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Rapport définitif - Rapport No. 342, Juin 2006

Cas no 2420 (Argentine) - Date de la plainte: 12-AVR. -05 - Clos

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  1. 207. La plainte figure dans une communication du Congrès des travailleurs argentins (CTA) et de l’Association des enseignants de Santa Fe (AMSAFE) datée du 12 avril 2005.
  2. 208. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 10 mai 2006.
  3. 209. L’Argentine a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 210. Dans leur communication du 12 avril 2005, le Congrès des travailleurs argentins (CTA) et l’Association des enseignants de Santa Fe (AMSAFE) contestent la décision administrative no 33 du 17 mars 2005, adoptée par le sous-secrétariat du Travail de la province de Santa Fe qui dispose, dans sa partie résolutive, de:
  2. ARTICLE 1: Soumettre le conflit soulevé entre l’Association des enseignants de Santa Fe (AMSAFE) et le ministère de l’Education de la province à la procédure de conciliation obligatoire prévue aux articles 14 sq. de la loi provinciale no 10.468 et ceux s’y rapportant.
  3. ARTICLE 2: Contraindre les parties, dès la notification de cette décision, à revenir à la situation antérieure au conflit obligeant, d’une part, les travailleurs – quel que soit leur degré de représentation et/ou d’affiliation à l’Association des enseignants de Santa Fe (AMSAFE) – à reprendre leur travail et à poursuivre leurs activités habituelles, sans les interrompre tant que la procédure de conciliation obligatoire est en cours; et exigeant, d’autre part, que l’employeur maintienne inchangées les conditions professionnelles de ses employés antérieures au déclenchement du conflit, le tout conformément aux dispositions de la loi provinciale no 10.468.
  4. ARTICLE 3: Convoquer les parties à l’audience de conciliation, qui se tiendra le 21 mars 2005, à 11 heures, au siège du secrétariat d’Etat du Travail et de la Sécurité sociale de la province, situé au 3051 de la rue Rivadavia PA de la ville de Santa Fe.
  5. 211. L’organisation plaignante informe que le conflit est survenu suite au refus de la part du gouvernement de la province de Santa Fe de procéder à l’augmentation salariale de l’ensemble des employés de l’enseignement dépendant de l’Etat de Santa Fe qui, selon la Constitution, est responsable de garantir l’éducation sur l’ensemble de son territoire. L’éducation publique compte environ 30 000 employés sur tout le territoire provincial, parmi lesquels 6 000 sont rattachés à la section locale de Rosario du syndicat AMSAFE. Le gouvernement provincial a voulu imposer de façon unilatérale – par le décret no 288/05 – une augmentation salariale annuelle unique d’une somme dérisoire de 100 pesos argentins, et qui plus est sans donner à cette augmentation le caractère de rémunération, ni de bonification, et en la soumettant à condition. Face à la politique menée par le gouvernement provincial, l’AMSAFE a décidé, lors de son assemblée générale du 24 février 2005, grâce au vote favorable de plus de 25 000 de ses adhérents, que la reprise des cours serait suspendue par une grève de 72 heures les 1er, 2 et 3 mars 2005, reconduite les 7, 8 et 9 mars, et que, dans le cas où elle n’obtiendrait pas satisfaction à ses revendications, celle-ci serait à nouveau reconduite toutes les semaines, selon les mêmes modalités, à chaque fois pendant 72 heures. Au total, la grève aura duré 11 jours, le travail ayant également été suspendu les 15, 16, 17, 21 et 22 mars 2005, tandis que le 23 mars la grève prévue a été annulée après que le syndicat se fut plié à la condition obligatoire et à la levée des mesures d’action directe, tout en remettant en cause la légitimité de la mesure.
  6. 212. Les organisations plaignantes soulignent que la décision remise en question constitue une entrave au droit de grève. En effet, celle-ci a pour objectif d’interrompre la grève en cours pour lui faire perdre toute son efficacité au profit de la partie patronale, étant donné que celui qui décide de la levée de la mesure fait partie intégrante du gouvernement employeur et ne dispose, par conséquent, d’aucune indépendance fonctionnelle.
