 000141 qui, dans son paragraphe 6, indiquait les actions nécessaires pour remédier aux causes qui avaient été à l’origine de la saisie. L’alinéa b) stipule qu’il est nécessaire qu’EMCALI et le SINTRAEMCALI révisent la convention collective, «… avec toutes les garanties apportées par la loi».
  33. 671. En mars de la même année, la Surintendance adopta la décision no 000562 qui modifiait les modalités de la saisie en vue de procéder à la liquidation de l’entreprise. Face à cette situation dramatique a démarré un immense effort pour restructurer le passif de l’entreprise. Tous les créanciers nationaux et internationaux ont été convoqués pour un programme intitulé «Todos ponen» (Chacun y met du sien), afin de sauver EMCALI; une partie de ce programme prévoyait la révision de la convention collective. Ce programme comportait une commission convoquée directement par la présidence de la République, dont faisait partie SINTRAEMCALI. Les autres membres étaient, entre autres, trois honorables sénateurs de la République, six députés de la Chambre des représentants, le président de l’Assemblée départementale, le président du Conseil municipal de Cali, le maire de la ville, qui la présidait, le gouverneur du département, les représentants des corporations, les représentants des communes, des officiers publics, l’Agent spécial pour EMCALI, ainsi que les membres de la Commission de négociation de la révision de la convention collective.
  34. 672. Le Président de la République a assisté à deux des cinq réunions qui ont eu lieu entre février et juin 2003, ce qui implique qu’elles ont dû se dérouler, pour des raisons de sécurité présidentielle, sur la base aérienne Marco Fidel Suarez. En septembre 2003, un préaccord a été signé avec les créanciers, et les débats sur la restructuration de la dette ont commencé, débats au sein de divers groupes de travail qui se sont réunis à partir de janvier 2004. Dans ces groupes de travail, EMCALI et les experts ont présenté et expliqué aux participants le modèle financier utilisé pour le sauvetage et les avantages de l’accord.
  35. 673. Les travailleurs représentés par le SINTRAEMCALI ont participé activement à toutes les réunions de groupe.
  36. 674. En mars et avril 2004, les groupes se sont réunis dans la salle du conseil de la direction générale d’EMCALI, et y ont participé, entre autres: les représentants du gouvernement national, de la Surintendance, du maire de Cali, du gouverneur du département, des corporations, du Conseil municipal et de l’Assemblée départementale. Les accords relatifs à l’avenir de l’entreprise y ont été présentés et discutés. Les inquiétudes de l’organisation syndicale ont été entendues et analysées. Ces débats ont contribué à l’élaboration du document appelé «Convention d’ajustement financier opérationnel et des conditions de travail pour la restructuration des créances d’EMCALI».
  37. 675. Il convient de signaler qu’au cours des sessions différents conseillers municipaux de la ville ont proposé effectivement la liquidation de l’entreprise et la création d’une nouvelle entreprise. Cette demande fut suivie d’une réunion avec le Président de la République au Palais de Narino (siège du gouvernement), au cours de laquelle le Président confirma sa volonté de ne pas liquider l’entreprise et invita le Conseil de Cali et les participants au programme à déployer tous leurs efforts pour le sauvetage d’EMCALI.
  38. 676. Concernant la révision de la convention collective, le gouvernement signale qu’elle a fait partie des multiples efforts pour sauver EMCALI. Le 2 février 2003, l’assemblée générale des affiliés de SINTRAEMCALI a autorisé la révision de la convention. Les travailleurs affirment dans leur plainte que les réunions en vue de cette révision se sont déroulées dans «des garnisons militaires et de police». A ce propos, le gouvernement signale que, à la mi-février 2003, EMCALI et le SINTRAEMCALI ont nommé leurs négociateurs et ont entamé la révision de la convention, au cours de réunions qui se sont étalées de février à juin 2003 et qui ont eu lieu dans les endroits suivants: à sept reprises dans l’auditorium de la FES à la mairie de Cali; à neuf reprises au club des cadres dirigeants, qui n’est pas à proprement parler une garnison militaire ni de police; à 12 reprises dans la salle du conseil de la direction générale d’EMCALI.
  39. 677. Les négociations ont progressé dans un climat de dialogue et de concertation, au point que le 27 juin a été signé le compromis préalable de révision de la convention collective, qui détermine l’apport de SINTRAEMCALI au programme «Todos Ponen» (Chacun y met du sien) pour le sauvetage d’EMCALI. Le texte de l’accord a été signé le 4 mai et déposé ensuite au ministère de la Protection sociale, constituant dès lors la convention collective en vigueur.
