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Rapport définitif - Rapport No. 349, Mars 2008

Cas no 2493 (Colombie) - Date de la plainte: 23-MAI -06 - Clos

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  1. 690. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa session de mars 2007. Le comité avait présenté un rapport provisoire au Conseil d’administration. [Voir 344e rapport, paragr. 845-864, approuvé par le Conseil d’administration à sa 298e session.]
  2. 691. Le gouvernement a envoyé de nouvelles observations par une communication du 4 juillet 2007.
  3. 692. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 693. Lors de son examen antérieur du cas en mars 2007, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 344e rapport, paragr. 864]:
  2. a) Le comité demande à l’organisation plaignante de préciser ses allégations en relation avec l’élaboration d’un Plan volontaire de bénéfices dans le but de provoquer une désaffiliation massive des travailleurs.
  3. b) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête afin de déterminer si, dans le cadre de l’invitation à signer le pacte collectif, les travailleurs syndiqués ont fait l’objet de pressions. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
  4. c) Pour ce qui a trait aux allégations relatives à l’annulation, pour 114 travailleurs cadres, de bénéfices mis en place dans le Statut du dirigeant, par décision de la deuxième section, sous-section A, de la Chambre du contentieux administratif du Conseil d’Etat, le comité demande au gouvernement de lui envoyer une copie du jugement en question.
  5. B. Réponse du gouvernement
  6. 694. En ce qui concerne l’alinéa b) des recommandations, le gouvernement indique que la Direction territoriale de Cundinamarca a ouvert une enquête administrative sociale contre La Previsora S.A. pour violation du droit d’association, enquête qui a été classée du fait du défaut d’intérêt pour agir, conformément à l’article 13 du Code du contentieux administratif. Le gouvernement joint copies de certaines parties d’une plainte déposée auprès du tribunal administratif (enregistrée sous le no 29775, en date du 13 juillet 2006) par SINTRAPREVI contre La Previsora S.A. pour violation présumée du droit d’association. Par décision du 18 août 2006, les parties ont été convoquées pour les diligences administratives. Le 25 août 2006, date de l’audience, SINTRAPREVI ne s’est pas présenté devant la troisième inspection de la Direction territoriale de Cundinamarca. Le 26 août, la partie plaignante a été sommée de prouver son intérêt pour agir, conformément aux articles 12 et 13 du Code du contentieux administratif. Une fois le délai passé, par décision du 18 octobre 2006, il a été ordonné de classer la plainte pour défaut d’intérêt pour agir.
  7. 695. Concernant l’alinéa c) des recommandations, le gouvernement joint copie de la décision du Conseil d’Etat, ainsi que de la réponse envoyée par le vice-président administratif de La Previsora S.A.
  8. 696. La décision du Conseil d’Etat du 16 février 2006 a déclaré nuls certains articles de la décision no 7 du 11 avril 1996, adoptée par le conseil d’administration de La Previsora S.A. Compañía de Seguros, ainsi que la décision no 8 du 12 juillet 2006, qui modifiait la décision no 7 en ce qui concernait l’attribution de prêts locatifs, éducatifs et personnels, et la décision no 014 de 1996, qui réglementait l’attribution de prêts locatifs aux travailleurs officiels de La Previsora S.A. Compañía de Seguros, couverts par le statut du dirigeant. D’après le Conseil d’Etat:
  9. … les décisions contestées, si on les examine une par une, ressemblent à des actes unilatéraux de l’administration, nés de la liberté et de la libéralité de l’employeur, et donc étrangers à toute action ou volonté des travailleurs de l’entreprise. Cependant, pour que ces décisions s’appliquent, pour que les travailleurs occupant des postes de direction, de confiance ou de gestion puissent bénéficier des dispositions desdites décisions, pour qu’elles se traduisent dans les relations professionnelles et acquièrent une véritable signification dans leur champ d’application, conformément aux dispositions y afférentes, ces travailleurs devaient manifester leur volonté d’adhérer au «statut du dirigeant» contenu dans ladite décision, entraînant leur adhésion à toutes les clauses, notamment celle consacrée par l’article 7 relative à l’impossibilité de jouir des bénéfices prévus dans la convention collective professionnelle.
