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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 348, Novembre 2007

Cas no 2494 (Indonésie) - Date de la plainte: 28-MARS -06 - Clos

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  • le contexte d’une fusion avec Group 4 Falck,
  • a refusé d’engager des négociations, a commis plusieurs actes de discrimination et de harcèlement antisyndicaux, y compris
  • le licenciement de 308 dirigeants syndicaux
  • et syndicalistes, et a refusé de les réintégrer, malgré plusieurs décisions judiciaires dans
  • ce sens. L’organisation plaignante fait aussi état de nombreuses convocations de militants syndicaux et de syndicalistes pour être interrogés par la police et le procureur, et de l’absence de procédures appropriées pour faire respecter les droits des travailleurs à la liberté syndicale et à la négociation collective
    1. 943 La plainte figure dans une communication de l’Association des syndicats d’Indonésie (ASPEK Indonesia) en date du 28 mars 2006.
    2. 944 Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications en date des 8 et 9 mars, et 21 septembre 2007.
    3. 945 L’Indonésie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 946. Dans une communication en date du 28 mars 2006, ASPEK Indonesia allègue que le gouvernement a violé les conventions nos 87 et 98 par ses actes et omissions concernant les droits à la liberté syndicale et à la négociation collective des salariés de l’entreprise PT Securicor Indonesia, qui a son siège à Jakarta. Les salariés concernés sont représentés par le Syndicat Securicor d’Indonésie, affilié à ASPEK Indonesia.
  2. 947. Selon l’organisation plaignante, le 23 juillet 2004 à peu près, l’entreprise PT Securicor Indonesia a annoncé sa fusion avec Group 4 Falck. En violation de la convention no 98 et des articles 116 et 136 de la loi no 13/2003 sur la main-d’œuvre, PT Securicor Indonesia a refusé d’engager des négociations avec le syndicat représentant ses salariés concernant les conditions d’emploi des travailleurs dans l’entreprise issue de la fusion.
  3. 948. Le 15 avril 2005, en réponse au refus de l’employeur de négocier au cours des neuf derniers mois, le Syndicat Securicor d’Indonésie a avisé par écrit l’employeur et le Bureau local de la main-d’œuvre, conformément à la législation indonésienne, de son intention de déclencher une grève. Plus de 600 salariés ont entamé une grève le 25 avril 2005, tant à Jakarta qu’à Surabaya. Le lendemain, en violation des conventions nos 87 et 98, de l’article 28 de la loi no 21/2000 concernant les syndicats, et des articles 143 et 144 de la loi no 13/2003, l’employeur a affiché une photographie du président du syndicat, M. Fitrijansjah Toisutta, et une instruction écrite lui interdisant l’accès aux locaux de l’entreprise, afin d’intimider les partisans de la grève et en même temps d’empêcher le dirigeant syndical de représenter les membres de son syndicat.
  4. 949. Le 9 mai 2005, l’employeur a publié une liste écrite de 35 syndicalistes favorables à la grève que l’entreprise a déclarés suspendus de leurs fonctions en attendant une demande de licenciement. Le 25 mai 2005, l’employeur, par l’intermédiaire de son avocat, Elza Syarief, a publié une liste de 203 syndicalistes licenciés. Ces mesures ont été prises par l’employeur en représailles contre les salariés du fait qu’ils ont exercé leur droit légal de grève, en violation des conventions nos 87 et 98, de l’article 28 de la loi no 21/2000 et de l’article 144 de la loi no 13/2003. Le 8 juin 2005, le président directeur de PT Securicor Indonesia a déclaré, dans une lettre communiquée à tous les syndicalistes et affichée dans les locaux de l’entreprise, que la demande du syndicat de négocier les conditions d’emploi constitue une tentative d’exercer un «chantage» sur la direction de l’entreprise, et a menacé les grévistes et leurs chefs de file d’intenter contre eux une «action civile en dommages-intérêts».
