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Rapport intérimaire - Rapport No. 337, Juin 2005

Cas no 2365 (Zimbabwe) - Date de la plainte: 09-JUIL.-04 - Clos

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  1. 1633. Le comité a examiné le présent cas quant au fond en mars 2005 lorsqu’il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 336e rapport, paragr. 891 à 914, approuvé par le Conseil d’administration à sa 292e session.]
  2. 1634. L’organisation plaignante a soumis des informations additionnelles dans une communication datée du 7 février 2005. Le gouvernement a fourni des observations complémentaires dans une communication datée du 16 février 2005.
  3. 1635. Le Zimbabwe a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 1636. Dans son examen antérieur du cas, le comité a approuvé les recommandations suivantes [voir 336e rapport, paragr. 914]:
  2. a) Le comité demande, si l’autorité compétente conclut que le licenciement de M. Takaona était motivé par des raisons antisyndicales, que ce travailleur soit rapidement réintégré dans ses fonctions, ou dans un poste équivalent, sans perte de salaires et autres avantages sociaux. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard, et de lui fournir copie de toute décision rendue.
  3. b) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de ne plus recourir à des mesures d’arrestation et de détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales.
  4. c) Le comité demande instamment que l’employeur et le syndicat concerné réexaminent la décision de transfert qui touche le dirigeant syndical, M. Mangezi, en vue de permettre à ce dernier de réintégrer son poste initial, s’il le souhaite. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
  5. d) Le comité attire à nouveau l’attention du Conseil d’administration sur la situation particulièrement alarmante dans laquelle se trouve le mouvement syndical au Zimbabwe.
  6. e) Le comité se propose d’examiner à sa prochaine session les nouvelles allégations formulées par la CISL le 7 février 2005 et la réponse du gouvernement à leur égard du 21 février 2005.
  7. B. Nouvelles allégations
  8. 1637. Dans une communication du 7 février 2005, la CISL fournit des informations sur les cas de MM. Matombo, Nkala, Chizura et Munandi (qui seront soumis au comité dans le cadre du cas no 2328).
  9. 1638. Concernant l’arrestation de quatre dirigeants syndicaux le 5 août 2004 (à savoir Lucia Matibenga, vice-présidente du ZCTU et présidente du SATUUC; Wellington Chibebe, secrétaire général du ZCTU; Sam Machinda, vice-président du ZCTU pour la région centrale; et Thimothy Kondo, coordinateur du service conseil du ZCTU), l’organisation plaignante a déclaré qu’ils ont été arrêtés pour avoir participé à un atelier de travail du ZCTU organisé à Gweru en vue de débattre de différents thèmes: augmentation des impôts; Forum de négociation tripartite; sécurité sociale et Autorité nationale chargée de la sécurité sociale (NSSA); SIDA; et conclusions de la session annuelle de la Conférence de l’OIT de juin 2004. Ces dirigeants avaient été initialement accusés d’avoir organisé un atelier sans autorisation préalable de la police, mais ces chefs d’accusation ont été modifiés plus tard dans la journée; la CISL attribue ce changement aux dispositions de la section 46(j) de la loi sur l’ordre et la sécurité publics (POSA) qui prévoient que les syndicats sont au nombre des organisations exemptées d’obtenir une autorisation de la police pour la tenue de réunions. Au cours de l’après-midi, les empreintes digitales des quatre dirigeants ont été relevées, des avertissements leur ont été adressés oralement et de nouveaux chefs d’inculpation ont été préparés. Le ZCTU pense que les forces de l’ordre ont agi sous pression extérieure, attendu que le dépôt de plainte a été tardif et que la police n’a cessé de faire circuler la décision finale entre les fonctionnaires responsables de l’arrestation et le département de l’ordre public.