  40. 678. Bien que le contenu de la convention collective ne fasse pas partie de la plainte, le gouvernement souhaite faire référence à tous les éléments essentiels du sauvetage d’EMCALI. Concernant la stabilité du travail, l’accord stipule qu’EMCALI ne pourra pas mettre fin au contrat de ses travailleurs, sauf pour une juste cause et dans le respect de toutes les procédures prévues par la loi et/ou par la convention collective. Le non-respect de cette clause par EMCALI entraînera la réintégration du licencié; pour les permis syndicaux permanents, l’accord prévoit que les dix membres du bureau et les deux membres de la Commission des réclamations disposent d’un permis permanent; EMCALI reconnaît le SINTRAEMCALI comme étant l’unique interlocuteur valable des travailleurs; en ce qui concerne les avantages économiques, le gouvernement fournit la liste comparative suivante:
  41. Prime
  42. D’après la loi
  43. D’après la convention en vigueur
  44. Semestrielle de juin
  45. 15 jours de salaire
  46. 15 jours de salaire moyen
  47. Semestrielle sup.
  48. non prévue
  49. 11 jours de salaire moyen
  50. De Noël
  51. 30 jours de salaire
  52. idem
  53. Semestrielle sup. de noël
  54. non prévue
  55. 16 jours de salaire moyen
  56. Vacances
  57. 15 jours
  58. 30 jours de salaire
  59. D’ancienneté
  60. non prévue
  61. de 9 à 50 jours selon l’ancienneté
  62. De continuité
  63. non prévue
  64. 130 jours de salaire moyen
  65. Total
  66. 60 jours de salaire
  67. 130 jours de salaire moyen
  68. 679. Concernant les apports économiques de EMCALI pendant la durée de la convention (en dollars américains):
  69. Rubrique
  70. Montant
  71. Service médical pour la famille
  72. 2 240 000
  73. Allocation de scolarité
  74. 8 000 000
  75. Aide sociale
  76. 22 400
  77. Catastrophe domestique
  78. 44 800
  79. Prêt au logement
  80. 800 000
  81. Service de santé
  82. 2 800 000
  83. Total
  84. 13 907 200
  85. 680. Concernant les augmentations de salaire, des augmentations annuelles ont été fixées pour la durée de la convention. De plus, concernant les domaines de participation de SINTRAEMCALI à la gestion d’EMCALI, le gouvernement signale que, dans l’intention de promouvoir la participation de SINTRAEMCALI aux décisions les plus importantes de EMCALI, il a été créé un comité consultatif dont les fonctions sont similaires à celles d’un conseil d’administration, composé de cinq membres permanents: i) le maire de Cali, qui le préside; ii) le ministre adjoint des Mines et de l’Energie; iii) la Surintendance des services publics à domicile; iv) le directeur de la Chambre de commerce de Cali; v) le président de SINTRAEMCALI. Assistent également en tant qu’invités spéciaux le Haut conseiller présidentiel, le président de l’entreprise pétrolière d’Etat ECOPETROL et le représentant légal d’EMCALI. Le comité a pour fonction de conseiller l’entreprise et la Surintendance dans la prise des décisions administratives, budgétaires, financières et pour les conditions de travail. Ce comité s’est réuni à six reprises, et l’organisation syndicale y a participé, comme l’indiquent les comptes rendus annexés à la réponse de l’entreprise. Le SINTRAEMCALI participe également aux réunions de la Commission d’examen des embauches, où les projets d’investissement de l’entreprise pour l’année 2004 ont été approuvés.
  86. 681. Concernant la tenue de l’assemblée permanente contre la privatisation et pour la moralité publique, le gouvernement signale que, le 26 mai 2004, un groupe de travailleurs de l’entreprise a pénétré dans le bâtiment central d’EMCALI, situé dans le Centre administratif municipal et a commencé à occuper les locaux sans raison apparente ni justification de caractère syndical, pendant les horaires de travail, et en rupture avec la totalité des espaces de dialogue, de concertation et de participation décrits ci-dessus. Plusieurs manifestants, le visage dissimulé et armés de baguettes se sont mis à intimider et à effrayer le public qui se trouvait alors dans les locaux de l’entreprise, les employés, les fonctionnaires et les cadres, leur criant de décamper, ce qui a conduit le personnel à quitter immédiatement les lieux, qui sont restés aux mains de l’organisation syndicale.
  87. 682. Le 26 mai était un mercredi, jour d’ouverture au public, et l’occupation des locaux a eu lieu aux alentours de 9 heures, c’est-à-dire pendant les heures de travail, sans le consentement de la direction de l’entreprise. Le gouvernement signale que les arguments vouant que l’assemblée permanente avait pour objet de lutter contre la corruption et d’éviter la privatisation de l’entreprise sont sans fondement, en premier lieu, parce qu’à différentes reprises les autorités ont affirmé que l’entreprise ne serait pas privatisée.