  5. 950. Dès le 18 juillet 2005 environ, la police de la République d’Indonésie, bureau de Jakarta Sud, a convoqué une dizaine de dirigeants syndicaux et syndicalistes ayant appuyé la grève pour les interroger. Ceux-ci ont été invités à désigner d’autres syndicalistes favorables à la grève. Le président du syndicat Fitrijansjah Toisutta et les syndicalistes Tri Muryanto et Edi Putra ont été convoqués pour être encore interrogés deux fois par semaine au cours des deux mois suivants et, le 7 juillet 2005, ils ont été désignés comme «suspects» pour avoir commis des «actes déplaisants» contre l’entreprise. Du 18 août environ au 30 septembre 2005, ces trois syndicalistes ont été invités à se présenter deux fois par semaine pour être interrogés par le procureur de Jakarta Sud concernant les mêmes accusations. Le 12 décembre 2005, un tribunal a été saisi des accusations portées contre M. Toisutta. La procédure a ensuite été suspendue, mais les accusations étaient toujours pendantes au moment de la plainte. Selon l’organisation plaignante, les faits ci-dessus sont contraires aux conventions nos 87 et 98, ainsi qu’à la législation nationale (article 143 de la loi no 13/2003).
  6. 951. D’après l’organisation plaignante, depuis le 25 avril 2005 environ jusqu’au moment où la plainte a été déposée, l’employeur a cherché à faire pression sur les syndicalistes appuyant la grève et à les intimider en appelant par téléphone les conjoints et autres membres de leur famille pour les inciter à convaincre les grévistes de reprendre le travail. Pendant la même période, certains grévistes se sont vus offerts des emplois particulièrement intéressants par l’entreprise s’ils reprenaient le travail et engageaient les autres à en faire autant. Selon l’organisation plaignante, les faits précités sont contraires aux conventions nos 87 et 98, ainsi qu’à la législation nationale (article 144 de la loi no 13/2003).
  7. 952. L’organisation plaignante ajoute que le Syndicat Securicor d’Indonésie a participé avec le Bureau local de la main-d’œuvre à des réunions de médiation concernant le conflit, qui ont abouti, le 8 juin 2005, à une recommandation écrite no 3447/-1.835.5, exhortant l’entreprise à réintégrer tous les travailleurs dans leurs postes de travail. L’employeur a refusé de mettre en œuvre la recommandation du médiateur, ce qui a incité le syndicat à déposer plainte devant la Commission nationale de règlement des conflits (P4P). Le 18 juillet 2005, la P4P a jugé que la grève était légale et que l’employeur devrait réembaucher tous les syndicalistes licenciés et les réintégrer dans leurs postes antérieurs. La P4P n’a cependant prévu aucune réparation pour les autres violations commises par l’employeur, et n’a même pas invoqué la législation indonésienne sur la liberté d’association (loi no 21/2000). L’employeur a refusé d’appliquer le jugement de la P4P et a interjeté appel devant la Haute Cour pour les affaires administratives de l’Etat. Dans une décision du 12 janvier 2006, no 248/G/2005/PT.TUN.JKT, la Haute Cour pour les affaires administratives de l’Etat a rejeté l’appel et confirmé la recommandation de la P4P. L’employeur s’est de nouveau refusé à appliquer le jugement et, le 30 janvier 2006, a déposé un recours devant la Cour suprême d’Indonésie. Entre-temps, 238 travailleurs sont restés illégalement licenciés en attendant le résultat de l’appel.
  8. 953. La législation indonésienne (article 155 de la loi no 13/2003) ordonne à l’employeur de continuer de rémunérer les travailleurs tant qu’un conflit du travail en cours n’a pas été réglé par décision judiciaire. Le 8 août 2005, les travailleurs qui s’étaient mis en grève ont demandé au tribunal de la municipalité de Jakarta Centre d’intimer à l’entreprise l’ordre de s’acquitter de ses obligations juridiques en versant leurs salaires aux travailleurs illégalement licenciés. Ce tribunal s’est prononcé en faveur des travailleurs le 15 août 2005 et, aux fins de l’application du jugement, a transmis le cas au tribunal de la municipalité de Jakarta Sud, dont relève l’entreprise. L’entreprise a certes versé deux mois d’arriérés de salaires (mai-juin 2005), mais pas les autres salaires encore dus, et a continué de retenir les salaires en violation de la législation indonésienne. Le 2 février 2006, les travailleurs ont demandé au tribunal de Jakarta Centre de publier un «décret d’exécution» concernant le versement des arriérés de salaires pour la période de juillet 2005 à janvier 2006. Le 6 février 2006, le tribunal s’est prononcé en faveur des salariés et, le 7 février 2006, il a transmis le cas au tribunal de Jakarta Sud pour application. Le 17 février 2006, ce tribunal a adopté un Aanmaning (mise en demeure) ordonnant à l’entreprise de payer les arriérés de salaires; cependant, le tribunal n’a pas rendu un jugement formel. Le juge a déclaré qu’il n’estimait pas que l’intégralité des salaires devait être versée, malgré l’ordonnance du tribunal de Jakarta Centre. Le 9 mars 2006, les avocats des travailleurs ont demandé au tribunal de Jakarta Sud de saisir les avoirs de l’entreprise pour verser les arriérés de salaires. Ils attendaient encore une réponse au moment où la plainte a été déposée. A la même date, les travailleurs ont fait part de l’incapacité du tribunal de Jakarta Sud à faire appliquer le jugement à la commission judiciaire qui contrôle le système judiciaire. Toutefois, au moment de déposer leur plainte, ils ont été informés du fait que la commission avait déjà reçu une explication concernant le jugement du tribunal. De l’avis des travailleurs, il est tout à fait inacceptable que la commission reçoive une réponse à une plainte qui n’a pas encore été déposée et que la réponse vienne de l’avocat de l’entreprise plutôt que du tribunal lui-même. Le représentant de la commission est allé jusqu’à insulter les travailleurs, en déclarant que leur compréhension de l’affaire était infantile alors que celle de l’avocat de l’entreprise était fondée sur son diplôme en droit.