  10. 1639. Durant sa détention, M. Sam Machinda, qui souffre de diabète, s’est vu refuser tout traitement médical; la police a insisté pour obtenir la lettre de son docteur attestant de son état de santé. Pendant une journée, l’avocat du ZCTU n’a pas pu remplir la demande urgente de libération des personnes arrêtées auprès de la Haute Cour, au motif que l’officier de permanence était indisponible; il a donc tenté d’obtenir leur mise en liberté sous caution. Après une courte comparution devant la cour de Gweru le 6 août, les quatre dirigeants syndicaux ont été relâchés moyennant le versement d’une caution de 200 000 dollars du Zimbabwe chacun. Ils étaient cités à comparaître devant le tribunal d’instance de Gweru le 8 septembre 2004 pour répondre des accusations de violation des dispositions de la section 19 alinéa (1)(B) de la POSA (organisation d’émeutes ou incitation au désordre ou à l’intolérance); ils ont également été accusés d’avoir prononcé des paroles susceptibles d’entraîner une démoralisation et de précipiter la chute du gouvernement. L’audience a été repoussée au 3 novembre; les poursuites contre Mme Matibenga et MM. Machinda et Kondo ont été abandonnées avant présentation de la défense; M. Chibebe a été à nouveau cité à comparaître devant le tribunal le 25 novembre 2004, puis le 1er mars 2005. M. Chibebe a également été contraint de renoncer à une autre réunion de travailleurs à Masvingo seulement une semaine avant le 5 août 2004.
  11. 1640. La CISL a ajouté que, le 6 août 2005, M. Gideon Choko, secrétaire général du Syndicat des cheminots unis du Zimbabwe (ZARU), affilié au ZCTU, et huit autres militants de Bulawayo étaient cités à comparaître devant le tribunal sous l’inculpation de participation à une manifestation contre l’augmentation des impôts le 18 novembre 2003. A cette même date, 41 travailleurs ont été suspendus de leur travail à Colcom Pvt. Ltd., et deux travailleurs ont été licenciés chez David White Spinners Co. à Chegutu pour avoir pris part à la manifestation.
  12. 1641. L’entreprise Netone a licencié 56 travailleurs qui avaient engagé une grève en juin 2004 pour protester contre le refus de la direction de négocier avec les travailleurs. Le 1er octobre 2004, une décision d’arbitrage en leur faveur a ordonné à l’entreprise de rétablir dans leurs fonctions les travailleurs licenciés et ceci sans perte ni de salaire ni d’avantages à compter de la date du licenciement illégal; l’entreprise a fait appel de cette décision devant le tribunal du travail. Dans l’intervalle, les travailleurs ont enregistré la décision auprès de la Haute Cour et obtenu un ordre d’exécution, incluant la saisie des biens de Netone; l’entreprise a adressé une requête en vue d’obtenir un sursis de l’ordre d’exécution; celui-ci a été temporairement autorisé par la cour dans l’attente du règlement du conflit par le tribunal du travail.
  13. 1642. Pour ce qui concerne la grève à la poste de Zimbabwe (Zimpost) et l’arrestation de trois syndicalistes, la CISL a noté que trois membres (MM. S. Khumalo, S. Ngulube et B. Munemo) du Syndicat des travailleurs de la communication et des services connexes (CASWUZ) ont été arrêtés le 11 octobre 2004 à Bulawayo sans que leur soient fournis les motifs de leur arrestation. MM. Ngulube et Munemo ont été détenus au commissariat central de Bulawayo alors que M. Khumalo a été retenu dans un endroit tenu secret; le ZCTU craignait que M. Khumalo n’ait été séparé des autres travailleurs du fait de ses démêlés antérieurs avec la police qui, lors d’une manifestation du ZCTU en 2003 contre le niveau trop élevé des impôts, l’avait arrêté et battu avant de le laisser pour mort.
  14. 1643. Les arrestations d’octobre 2004 faisaient suite à une semaine de grève organisée par les travailleurs des entreprises publiques des postes et télécommunications (Zimpost et TelOne) pour protester contre l’attitude de la direction qui avait omis de verser les augmentations salariales accordées en mars et juin 2004 par arbitrage au terme de longues négociations. Les parties se sont rencontrées à quatre reprises pour discuter de l’exécution de la décision; au final, la direction a décidé de manière unilatérale de verser moins de la moitié des conditions fixées par décision arbitrale, dont elle a contesté la validité devant la Haute Cour. Les travailleurs de TelOne ont sollicité l’intervention du ministère compétent dont le secrétaire permanent a conseillé à la direction de se désister de l’action et de trouver un règlement à l’amiable. La direction s’est opposée à cette proposition, refusant même de participer aux négociations régulières qui se tiennent tous les trois mois. En conséquence, les travailleurs ont déposé un mot d’ordre légal de grève de quatorze jours avant de débrayer le 6 octobre 2004.