  88. 683. Ensuite, parce que le SINTRAEMCALI siège au comité consultatif de EMCALI, lequel conseille EMCALI pour les décisions concernant tous les domaines critiques de l’entreprise. Il n’y avait dès lors aucune raison de recourir à la violence et à l’intimidation pour éviter un événement qui n’allait pas se produire, sans respecter l’autonomie nécessaire des membres de ce comité.
  89. 684. Troisièmement, parce que le SINTRAEMCALI participe au comité chargé de l’examen des embauches, où il a toute possibilité de dénoncer, et même d’éviter, des actes de corruption supposés. Il est donc faux de dire qu’il s’est vu forcé de recourir à des actes violents et à l’intimidation pour dénoncer une corruption qu’il aurait pu dénoncer, si elle existait, par les mécanismes de participation aux plus hautes instances de gestion de l’entreprise dont il dispose.
  90. 685. Le gouvernement souligne la participation du SINTRAEMCALI aux différentes commissions et groupes de travail où l’on a débattu et décidé du sauvetage de l’entreprise, et sa participation aux réunions discutant des moyens nécessaires pour obtenir ce sauvetage. Le gouvernement souligne que le SINTRAEMCALI n’apporte aucune preuve des pressions que le syndicat aurait subies durant la révision de la convention collective. Au contraire, le gouvernement a expliqué en détail toutes les procédures suivies, les espaces octroyés, les garanties apportées. De plus, certains des avantages spéciaux dont jouissent les travailleurs d’EMCALI en vertu de la convention révisée de façon bipartite ont été indiqués.
  91. 686. Le gouvernement rappelle qu’à de nombreuses reprises le Comité de la liberté syndicale a réitéré sa doctrine selon laquelle, bien que les organisations syndicales aient le droit de se réunir dans leurs locaux pour examiner des questions professionnelles et qu’en ce cas les autorités doivent s’abstenir de toute intervention, il n’en demeure pas moins que cet exercice doit non seulement avoir lieu dans les locaux de l’organisation syndicale, mais qu’en plus il ne doit pas troubler l’ordre public ni mettre en péril grave et imminent le maintien de l’ordre, auquel cas on permet la présence et l’intervention des autorités.
  92. 687. Devant cette situation, le gouvernement a autorisé l’intervention des autorités, estimant qu’il était face à une nécessité absolue, et s’est assuré que cette intervention s’en tienne au strict nécessaire pour éviter une détérioration encore plus grande de l’ordre public. Les mesures adoptées se sont limitées, d’une part, à interrompre la circulation des véhicules dans les rues longeant l’édifice d’EMCALI et, d’autre part, à faire boucler le bâtiment par un cordon de police. Le gouvernement indique que les inspecteurs du travail ont dressé des constats attestant que les voies d’accès à l’entreprise étaient fermées par la police et que tous les bâtiments du CAM – Centre administratif municipal – étaient protégés par une barrière métallique de la Police nationale surveillée par le Groupe antiémeutes de la Police nationale.
  93. 688. Au contraire, le comportement du SINTRAEMCALI a dépassé les limites établies par la législation qui réglemente les manifestations publiques puisque l’occupation violente des lieux s’est effectuée dans les installations de l’entreprise et pendant les heures de travail, comme on peut le constater à la lecture des constats établis par les inspecteurs du travail. Ce qui signifie très clairement que ce comportement n’est pas susceptible d’être protégé par les dispositions des conventions nos 87 et 98 puisqu’il s’est produit sur le lieu de travail, pendant les horaires de travail et sans le consentement de l’employeur.
  94. 689. Le gouvernement signale que, si l’on compare, d’une part, les espaces de participation et de décision dont a été doté SINTRAEMCALI concernant la situation financière, budgétaire, et les conditions de travail dans l’entreprise et, d’autre part le genre de comportement adopté le jour de l’occupation violente des lieux, on doit en déduire que les activités de ce jour-là n’avaient rien à voir avec le domaine syndical. En effet, le SINTRAEMCALI avait des espaces de dialogue suffisants pour dénoncer la supposée privatisation, la corruption ou l’immoralité, sans recourir à la violence.
  95. 690. Le gouvernement rappelle que le Comité de la liberté syndicale a signalé que ceux qui participent à des activités syndicales pendant les heures de travail, en occupant le personnel de l’employeur et en utilisant leur position dans l’entreprise pour exercer des pressions indues sur d’autres employés, n’ont pas le droit d’invoquer la protection de la convention no 98 ni, en cas de licenciement, d’alléguer que l’on a violé leurs droits légitimes. Dans d’autres déclarations similaires, le comité a souligné que le fait qu’un travailleur détienne un mandat syndical ne lui confère pas d’immunité contre un éventuel licenciement.
