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Rapport intérimaire - Rapport No. 336, Mars 2005

Cas no 2365 (Zimbabwe) - Date de la plainte: 09-JUIL.-04 - Clos

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  1. 891. La plainte figure dans une communication datée du 9 juillet 2004 provenant de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL). La CISL a envoyé de nouvelles allégations le 7 février 2005.
  2. 892. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications datées des 6 septembre 2004 et 21 février 2005.
  3. 893. Le Zimbabwe a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 894. Dans une communication du 9 juillet 2004, la CISL allègue que le gouvernement du Zimbabwe a une longue histoire de violations des droits de l’homme et des droits syndicaux, et qu’il est reconnu pour éliminer toute forme d’activité syndicale susceptible d’entraver sa propre politique. La CISL indique que le gouvernement est directement responsable de nombreuses violations des droits syndicaux et autres droits de l’homme, commises à l’encontre de membres, militants et dirigeants du mouvement syndical du pays, ainsi qu’à l’encontre de membres de leurs familles. Ces violations ont consisté en multiples mesures de harcèlement telles: licenciements, rétrogradations, mutations, arrestations et détentions arbitraires, intimidations, menaces, agressions, brutalités, torture, viols et autres violations.
  2. 895. L’organisation plaignante a fourni quelques renseignements concernant la grève de protestation nationale qui s’est déroulée en octobre 2003, ainsi que la situation de M. Lovemore Matombo, qui seront examinées dans le cadre des cas nos 2313 et 2328, respectivement.
  3. 896. Le 17 février 2004, des membres de la commission du Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU) de la région ouest: M. Reason Ngewnya (président régional), M. Davis Shambare (vice-président régional), M. Percy McIjo (préposé régional) et M. Ambrose Manenji (membre du FAB), ont été arrêtés par la police à Bulawayo vers 7 heures du matin. Les raisons de leur détention restent inexpliquées, la police, avec laquelle ils n’avaient d’ailleurs aucun démêlé, ne leur ayant fourni aucune information sur ce point. Toutefois, comme ces personnes sont bien connues pour leur participation active au mouvement syndical, la CISL considère que leur arrestation constitue une mesure de harcèlement ou de représailles en lien avec leurs activités syndicales, au demeurant parfaitement légales.
  4. 897. Le 4 mars 2004, M. Matthew Takaona, président du Syndicat des journalistes du Zimbabwe (ZUJ), a été relevé de ses fonctions de journaliste au journal Zimpapers, après qu’il eut tenu un discours devant les membres du personnel des Journaux associés du Zimbabwe, menacés par de prochaines compressions budgétaires. Il semble bien que, par conséquent, ce licenciement constitue une mesure de rétorsion visant une activité syndicale parfaitement légale.
  5. 898. Le 25 mars 2004, M. Raymond Majongwe, secrétaire général du Syndicat des enseignants progressistes du Zimbabwe (PTUZ), fut prié d’aller chercher des documents à Belgravia; méfiant, il confia cette démarche à son chauffeur. Pendant le trajet, ce dernier fut suivi par une Nissan bleu clair, qui essaya de provoquer une collision avec la voiture de M. Majongwe, jusqu’à ce que l’agresseur se rende compte que ce dernier n’était pas dans la voiture. Le PTUZ est convaincu qu’il s’agit d’une tentative de meurtre sur son dirigeant.
  6. 899. Le 27 mars 2004, un groupe de militants politiques inconnus s’en est pris violemment à M. Gombo, secrétaire général du Syndicat de la construction et des travailleurs alliés et conseiller municipal. M. Gombo n’étant pas chez lui, une cinquantaine de personnes ont fait irruption chez lui pendant la nuit, se sont livrés à des actes de vandalisme et lui ont dérobé des biens. Ils essayèrent d’enfermer les membres de la famille à l’intérieur de la maison et, sous la menace d’un revolver, contraignirent la femme et les trois enfants de M. Gombo à se rendre dans un hôpital proche, d’où ils furent relâchés quelque temps après.