  15. 1644. Le 12 octobre, près de 25 000 travailleurs (soit la moitié des effectifs du secteur des postes et télécommunications) ont rejoint la grève. Le 21 octobre, le gouvernement a déployé les forces armées autour des principaux bureaux de poste et fournisseurs de services de télécommunication et a commencé, au nom de la sécurité, ses manœuvres de harcèlement et d’intimidation auprès des grévistes; le dirigeant syndical local, M. Sikosana (vice-président provincial), a été arrêté à Bulawayo le 11 octobre; il a dû plaider coupable et payer une amende. Six autres syndicalistes (V. Kufazvani, S. Hamadzripi, M. Kim, H. Kasipani, Z. Magama et C. Mweyezwa) ont été arrêtés à Gweru; ils ont été relâchés après versement d’une amende de 20 000 dollars du Zimbabwe.
  16. 1645. A Mutare, trois travailleurs (E. Mparutsa, T. Mereki et R. Kaditera) ont été arrêtés et inculpés dans le cadre de la loi sur les infractions diverses; pour retrouver la liberté, ils ont dû plaider coupables et payer une amende allant de 20 000 à 40 000 dollars du Zimbabwe. Le 6 octobre, quatre travailleurs (P. Marowa, A. Mhike, J. Nhanhanga et O. Chiponda) ont été arrêtés juste après avoir assisté à une allocution du spécialiste de l’enseignement syndical, qui les encourageait à poursuivre la grève malgré les manœuvres d’intimidation de l’employeur; ils ont été relaxés par la suite sans inculpation. La CISL a ajouté que la direction, aidée des services secrets zimbabwéens (CIO), s’était présentée au domicile de certains travailleurs afin de les intimider et de faire pression sur eux pour qu’ils reprennent le travail. Tous les travailleurs grévistes de TelOne ont été suspendus pour des motifs liés à leurs activités syndicales légitimes.
  17. 1646. Le 26 octobre 2004, les magistrats du tribunal du travail ont entendu la cause de TelOne et ont statué en faveur du syndicat. La direction a refusé de se soumettre à la décision du tribunal (tout comme elle avait déjà refusé de respecter la décision arbitrale); elle a retenu le salaire des travailleurs en octobre et novembre, et a refusé de déduire et transférer les cotisations syndicales au CASWUZ. La direction de Zimpost a également refusé de respecter l’accord signé le 9 octobre au Conseil national de l’emploi du secteur des communications; elle a préféré engager de façon unilatérale des procédures disciplinaires à l’encontre des travailleurs grévistes. Le CASWUZ a demandé à la justice de contraindre la direction à abandonner les poursuites disciplinaires contre ses membres et tous les travailleurs ayant participé à la grève.
  18. 1647. La CISL a également précisé que le Congrès des syndicats sud-africains (COSATU), qui est une organisation affiliée, était supposé mener une mission exploratoire d’une semaine au Zimbabwe à compter du 25 octobre 2004 dans l’objectif de rencontrer les syndicats, les différentes organisations de la société civile et les responsables gouvernementaux en vue d’évaluer la situation factuelle et de contribuer à résoudre certains problèmes graves auxquels étaient confrontés le Zimbabwe et le mouvement syndical; la mission devait également s’intéresser à la crise économique qui affectait négativement les travailleurs zimbabwéens. Les autorités ont écrit au COSATU le 22 octobre pour l’informer qu’une telle mission était «inacceptable», attendu que certaines organisations de la société civile que le COSATU devait rencontrer «critiquaient le gouvernement» et que la mission avait «un caractère politique». Malgré la lettre du ministère, le COSATU a maintenu l’envoi d’une délégation de 14 membres dirigée par le président adjoint du COSATU Violet Seboni, qui, dès son arrivée, a été accueillie par des fonctionnaires qui lui ont demandé de s’abstenir de rencontrer un certain nombre d’organisations (Coalition de crise au Zimbabwe; Conseil des églises du Zimbabwe; Assemblée nationale constitutionnelle; Réseau de soutien aux élections au Zimbabwe; Avocats du Zimbabwe pour les droits de l’homme) que le gouvernement estimait être liées à l’opposition politique. La délégation a refusé d’accéder à une telle demande mais a toutefois été autorisée à entrer dans le pays.