  96. 691. Dans le cas présent, il a été décidé de licencier les syndicalistes qui avaient participé à l’occupation des lieux vu la gravité de leur faute. Toutefois, le gouvernement indique qu’EMCALI, respectant la procédure sur laquelle se fondent toutes les actions juridiques et administratives en Colombie comme le prévoit la Constitution, et en application des dispositions de la convention collective en vigueur, a convoqué les participants à l’occupation dont l’identité avait été clairement établie grâce à l’enregistrement vidéo afin qu’ils puissent se défendre. Certains des travailleurs aujourd’hui licenciés ne se sont pas présentés à cette convocation, se privant ainsi volontairement de ce mécanisme de défense que la Constitution ainsi que la convention leur confèrent.
  97. 692. Le gouvernement signale qu’il existe une gamme très large de recours et d’instances judiciaires en Colombie, dont ont pu se prévaloir les membre du SINTRAEMCALI qui ont participé à l’occupation et qui ont été licenciés. Les travailleurs jouissent notamment de la procédure de réintégration, qui peut être entamée par ceux qui bénéficient du privilège syndical et ont été renvoyés lorsqu’un arrêt de travail a été déclaré illégal – ce qui était le cas. C’est un recours devant les juges du travail de la République, et qui bénéficie d’une procédure spéciale, rapide et précise.
  98. 693. La loi prévoit également pour les travailleurs sans privilège syndical la possibilité de saisir les tribunaux pour essayer d’obtenir leur réintégration. Il existe aussi l’habeas corpus ou demande de tutelle destinée à protéger les droits fondamentaux des citoyens vis-à-vis des agissements des particuliers ainsi que des autorités.
  99. 694. Le 7 juillet 2004, la direction du SINTRAEMCALI a saisi le tribunal supérieur du département du Valle d’une demande de tutelle. Elle y invoquait comme droits fondamentaux la procédure et le droit au travail. Le 22 juillet, le tribunal a rendu deux décisions importantes: tout d’abord, il ordonnait à EMCALI de ne pas demander en justice l’annulation de la personnalité juridique du SINTRAEMCALI; deuxièmement, il n’a pas mis sous tutelle les droits au travail ni à la procédure, car il a estimé que les travailleurs qui avaient participé à l’arrêt de travail avaient été invités à exercer leur défense au cours de la procédure. Cette décision a fait l’objet d’un appel, et la Cour suprême de justice a confirmé la décision de première instance.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 695. Le comité observe que le cas présent concerne: a) les allégations présentées par le Syndicat national des fonctionnaires du Service national d’apprentissage SENA (SINDESENA), le Syndicat des employés et travailleurs du SENA (SINDETRASENA) et la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) relatives à des licenciements collectifs de dirigeants syndicaux et d’affiliés dans le cadre du processus de restructuration du Service national d’apprentissage (SENA), au refus de l’autorité administrative d’enregistrer le SINDETRASENA et le refus du SENA de négocier collectivement avec le SINDESENA et le SINDETRASENA; b) les allégations présentées par l’Association académique syndicale des professeurs de l’U.P.T.C. (ASOPROFE-U.P.T.C.) relatives au renvoi du professeur Nilce Ariza et d’autres professeurs en violation du privilège syndical; et c) les allégations présentées par le Syndicat des travailleurs des entreprises municipales de Cali (SINTRAEMCALI) relatives à l’illégalité d’une assemblée permanente tenue au sein d’EMCALI, illégalité déclarée par l’autorité administrative et qui a entraîné le licenciement de 43 membres et de six dirigeants.
  2. 696. Concernant les allégations présentées par le SINDESENA, le SINDETRASENA et la CUT, relatives au licenciement collectif de dirigeants syndicaux et de membres dans le cadre du processus de restructuration du SENA, le comité note, selon que les organisations plaignantes, les décrets nos 248, 249, et 250 ont ordonné la restructuration du SENA, prévoyant le licenciement de 1 093 fonctionnaires et de 31 employés officiels (l’organisation plaignante joint une copie de ces décrets), et que ces décrets n’établissent pas de critères spécifiques pour procéder aux licenciements, ces derniers ont porté principalement sur le personnel syndiqué, en incluant la suppression de huit postes occupés par des dirigeants syndicaux.
  3. 697. Le comité note également que, d’après les organisations plaignantes, une fois les décrets connus, de nombreux travailleurs membres du SINDESENA ont décidé de constituer une nouvelle organisation syndicale (SINDETRASENA) mais que la demande d’inscription a été refusée, ainsi que les recours administratifs présentés contre ces refus. Le comité note que, d’après l’organisation plaignante, au moment où l’inscription a été refusée, en avril 2004, le gouvernement a engagé une procédure de licenciement collectif de plus de 500 travailleurs qui bénéficiaient du privilège de fondateurs du SINDETRASENA et étaient aussi membres du SINDESENA.
