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Rapport intérimaire - Rapport No. 344, Mars 2007

Cas no 2493 (Colombie) - Date de la plainte: 23-MAI -06 - Clos

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  1. 845. La présente plainte figure dans une communication du 23 mai 2006 du Syndicat national des travailleurs de La Previsora S.A. Compañía de Seguros (SINTRAPREVI).
  2. 846. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication du 26 octobre 2006.
  3. 847. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 848. Dans sa communication du 23 mai 2006, le Syndicat national des travailleurs de La Previsora S.A. Compañía de Seguros (SINTRAPREVI) allègue d’actes de discrimination antisyndicale au sein de la Compagnie d’assurances La Previsora S.A. puisque le salaire des 577 travailleurs cadres affiliés à l’organisation syndicale n’a pas été augmenté depuis janvier 2003. Pourtant, selon l’organisation syndicale, les travailleurs cadres de rang supérieur de l’entreprise ont reçu une augmentation de salaire allant de 3,5 à 4,8 pour cent. L’organisation plaignante ajoute que les actions administratives et judiciaires introduites se sont soldées par un résultat négatif. De plus, l’entreprise a présenté sept cahiers de contre-propositions [«contrapliegos»] dans l’objectif de porter atteinte au régime conventionnel en vigueur.
  2. 849. D’autre part, le 29 juin 2005, l’entreprise a convenu d’adopter un «Plan volontaire de bénéfices» dans le but de provoquer la désaffiliation massive des travailleurs. Selon l’organisation plaignante, l’entreprise a déjà été sanctionnée par la Cour constitutionnelle pour des pratiques semblables. Le 6 juillet, le Plan volontaire de bénéfices a été adopté et, au cours des mois de janvier et février 2006, les dirigeants de La Previsora S.A. ont favorisé la signature d’un pacte collectif incitant les employés à renoncer, pour ce plan, à l’organisation syndicale.
  3. 850. Pour finir, l’organisation syndicale a présenté des allégations selon lesquelles, le 18 mai 2006, 114 fonctionnaires et travailleurs cadres de l’entreprise se sont vu notifier la perte des avantages économiques mis en place dans le «Statut du dirigeant» partiellement annulé le 16 février 2006 par la deuxième section, sous-section A, de la Chambre du contentieux administratif du Conseil d’Etat.
  4. B. Réponse du gouvernement
  5. 851. Dans sa communication du 26 octobre 2006, le gouvernement signale que, en relation avec l’augmentation de salaire, l’organisation syndicale a interjeté un recours en amparo pour obtenir une telle augmentation, qui n’a pas été obtenue en première et deuxième instances aux motifs suivants:
  6. Par conséquent, on ne saurait affirmer que, s’agissant de travailleurs de la même entreprise, dont certains ont reçu des augmentations alors que d’autres n’en ont pas reçu, ils sont en situation d’inégalité puisque les requérants sont des travailleurs cadres régis par la loi no 6 de 1945, son décret réglementaire no 2127 de la même année et la convention collective, étant donné que les dirigeants, comme les appelle la requérante, sont des employés du secteur public nommés par décret, dont le salaire a été fixé en 2005 conformément au décret no 926 du 30 mars de cette même année.
  7. De sorte que si, dans le cas sub examine, les acteurs estiment, de leur point de vue personnel, qu’ils se trouvent en position d’inégalité et que l’on porte atteinte à d’autres de leurs droits, étant donné qu’il s’agit d’une situation ayant sa source dans la convention collective professionnelle, il convient que l’organisation syndicale tente de juguler le conflit du travail avec l’entreprise, en dénonçant la convention au cours des 60 jours précédant sa prorogation automatique, selon l’interprétation de l’article 479 du Code substantif du travail donnée par la Cour constitutionnelle dans son arrêt C-1050 du 4 octobre 2001: «(...) les effets de la dénonciation de la convention collective de la part de l’employeur sont censés, en relation avec les chefs de la demande et la règle demandée, être limités à la manifestation unilatérale de désaccord sur sa continuité, puisque ce sont les travailleurs qui déterminent s’ils donnent naissance au conflit collectif par la présentation du cahier de doléances correspondant (souligné hors du texte original) sans qu’il ne puisse être suppléé à leurs erreurs par l’institution de la tutelle, à laquelle il n’est pas fait appel pour remplacer les mécanismes de défense ordinaires».
  8. Il apparaît alors déraisonnable, pour obtenir l’égalité invoquée par les requérants, de recourir à l’action tutélaire pour forcer La Previsora S.A. à ordonner l’augmentation de salaire des travailleurs cadres dans les termes revenant aux employés du secteur public, puisque la nature résiduelle et subsidiaire de la tutelle rend impossible toute polémique sur de tels aspects, et ce d’autant plus quand les augmentations de tels travailleurs ont été un sujet traité dans la convention collective.