  10. De même, ceux qui accédaient par la suite à ces emplois devaient se soumettre à ces décisions s’ils adhéraient au «statut du dirigeant» qui, comme reconnu par l’entreprise et dénoncé par les plaignants, comporte une série de bénéfices supérieurs à ceux prévus par la convention collective professionnelle, et empêche ces travailleurs de jouir des bénéfices accordés par cette dernière.
  11. Selon le Conseil, cette situation
  12. … entraînait la non-affiliation de ces travailleurs au syndicat car s’affilier ne revêtait aucun intérêt, puisqu’ils renonçaient aux prérogatives prévues par la convention collective professionnelle. De même, pour les syndiqués, cette situation entraînait la renonciation aux bénéfices auxquels ils avaient droit du fait que le syndicat rassemble plus du tiers des travailleurs de la compagnie.
  13. Plus avant, la décision indique que:
  14. … alors que SINTRAPREVI réunissait plus du tiers des travailleurs de La Previsora S.A. et que, conformément aux dispositions de l’article 471 du CST (Code substantif du travail) qui établit que, lorsque les affiliés d’un syndicat partie à la convention collective représentent plus du tiers du nombre total de travailleurs de l’entreprise, les termes de la convention s’appliquent à l’ensemble des travailleurs, qu’ils soient syndiqués ou non, les travailleurs ont été dans l’obligation de renoncer aux bénéfices de la convention collective car les dispositions dudit statut ne pouvaient les couvrir puisque l’article 7 de la décision no 07 de 1996 interdit de jouir simultanément des bénéfices de la convention collective professionnelle signée par l’entreprise et de ceux énoncés dans le statut du dirigeant.
  15. Plus bas, le Conseil relève que:
  16. … si l’on tient compte du fait que, lors de son élaboration, les travailleurs non syndiqués n’ont pas été consultés, dès lors qu’il s’agit d’actes nés de la liberté et de la libéralité de l’entité poursuivie, il pourrait être accepté que les décisions 07 et 08 de 1996 ne revêtent pas le statut de pacte collectif.
  17. Cependant, dès que les travailleurs de La Previsora S.A. décident d’adopter ces dispositions afin qu’elles aient des effets juridiques dans leurs relations professionnelles avec l’entreprise, ces décisions ont valeur d’accord puisque, malgré l’absence de discussion portant sur chacune des dispositions préalablement élaborées par l’employeur, en s’y soumettant, les travailleurs les avalisent. Ces décisions constituent dès lors un pacte collectif si le travailleur adhérent a eu la possibilité de choisir d’accepter les conditions établies par la compagnie ou de ne pas jouir des prérogatives et services que l’entité poursuivie offre dans le cadre du statut du dirigeant…
  18. Les circonstances susmentionnées amènent la Chambre à conclure que, malgré leur apparence d’actes nés de la libéralité de l’employeur, les décisions mises en cause constituent réellement un pacte collectif, non seulement parce qu’au sens strict du droit elles s’adressent au personnel non syndiqué, – puisque, pour jouir des bénéfices établis par le statut du dirigeant, il est requis de ne pas jouir de ceux consacrés par la convention collective professionnelle dont, en règle générale, ne bénéficient que les affiliés à un syndicat, sauf quand, comme c’est le cas pour SINTRAPREVI, le syndicat réunit plus du tiers des travailleurs de l’entreprise –, mais aussi parce que ces décisions régulent de façon objective les relations de travail entre ceux qui y adhèrent et l’entreprise, faisant que leurs dispositions doivent être obligatoirement observées par les deux parties puisqu’elles sont incluses dans les contrats de travail.
  19. […]
  20. Une fois percée la vraie nature juridique des décisions mises en cause, il convient de dire que, du fait qu’elles constituent un vrai pacte collectif, la Chambre déclare que ces décisions portent atteinte au droit à l’égalité et au droit d’association des travailleurs de l’entité poursuivie.