  4. 698. Le comité note que, d’après le gouvernement, le décret no 250 prévoyait le licenciement de 1 116 travailleurs sur l’effectif total du SENA et que, sur un total de 2 656 fonctionnaires syndiqués, on en a licencié 187. Pour ce qui est des huit dirigeants dont les postes doivent être supprimés, le comité note que le décret prévoit de demander obligatoirement la levée du privilège à l’autorité judiciaire et que le gouvernement s’engage à respecter la décision de cette dernière.
  5. 699. Le comité observe qu’il y a discordance au sujet du licenciement collectif entre les allégations des organisations plaignantes et la réponse du gouvernement. En effet, les premières indiquent: que le décret a ordonné la suppression de 1 093 postes de travail, incluant les postes actuellement occupés par huit dirigeants syndicaux; que le décret n’établit pas de critères précis pour procéder aux licenciements, ce qui a permis au SENA de licencier principalement des travailleurs affiliés; et qu’après le refus d’enregistrer le SINDETRASENA il a licencié plus de 500 employés affiliés tant au SINDESENA qu’au SINDETRASENA. De son côté, le gouvernement indique qu’il a ordonné la suppression de 1 116 postes, dont 187 étaient occupés par des travailleurs syndiqués. Dans ces conditions, afin de pouvoir émettre ses conclusions en toute connaissance de cause, le comité demande au gouvernement d’indiquer le nombre total de travailleurs licenciés, et parmi eux combien étaient syndiqués ou dirigeants syndicaux.
  6. 700. Concernant plus précisément le licenciement des huit dirigeants syndicaux, tout en notant avec intérêt l’engagement du gouvernement de s’abstenir de les licencier tant que l’autorité judiciaire n’aura pas levé leur privilège syndical, le comité estime que le gouvernement devrait tenir compte de la recommandation no 143 sur la protection et les facilités qui devraient être accordées aux représentants des travailleurs dans l’entreprise, qui propose, parmi les mesures spécifiques de protection, la «reconnaissance d’une priorité à accorder au maintien en emploi des représentants des travailleurs en cas de réduction du personnel» (article 6, paragraphe 2 f)). Le comité rappelle également «que, dans un cas où le gouvernement expliquait que les licenciements de neuf dirigeants syndicaux étaient intervenus dans le cadre de programmes de restructuration de l’Etat, le comité a souligné l’importance qu’il attache à la priorité à accorder au maintien de l’emploi des représentants des travailleurs en cas de réduction du personnel afin de garantir la protection effective de ses dirigeants». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 960 et 961.] Le comité demande donc au gouvernement d’adopter les mesures nécessaires pour maintenir les postes de travail des dirigeants syndicaux afin que ces derniers puissent remplir leurs fonctions durant la restructuration et, s’il n’est pas possible de maintenir ces postes, de les muter sur d’autres postes similaires.
  7. 701. Concernant le refus d’enregistrement du SINDETRASENA, le comité note que les organisations plaignantes ont indiqué que le SINDETRASENA a été constitué par un groupe de travailleurs membres du SINDESENA, alors que le processus de restructuration du SENA était déjà entamé et impliquait le licenciement de nombreux travailleurs. Le comité note qu’on peut conclure, à la lecture des divers recours interjetés par le SINDETRASENA contre les décisions refusant l’enregistrement (dont copie a été jointe tant par les organisations plaignantes que par le gouvernement), que l’arrêté no 1661 qui refusait l’enregistrement a fait l’objet d’un recours en tutelle parce qu’il avait été pris avant la fin du délai permettant de corriger les défauts d’une demande d’enregistrement. Le jugement de tutelle a don ordonné la reprise de la procédure d’enregistrement. Le comité observe que, conformément au jugement de tutelle, la procédure d’enregistrement s’est poursuivie et que l’arrêté no 2781 l’a refusée parce que les statuts ne respectaient pas les exigences légales. Cette décision a été confirmée en appel le 25 novembre 2004.
  8. 702. Le comité note à ce sujet que d’après les organisations plaignantes, l’objectif réel de la constitution de SINDETRASENA était de protéger les travailleurs du licenciement par le biais du privilège des fondateurs, puisqu’il existait déjà une organisation syndicale dans l’institution, le SINDESENA, dont les travailleurs qui voulaient constituer le nouveau syndicat SINDETRASENA continuaient d’être membres. A ce propos, le comité déplore que le gouvernement n’ait pas consulté le syndicat existant SINDESENA avant de promulguer les décrets nos 248, 249 et 250. Le comité rappelle que, «dans le cadre des processus de rationalisation et de réduction du personnel, il conviendrait de procéder à des consultations ou essayer d’aboutir à l’accord avec les organisations syndicales au lieu d’utiliser la voie du décret ou de l’arrêté ministériel». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 936.] Bien que les décrets de restructuration aient déjà été promulgués, le comité demande au gouvernement, dans le cadre de la restructuration en cours au SENA, de prendre les mesures nécessaires pour tenir des consultations approfondies avec le SINDESENA sur les conséquences de ce programme, avant de poursuivre le processus de licenciement.