  7. 900. En avril 2004, M. David Mangezi, vice-président du ZCTU dans le district de Chegutu et membre de la Food Federation, a été muté de son lieu de travail, l’entreprise Bonnezim Private Ltd. à Chegutu et transféré à Harare. Les raisons invoquées par la direction de l’entreprise sont les suivantes:
  8. … compte tenu d’allégations répétées émanant de notre commune publique de base … votre présence et votre poste au sein de l’entreprise Bonnezim de Chegutu, compte tenu de votre participation présumée à des activités politiques clandestines sur le lieu de travail… Une telle situation présente des risques, tant pour vous-même que pour l’entreprise. Elle met également l’entreprise dans une position qui va à l’encontre de la politique de relations publiques qu’elle a adoptée, surtout dans la mesure où toutes ses ressources essentielles, comme la terre et la main-d’œuvre, en proviennent. … Nous avons décidé de vous transférer à notre filiale de Harare, sans perte d’ancienneté ni de prestations.
  9. La CISL fait valoir que, même si elle a tenu à effectuer ce transfert sans perte d’ancienneté ni de prestations, la direction de l’entreprise cède à des contraintes extérieures, attitude qui met en péril le droit à la liberté syndicale de ses employés.
  10. B. Réponse du gouvernement
  11. 901. Dans sa communication du 6 septembre 2004 au sujet du licenciement de M. Matthew Takaona, le gouvernement indique que ce travailleur devrait suivre les procédures d’appel prévues par la législation nationale.
  12. 902. Le gouvernement indique que les allégations concernant le cas de M. Raymond Majongwe ne sont pas fondées. Il est illogique de prêter au gouvernement l’intention d’avoir provoqué cette collision sans s’être assuré au préalable de l’identité des personnes qui ont demandé à M. Majongwe d’aller chercher les documents. Des accidents de la route peuvent se produire si une personne ne conduit pas correctement son véhicule. Le gouvernement s’étonne qu’une organisation réputée puisse faire des allégations fondées sur les hallucinations d’individus dont le seul but est de diaboliser le gouvernement du Zimbabwe.
  13. 903. Le gouvernement indique que la situation de M. Gombo, survenant au moment où se tenaient des élections dans sa circonscription, relève de la simple polémique politique. Dans un tel contexte, il est erroné de faire valoir ses activités de syndicaliste. Pour le gouvernement, M. Gombo est purement et simplement un militant politique. M. Gombo est par ailleurs libre d’engager une procédure civile contre les auteurs.
  14. 904. En ce qui concerne les cas de MM. Ngewnya, Shambare, McIjo et Manenji, le gouvernement fait observer qu’ils sont bien connus pour leur engagement dans un parti d’opposition. Le jour en question, ils participaient à des activités contraires à la loi sur l’ordre public et la sécurité. Il appartient à la police de faire respecter l’ordre et d’assurer la sécurité. Il n’est pas question de laisser le pays sombrer dans l’anarchie parce quelques individus, sous couvert d’activités syndicales, s’efforcent de promouvoir certaines causes à caractère politique.
  15. 905. S’agissant du cas de M. David Mangezi, le gouvernement ne voit pas comment il pourrait intervenir directement dans une affaire qui ne concerne que le travailleur et son employeur. Il est courant que des entreprises transfèrent certains de leurs employés dans d’autres services ou dans une filiale, et cela dans l’intérêt de l’entreprise ou des travailleurs concernés. Dans des affaires de ce type, l’intérêt du gouvernement est de veiller à ce que les travailleurs ne subissent aucun préjudice. Le droit à la liberté syndicale ne constitue pas une sorte de caution autorisant les travailleurs à adopter un comportement et à se livrer à des agissements susceptibles de compromettre la réussite ou de nuire à la compétitivité de l’entreprise qui les emploie. Le gouvernement estime que les activités de M. Mangezi sur le lieu de travail constituent une preuve supplémentaire démontrant que le ZCTU est investi par certains éléments qui cherchent à mettre en œuvre le programme politique du Mouvement pour un changement démocratique (MDC), parti d’opposition qui a pour but de renverser, par la violence, le gouvernement légitime du Zimbabwe.