  9. 954. L’organisation plaignante ajoute que le système judiciaire indonésien est en proie à une corruption endémique, citant à l’appui de ses allégations des rapports et des conclusions émanant de PriceWaterhouseCoopers, de Transparency International, du Political Risk Services Group, de la Banque mondiale, du département d’Etat des Etats-Unis, de Human Rights Watch et de la Commission internationale de juristes. Selon l’organisation plaignante, l’incapacité du pouvoir judiciaire de faire respecter la loi est particulièrement grave dans les conflits du travail comme celui qui concerne PT Securicor Indonesia, car les intérêts commerciaux influent fréquemment sur l’issue d’une affaire en raison de la corruption. Les décisions de la Cour suprême ont toujours été défavorables aux syndicats, et les procédures d’appel entraînent des retards importants et continuent d’être utilisées par les employeurs pour empêcher si ce n’est éviter l’application des droits du travail.
  10. 955. En outre, citant Human Rights Watch et le département d’Etat des Etats-Unis, l’organisation plaignante allègue que les détentions arbitraires et les poursuites pénales discriminatoires comme celles dont sont victimes le président du syndicat Fitrijansjah Toisutta sont très répandues. Bien que l’Indonésie ait réalisé des progrès importants sur la voie de la démocratie, on peut observer ces dernières années une résurgence du pouvoir militaire sur les affaires sociales et politiques ainsi que des signes alarmants d’une nouvelle tendance à incriminer toute contestation. Si le Code indonésien de procédure pénale contient des dispositions sur la détention arbitraire, il est dépourvu de mécanismes d’application appropriés et il est violé quotidiennement par les autorités. En particulier, les militants syndicaux sont très souvent soumis à des interrogatoires, des arrestations, des détentions et des actes de harcèlement. La police et les forces militaires continuent d’intervenir dans les affaires sociales afin de protéger les intérêts des employeurs.
  11. 956. L’organisation plaignante fait aussi référence aux cas antérieurs concernant l’Indonésie qui ont été examinés par le Comité de la liberté syndicale et pour lesquels le comité a conclu que le gouvernement n’a pas fourni les moyens de recours «expéditifs, peu coûteux et tout à fait impartiaux» en cas de violation des droits de la liberté d’association. [Cas no 2336, 336e rapport, paragr. 498-539; cas no 2236, 336e rapport, paragr. 68-78, 335e rapport, paragr. 909-971.] L’organisation plaignante s’est aussi référée à des cas antérieurs concernant des interrogatoires, des détentions et des poursuites pénales illégalement effectués par les autorités indonésiennes. [Cas no 2116, 326e rapport, paragr. 357; cas no 1773, 297e rapport; cas no 1756, 295e rapport.] L’organisation plaignante ajoute que, bien que les recommandations formulées dans ces cas par le Comité de la liberté syndicale aient permis d’introduire plusieurs réformes positives dans la législation du travail d’Indonésie, les changements juridiques formels n’ont pas abouti à une application pratique des droits des travailleurs. Un engagement accru de l’OIT est indispensable si l’on veut que les améliorations formelles aient une incidence réelle.