  21. En effet, au nom de la liberté de l’employeur relative à la conclusion de pactes collectifs, il n’est pas acceptable qu’il porte atteinte aux droits des travailleurs et des organisations syndicales en créant des conditions de travail plus avantageuses pour les travailleurs non syndiqués que celles prévues par la convention collective professionnelle, transgressant ainsi le droit à l’égalité que ces pactes mettent en avant car, tout en accomplissant les mêmes tâches, ceux qui adhèrent au statut du dirigeant se voient octroyer davantage de prérogatives et entraînant une forte diminution du nombre de travailleurs syndiqués ou, comme dans le cas présent où ce phénomène-là ne s’est pas produit, une forte diminution des revenus de l’organisation syndicale du fait de la renonciation aux bénéfices prévus par la convention collective, qui entraîne à son tour la perte du droit de percevoir les apports correspondants à ces travailleurs.
  22. De même, étant donné que ces décisions constituent un pacte collectif, force est de conclure qu’elles ont été prises en violation des dispositions de l’article 70 du Code substantif du travail qui établissent que, lorsqu’un syndicat réunit plus du tiers des travailleurs d’une entreprise, celle-ci ne peut conclure de pactes collectifs. En effet, puisque SINTRAPREVI rassemblait plus du tiers des travailleurs, la compagnie n’avait pas le droit de conclure d’autres pactes collectifs. Cependant, c’est ce qui s’est produit lorsque les travailleurs qui occupaient des postes de direction, de confiance ou de gestion au sein de La Previsora S.A. ont annoncé qu’ils adhéraient au statut du dirigeant contenu dans les décisions nos 07 et 08 de 1996 car, à ce moment-là, ils acceptaient cette catégorie.
  23. […]
  24. Il est donc clair que, outre qu’elles portaient atteinte à l’interdiction de conclure des pactes collectifs consacrée dans l’article 70 de la loi 50 de 1990, qui interdit la conclusion de pactes collectifs lorsque le syndicat existant dans l’entreprise rassemble plus du tiers des travailleurs, ainsi qu’au droit d’association des travailleurs, du fait que, pour bénéficier des prérogatives offertes par le statut du dirigeant, les travailleurs ne peuvent jouir des bénéfices prévus par la convention collective, ce qui les oblige à se séparer du syndicat ou à renoncer à leur droit de jouir des dispositions de la convention, les décisions mises en question portent atteinte au droit à l’égalité en matière de rémunération du travail.
  25. En effet, bien que ces travailleurs effectuent les mêmes tâches, uniquement par la volonté de La Previsora S.A., les travailleurs adhérant au statut du dirigeant reçoivent un salaire supérieur et bénéficient de meilleurs services et d’avantages en matière de prestations que les travailleurs occupant une situation identique, comme le soulignent les plaignants, et comme l’entreprise le reconnaît.
  26. 697. Le gouvernement joint copie de la communication de l’entreprise La Previsora S.A. dans laquelle celle-ci indique que, le 15 novembre 2006, une convention collective a été signée avec SINTRAPREVI pour la période 2007-2010.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 698. Le comité prend note de la réponse du gouvernement aux alinéas b) et c) des recommandations.
  2. 699. S’agissant de l’alinéa b) des recommandations, le comité rappelle qu’il avait demandé au gouvernement de mener une enquête pour déterminer si, dans le cadre de la promotion de la signature d’un pacte collectif début 2006, les travailleurs syndiqués avaient fait l’objet de pressions. A ce sujet, le comité note selon les informations du gouvernement que la Direction territoriale de Cundinamarca a ouvert une enquête administrative sociale contre La Previsora S.A. pour violation du droit d’association, enquête classée le 18 octobre 2006 pour défaut d’intérêt pour agir, conformément à l’article 13 du Code du contentieux administratif, puisque SINTRAPREVI ne s’était pas présenté aux audiences auxquelles il était convoqué. Cependant, le comité observe que cette enquête est antérieure à ses conclusions et recommandations: celles-ci n’ont donc pas pu être prises en compte. Malgré cela, au vu de la signature de la convention collective avec SINTRAPREVI, le 15 novembre 2006, annoncée par le gouvernement (copie de la convention jointe), le comité comprend que le conflit existant entre les parties au sujet de la signature d’un pacte collectif a été résolu.