  19. 1648. Le 26 octobre, la délégation a tenu sa première réunion avec le ZCTU au siège du congrès; elle a été accueillie par Wellington Chibebe, secrétaire général du ZCTU, et son adjoint Collen Gwiyo. La police a investi les lieux et interrompu la réunion en cours. Selon les déclarations faites à la délégation du COSATU, le gouvernement aurait décidé de mettre un terme à la mission et souhaitait que celle-ci quitte immédiatement le pays. Près de 40 policiers et membres des services de sécurité ont escorté les membres de la délégation jusqu’à leur hôtel pour qu’ils récupèrent leurs effets personnels puis jusqu’à l’aéroport où ils sont restés sous surveillance policière jusqu’à 23 heures avant d’être reconduits par bus jusqu’à Beitbridge, ville frontalière entre le Zimbabwe et l’Afrique du Sud située à près de 600 km au sud d’Harare, où ils sont arrivés vers 5 heures du matin; ils ont ensuite dû regagner Johannesburg par leurs propres moyens.
  20. 1649. La CISL a déclaré que, suite à l’échec de la mission du COSATU, trois policiers armés accompagnés de trois interrogateurs ont perquisitionné le 31 octobre le domicile de M. Gwiyo à Chitungwiza dans la banlieue d’Harare et l’ont saccagé; devant son absence, ils ont laissé un message lui ordonnant de se présenter au poste de police de Chitungwiza. M. Gwiyo a eu le sentiment que la perquisition était liée à la visite du COSATU, attendu qu’elle est intervenue quelques jours après la tenue de la réunion et qu’il faisait partie du groupe du ZCTU qui avait accueilli la mission. En outre, ZimOnline (journal en ligne) a déclaré que le gouvernement cherchait peut-être à sanctionner les responsables du ZCTU qui avait invité la mission en dépit de ses objections. Le 1er novembre, M. Gwiyo a été interpellé par la police puis interrogé sur le rôle qu’il avait joué dans l’invitation lancée au COSATU et sur la violence exercée à l’encontre des militants de ZANU PF (parti au pouvoir). Il n’a pas été inculpé pour son rôle dans la mission du COSATU mais il a été reconnu coupable de violence à l’égard des militants de ZANU PF; le policier qui avait procédé à l’arrestation ne s’est pas présenté à l’audience le 5 novembre et l’accusation a été retirée.
  21. 1650. Selon la CISL, l’Ambassade du Zimbabwe au Kenya a également tenté de justifier l’expulsion de la mission du COSATU auprès de l’Organisation centrale des syndicats du Kenya (syndicat affilié à la CISL) en précisant que la mission était d’ordre politique et que le gouvernement lui-même souhaitait accepter une invitation du ministre du Travail d’Afrique du Sud à organiser une réunion entre les deux gouvernements, le COSATU et le ZCTU, réunion que ce dernier aurait par la suite refusée. Cependant, la CISL a indiqué qu’elle ne voyait pas en quoi cela justifiait l’expulsion d’une mission syndicale manifestant sa solidarité envers une organisation sœur.
  22. 1651. Le 2 février 2005, une seconde délégation du COSATU a tenté de rendre visite au ZCTU afin de débattre de problèmes présentant un intérêt pour les travailleurs du Zimbabwe. Elle a été immédiatement arrêtée à l’aéroport d’Harare avant même d’entrer sur le territoire national, et s’est vu ordonner un retour immédiat en Afrique du Sud.
  23. C. Nouvelle réponse du gouvernement
  24. 1652. Dans sa communication datée du 16 février 2005, le gouvernement a fourni des informations sur les cas de MM. Matombo, Nkala, Chizura et Munandi (qui seront traités par le comité dans le cadre du cas no 2328).
