ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport intérimaire - Rapport No. 338, Novembre 2005

Cas no 2384 (Colombie) - Date de la plainte: 03-AOÛT -04 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

  1. 738. La présente plainte figure dans des communications de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) datées des 3 août 2004 et 16 mars 2005 et dans une communication du Syndicat des travailleurs et des employés des services publics autonomes et des instituts décentralisés de Colombie (SINTRAEMSDES) de mai 2005.
  2. 739. Le gouvernement a envoyé ses observations le 2 mai 2005.
  3. 740. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 741. Dans sa communication du 3 août 2004, la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) allègue que l’Association syndicale des employés publics de l’Institut des sports et loisirs de la municipalité de Medellín (ASINDER) a été créée le 28 janvier 2001. Trois jours plus tard, le 31 janvier 2001, en vertu de la loi no 617 de 2000, la municipalité de Medellín a licencié, pour des raisons de rationalisation économique, 54 employés affiliés au syndicat, si bien que ce dernier ne comptait plus que neuf membres, chiffre inférieur au minimum exigé par la législation pour pouvoir exister. D’après l’organisation plaignante, les licenciements ont eu lieu alors que l’immunité syndicale qui protégeait tous les travailleurs en leur qualité de membres fondateurs du syndicat n’avait pas été levée.
  2. 742. L’organisation plaignante ajoute que la restructuration qui a entraîné le licenciement des 54 employés n’a pas été menée dans les règles, les études techniques exigées par la législation n’ayant pas été réalisées. En outre, selon l’organisation plaignante, les employés licenciés ont été remplacés par des travailleurs qui ont signé des contrats de prestation de services, ces travailleurs ne pouvant pas s’affilier à des organisations syndicales en raison de l’absence de relation de travail. Un recours en protection des droits fondamentaux (acción de tutela) contre la décision de licenciement a été formé devant le 20e juge pénal municipal de Medellín, lequel a ordonné la réintégration des employés licenciés, décision qui a été confirmée en deuxième instance. L’Institut des sports et loisirs de la municipalité de Medellín (INDER) a formé un recours contre ladite décision devant le Conseil supérieur, qui a annulé les décisions antérieures. Cependant, l’organisation syndicale et l’autorité judiciaire de deuxième instance ont intenté une action en nullité contre le jugement du Conseil supérieur devant le Conseil de section de la magistrature, qui a prononcé la nullité du jugement, et l’affaire a finalement été classée. Les travailleurs licenciés ont alors intenté une action spéciale en immunité syndicale devant la juridiction ordinaire, qui a rendu une décision défavorable, le juge estimant que les affiliés étaient informés de l’éventuelle suppression de leur poste en vertu de la loi no 617 de 2000 et que la création d’ASINDER et l’adhésion à cette association avaient pour unique objectif de protéger les membres en faisant valoir l’immunité syndicale des fondateurs, ce qui constitue un abus de droit. L’organisation plaignante signale que cette décision a fait l’objet d’un recours en appel, qui est en cours.
  3. 743. Dans sa communication du 16 mars 2005, la CUT allègue le refus d’enregistrer le Syndicat des travailleurs de l’entreprise de communications de Cartagena (SINTRATELECARTAGENA) en application d’un avis juridique formulé par le ministère de la Protection sociale, selon lequel ne peuvent être enregistrés les comités de direction de syndicats exerçant leurs activités auprès d’entités publiques qui sont en liquidation.
  4. 744. Dans sa communication de mai 2005, le Syndicat des travailleurs et des employés des services publics autonomes et des instituts décentralisés de Colombie (SINTRAEMSDES) allègue le licenciement, le 4 août 1997, de M. Rafael León Padilla, président du comité de la sous-direction de Cartagena du syndicat, par les entreprises de services publics du district de Cartagena, qui étaient en liquidation. M. Padilla avait été réélu président le 20 juillet 1997.
  5. 745. M. Padilla ayant saisi les tribunaux pour violation de l’immunité syndicale, le 8e tribunal du travail du circuit de Cartagena a statué qu’il bénéficiait de l’immunité syndicale et lui a accordé des indemnités de licenciement, mais n’a pas ordonné la réintégration puisque l’entreprise était en liquidation. Cependant, l’organisation syndicale signale que certains postes réservés à des employés de confiance ont été maintenus dans l’entreprise. Le jugement rendu en première instance a été annulé par le Tribunal supérieur de justice de Cartagena, qui a rendu une décision encore plus défavorable à M. Padilla, lui refusant l’immunité syndicale, les indemnités correspondantes et la réintégration. Enfin, cette dernière décision a été annulée par la Cour suprême pour vices de forme, ladite cour renvoyant l’affaire devant le tribunal. Finalement, le Tribunal supérieur de district a confirmé le jugement initial du 8e tribunal du travail du circuit de Cartagena et, par conséquent, la demande de réintégration de M. Padilla n’a pas été accueillie. Les recours ultérieurs formés par M. Padilla ont été rejetés.
