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Rapport intérimaire - Rapport No. 344, Mars 2007

Cas no 2476 (Cameroun) - Date de la plainte: 03-FÉVR.-06 - Clos

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  1. 440. La plainte figure dans une communication du 3 février 2006. L’organisation plaignante a fourni des informations complémentaires dans des communications datées des 24 avril et 26 mai 2006. Le gouvernement a fourni ses observations dans des communications datées des 9 mai et 24 août 2006.
  2. 441. Le Cameroun a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 442. Par communication du 3 février 2006, l’Union des syndicats libres du Cameroun (USLC) allègue, par la voix de son secrétaire général M. Mbom Mefe, que l’USLC fait l’objet d’actes d’ingérence de la part du ministre du Travail et de la Sécurité sociale.
  2. 443. L’organisation plaignante indique qu’un conflit de compétences s’est déclaré à la suite de l’élection, en décembre 2002, de M. Mbom Mefe en qualité de secrétaire général et qu’il est reproché au président confédéral, M. Flaubert Moussole, d’avoir falsifié les statuts de l’organisation et mis en place un nouveau bureau fantoche sous l’aval du ministre du Travail et de la Sécurité sociale. Les membres du bureau exécutif ainsi lésés ont saisi les tribunaux – l’organisation plaignante communique en pièces jointes une plainte datée du 25 juillet 2005 contre le président confédéral, pour falsification de documents, abus de biens sociaux, abus de confiance aggravé et détournement de fonds syndicaux, ainsi que le certificat d’enrôlement de l’affaire concernant la régularité du congrès extraordinaire des 25, 26 et 27 août 2005 ayant abouti à la formation du nouveau bureau.
  3. 444. L’organisation plaignante relève que les services du ministère du Travail et de la Sécurité sociale nient avoir été saisis d’aucune protestation s’agissant des questions précitées et souligne à cet égard l’existence au sein du ministère d’un réseau chargé de retirer toutes les correspondances mettant en exergue les exactions du président confédéral.
  4. 445. Par ailleurs, l’organisation plaignante allègue qu’au Cameroun la désignation des représentants syndicaux aux conférences nationales et internationales s’effectue sans concertation avec les organisations faîtières, ce qui atteste là encore l’ingérence du ministre du Travail et de la Sécurité sociale qui, au mépris des règles de consultation des organisations représentatives, a autorisé le président confédéral à faire partie de la délégation du Cameroun à la Conférence internationale du Travail (CIT) de juin 2005.
  5. 446. Dans une communication du 24 avril 2006, l’organisation plaignante a fait parvenir un constat d’huissier établi le 12 avril 2006 après la fermeture des locaux syndicaux de l’USLC par le sous-préfet de Yaoundé 1er accompagné de membres des forces de police. Cet acte aurait eu lieu sans notification d’aucune décision judiciaire ou administrative.
  6. 447. Dans sa communication du 26 mai 2006, l’organisation plaignante conteste les conditions de la nomination du président confédéral, M. Flaubert Moussole, dénonce sa mauvaise gestion des fonds syndicaux pour laquelle un audit est en cours, et réitère les allégations relatives à la falsification des statuts.
  7. 448. L’organisation plaignante demande au Comité de déclarer le gouvernement responsable d’actes d’ingérence dans ses activités syndicales et de l’enjoindre de prendre les mesures qui s’imposent pour rétablir la jouissance des locaux syndicaux de l’organisation.
  8. B. Réponse du gouvernement
  9. 449. Dans sa communication du 9 mai 2006, le gouvernement considère que les allégations relatives au présent cas s’inscrivent dans un environnement syndical marqué par des conflits de leadership, tant au niveau confédéral qu’à celui des organisations de base. Selon le gouvernement, les manifestations de ce conflit ont presque toujours les mêmes causes: les fins de mandat, parce que les dirigeants en poste ont peur de se faire remplacer et refusent par là même d’organiser les congrès ainsi que la gestion des cotisations et des aides financières.
  10. 450. Dans la présente affaire, le gouvernement déclare que, à la suite du Congrès extraordinaire de l’USLC qui s’est tenu à Yaoundé les 28 et 29 mars 2002, M. Flaubert Moussole a été élu en qualité de président confédéral, et M. Mbom Mefe a été élu au poste de secrétaire confédéral chargé de la formation et de l’éducation ouvrière, pour un mandat de cinq ans.
  11. 451. D’après le gouvernement, M. Mefe n’a eu cesse de soupçonner M. Moussole d’avoir usé de supercheries auprès du greffier et obtenu frauduleusement le certificat d’enregistrement de l’USLC sur la base d’un statut falsifié et contraire à la législation en vigueur. Le gouvernement déclare que, alors que M. Moussole se trouvait à Genève pour participer aux travaux de la CIT de 2005, ce dernier a été destitué par M. Mefe qui est ainsi devenu président confédéral cumulativement avec ses fonctions de secrétaire général.
  12. 452. Revenu de la Conférence, M. Moussole a convoqué un congrès extraordinaire les 25, 26 et 27 août 2005, avec comme seul point à l’ordre du jour l’élection des membres du comité confédéral. A l’issue du congrès auquel a assisté le ministère du Travail et de la Sécurité sociale en qualité d’observateur, M. Flaubert Moussole a été réélu président confédéral et M. André Jules Mousseni a été élu secrétaire général en lieu et place de M. Mbom Mefe, pour une durée de cinq ans.