  25. 1653. Concernant les arrestations des quatre dirigeants syndicaux (Mme Matibenga, M. Chibebe, M. Machinda et M. Kondo) le 5 août 2004, le gouvernement répond que la réunion en question n’avait aucun lien avec des activités syndicales légitimes. Il a réitéré sa position selon laquelle certains individus du ZCTU s’efforcent, sous couvert d’activités syndicales, de promouvoir leurs objectifs subversifs égoïstes. Les personnes en question avaient organisé la réunion en vue d’attiser le front politique au nom du Mouvement pour un changement démocratique (MDC), qui est un parti d’opposition. La CISL et le ZCTU ont estimé que l’appartenance au ZCTU constituait une sorte de caution autorisant la violation des dispositions légales relatives à la convocation de rassemblements politiques. En conséquence, le gouvernement suggère que les militants politiques, qui se révèlent être syndicalistes, étaient engagés, de façon notoire, dans des «activités politiques abusives» en assurant uniquement la promotion d’intérêts politiques sans se plier aux règles régissant un tel comportement. Le gouvernement a également déclaré qu’il ne disposait d’aucune information sur la réunion des travailleurs à Masvingo, à laquelle M. Chibebe aurait été contraint de renoncer.
  26. 1654. Concernant le conflit à l’entreprise Netone, le gouvernement a déclaré que l’affaire du licenciement abusif dont auraient été victimes des travailleurs avait été portée devant les tribunaux, qu’il valait mieux laisser la justice trancher et statuer, et que les personnes concernées seraient bien avisées de respecter les décisions légales du système judiciaire.
  27. 1655. Concernant le conflit entre le CASWUZ et la direction de Zimpost, le gouvernement a indiqué que le syndicat impliqué avait lancé des procédures judiciaires contre l’employeur et qu’il n’avait pas à se prononcer sur un conflit porté devant les tribunaux.
  28. 1656. Le gouvernement a déclaré qu’il apprécierait d’obtenir les détails exacts et autres faits additionnels concernant l’arrestation des trois syndicalistes le 11 octobre 2004 lors de la grève à Zimpost. Il a cependant souligné que les syndicalistes n’étaient pas infaillibles et qu’ils étaient tenus de respecter la loi du pays, indépendamment de leur statut.
  29. 1657. Pour ce qui concerne les missions du COSATU, le gouvernement estime qu’il est plutôt inquiétant de constater que le mouvement syndical d’un autre pays a l’audace d’écrire au président du pays pour l’informer que, lors de leur propre réunion, les membres ont décidé d’envoyer une mission d’«investigation» en vue d’enquêter et de s’ingérer dans les affaires politiques du Zimbabwe. La mission du COSATU était bien politique, attendu que les membres avaient dressé la liste des organisations à visiter; celles-ci sont venues jeter le trouble dans l’arène politique dans l’objectif d’un renversement anticonstitutionnel du gouvernement légal du Zimbabwe, qui a usé de son droit à protéger l’intégrité et la souveraineté territoriales en dépit des prétendus droits à la solidarité invoqués par des militants politiques se faisant passer pour des syndicalistes. Pour le gouvernement, la solidarité syndicale ne peut servir de caution à une libre association des syndicats dans l’objectif de renverser les gouvernements nationaux.
  30. 1658. Soulignant le fait que M. Collen Gwiyo est un conseiller du MDC à Chitungwiza, le gouvernement a estimé qu’il s’agissait d’une affaire de contestation politique, attendu le statut politique de M. Gwiyo dans cette ville et le fait qu’il était confronté à des allégations de violence politique, que le gouvernement jugeait intolérables, indépendamment de l’appartenance à un parti. Il est regrettable que la CISL ait décidé d’ignorer les allégations portées contre M. Gwiyo et de faire un lien avec l’histoire du COSATU.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 1659. Le comité note que les nouvelles allégations dans ce cas concernent des licenciements pour activités syndicales; des arrestations et détentions de dirigeants syndicaux ayant exercé des activités syndicales légitimes (atelier syndical; manifestation); le licenciement de 56 travailleurs qui avaient participé à une grève à l’entreprise Netone; des mesures d’intimidation et d’arrestation de travailleurs grévistes et de dirigeants syndicaux durant une importante grève dans le secteur des télécommunications à la poste du Zimbabwe (Zimpost) et à TelOne; la suspension de tous les travailleurs grévistes à l’entreprise TelOne; l’expulsion d’une mission d’investigation du Congrès des syndicats sud-africains (COSATU) et le refus d’accepter une seconde mission dans le pays; la perquisition et la mise à sac du domicile du secrétaire général adjoint du Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU). Le gouvernement répond que la plupart des différends sont dans l’attente d’un jugement et que de nombreux événements à l’origine des arrestations, ainsi que les deux missions du COSATU, ressemblaient davantage à des activités politiques plutôt qu’à des activités syndicales légitimes.