  6. B. Réponse du gouvernement
  7. 746. Dans sa communication du 2 mai 2005, le gouvernement signale, à propos du licenciement des 54 employés affiliés à ASINDER dans le cadre de la restructuration entreprise par l’Institut des sports et loisirs de la municipalité de Medellín (INDER), que l’application de la loi no 617 relative à la rationalisation des coûts a entraîné la suppression de certains postes, indépendamment du fait que le personnel qui occupait ces postes était ou non membre de cette association. Le gouvernement souligne que c’est l’intérêt général qui prime dans le cadre d’une restructuration: il convient de tenir compte des besoins des entités publiques et d’essayer de garantir la stabilité des travailleurs et, à défaut, de les dédommager. Le gouvernement ajoute qu’avant la restructuration, et en conformité avec l’article 41 de la loi no 443 de 1998, une étude technique avait été menée, laquelle avait démontré la pertinence de ladite restructuration. Le gouvernement joint copie de la décision no 017 du 23 janvier 2001 ordonnant la suppression de certains postes de l’INDER et du procès-verbal des réunions du comité interdisciplinaire qui ont eu lieu les 19, 20, 21 et 26 janvier 2001 dans le but d’examiner l’organigramme de l’INDER et d’en modifier les effectifs. Au cours de ces réunions, le comité a reconnu la nécessité de réduire le personnel, étant donné que le budget prévu pour l’exercice 2001 correspondait au tiers de celui de l’exercice 2000, et qu’en vertu de la loi no 617 de 2000 les entités territoriales doivent être exclusivement financées par leurs recettes ordinaires. Conformément à cette étude, dans le plan définitif de restructuration, ont été pris en compte non seulement les acquis en matière de pension des employés mais également le montant des indemnités à verser aux travailleurs dont les postes seraient supprimés, ainsi qu’un plan de réinsertion dans le marché du travail pour ces travailleurs. Le gouvernement joint également copie du procès-verbal de la réunion du comité consacrée à l’examen des curriculum vitae des fonctionnaires qui occupaient les postes dont certains seraient supprimés; dans ledit procès-verbal figurent les critères pris en compte pour sélectionner les employés qui seraient licenciés. Les postes qui ont été supprimés étaient les plus récents et, à ancienneté égale, les qualifications ont été prises en compte.
  8. 747. Par ailleurs, le gouvernement signale que la signature par une entité publique de contrats de prestation de services est légale et que ces contrats sont habituellement utilisés pour combler un poste vacant en attendant qu’un titulaire soit recruté. Cependant, selon le gouvernement, cette modalité n’a pas été utilisée par l’INDER; en effet, du personnel temporaire a été nommé à des postes différents de ceux qui avaient été supprimés dans le cadre de la restructuration.
  9. 748. S’agissant de l’immunité syndicale, le gouvernement fait remarquer que la jurisprudence tant constitutionnelle qu’ordinaire considère que l’immunité syndicale ne doit pas être utilisée de manière abusive et que la création de l’organisation syndicale était motivée en l’espèce par la recherche de stabilité pour les travailleurs, en évitant la suppression de postes.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 749. Le comité observe que le présent cas concerne les points suivants: 1) le licenciement de 54 membres de l’Association syndicale des employés publics de l’Institut des sports et loisirs de la municipalité de Medellín (ASINDER) trois jours après la constitution du syndicat; 2) le refus d’enregistrer le nouveau comité de direction du Syndicat des travailleurs de l’entreprise de communications de Cartagena (SINTRATELECARTAGENA) du fait que l’entreprise est en liquidation, allégations formulées par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT); 3) les allégations présentées par le Syndicat des travailleurs et des employés des services publics autonomes et des instituts décentralisés de Colombie (SINTRAEMSDES) concernant le licenciement du président du syndicat trois jours après l’inscription du nouveau comité de direction au registre syndical.