  13. 453. Le gouvernement estime que M. Mefe méconnaît le bureau issu de ce congrès, alors qu’il ne fait pour sa part que prendre acte du verdict des urnes.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 454. Le comité note que la présente affaire porte sur des allégations d’ingérence des autorités publiques dans les activités syndicales au profit de certaines personnes et factions au sein de l’USLC, y compris en ce qui concerne la désignation des représentants syndicaux aux conférences nationales et internationales, qui s’effectue sans concertation avec les organisations faîtières.
  2. 455. S’agissant des dissensions internes au sein de l’Union syndicale, le comité rappelle qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur les conflits internes à une organisation syndicale, sauf si le gouvernement est intervenu d’une manière qui pourrait affecter l’exercice des droits syndicaux et le fonctionnement normal d’une organisation, et que l’intervention de la justice peut permettre de clarifier la situation du point de vue juridique et de normaliser la gestion et la représentation de l’organisation en cause. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1114 et 1116.]
  3. 456. Le comité note en l’occurrence que M. Mbom Mefe conteste la légitimité du nouveau bureau exécutif choisi, selon lui, lors d’un «conseil – congrès extraordinaire» convoqué en violation des règles de l’organisation et sous l’aval du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Le gouvernement considère pour sa part que le congrès en question s’est tenu à la suite de la tentative de destitution du président confédéral par le secrétaire général de l’organisation, M. Mefe, et que ce dernier y a été régulièrement destitué et remplacé à la tête de l’organisation.
  4. 457. Le comité note également qu’aucune décision de justice n’a encore été rendue sur la régularité du congrès extraordinaire des 25, 26 et 27 août 2005, la destitution de M. Mefe et le bien-fondé éventuel des accusations de malversations financières portées contre le président confédéral. Le comité s’attend que la procédure judiciaire en cours depuis 2005 aboutira prochainement et prie le gouvernement de lui faire parvenir copie de tout jugement qui sera rendu en la matière. De plus, en raison des informations contradictoires contenues dans les communications de l’organisation plaignante et du gouvernement, le comité invite le gouvernement à accepter une mission de contacts directs pour clarifier la situation.
  5. 458. En ce qui concerne les allégations relatives à la fermeture des locaux syndicaux, le comité regrette l’absence d’observations du gouvernement sur cette question et considère, si ces allégations sont avérées, qu’elles constituent une ingérence grave des autorités dans les activités syndicales. Le comité signale à l’attention du gouvernement que la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 54e session (1970), énonce que le droit à une protection adéquate des biens des syndicats constitue l’une des libertés civiles essentielles à l’exercice normal des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 189.] Le comité demande au gouvernement de faire part de ses observations à ce sujet au plus tôt et le prie d’indiquer quels étaient les motifs concrets de cette intervention des autorités publiques et si elle a eu lieu sur mandat judiciaire.
  6. 459. S’agissant des allégations relatives à la désignation des représentants des travailleurs à la Conférence, le comité regrette à nouveau l’absence d’observations du gouvernement sur ce point. Tout en rappelant que la question de la représentation à la Conférence relève de la compétence de la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence, le comité réaffirme l’importance particulière qu’il attache au droit des représentants des organisations de travailleurs comme à celui des organisations d’employeurs d’assister et de participer aux réunions de l’OIT. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 766.]

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 460. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) S’agissant de la régularité du congrès extraordinaire des 25, 26 et 27 août 2005 et du bien-fondé éventuel des accusations de malversations financières portées contre le président confédéral, le comité espère que la procédure judiciaire en cours depuis 2005 aboutira prochainement et prie le gouvernement de lui faire parvenir copie de tout jugement qui sera rendu en la matière. En raison des informations contradictoires contenues dans les communications de l’organisation plaignante et du gouvernement, le comité invite le gouvernement à accepter une mission de contacts directs pour clarifier la situation.
    • b) Le comité demande au gouvernement de faire part au plus tôt de ses observations au sujet des allégations relatives à la fermeture des locaux syndicaux de l’USLC. Le comité prie le gouvernement d’indiquer quels étaient les motifs concrets de cette intervention des autorités publiques et si elle a eu lieu sur mandat judiciaire.
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