  7. 213. Enfin, les organisations plaignantes signalent que le 12 avril 2005 l’assemblée de l’AMSAFE a décidé d’accepter la proposition du gouvernement présentée au bureau de coordination, ce qui a eu pour effet de suspendre le mouvement de protestation voté en février. Les organisations préviennent que le différend se poursuit avec un risque de dérive conflictuelle.
  8. B. Réponse du gouvernement
  9. 214. Dans sa communication du 10 mai 2006, le gouvernement déclare que, en raison d’un conflit collectif portant sur une augmentation salariale, la Centrale syndicale des enseignants a décidé de déclencher des arrêts de travail au début de l’année scolaire 2005, soit une grève de 72 heures du 1er au 3 mars, puis du 7 au 9 mars, qui s’est poursuivie, après une interruption d’une semaine, les 15, 16, 17, 20 et 21 mars, puis de façon continue à raison de grèves hebdomadaires de 72 heures, jusqu’au règlement des revendications salariales. Au vu de la situation, la secrétaire adjointe du travail de Santa Fe a pris le décret no 33, imposant la conciliation obligatoire, ordonnant aux parties d’en revenir aux conditions prévalant avant le différend et aux travailleurs de reprendre leurs fonctions jusqu’au terme de la conciliation. Le différend se poursuivant, l’administration provinciale a pris le décret no 35, prorogeant la phase de conciliation obligatoire imposée par le décret no 33/05, afin que les parties poursuivent le dialogue à la table de négociation et trouvent une issue négociée au différend. Le 13 avril 2005, l’Association des enseignants de Santa Fe (AMSAFE) a décidé d’accepter les propositions salariales des représentants du gouvernement provincial, ce qui a mis fin au différend et au processus de conciliation obligatoire. Dans ces conditions, toutes les procédures en instance ont été classées.
  10. 215. S’agissant des allégations contestant l’imposition de la conciliation obligatoire à l’initiative de l’administration provinciale, parce qu’elle n’est pas un organe indépendant, le gouvernement déclare que, compte tenu du résultat final (un accord entre les parties) et du bon déroulement des négociations (respect mutuel et dialogue social), tout indique que l’intervention du gouvernement a fait avancer la liberté syndicale et a permis la prise en compte des différents intérêts, comme prévu à l’article 8, paragraphe 2, de la convention no 87. En réalité, la décision de la secrétaire du travail n’a jamais menacé ni n’a été appliquée de façon à violer les garanties prévues dans cet instrument international. Dans les faits, l’administration est intervenue pour favoriser un rapprochement des parties, qui ont accepté des concessions réciproques et sont parvenues à un accord mettant fin au différend.
  11. 216. Le gouvernement déclare que la principale raison ayant motivé l’imposition de la conciliation était la nécessité de maintenir ouvertes les écoles, où fonctionnent des cantines scolaires. Il était donc urgent d’assurer des normes minimales de fonctionnement, tout en prenant les précautions voulues compte tenu du différend en cours (des arrêts de travail se sont produits durant la période de conciliation obligatoire). Les explications données par le gouvernement et les faits ayant donné lieu aux procédures démontrent la fausseté des allégations selon lesquelles l’administration aurait adopté une quelconque attitude visant à déstabiliser le mouvement de pression.