  2. 1660. Le comité traitera des informations communiquées par le gouvernement relativement aux cas de MM. Matombo, Nkala, Chizura et Munandi, lors du prochain examen du cas no 2328.
  3. 1661. Pour ce qui concerne l’arrestation des quatre dirigeants syndicaux du ZCTU le 5 août 2004 (Mme Lucia Matibenga, M. W. Chibebe, M. Sam Machinda et M. Timorhy Komdo), le comité note que, selon l’organisation plaignante, tous ces dirigeants ont été arrêtés pour avoir participé à un atelier de travail du ZCTU organisé à Gweru en vue de débattre de divers thèmes: augmentation des impôts; Forum de négociation tripartite; sécurité sociale et Autorité nationale chargée de la sécurité sociale (NSSA); SIDA; et conclusions de la session annuelle de la Conférence de l’OIT de juin 2004. Le gouvernement répond que la réunion en question n’avait aucun lien avec des activités syndicales légitimes et il réitère sa position antérieure selon laquelle certains individus du ZCTU s’efforcent, sous couvert d’activités syndicales, de promouvoir leurs propres objectifs et d’attiser le front politique au nom du Mouvement pour un changement démocratique (MDC), qui est un parti d’opposition. Notant que la majorité des questions débattues lors de l’atelier de travail du ZCTU à Gweru avaient un caractère syndical et notant également que les premiers chefs d’inculpation (organisation d’une réunion sans autorisation policière) ont été changés par la suite (en «organisation d’émeutes, incitation au désordre ou à l’intolérance») avant d’être annulés, le comité rappelle une nouvelle fois, comme il l’a déjà fait en mars 2005 dans le cadre de cette même affaire [voir 336e rapport, paragr. 910], que les activités syndicales ne doivent pas être restreintes strictement à des questions de travail puisque les politiques et les choix des gouvernements ont nécessairement un impact sur les travailleurs; les organisations syndicales doivent en conséquence pouvoir exprimer publiquement leur opinion sur la politique du gouvernement au sens large du terme. Alors que les organisations syndicales ne doivent pas abuser de leur activité politique en outrepassant leurs fonctions propres et en promouvant des intérêts essentiellement politiques, une interdiction générale de toute activité politique par les syndicats, outre qu’elle serait incompatible avec les principes de la liberté syndicale, manquerait du réalisme nécessaire à son application pratique. Les organisations syndicales peuvent vouloir exprimer publiquement, par exemple, leur opinion sur la politique économique et sociale du gouvernement. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 454-455.] Le comité demande au gouvernement de garantir que ces principes sont respectés à l’avenir.
  4. 1662. Le comité note également que le gouvernement n’a pas directement répondu aux allégations selon lesquelles des accusations avaient été portées contre M. Choko et huit autres syndicalistes le 18 novembre 2003 à Bulawayo et que, dans le contexte d’une grève massive dans le secteur des postes et télécommunications, M. Sikosana (vice-président provincial) avait été arrêté à Bulawayo le 11 octobre 2004 ainsi que six autres syndicalistes à Gweru avant d’être relâchés moyennant le paiement d’une amende. En outre, aucune réponse n’a été reçue du gouvernement concernant les allégations d’arrestation de MM. Mparutsa, Mereki et Kaditera arrêtés à Mutare et les allégations d’arrestation de MM. Marowa, Mhike, Nhanhanga et Chiponda le 6 octobre 2004 puis de leur remise en liberté sans inculpation. Le comité demande au gouvernement de communiquer des informations détaillées sur les motifs d’arrestation des individus susmentionnés et d’inculpation retenus en fin de compte à leur encontre, et de fournir une copie du jugement concernant la participation de M. Choko et de huit autres syndicalistes à une manifestation le 18 novembre 2003.