  9. 703. Concernant les allégations sur le refus du SENA de négocier collectivement avec le SINDESENA et le SINDETRASENA, le comité note que, d’après le gouvernement, les fonctionnaires ne bénéficient pas du droit de présenter des cahiers de revendications, conformément à l’article 55 de la Constitution qui établit le droit des travailleurs à négocier collectivement dans les limites imposées par la loi et à l’article 416 du Code du travail qui interdit la négociation collective aux fonctionnaires. Le comité note que, d’après le gouvernement, la relation de travail des fonctionnaires est régie par une situation «légale et réglementaire», c’est-à-dire qu’elle a été établie par la loi ou par des règlements en vigueur, qui ne peuvent être modifiés que par de nouvelles règles provenant de la même hiérarchie.
  10. 704. Le comité observe que la Colombie a ratifié les conventions nos 98, 151 et 154 et qu’en conséquence les travailleurs du secteur public et de l’administration publique centrale doivent bénéficier du droit de négociation collective. Le comité signale toutefois qu’en vertu de la convention no 154 il est possible de fixer des modalités particulières pour l’application de la négociation collective dans l’administration. En effet, le comité, partageant l’avis de la commission d’experts dans son étude d’ensemble de 1994, rappelle que, même si le principe de l’autonomie des partenaires à la négociation collective reste valable en ce qui concerne les fonctionnaires et les employés publics couverts par la convention no 151, les particularités de la fonction publique appellent une certaine souplesse dans son application, tout particulièrement en ce qui concerne les contraintes budgétaires qui lui sont imposées. Pour autant, les autorités devraient privilégier, dans toute la mesure possible, le mécanisme de la négociation collective pour déterminer les conditions de travail des fonctionnaires dans le cadre budgétaire établi. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 899.] Le comité estime que, dans le cas présent, la limitation de la négociation collective à laquelle sont soumis les fonctionnaires n’est pas en conformité avec le texte des conventions mentionnées, puisqu’ils ne peuvent présenter que des «requêtes respectueuses» qui ne feront l’objet d’aucune négociation, notamment sur les conditions d’emploi qui relèvent de la compétence exclusive de l’autorité. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la législation, en consultation avec les organisations syndicales, afin de la rendre conforme aux conventions ratifiées par la Colombie pour que les travailleurs en question bénéficient du droit de négociation collective.
  11. 705. Concernant la suppression des congés syndicaux au SENA, le comité note que, d’après le gouvernement, ils ne peuvent établis de façon permanente et sont donc octroyés en fonction des nécessités du service. Tenant compte des principes énoncés au paragraphe précédent, le comité s’attend qu’à l’avenir les permis feront l’objet d’une négociation entre les organisations syndicales et le SENA.
  12. 706. Concernant les allégations présentées par l’ASOPROFE-U.P.T.C. au sujet du licenciement du professeur Nilce Ariza ainsi que d’autres professeurs en violation de leur privilège syndical, le comité note que, selon le gouvernement, cette dirigeante syndicale a obtenu deux contrats de travail temporaire pour les périodes de février à décembre 2002, et de février à décembre 2003. Le comité note que la demande de renouvellement de contrat présentée par Mme Ariza pour la période de 2004 a été rejetée parce que, selon la législation en vigueur, elle n’était pas admissible à un contrat temporaire mais que l’université l’a invitée à présenter sa candidature pour la période 2004, ainsi qu’elle l’avait fait les années précédentes. A cet égard, le comité note que, d’après le gouvernement, lorsque Mme Ariza s’est présentée à l’examen de sélection les années antérieures, elle a été choisie et engagée comme enseignante temporaire mais que, la dernière fois, elle avait refusé de présenter sa candidature. Le comité note que les contrats temporaires se sont terminés en décembre 2003 et que l’on a procédé aux sélections pour 2004 parmi les personnes ayant présenté leur candidature, indépendamment de leur affiliation à un syndicat.
  13. 707. Par ailleurs, le comité note que Mme Ariza était sous contrat à l’université durant la période où elle bénéficiait du privilège reconnu aux fondateurs d’un syndicat. Pour ce qui est du privilège syndical dont elle bénéficiait en tant que membre suppléant du bureau du syndicat, le comité note que, d’après le gouvernement, pour les contrats à durée déterminée comme ceux des enseignants temporaires, ce privilège prend fin à la date d’échéance du contrat sans qu’il soit nécessaire de demander l’autorisation judiciaire. Pour les autres enseignants dont les contrats n’ont pas été renouvelés, le comité note que, selon le gouvernement, la situation est la même que pour Mme Ariza puisque tous les contrats se terminaient en décembre 2003.