  12. 217. Le gouvernement déclare qu’en l’espèce on ne peut faire abstraction du fait que le différend s’est déroulé deux ans après la pire catastrophe hydrique dans l’histoire argentine du dernier siècle, soit le débordement du Río Salado le 29 mars 2003, qui a entraîné de graves conséquences pour le réseau éducatif dans plusieurs localités de Santa Fe: a) établissements d’enseignement détruits ou inondés; b) pourcentage énorme d’étudiants et de professeurs dans l’incapacité de rejoindre les établissements d’enseignement public parce qu’ils étaient eux-mêmes victimes de la catastrophe; c) plus de 80 pour cent des établissements d’enseignement de Santa Fe et des villes touchées par la catastrophe ont dû se convertir en centres d’accueil d’urgence pour les milliers de personnes ayant perdu leur domicile et leurs effets personnels dans l’inondation. Le déroulement des classes a été perturbé durant soixante jours en 2003. Il ne s’agit donc pas seulement d’une question syndicale, mais plutôt d’un véritable problème social parce que les enfants des zones les plus touchées ainsi que les enseignants ont dû participer aux opérations de lutte contre la catastrophe. Le gouvernement rappelle enfin que cette catastrophe fut précédée par la banqueroute de 2001, dont les conséquences sont bien connues de la communauté internationale. Cela étant, une fermeture des classes aurait eu des conséquences beaucoup plus graves pour la collectivité de cette province que dans d’autres parties du pays, en ce qu’elle mettait en péril la santé, la sécurité et la vie des étudiants. En résumé, compte tenu du contexte de crise économique et de désastre naturel, l’intervention des autorités provinciales n’a en aucune façon constitué une ingérence dans l’autonomie et l’indépendance collectives.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 218. Le comité observe que, dans leur plainte, le Congrès des travailleurs argentins (CTA) et l’Association des enseignants de Santa Fe (AMSAFE) contestent la décision administrative no 33, adoptée par le sous-secrétariat du Travail de la province de Santa Fe (annexée par les plaignants) où il a été décidé de: «soumettre le conflit entre l’AMSAFE et le ministère de l’Education de la province à une procédure de conciliation obligatoire, tel que le prévoit l’article 14 de la loi provinciale no 10.468», et de sommer les travailleurs en grève à reprendre leur travail et à poursuivre leurs activités normales, sans les interrompre tant que la démarche de conciliation obligatoire se poursuit. Par ailleurs, le comité note que les organisations plaignantes critiquent aussi le fait que la décision administrative en question ait été adoptée par le gouvernement provincial en tant qu’employeur, alors que celui-ci ne dispose d’aucun degré d’indépendance.
  2. 219. Le comité note que le gouvernement invoque les éléments suivants: 1) compte tenu du résultat final (un accord entre les parties) et du déroulement des négociations (respect mutuel et dialogue social), tout indique que l’intervention du gouvernement a fait avancer la liberté syndicale et a permis la prise en compte des différents intérêts; 2) la décision de la secrétaire adjointe du travail n’a jamais menacé ni n’a été appliquée de façon à violer les garanties prévues dans cet instrument international; l’administration est intervenue pour rapprocher les parties, qui ont accepté des concessions réciproques et sont parvenues à un accord; 3) la principale raison ayant motivé l’imposition de la conciliation était la nécessité de maintenir ouvertes les écoles, où fonctionnent des cantines scolaires; 4) le différend est survenu deux ans après une inondation dramatique dans la province de Santa Fe, qui a entraîné de graves conséquences pour le réseau éducatif (établissements d’enseignement détruits ou inondés; étudiants dans l’incapacité de rejoindre les établissements, etc.), catastrophe venant se greffer sur la crise financière de 2001, de telle sorte qu’une fermeture des classes aurait eu des conséquences beaucoup plus graves pour la collectivité de cette province que dans d’autres parties du pays.
  3. 220. D’autre part, le comité note que l’AMSAFE informe qu’elle a décidé d’accepter la proposition du gouvernement présentée au bureau de coordination, et qu’elle a suspendu son mouvement de protestation voté en février 2005. Le comité conclut que le conflit à l’origine de la plainte est terminé.
  4. 221. A ce propos, le comité rappelle qu’il a déjà eu l’opportunité, à d’autres occasions, de se prononcer sur des plaintes déposées contre le gouvernement argentin en rapport avec la convocation de l’instance de conciliation obligatoire par les autorités dans le secteur public. Il s’en remet, par conséquent, aux conclusions formulées à cette occasion, à savoir que: «le comité souligne qu’il serait souhaitable que la décision d’engager une procédure de conciliation dans les conflits collectifs procède d’un organe indépendant des parties au conflit». [Voir 336e rapport, cas no 2369, paragr. 212; et 338e rapport, cas no 2377, paragr. 403.] Aussi, le comité demande au gouvernement que, au vu de ces éléments, il adapte les législations concernées et la pratique aux conventions nos 87 et 98.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 222. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité rappelle qu’il serait souhaitable que la décision d’engager une procédure de conciliation dans les conflits collectifs procède d’un organe indépendant des parties au conflit, et demande par conséquent au gouvernement de mettre la législation et la pratique en conformité avec les conventions nos 87 et 98.
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