  5. 1663. Tout en notant que l’indication du gouvernement selon laquelle il aurait besoin d’informations complémentaires afin de répondre aux allégations d’arrestation de MM. Khumalo, Ngulube et Munumo le 11 octobre 2004 pour leur participation à une manifestation à Bulawayo, le comité espère que, attendu que les allégations d’arrestation se réfèrent à un nom, une date, une ville et un contexte, le gouvernement sera en mesure d’enquêter sur les motifs de ces arrestations, sur le fait que ces travailleurs sont ou non encore détenus et sur les accusations portées à leur encontre. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  6. 1664. D’une manière plus générale, le comité rappelle une nouvelle fois que l’arrestation, même brève, de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l’exercice d’activités syndicales légitimes, même si c’est pour une courte période, constitue une violation des principes de la liberté syndicale [voir Recueil, op. cit., paragr. 70] et que la détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave violation des libertés publiques, en général, et des libertés syndicales, en particulier. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 71.] En conséquence, le comité exhorte une nouvelle fois le gouvernement à s’abstenir à l’avenir de recourir à des mesures d’arrestation et de détention des dirigeants syndicaux et de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales.
  7. 1665. En ce qui concerne la situation des 56 travailleurs congédiés de l’entreprise Netone pour avoir participé à une grève suite au refus de la direction de négocier, le comité note que le différend est actuellement en attente de jugement devant le tribunal du travail. Rappelant que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux [voir Recueil, op. cit., paragr. 475], le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation et de lui communiquer tout jugement rendu à cet égard.
  8. 1666. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à Zimpost et à l’entreprise TelOne, y compris pour ce qui est de l’affaire des travailleurs punis, suspendus ou congédiés, et de lui communiquer tout jugement rendu à cet égard par la juridiction compétente.
  9. 1667. Concernant les missions du COSATU, tout en notant les motifs politiques avancés par le gouvernement pour expulser la première mission et refuser une seconde mission dans le pays, le comité prend note des explications du plaignant liées au contexte et à l’objectif de ces missions, qui à son sens relèvent bien d’activités syndicales légitimes et régulières. Prenant particulièrement en compte les graves difficultés rencontrées par le mouvement syndical au Zimbabwe, le comité considère que la recherche de conseils et d’un soutien auprès de mouvements syndicaux bien établis dans la région dans l’objectif d’aider les organisations syndicales nationales à se défendre ou se développer constitue une activité syndicale pleinement légitime, même lorsque la tendance syndicale diffère de la ou des tendance(s) dans le pays, et que les visites à cet égard relèvent d’activités syndicales normales soumises aux dispositions de la législation nationale pour ce qui concerne l’entrée des étrangers; en conséquence, les formalités que doivent accomplir les syndicalistes et les dirigeants syndicaux pour entrer sur le territoire d’un Etat, ou participer à des activités syndicales sur ce territoire, devraient être fondées sur des critères objectifs exempts de discrimination antisyndicale. En conséquence, le comité demande au gouvernement d’autoriser à l’avenir les missions de soutien mutuel dans le pays et de fonder toute approbation uniquement sur des critères objectifs exempts de discrimination antisyndicale.
  10. 1668. S’agissant des événements impliquant M. Gwiyo, le comité note que le gouvernement nie tout lien entre la visite du COSATU et la perquisition et mise à sac du domicile de M. Gwiyo et fait plutôt référence à ses activités politiques. L’organisation plaignante fait cependant référence au rôle qu’il a joué au sein du groupe ZCTU qui avait accueilli la mission, qui s’est déroulée quelques jours auparavant, et au fait qu’il a été interrogé par la police sur son rôle dans l’invitation de la mission. Tout en notant que M. Gwiyo n’était pas inculpé à cet égard (bien que d’autres accusations aient été portées à son encontre puis levées), le comité rappelle les principes définis dans le paragraphe susmentionné et demande au gouvernement de garantir à l’avenir que les dirigeants et les syndicalistes nationaux ne font pas l’objet d’actes de harcèlement et de mesures d’arrestation pour un simple motif lié à la rencontre avec un syndicat d’un pays voisin.