  16. 906. Le gouvernement ne s’étonne guère des agissements de ces individus qui essaient d’entretenir la spirale de la violence, d’alimenter les divisions et de politiser le milieu de travail, attitude inacceptable à tout point de vue. Au sein du ZCTU, ces individus sont organisés, formés et financés par les anciens colonisateurs et qui, agissant prétendument au nom de la défense des droits des travailleurs, sont en fait chargés de mener des activités mercenaires contre l’ordre constitutionnel. Le gouvernement conclut qu’il est regrettable que la CISL essaie de réduire l’OIT à un simple système de règlement des conflits professionnels, alors que la législation du Zimbabwe offre toutes les garanties à cet égard. Ces manœuvres ont pour véritable objectif de renverser le gouvernement du Zimbabwe et son système constitutionnel, lesquels jouissent de l’appui de l’écrasante majorité des Zimbabwéens, ainsi que de stigmatiser et de diaboliser le Zimbabwe de façon à instaurer un climat international susceptible de favoriser leurs menées subversives. Cela fait suite à une récente déclaration de l’ancien colonisateur, dans laquelle il admet que ces individus travaillent en bandes organisées aux côtés du MDC et autres organisations (parmi lesquelles figure sans doute la CISL) en vue de renverser le régime légal du Zimbabwe.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 907. Le comité note que la plainte repose sur des allégations de violations des droits syndicaux et autres droits de l’homme, commises à l’encontre de membres du Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU) et de quelques organisations qui lui sont rattachées. L’organisation plaignante fait notamment état d’arrestations et de détentions arbitraires, de licenciements, de mutations, d’agressions et de mesures d’intimidation et de harcèlement à caractère antisyndical. Dans sa réponse, le gouvernement précise que toutes les personnes concernées sont des militants bien connus d’un parti d’opposition attaché à l’exécution d’un projet politique précis et déterminé à renverser l’ordre constitutionnel, et qu’il existe au Zimbabwe des voies légales pour traiter les problèmes de relations professionnelles présentés par l’organisation plaignante.
  2. 908. S’agissant de l’argument du gouvernement selon lequel il existe des procédures légales pour résoudre les problèmes invoqués par l’organisation plaignante, le comité rappelle que, si le recours à la procédure judiciaire interne, quel qu’en soit le résultat, constitue un élément qui doit, certes, être pris en considération, il a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n’est pas subordonnée à l’épuisement des procédures nationales de recours. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, annexe 1, paragr. 33.]
  3. 909. S’agissant du cas de M. Matthew Takaona, l’organisation plaignante allègue que le licenciement de ce dernier répond à des visées antisyndicales; le gouvernement indique pour sa part que M. Takaona devrait engager les procédures d’appel prévues par la législation nationale. Constatant que le licenciement de M. Takaona est survenu peu après que ce dernier ait eu des activités directement liées à ses fonctions et à ses responsabilités syndicales, le comité demande que, si l’autorité compétente conclut que ce travailleur a été licencié pour raisons antisyndicales, M. Takaona soit rapidement réintégré dans ses fonctions ou dans un poste équivalent sans perte de salaire ni d’aucune des prestations auxquelles il a droit. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation et de lui communiquer une copie de toute décision rendue.
  4. 910. En ce qui concerne le cas de MM. Ngewnya, Shambare, McIjo et Manenji, l’organisation plaignante allègue que l’arrestation de ces travailleurs, membres actifs du mouvement syndical, constitue une mesure de harcèlement ou de représailles en lien avec leurs activités syndicales légitimes, et que les intéressés n’ont pas été informés des raisons de leur arrestation. Le gouvernement indique, quant à lui, qu’il est notoire que ces personnes sont des membres actifs d’un parti d’opposition et précise que, le jour en question, elles menaient des activités à caractère politique contrevenant à la loi sur l’ordre public et la sécurité. Notant que le gouvernement ne fournit aucune indication quant à la nature de ces activités, prétendument contraires à la loi, le comité rappelle, comme il l’a déjà fait dans le cadre d’une affaire intéressant le Zimbabwe [cas no 2313, 334e rapport, paragr. 1116], que les activités syndicales ne doivent pas être restreintes strictement à des questions de travail puisque les politiques et les choix des gouvernements ont nécessairement un impact su les travailleurs. Bien que les organisations syndicales ne doivent pas abuser de leurs activités politiques en outrepassant leurs fonctions propres et en promouvant des intérêts essentiellement politiques, une interdiction générale de toute activité politique par les syndicats non seulement serait incompatible avec les principes de la liberté syndicale, mais en outre manquerait du réalisme nécessaire à son application pratique. En effet, les organisations syndicales peuvent vouloir exprimer publiquement, par exemple, leur opinion sur la politique économique et sociale du gouvernement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 454-455.] Le comité exprime sa profonde préoccupation étant donné que les ingérences gouvernementales de ce type semblent fréquentes au Zimbabwe [voir cas no 2238, 332e rapport, paragr. 957-970; cas no 2313, 334e rapport, paragr. 1090-1121], alors qu’elles sont de nature à créer un climat d’intimidation et de crainte préjudiciable au déroulement normal des activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 76.] Une fois encore, il demande instamment au gouvernement de ne plus recourir à des mesures d’arrestation et de détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales.