  14. 708. Le comité estime que le non-engagement de Mme Ariza pour l’année 2004 est dû à son refus de présenter sa candidature comme elle l’avait fait les années précédentes où elle avait été engagée, que son privilège de fondatrice de syndicat n’était pas concerné du fait qu’elle était sous contrat à l’université pendant la durée de celui-ci et que, pour son privilège syndical en tant que membre du bureau, la nature même du contrat d’enseignant temporaire à durée déterminée implique qu’il se termine à la fin du contrat et que, dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de demander la levée du privilège syndical puisqu’il ne s’agit pas du licenciement d’un travailleur mais de la fin du contrat qui le liait à son employeur. Le comité considère que les mêmes conclusions s’appliquent aux autres enseignants temporaires dont les contrats n’ont pas été renouvelés. Dans ces conditions, le comité estime que les principes de la liberté syndicale n’ont pas été violés et, en conséquence, ne poursuivra pas l’examen de ces allégations.
  15. 709. Concernant les allégations présentées par le SINTRAEMCALI, selon lesquelles l’autorité administrative a déclarée illégale une assemblée permanente qui se déroulait au sein d’EMCALI, ce qui a entraîné le licenciement de 43 membres et de six dirigeants, le comité note que, d’après l’organisation plaignante, l’assemblée permanente s’est déroulée du 26 au 27 mai 2004, à la suite de l’échec des négociations visant à assainir l’entreprise EMCALI, qui se sont terminées par la décision présidentielle de liquider l’établissement. Le comité note que, d’après le SINTRAEMCALI, cette assemblée s’est déroulée de façon pacifique dans les installations administratives de l’entreprise EMCALI. L’entreprise fournit les services d’eau, dégoûts, d’énergie et de télécommunication, mais ceux-ci ne sont pas fournis depuis les installations administratives, mais dans d’autres bâtiments de l’entreprise. En conséquence, les services publics n’ont pas été interrompus. Le comité note que, d’après l’organisation plaignante, une fois que la direction de l’entreprise eût décidé d’abandonner les installations de sa propre volonté, le gouvernement a décidé de boucler le bâtiment en interdisant toute entrée ou sortie. Le comité note dans les copies jointes par le SINTRAEMCALI que deux inspections du travail ont été effectuées à la demande de l’entreprise: la première, le 26 mai, n’a pas pu se tenir car les autorités policières ont refusé l’entrée à l’inspectrice du travail et, la deuxième, le 27 mai, où l’inspecteur du travail a seulement pu constater qu’il n’y avait personne au premier étage de l’immeuble où se trouvent les services ouverts au publics, sans qu’il puisse constater si des personnes travaillaient dans les autres étages puisqu’il lui a été interdit d’y accéder. Le comité note également que, selon les plaignants, les travailleurs ont été autorisés à sortir le 29 mai et que les expertises judiciaires effectuées le 31 mai ont permis de constater que les installations n’avaient pas subi de dégâts.
  16. 710. Le comité note par ailleurs qu’à la suite de cette assemblée le ministère de la Protection sociale, conformément à l’article 451 du Code du travail, a adopté le 2 juin 2004 l’arrêté no 1696 dans lequel il déclarait illégal l’arrêt collectif de travail, ce qui a permis à l’entreprise de procéder le 14 juillet 2004 au licenciement de 49 travailleurs, parmi lesquels se trouvaient 43 syndiqués et six dirigeants.
  17. 711. Le comité note la longue réponse du gouvernement (et de la documentation jointe) expliquant la situation économique d’EMCALI et les diverses mesures adoptées afin de résoudre la crise que traversait l’entreprise, ainsi que les nombreuses négociations avec les créanciers et l’organisation syndicale SINTRAEMCALI, qui a participé à de nombreux comités crées dans cet objectif. Concernant l’assemblée permanente, le comité note que, d’après le gouvernement, dans le cadre de ces négociations, et sans raison apparente, le SINTRAEMCALI a procédé à l’occupation violente des locaux d’EMCALI, en effrayant le public et les fonctionnaires qui s’y trouvaient, raison qui a amené l’autorité à boucler le bâtiment afin de ne pas perturber encore plus l’ordre public. Le comité note que, d’après le gouvernement, l’occupation des locaux a eu lieu durant les horaires de travail, au sein de l’entreprise et sans l’autorisation de la direction, et que les licenciements des travailleurs sont dues à la gravité de la faute commise (l’occupation des locaux). Le comité note également que, d’après le gouvernement, conformément à la procédure applicable, on a convoqué les travailleurs pour qu’ils présentent leur défense avant de procéder à leur licenciement mais que ces derniers ne se sont pas présentés aux audiences, que le recours en tutelle interjeté par le SINTRAEMCALI pour obtenir la réintégration des travailleurs a été rejeté car ils avaient à leur disposition les voies judiciaires ordinaires ainsi que d’autres recours.