  12. 957. En conclusion, l’organisation plaignante prie le comité de recommander au gouvernement: i) d’appliquer la décision de la P4P et de la Haute Cour pour les affaires administratives de l’Etat, conformément au jugement du tribunal de Jakarta Centre; ii) d’ordonner à l’employeur de réintégrer tous les syndicalistes licenciés pour avoir soutenu la grève, en leur versant la totalité de leurs arriérés de salaires et de prestations afin d’indemniser les syndicalistes licenciés pour la période où ils ont perdu leur emploi à PT Securicor Indonesia; d’enjoindre également l’employeur de verser à tous les syndicalistes licenciés ou «transférés» dans une autre entreprise (Group 4 Falck Indonesia) cinq fois le montant de l’indemnité de licenciement ainsi qu’une prime pour la période d’emploi et un dédommagement pour les droits à prestations qui n’ont pas été utilisés, conformément à ce qui est disposé à l’article 156 de la loi no 13/2003 pour toutes les années de services antérieurs effectuées à PT Securicor Indonesia; iii) d’enjoindre l’employeur d’engager des négociations visant à parvenir à un accord collectif en ce qui concerne les conditions d’emploi dans l’entreprise issue de la fusion; iv) de prier la police indonésienne et le procureur de ne plus ériger les activités syndicales en délit et, plus concrètement, de mettre un terme au harcèlement, à la contrainte et à l’intimidation des syndicalistes en les convoquant pour les interroger; v) d’abandonner toutes les accusations contre Fitrijansjah Toisutta et les autres syndicalistes pour «actes déplaisants» contre l’employeur en raison de leur participation à une grève légale.
  13. B. Réponse du gouvernement
  14. 958. Dans des communications en date des 8 et 9 mars, et 21 septembre 2007, le gouvernement indique que, par suite d’une fusion entre PT Securicor Indonesia et Group 4 Falck en juillet 2004, 308 travailleurs sur un total de 600 de PT Securicor Indonesia (284 à Jakarta et 24 à Surabaya) ont refusé la proposition de l’entreprise de les intégrer dans la nouvelle direction en les transférant à Group 4 Falck. Les travailleurs ayant refusé de faire partie de la nouvelle direction, l’employeur les a licenciés. Le licenciement a été approuvé par la P4P. En l’absence d’accord, les travailleurs ont déclenché le 26 avril 2005 une grève et des manifestations aux alentours de l’entreprise, devant le bureau du ministère du Travail et des Migrations internes et devant le Parlement. Le Bureau de la main-d’œuvre de la province de Jakarta a traité ce cas mais, un accord n’ayant pu être dégagé, le médiateur a recommandé à l’employeur de PT Securicor Indonesia de réintégrer M. Hendy et d’autres travailleurs et de verser en conséquence leurs salaires pour mai 2005. L’employeur a refusé et l’affaire a été portée devant la P4P le 16 juin 2005. Le 29 juin 2005, la P4P a confirmé la recommandation du médiateur de réintégrer les travailleurs et a invité l’employeur à verser leurs salaires pour mai-juin 2005. En réponse à la décision de la P4P, l’employeur a interjeté appel devant la Haute Cour pour les affaires administratives de l’Etat (PTTUN) de Jakarta. Le 12 janvier 2006, la Haute Cour a décidé de rejeter l’appel et a confirmé la décision de la P4P. Par la suite, l’employeur a déposé un autre appel devant la Cour suprême dans un dernier effort pour infirmer la décision. Cette procédure a empêché le paiement d’une indemnité de licenciement tant que l’affaire était en suspens devant la Cour suprême. En conséquence, les travailleurs ont organisé une autre manifestation devant le ministère du Travail et des Migrations internes, le Parlement et la Cour suprême. Le 19 mai 2006, la Cour suprême a décidé de rejeter l’appel et a confirmé la décision de la P4P. Les deux parties ont accepté la décision et, le 27 décembre 2005, l’employeur a réintégré les 24 travailleurs et les a rémunérés en conséquence. Le ministère du Travail et des Migrations internes a déployé divers efforts pour régler le conflit en coordination avec d’autres institutions telles que le Parlement et la Cour suprême. Le 28 juillet 2006, le différend a été légalement réglé par la voie d’un accord conclu entre PT Securicor Indonesia et les travailleurs concernés. Les modalités de l’accord sont les suivantes:
  15. – les deux parties sont convenues de mettre fin à la relation de travail;
  16. – l’indemnité de licenciement a été arrêtée comme suit:
  17. i) versement d’une double indemnité conformément à l’article 156, paragraphe 2, de la loi no 13/2003;
  18. ii) indemnité de reconnaissance, conformément à l’article 156, paragraphe 3, de la loi no 13/2003;
  19. iii) compensation des droits, conformément à l’article 156, paragraphe 4, de la loi no 13/2003 (y compris les salaires dus pendant la période d’attente qui a précédé l’adoption de la décision judiciaire);
  20. iv) versement d’un supplément conformément à la politique de l’entreprise.