  11. 1669. Le comité demande au gouvernement de communiquer ses observations sur les recommandations antérieures en suspens, y compris pour ce qui concerne les cas de MM. Takaona et Mangezi.
  12. 1670. Avant de conclure, le comité est bien obligé de noter avec beaucoup d’inquiétude que la situation des syndicats au Zimbabwe n’a pas évolué, voire qu’elle s’est dégradée, depuis le dernier examen du cas, qui a donné lieu aux commentaires suivants [voir 336e rapport, paragr. 913]:
  13. D’une manière générale, le comité constate que certains des incidents invoqués dans le cas d’espèce surviennent après d’autres événements semblables, survenus respectivement: a) en mars 2002, à propos desquels le comité a demandé au gouvernement de faire preuve d’une grande retenue en ce qui concerne toute intervention dans les affaires internes des syndicats [cas no 2184, 329e rapport, paragr. 831]; b) en décembre 2002, le comité ayant alors demandé une nouvelle fois au gouvernement de s’abstenir à l’avenir de toute ingérence dans les activités syndicales du ZCTU et de ne plus recourir à des mesures d’arrestation et de détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales [cas no 2238, 332e rapport, paragr. 970]; c) en octobre-novembre 2003, où il a à nouveau demandé instamment au gouvernement de ne pas avoir recours à des mesures d’arrestation et de détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales [cas no 2313, 334e rapport, paragr. 1121]. Tenant compte, par ailleurs, de la discussion qui s’est déroulée en juin 2004 devant la Commission de l’application des normes, et du fait que deux cas semblables sont encore en instance, le comité se déclare extrêmement préoccupé par le climat de forte insécurité qui affecte les activités syndicales au Zimbabwe, et prie une fois encore le Conseil d’administration d’accorder une attention toute particulière à cette situation.
  14. En conséquence, le comité doit réitérer sa profonde inquiétude quant au climat de forte insécurité qui affecte les activités syndicales au Zimbabwe et prie une nouvelle fois le Conseil d’administration d’accorder une attention toute particulière à cette situation.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1671. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de ne plus recourir à des mesures d’arrestation et de détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales.
    • b) Le comité demande au gouvernement d’assurer qu’à l’avenir les organisations syndicales soient autorisées à exprimer publiquement leurs opinions sur des questions dépassant le cadre professionnel strict et affectant les travailleurs, telles que les politiques économiques et sociales.
    • c) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé sur l’évolution de la situation liée au licenciement de 56 travailleurs de l’entreprise Netone et de lui communiquer le jugement rendu à cet égard.
    • d) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à Zimpost et à l’entreprise TelOne, et de fournir des informations détaillées sur les motifs de l’arrestation des dirigeants syndicaux et des syndicalistes suivants: M. Sikosana, arrêté à Bulawayo le 11 octobre 2004, et six autres syndicalistes arrêtés à Gweru; MM. Mparutsa, Mereki et Kaditera, arrêtés à Mutare; MM. Marowa, Mhike, Nhanhanga et Chiponda, arrêtés le 6 octobre 2004; MM. Khumalo, Ngulube et Munumo, arrêtés le 11 octobre 2004.
    • e) Le comité demande au gouvernement de lui fournir une copie du jugement rendu contre M. Choko et huit autres syndicalistes suite à leur participation à la manifestation du 18 novembre 2003 à Bulawayo.
    • f) Le comité demande au gouvernement d’autoriser à l’avenir, dans le pays, les missions de soutien mutuel par les organisations de travailleurs des pays voisins et de fonder toute approbation sur des critères objectifs exempts de discrimination antisyndicale.
    • g) Le comité demande au gouvernement d’assurer à l’avenir que les dirigeants syndicaux et les syndicalistes ne fassent pas l’objet d’actes de harcèlement et de mesures d’arrestation pour un simple motif lié à la rencontre avec un syndicat d’un pays voisin.
    • h) Le comité demande au gouvernement de communiquer ses observations sur les recommandations antérieures en suspens, relativement au cas de M. Takaona et de M. Mangezi.
    • i) Réitérant sa profonde inquiétude quant au climat de forte insécurité qui affecte les activités syndicales au Zimbabwe, le comité prie une nouvelle fois le Conseil d’administration d’accorder une attention toute particulière à cette situation.
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