  5. 911. En ce qui concerne le cas de M. David Mangezi, le comité note que, si la décision de l’employeur a vraisemblablement été motivée par des considérations à connotation politique, l’intéressé n’a pas été licencié et n’a pas subi de mesure disciplinaire. Il a été transféré dans une filiale du même groupe, sans perte de salaire ni des prestations auxquelles il avait droit. Compte tenu du fait que M. Mangezi est représentant syndical et que ce transfert est de nature à l’empêcher d’assumer les tâches liées à cette fonction, le comité invite notamment l’employeur et le syndicat ainsi que M. Mangezi à réexaminer la décision de transfert dans le but de permettre à M. Mangezi, s’il le souhaite, de réintégrer ultérieurement son poste initial. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de cette affaire.
  6. 912. En ce qui concerne les cas de MM. Raymond Majongwe et Charles Gombo, le comité, sur la base des maigres informations et éléments d’appréciation dont il dispose, estime qu’il n’est guère possible d’établir un lien rationnel entre les incidents mentionnés et l’appartenance syndicale des intéressés. Le comité considère par conséquent que cet aspect de l’affaire ne nécessite pas d’examen plus approfondi.
  7. 913. D’une manière générale, le comité constate que certains des incidents invoqués dans le cas d’espèce surviennent après d’autres événements semblables, survenus respectivement a) en mars 2002, à propos desquels le comité a demandé au gouvernement de faire preuve d’une grande retenue en ce qui concerne toute intervention dans les affaires internes des syndicats [cas no 2184, 329e rapport, paragr. 831]; b) en décembre 2002, le comité ayant alors demandé une nouvelle fois au gouvernement de s’abstenir à l’avenir de toute ingérence dans les activités syndicales du ZCTU et de ne plus recourir à des mesures d’arrestation et de détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales [cas no 2238, 332e rapport, paragr. 970]; c) en octobre/ novembre 2003, où il a à nouveau demandé instamment au gouvernement de ne pas avoir recours à des mesures d’arrestation et de détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales [cas no 2313, 334e rapport, paragr. 1121]. Tenant compte, par ailleurs, de la discussion qui s’est déroulée en juin 2004 devant la Commission de l’application des normes, et du fait que deux cas semblables sont encore en instance, le comité se déclare extrêmement préoccupé par le climat de forte insécurité qui affecte les activités syndicales au Zimbabwe, et prie une fois encore le Conseil d’administration d’accorder une attention toute particulière à cette situation.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 914. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande, si l’autorité compétente conclut que le licenciement de M. Takaona était motivé par des raisons antisyndicales, que ce travailleur soit rapidement réintégré dans ses fonctions, ou dans un poste équivalent, sans perte de salaires et autres avantages sociaux. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard, et de lui fournir copie de toute décision rendue.
    • b) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de ne plus recourir à des mesures d’arrestation et de détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales.
    • c) Le comité demande instamment que l’employeur et le syndicat concerné réexaminent la décision de transfert qui touche le dirigeant syndical M. Mangezi, en vue de permettre à ce dernier de réintégrer son poste initial, s’il le souhaite. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
    • d) Le comité attire à nouveau l’attention du Conseil d’administration sur la situation particulièrement alarmante dans laquelle se trouve le mouvement syndical au Zimbabwe.
    • e) Le comité se propose d’examiner à sa prochaine session les nouvelles allégations formulées par la CISL le 7 février 2005 et la réponse du gouvernement à leur égard du 21 février 2005.
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