  9. 852. Pour sa part, l’entreprise signale dans une communication jointe par le gouvernement que l’organisation syndicale n’a pas présenté de cahier de doléances en 2003, 2005 et 2006, ce qui explique qu’il n’a pas été possible de négocier des augmentations de salaires pour les affiliés. En effet, selon l’entreprise, si elle a effectivement dénoncé la convention collective le 31 décembre 2002, aux fins de chercher à obtenir une modification structurelle de celle-ci, les organisations syndicales n’ont présenté aucun cahier de doléances et la négociation n’a donc pas été possible puisque seules les organisations syndicales ont qualité pour démarrer la négociation. En effet, selon la communication de La Previsora S.A., l’entreprise a invité l’organisation syndicale pour permettre, par des modalités informelles, la discussion sur les augmentations de salaires et la modification de clauses structurelles présentées par l’entreprise dont l’objectif est de parvenir à une plus grande compétitivité sur le marché du secteur privé. Selon l’entreprise, à cause de la position intransigeante de l’organisation syndicale, aucun accord n’a pu être obtenu.
  10. 853. Concernant le Plan volontaire de bénéfices, le gouvernement signale que l’organisation syndicale ne présente pas de preuves à l’appui de ses allégations et que, pour sa part, l’entreprise nie l’élaboration d’un quelconque Plan volontaire de bénéfices.
  11. 854. Concernant le pacte collectif, comme cela a été expliqué à plusieurs reprises, il s’agit d’un concept prévu dans le cadre de notre législation du travail en vigueur qui, au même titre que la convention collective, constitue un instrument ou un mécanisme pour la négociation collective destinée à offrir une solution et à mettre fin aux conflits de travail collectifs et à empêcher qu’ils débouchent sur une grève. Sur ce point précis, la Cour constitutionnelle, dans sa sentence SU-342/95, a jugé que: «... la Chambre estime que la liberté patronale de passer des pactes collectifs qui coexistent avec des conventions collectives, quand cela est permis conformément aux précisions données antérieurement, se trouve également limitée par les règles constitutionnelles. (...). Ce qui a été dit précédemment permet à la Chambre d’établir à titre de règle générale que la liberté des patrons de réglementer des relations de travail par des pactes collectifs quand ces derniers doivent coexister avec des conventions collectives dans l’entreprise se trouve restreinte ou limitée par l’ensemble des droits, des valeurs et des principes reconnus par la Constitution. En d’autres termes, la liberté en question demeure intacte et jouit de la protection constitutionnelle et légale, mais elle ne peut être exercée ou utilisée par le patron pour toucher aux droits fondamentaux des travailleurs et de l’organisation syndicale.»
  12. 855. Le pacte collectif de travail est un concept légal qui, au même titre que la convention collective, fixe quelques-unes des conditions qui régissent le contrat de travail mais qui ne doit à aucun moment porter atteinte aux droits des travailleurs syndiqués. Dans le présent cas, c’est un groupe de travailleurs qui a proposé à l’entreprise la souscription d’un pacte comme solution à un conflit qui n’a pas donné de résultat positif pour les travailleurs; c’est-à-dire que l’initiative est venue des travailleurs et non de l’entreprise, cette façon de faire étant en accord avec le texte des conventions nos 87 et 98. Dans sa communication, l’entreprise signale que certains travailleurs non syndiqués ont essayé d’analyser la possibilité d’obtenir une majorité qui permettrait de rechercher une solution globale au conflit existant de longue date entre l’entreprise et le syndicat, par la signature d’un pacte collectif auquel participerait la majorité des travailleurs de l’entreprise.
  13. 856. Concernant l’annulation pour 114 fonctionnaires des bénéfices établis dans le Statut du dirigeant en vertu d’une décision du Conseil d’Etat, le gouvernement signale que, s’agissant d’un jugement de nullité prononcé par la deuxième section, sous-section A, de la Chambre du contentieux administratif, le gouvernement n’a pas compétence pour le mettre en question, conformément aux dispositions de l’article 113 de la Constitution politique relatif à la division des pouvoirs de l’Etat. Pour sa part, l’entreprise signale que son action s’est limitée à respecter le jugement de nullité rendu par l’autorité judiciaire.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 857. Le comité prend note des allégations présentées par le Syndicat national des travailleurs de La Previsora S.A. et de la réponse du gouvernement à ces allégations, ainsi que de la communication de l’entreprise également envoyée par le gouvernement.
  2. 858. Le comité observe que les allégations portent sur: a) la discrimination antisyndicale exercée par l’entreprise La Previsora S.A. à l’encontre de 577 travailleurs cadres affiliés à l’organisation syndicale, qui s’est exprimée par le refus d’augmenter leurs salaires depuis janvier 2003 alors que, dans l’entreprise, les salaires d’autres travailleurs cadres de rang supérieur ont été augmentés; b) la présentation de cahiers de contre-propositions par l’entreprise à sept reprises dans le but, selon l’organisation plaignante, de supprimer les bénéfices obtenus dans la convention collective en vigueur; c) l’élaboration d’un Plan volontaire de bénéfices ayant pour objectif de provoquer la désaffiliation massive des travailleurs; d) les pressions exercées sur les travailleurs pour qu’ils signent un pacte collectif et se désaffilient du syndicat; et e) la suppression pour 114 travailleurs cadres de bénéfices conventionnels mis en place dans le Statut du dirigeant annulé par la deuxième section, sous-section A, de la Chambre du contentieux administratif du Conseil d’Etat.
  3. 859. Pour ce qui a trait à la discrimination alléguée à l’encontre des travailleurs cadres syndiqués qui n’ont pas reçu d’augmentation de salaire depuis janvier 2003, le comité note que, selon le gouvernement et l’entreprise, ladite augmentation ne peut se produire que dans le cadre de la négociation collective et que l’organisation syndicale n’a pas présenté de cahier de doléances depuis 2002 en dépit des diverses invitations à le faire qui lui en ont été faites par l’entreprise. Le comité prend note que les actions judiciaires introduites par l’organisation syndicale ont été rejetées du fait que l’organisation syndicale n’a pas dénoncé la convention collective en vigueur et n’a pas présenté de cahier de doléances, ces éléments étant nécessaires pour que la négociation sur l’augmentation des salaires puisse avoir lieu.
  4. 860. Pour ce qui a trait à la présentation de sept cahiers de contre-propositions de la part de l’entreprise, le comité note que, selon le gouvernement et l’entreprise, l’intention était de modifier la teneur de la convention. Ils signalent néanmoins que, en conformité avec la législation, seules les organisations syndicales ont qualité pour lancer la négociation collective, avec pour conséquence que, si celles-ci ne présentent pas de cahier de doléances, les cahiers de contre-propositions sont dénués de tout effet. Le comité rappelle que «la possibilité pour les employeurs de présenter, conformément à la législation, des cahiers contenant des propositions aux fins de négociation collective, si ces propositions sont destinées simplement à servir de base à la négociation volontaire à laquelle se réfère la convention no 98, ne doit pas être considérée comme une violation des principes applicables en la matière». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 931.]
  5. 861. Pour ce qui a trait à l’élaboration d’un Plan volontaire de bénéfices dans le but de provoquer une désaffiliation massive des travailleurs, le comité note que le gouvernement signale que l’organisation syndicale n’a pas présenté de preuves suffisantes à ce sujet et que l’entreprise nie l’existence d’un tel plan. Dans ces conditions, le comité demande à l’organisation plaignante de préciser ses allégations.
  6. 862. Quant à l’allégation de pressions exercées sur les travailleurs pour qu’ils signent un pacte collectif et, partant, se désaffilient de l’organisation syndicale, le comité prend note de l’explication fournie par le gouvernement au sujet du système juridique colombien qui prévoit l’existence de conventions collectives et de pactes collectifs. En effet, ces derniers ne peuvent être souscrits que dans les cas où l’organisation syndicale présente dans une entreprise ne représente pas plus de 30 pour cent des travailleurs. Le comité note que, d’après ce qu’a déclaré l’entreprise, les travailleurs non syndiqués ont étudié la possibilité d’obtenir une majorité pour pouvoir signer un pacte collectif. Tenant compte du fait que l’organisation plaignante allègue l’existence de pressions sur les travailleurs syndiqués pour qu’ils signent le pacte collectif et observant que, conformément à la législation, pour que cela soit possible, les travailleurs syndiqués doivent cesser d’appartenir au syndicat, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête afin de déterminer si, dans le cadre de l’invitation à signer le pacte collectif, les travailleurs syndiqués ont fait l’objet de pressions. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
  7. 863. Pour ce qui a trait aux allégations relatives à la suppression, pour 114 travailleurs cadres, de bénéfices mis en place dans le Statut du dirigeant annulé par la deuxième section, sous-section A, de la Chambre du contentieux administratif du Conseil d’Etat, le comité note que, selon le gouvernement, il s’agit d’une décision de l’autorité judiciaire et que, par conséquent, le gouvernement n’est pas compétent pour la mettre en question et que, pour sa part, l’entreprise signale qu’elle est tenue de se conformer aux décisions judiciaires. Le comité observe que l’on peut déduire de la lecture des articles du Statut en question joint par l’organisation plaignante qu’il s’agit de bénéfices octroyés en vertu d’une décision unilatérale du comité de direction de l’entreprise au bénéfice des travailleurs occupant en son sein des fonctions de direction. Toutefois, le comité ne dispose pas d’une copie du jugement de la Chambre du contentieux administratif du Conseil d’Etat qui lui permettrait de connaître les motifs de l’annulation dudit Statut. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de lui envoyer une copie dudit jugement afin de pouvoir se prononcer en ayant pleinement connaissance de la situation.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 864. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande à l’organisation plaignante de préciser ses allégations en relation avec l’élaboration d’un Plan volontaire de bénéfices dans le but de provoquer une désaffiliation massive des travailleurs.
    • b) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête afin de déterminer si, dans le cadre de l’invitation à signer le pacte collectif, les travailleurs syndiqués ont fait l’objet de pressions. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
    • c) Pour ce qui a trait aux allégations relatives à l’annulation, pour 114 travailleurs cadres, de bénéfices mis en place dans le Statut du dirigeant, par décision de la deuxième section, sous-section A, de la Chambre du contentieux administratif du Conseil d’Etat, le comité demande au gouvernement de lui envoyer une copie du jugement en question.
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