  3. 700. En ce qui concerne l’alinéa c) des recommandations relatif aux allégations de SINTRAPREVI concernant l’annulation de bénéfices pour 114 travailleurs officiels mis en place par le statut du dirigeant, par décision de la deuxième section, sous-section A de la Chambre du contentieux administratif du Conseil d’Etat, le comité prend note de la copie de cette décision envoyée par le gouvernement. A ce sujet, le comité observe que le Conseil d’Etat a déclaré le 16 février 2006 la nullité de certaines clauses des décisions mises en place par l’entreprise en 1996 dans le cadre du statut du dirigeant. Les raisons sur lesquelles ladite décision se base sont les suivantes. Le Conseil d’Etat a assimilé ces décisions à un pacte collectif dont bénéficiaient ceux qui souscrivaient au statut du dirigeant. Cette souscription impliquait, d’après les dispositions dudit statut, l’interdiction de jouir des bénéfices accordés par la convention collective professionnelle; d’après le Conseil d’Etat, cette circonstance entraînait la non-affiliation des travailleurs au syndicat car y appartenir n’avait aucun sens puisqu’ils renonçaient aux bénéfices de la convention collective. Par ailleurs, d’après le Conseil d’Etat, le pacte collectif violait les dispositions de l’article 70 de la loi 50 de 1990 qui établit l’interdiction de conclure des pactes collectifs quand l’organisation syndicale existante rassemble plus du tiers des employés de l’entreprise. Cela était le cas de SINTRAPREVI avec La Previsora S.A., dont la convention collective concernait donc, selon la loi, l’ensemble des travailleurs. Enfin, le Conseil d’Etat a établi que ces accords, assimilés à un pacte collectif, créaient des bénéfices supérieurs à ceux mis en place par la convention collective en vigueur à l’époque, ce qui constituait une violation du principe d’égalité. Le comité rappelle que, s’agissant de la signature de pactes collectifs, lors de l’examen d’allégations similaires dans le cadre d’autres plaintes présentées contre le gouvernement de la Colombie, il a été souligné que «les principes de la négociation collective doivent être respectés en tenant compte des dispositions de l’article 4 de la convention no 98 et que les accords collectifs ne doivent pas être utilisés pour affaiblir la position des organisations syndicales», et que le comité a demandé au gouvernement de prendre les mesures qui s’imposent pour garantir que les travailleurs ne se sentent pas menacés et forcés à accepter un accord collectif contre leur gré, accord qui déboucherait sur un renoncement à leur affiliation à une organisation syndicale. [Voir notamment Colombie, 336e rapport, cas no 2239, paragr. 356, et 337e rapport, cas no 2362, paragr. 761.] Dans le cas présent, le comité se félicite de ce que les raisons qui ont motivé la décision du Conseil d’Etat de déclarer la nullité des décisions susmentionnées qui mettaient en place des bénéfices pour certains travailleurs visent à défendre la liberté syndicale, en particulier le droit de négociation collective libre et volontaire de SINTRAPREVI, sans restreindre la position de l’organisation syndicale, raisons qui sont pleinement conformes aux principes établis par ce comité.
  4. 701. Concernant l’alinéa a) des recommandations, le comité rappelle qu’il avait demandé à l’organisation plaignante de préciser ses allégations relatives à l’élaboration d’un Plan volontaire de bénéfices ayant pour objectif de provoquer la désaffiliation massive des travailleurs. Le comité regrette que SINTRAPREVI n’a envoyé aucune communication à ce sujet. Dans ce cas, au vu de l’information communiquée par le gouvernement selon laquelle, le 15 novembre, a été conclue une nouvelle convention collective avec SINTRAPREVI pour la période 2007-2010, mentionnée ci-dessus, le comité comprend que les parties ont trouvé une issue au conflit qui les opposait. Le comité ne poursuivra donc pas l’examen de ces allégations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 702. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à décider que le cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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