  18. 712. Concernant l’assemblée permanente, qui a impliqué l’occupation des locaux, tenant compte des profondes divergences existant entre l’organisation plaignante et le gouvernement sur le déroulement des faits, l’existence ou pas d’un arrêt des activités, et l’identité des auteurs des actes de violence, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu’une enquête indépendante soit menée afin de clarifier les faits, d’établir s’il y a eu effectivement un arrêt des activités et de déterminer les responsabilités pour les violences commises. Le comité demande au gouvernement d’envoyer ses observations à ce sujet.
  19. 713. Concernant le licenciement des 49 travailleurs (43 membres et six dirigeants), le comité demande au gouvernement de tenir compte des résultats de l’enquête mentionnée au paragraphe précédent et, à la lumière des responsabilités qui incombent éventuellement aux participants à l’assemblée permanente, de réexaminer la situation des personnes licenciées qui n’ont pas participé aux actes de violence.
  20. 714. Concernant la déclaration d’illégalité de l’assemblée permanente rendue par le ministère de la Protection sociale dans l’arrêté no 1696 du 2 juin 2004, en conformité avec l’article 451 du Code du travail, le comité observe que, comme il l’a mentionné dans les paragraphes précédents, il existe des divergences quant aux faits entre l’organisation plaignante et le gouvernement et qu’il est impossible de déterminer s’il y a eu ou non arrêt des activités. Par ailleurs, le comité rappelle qu’il a signalé à de nombreuses reprises que «la décision de déclarer une grève illégale ne devrait pas appartenir au gouvernement mais à un organe indépendant des parties et jouissant de leur confiance». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 522.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 451 du Code du travail, pour qu’il soit conforme avec le principe énoncé.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 715. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Concernant les allégations présentées par le SINDESENA, le SINDETRASENA et la CUT à propos du licenciement collectif de dirigeants syndicaux et de travailleurs syndiqués au cours du processus de restructuration du SENA, afin de pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause, le comité demande au gouvernement d’indiquer le nombre total de travailleurs licenciés, et parmi ceux-ci combien étaient syndiqués ou dirigeants syndicaux.
    • b) Concernant le licenciement des huit dirigeants syndicaux du SINDESENA, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour préserver leurs postes de travail afin qu’ils puissent remplir leurs fonctions pendant le processus de restructuration et, si cela n’est pas possible, de les muter à d’autres postes similaires.
    • c) Dans le cadre du programme de restructuration en cours au SENA, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour tenir des consultations approfondies avec le SINDESENA sur les conséquences de ce programme, avant de poursuivre le processus de licenciement.
    • d) Concernant les allégations sur le refus du SENA de négocier collectivement, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la législation, en consultation avec les organisations syndicales concernées, afin de la mettre en conformité avec les conventions ratifiées par la Colombie et que les travailleurs en question bénéficient du droit de négociation collective.
    • e) Concernant la suppression des congés syndicaux au SENA, le comité s’attend à ce que ceux-ci feront à l’avenir l’objet d’une négociation entre les organisations syndicales et le SENA.
    • f) Concernant les allégations présentées par le SINTRAEMCALI au sujet de la déclaration d’illégalité d’une assemblée permanente tenue au sein d’EMCALI, décision prononcée par l’autorité administrative qui a entraîné le licenciement de 43 membres et de six dirigeants, le comité demande au gouvernement:
    • i) concernant l’assemblée permanente qui a impliqué l’occupation des locaux, de prendre les mesures nécessaires pour qu’une enquête indépendante soit menée afin de clarifier les faits, d’établir s’il y a eu effectivement un arrêt des activités et de déterminer les responsabilités pour les violences commises. Le comité demande au gouvernement d’envoyer ses observations à ce sujet;
    • ii) pour le licenciement des 49 travailleurs (43 membres et six dirigeants), le comité demande au gouvernement de tenir compte des résultats de l’enquête mentionnée au paragraphe précédent et, à la lumière des responsabilités qui incombent éventuellement aux participants à l’assemblée permanente, de réexaminer la situation des personnes licenciées qui n’ont pas participé aux actes de violence, et
    • iii) concernant la déclaration d’illégalité de l’assemblée permanente par le ministère de la Protection sociale conformément à l’article 451 du Code du travail (arrêté no 1696 du 2 juin 2004), de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 451 du Code du travail, pour le mettre en conformité avec le principe selon lequel la déclaration d’illégalité doit être prononcée par un organe indépendant qui jouit de la confiance des parties.
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