  2. 750. S’agissant du licenciement de 54 membres d’ASINDER, alors que l’immunité syndicale qui protégeait tous les membres fondateurs du syndicat n’avait pas été levée, le comité note que d’après les allégations l’organisation syndicale a été constituée le 28 janvier 2001, que le licenciement collectif a eu lieu le 31 janvier 2001, c’est-à-dire trois jours après la constitution du syndicat, alors que la levée de l’immunité syndicale n’avait pas été demandée et que les études techniques exigées par la législation n’avaient pas été réalisées; après le licenciement collectif, l’INDER a engagé de nouveaux travailleurs dans le cadre de contrats de service, avec la conséquence que ces travailleurs n’ont pas le droit de s’affilier à un syndicat.
  3. 751. Le comité note que, d’après le gouvernement, les licenciements étaient justifiés par la nécessité de restructurer l’entité, étant donné que le budget de fonctionnement avait été réduit de deux tiers, indépendamment du fait que les travailleurs licenciés étaient ou non membres d’un syndicat; que ladite restructuration a été décidée en vertu de la loi no 617 de 2000 relative à la rationalisation économique, et qu’avant de procéder au licenciement collectif les études techniques requises ont été réalisées, les indemnités et les programmes de réinsertion des employés licenciés ayant été prévus. Le comité note que le gouvernement conteste avoir engagé par la suite du personnel dans le cadre de contrats de prestation de services, mais qu’il a nommé du personnel temporaire à des postes différents de ceux concernés par la restructuration.
  4. 752. Le comité note également que le recours en protection des droits fondamentaux formé contre les licenciements a donné lieu à une décision de réintégration des travailleurs licenciés, que cette décision a fait l’objet d’un nouveau recours en protection formé par l’INDER et que les deux décisions ont été annulées par le Conseil supérieur de la magistrature. Enfin, le recours en réintégration formé par les employés licenciés devant la juridiction ordinaire a été rejeté; cette dernière décision a fait l’objet d’un recours en appel, qui est en cours. Dans ces circonstances, le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat définitif dudit recours.
  5. 753. Le comité rappelle qu’il ne peut se prononcer sur les allégations concernant les programmes et les mesures de restructuration ou de rationalisation économique, que ceux-ci impliquent ou non des réductions de personnel ou des transferts d’entreprises ou de services du secteur public au secteur privé, que dans la mesure où ils ont donné lieu à des actes d’ingérence ou de discrimination antisyndicale. En tout état de cause, le comité déplore qu’il n’y ait pas eu de consultations ou de tentatives de parvenir à un accord avec les organisations syndicales dans le cadre de la rationalisation et de la réduction du personnel. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 935.] Le comité observe que le gouvernement n’a pas fait état de la tenue de consultations avec l’organisation syndicale concernant la restructuration de l’INDER, et le comité veut croire que le gouvernement veillera à ce que de telles consultations aient lieu dans l’éventualité de restructurations futures.
  6. 754. S’agissant des allégations présentées en mai 2005 concernant le refus d’enregistrer le nouveau comité de direction du Syndicat des travailleurs de l’entreprise de communications de Cartagena (SINTRATELECARTAGENA) parce que l’entreprise est en liquidation, et le licenciement du président du Syndicat des travailleurs et des employés des services publics autonomes et des instituts décentralisés de Colombie (SINTRAEMSDES) trois jours après l’inscription du nouveau comité de direction au registre syndical, le comité regrette que le gouvernement n’ait pas envoyé ses observations à ce sujet et lui demande de le faire sans délai.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 755. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) S’agissant du licenciement allégué de 54 membres de l’Association syndicale des employés publics de l’Institut des sports et loisirs de la municipalité de Medellín (ASINDER) trois jours après la constitution du syndicat et sans levée de l’immunité syndicale, le comité demande au gouvernement de le tenir informé du recours en appel formé contre la décision de la juridiction ordinaire, laquelle a refusé la réintégration des travailleurs licenciés.
    • b) S’agissant du refus d’enregistrer le nouveau comité de direction du Syndicat des travailleurs de l’entreprise de communications de Cartagena (SINTRATELECARTAGENA) du fait que la société est en liquidation, le comité demande au gouvernement d’envoyer sans délai ses observations à ce sujet.
    • c) S’agissant du licenciement allégué du président du Syndicat des travailleurs et des employés des services publics autonomes et des instituts décentralisés de Colombie (SINTRAEMSDES) trois jours après l’inscription du nouveau comité de direction au registre syndical, le comité demande au gouvernement d’envoyer sans délai ses observations à ce sujet.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer