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Rapport définitif - Rapport No. 340, Mars 2006

Cas no 2394 (Nicaragua) - Date de la plainte: 26-OCT. -04 - Clos

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  1. 1159. La plainte figure dans une communication du Syndicat des professionnels de l’enseignement supérieur «Ervin Abarca Jimenes» (SIPRES-UNI, ATD) datée du 26 octobre 2004.
  2. 1160. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées des 16 février et 2 mars 2006.
  3. 1161. Le Nicaragua a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 1162. Dans sa communication du 26 octobre 2004, le Syndicat des professionnels de l’enseignement supérieur «Ervin Abarca Jimenes» (SIPRES-UNI, ATD) allègue que le 4 février 2003, alors qu’il était réuni sur convocation du bureau exécutif du syndicat, il a été procédé à l’élection du nouveau bureau exécutif en présence d’un inspecteur du travail qui a pu témoigner de l’authenticité de l’acte établi, par lequel ont été élus pour la période du 5 mars 2003 au 4 mars 2004: MM. Julio Noel Canales, secrétaire général et représentant légal; Jorge Guevara Balladares, secrétaire de l’organisation; Elías Martínez Rayo, secrétaire aux affaires sociales; Héctor Doña Miranda, secrétaire aux finances; Ervin Lezcano Carcache, secrétaire aux affaires académiques; et Richard Zamora Navarro, secrétaire à la culture. Le 7 février 2003, la demande d’inscription du nouveau bureau exécutif a été déposée à la direction des associations syndicales du ministère du Travail. Le 4 mars 2003, cette dernière a estimé qu’il n’y avait pas lieu de répondre à la demande du syndicat, en désaccord total avec les textes en vigueur.
  2. 1163. Devant ce refus, un recours a été porté devant l’Inspecteur général du travail le 4 mars 2003, et le lendemain celui-ci, par décision no 051-03, a déclaré recevable le recours intenté, et ordonné à la direction des associations syndicales de procéder à l’inscription du nouveau bureau exécutif.
  3. 1164. L’organisation plaignante ajoute que, lorsque le 6 mars 2003 le secrétaire général du syndicat s’est présenté devant la direction des associations syndicales pour demander qu’on lui établisse l’attestation d’inscription du changement du bureau exécutif, ordonnée par l’Inspecteur général du travail, le directeur des associations syndicales a refusé de le faire, disant littéralement qu’il ne reconnaissait pas la décision de l’Inspecteur général du travail, que l’on était dans une total illégalité, et a aussi refusé de rédiger une résolution en ce sens.
  4. 1165. L’organisation plaignante indique que ce refus a été signalé aux autorités supérieures du directeur des associations syndicales, à savoir le directeur des relations de travail du ministère du Travail, le ministre du Travail et le Président de la République, qui ont ignoré les demandes déposées par le syndicat.
  5. 1166. Enfin, l’organisation plaignante souligne que le refus d’inscrire le changement de bureau exécutif a privé le syndicat de la possibilité de négocier des revalorisations salariales en 2003 et 2004 ainsi qu’une demande d’aménagement de la convention collective qui avait été introduite depuis janvier 2002; par ailleurs, les représentants syndicaux devant les instances collégiales de l’Université nationale d’ingénierie en ont été expulsés du fait qu’ils ne possédaient pas l’attestation que la direction des associations syndicales devait leur fournir. L’organisation plaignante produit en annexe une lettre du ministre du Travail du 24 août 2004, adressée à la Commission permanente des droits de l’homme, dans laquelle celui-ci impute le refus d’inscription du nouveau bureau à un problème intersyndical; est jointe aussi la décision de l’Inspecteur général du travail du 7 février 2003, dans laquelle celui-ci se prononce sur le recours présenté par l’organisation plaignante.
  6. B. Réponse du gouvernement
  7. 1167. Dans ses communications des 16 février et 2 mars 2006, le gouvernement indique que le conflit auquel il est fait référence a trait à la demande de renouvellement de l’enregistrement du bureau exécutif du syndicat «Ervin Abarca Jimenes» présentée par M. Julio Noel Canales devant le bureau d’enregistrement des associations syndicales du ministère du Travail, étant donné que le mandat du bureau exécutif est arrivé à échéance le 4 septembre 2002 et qu’un autre groupe de travailleurs de la même organisation a décidé de se réunir en assemblée générale et d’élire un nouveau bureau exécutif différent de celui de M. Canales.
  8. 1168. Selon le gouvernement, les plaignants reconnaissent expressément que pendant toute cette affaire leurs droits ont été respectés et qu’ils ont bénéficié de recours effectifs et appropriés. Néanmoins, le fait que de tels recours existent ne suppose pas nécessairement que la décision judiciaire ou administrative soit favorable aux requérants. Ces derniers admettent que les différentes formations, cour d’appel et juridictions pénales, ont rejeté leurs requêtes dans certains cas, alors que d’autres sont encore en instance. Le ministère du Travail considère que tant les organes juridictionnels qu’administratifs ont agi conformément aux lois nationales.
  9. 1169. La législation nationale reconnaît les organisations syndicales comme toute autre association de travailleurs ou d’employeurs aux fins de leur représentation et de la défense de leurs intérêts respectifs. Les Etats ont la faculté d’établir dans la législation les formalités nécessaires au fonctionnement normal des organisations. Par conséquent, les formalités prescrites dans la réglementation relative à la constitution et au fonctionnement des organisations de travailleurs sont compatibles avec le droit de libre association, à la condition que ses dispositions n’entravent pas le plein exercice du droit d’association et de négociation collective.
  10. 1170. La constitution de syndicats n’exige pas d’autorisation préalable et le bureau d’enregistrement des associations syndicales leur octroie la personnalité juridique. L’enregistrement est facultatif et n’interfère pas dans la formation d’un syndicat. Il renforce le bénéfice des droits élémentaires d’association, y compris lorsqu’il n’est pas consenti à l’enregistrement. Ainsi le bureau d’enregistrement des associations syndicales s’opposera à l’enregistrement dans les cas suivants:
  11. a) si les objectifs du syndicat ne sont pas conformes aux dispositions du Code du travail;
  12. b) si le syndicat ne compte pas le nombre de membres fixé par la loi;
  13. c) s’il est apporté la preuve que les signatures ont été falsifiées ou que les personnes enregistrées n’existent pas.
  14. 1171. Ces conditions n’ont pas un caractère péremptoire et peuvent être réunies a posteriori par les organisations, auquel cas le bureau procédera à l’enregistrement conformément à la loi. En cas de refus, les intéressés pourront faire appel de la décision et pourront former un recours en protection (amparo).
  15. 1172. L’existence de deux prétendus bureaux exécutifs d’un même syndicat est à l’origine de toute une série d’actions dans différents domaines: dans le domaine administratif, devant la direction des associations syndicales, la direction générale des relations professionnelles, l’Inspection départementale du travail et l’Inspection générale du travail; et, dans le domaine judiciaire, devant les juridictions du travail, pénales et civiles, ainsi qu’en appel. Cette situation a engendré des conflits de compétence, dans la mesure où les autorités administratives ne peuvent intervenir dans les affaires purement juridictionnelles et doivent, le cas échéant, appliquer les décisions des tribunaux. Dès lors, les revendications exprimées tiennent plus à un problème interne à la direction des associations syndicales du ministère du Travail qu’à d’éventuels manquements ou négligences de la part du gouvernement, contrairement à ce que laisse entendre le plaignant.
  16. 1173. Le gouvernement indique que, dans son jugement du 10 octobre 2002, la deuxième juge du district de la circonscription de Managua a enjoint la direction des associations syndicales du ministère du Travail de se dessaisir du dossier concernant le syndicat «Ervin Abarca Jimenes» et de lui remettre toutes les pièces concernant l’organisation syndicale. Désormais toute démarche entamée par le plaignant sera considérée nulle et non avenue en application de la décision de justice rendue par la juge Olga María Brenes. Finalement, le gouvernement communique un rapport, daté du 6 décembre 2005, rédigé par la Direction des associations syndicales du ministère du Travail, rapport relatant tous les incidents de procédure, jugements et pourvois. Le rapport conclut que, le 20 septembre 2005, M. Noel Canales a demandé à la Direction des associations syndicales d’enregistrer le comité exécutif de son organisation, conformément à la décision no 051-03 rendue par l’Inspection générale du travail; des copies des dossiers officiels et du jugement daté du 25 août 2005 du Tribunal civil (première chambre) de Managua sont annexées à la communication du gouvernement.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1174. Le comité observe que, dans le cas présent, le syndicat plaignant prend acte du refus de la direction des associations syndicales de procéder à l’inscription du bureau exécutif élu en février 2003 pour une période d’un an, et de lui en donner l’attestation correspondante bien que, par une résolution datée du 5 mars 2003, l’Inspecteur général du travail en ait ordonné l’inscription. Le comité souligne que la plainte de l’organisation plaignante étant datée du 26 octobre 2004, les problèmes soulevés dans celle-ci se réfèrent à des situations antérieures qui ne prévalent plus.
  2. 1175. Le comité prend note des observations du gouvernement selon lesquelles la plainte procède d’un conflit intersyndical au sein du syndicat «Ervin Abarca Jimenes» et que les autorités judiciaires, en date du 10 octobre 2002, c’est-à-dire avant que ne se produisent les faits énoncés dans la présente plainte, ont enjoint la direction des associations syndicales du ministère du Travail de se dessaisir du dossier concernant le syndicat et de lui remettre toutes les pièces concernant l’organisation syndicale. Le comité note à cet égard que les tribunaux ont statué en août 2005 en faveur de l’organisation plaignante.
  3. 1176. Le comité souhaite se référer à une partie des annexes qui permet d’avoir des éléments supplémentaires. Particulièrement, en ce qui concerne la décision de l’Inspecteur général du travail du 7 février 2003, il ressort qu’à cette époque il y avait une procédure judiciaire en cours par laquelle on demandait à l’autorité judiciaire la nullité de l’élection du bureau. Par ailleurs, une lettre du ministre du Travail datée du 24 août 2004 atteste l’existence d’un problème intersyndical depuis 2002.
  4. 1177. Dans ces circonstances, le comité signale à l’attention du gouvernement le principe selon lequel, afin d’éviter le danger d’une limitation sérieuse au droit des travailleurs d’élire leurs représentants en toute liberté, les recours introduits devant les tribunaux par les autorités administratives contre les résultats des élections syndicales ne devraient pas – dans l’attente du résultat définitif des procédures judiciaires – paralyser le fonctionnement des organisations syndicales. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 406.] Dans ce sens, le comité déplore que la direction des associations syndicales du ministère du Travail n’ait pas exécuté la décision en appel de l’Inspection générale du travail du 7 février 2003, ordonnant de procéder à l’enregistrement du bureau exécutif du syndicat plaignant; il déplore de même que la direction des associations syndicales n’ait pas établi l’attestation correspondante, empêchant ainsi le syndicat plaignant de pouvoir défendre les intérêts de ses adhérents, notamment par le recours à la négociation collective. Le comité regrette les retards administratifs qui sont intervenus dans la présente affaire et prie le gouvernement d’exécuter la décision judiciaire du 25 août 2005, mentionnée par le gouvernement lui-même, qui ordonnait l’enregistrement du comité exécutif de l’organisation de M. Julio Noel Canales. Le comité demande instamment au gouvernement de garantir pleinement à l’avenir le droit des organisations de travailleurs à choisir librement leurs représentants, conformément à l’article 3 de la convention no 87, et de respecter le principe mentionné ci-dessus.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1178. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité déplore que la direction des associations syndicales du ministère du Travail n’ait pas exécuté la décision en appel de l’Inspection générale du travail du 7 février 2003 ordonnant de procéder à l’enregistrement du bureau exécutif du syndicat plaignant; il déplore de même que la direction des associations syndicales n’ait pas établi l’attestation correspondante, empêchant ainsi le syndicat plaignant de pouvoir défendre les intérêts de ses adhérents, notamment par le recours à la négociation collective. Le comité regrette les retards administratifs intervenus dans ce cas et prie le gouvernement d’exécuter la décision judiciaire du 25 août 2005, mentionnée par le gouvernement, ordonnant l’enregistrement du comité exécutif de M. Julio Noel Canales.
    • b) Le comité demande instamment au gouvernement de garantir pleinement à l’avenir le droit des organisations de travailleurs à choisir librement leurs représentants, conformément à l’article 3 de la convention no 87; de même le comité demande au gouvernement de garantir le principe selon lequel, «afin d’éviter le danger d’une limitation sérieuse au droit des travailleurs d’élire leurs représentants en toute liberté, les recours introduits devant les tribunaux par les autorités administratives contre le résultat des élections syndicales ne devraient pas – dans l’attente du résultat définitif des procédures judiciaires – paralyser le fonctionnement des organisations syndicales».
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