  21. Selon le gouvernement, tous les travailleurs ont signé l’accord et ont accepté le paiement tandis que le représentant des travailleurs a demandé des excuses et a remercié le gouvernement d’avoir prêté son concours.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 959. Le comité rappelle que ce cas concerne des allégations selon lesquelles PT Securicor Indonesia a, dans le contexte d’une fusion avec Group 4 Falck, refusé d’engager des négociations avec le syndicat au sujet des conditions d’emploi de l’entreprise issue de la fusion, ce qui a débouché sur une grève observée par plus de 600 travailleurs et qui a démarré le 25 avril 2005. Dans ce contexte, l’employeur a commis plusieurs actes de discrimination et de harcèlement antisyndicaux, notamment en empêchant le président et les dirigeants du syndicat de pénétrer dans les locaux de l’entreprise, en licenciant 238 dirigeants syndicaux et syndicalistes en mai 2005, en refusant de les réintégrer malgré plusieurs décisions judiciaires dans ce sens, et en tentant d’exercer contrainte et intimidation sur les syndicalistes en appelant leurs familles. L’organisation plaignante allègue également que le président du syndicat Fitrijansjah Toisutta et les membres Tri Muryanto et Edi Putra ont été à plusieurs reprises convoqués pour être interrogés sans raison par la police et par le procureur; qu’ils ont été accusés le 7 juillet 2005 d’avoir commis des «actes déplaisants» contre l’entreprise et que leur cas est en instance devant les tribunaux; que le pouvoir judiciaire favorise systématiquement les employeurs; et que la législation est dépourvue de procédures appropriées pour faire respecter les droits des travailleurs à la liberté d’association et à la négociation collective.
  2. 960. Le comité observe, d’après les allégations de l’organisation plaignante et la réponse du gouvernement, que: i) 308 travailleurs ont été licenciés par PT Securicor Indonesia en mai 2005 pour avoir organisé une grève déclenchée le 25 avril 2005; ii) toutes les instances, y compris la P4P, la Haute Cour pour les affaires administratives de l’Etat et la Cour suprême ont estimé que la grève qui a commencé le 25 avril 2005 était légale et que l’employeur devrait réintégrer les travailleurs licenciés et leur verser les rémunérations qui leur sont dues; iii) 24 travailleurs ont été réintégrés le 27 décembre 2005 en application du jugement que la Cour suprême a rendu dans ce sens après avoir été saisie du cas en dernière instance; iv) le 28 juillet 2006, les deux parties sont parvenues à un accord en vertu duquel elles se sont entendues pour mettre fin à la relation d’emploi entre l’entreprise et les travailleurs concernés, moyennant une indemnisation complète.
  3. 961. Tout en prenant dûment note du fait que les deux parties sont finalement parvenues à un accord de règlement, le comité souhaite rappeler que nul ne devrait faire l’objet de sanctions pour avoir déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 660.] A cet égard, le comité prie le gouvernement de préciser les circonstances dans lesquelles 24 travailleurs seulement sur 308 ont finalement été réintégrés après leur licenciement pour avoir participé à la grève entamée le 25 avril 2005.
  4. 962. Le comité constate en outre avec regret que le gouvernement n’a pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante concernant les nombreuses convocations du président du syndicat Fitrijansjah Toisutta et des syndicalistes Tri Muryanto et Edi Putra pour être interrogés par la police et par le procureur et les accusations portées contre eux le 7 juillet 2005 pour avoir commis des «actes déplaisants» contre l’entreprise. Le comité rappelle que les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s’il ne s’agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l’exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 63.] Les interpellations et les interrogatoires systématiques ou arbitraires par la police des dirigeants et des militants syndicaux contiennent un risque d’abus et peuvent constituer une sérieuse entrave à l’exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 68.] Rappelant que la grève qui a débuté le 25 avril 2005 a été déclarée légale par les autorités compétentes, le comité souligne que nul ne devrait pouvoir être privé de liberté ni faire l’objet de sanctions pénales pour le simple fait d’avoir organisé une grève pacifique ou d’y avoir participé. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 672.] Le comité prie le gouvernement d’indiquer si les accusations portées contre le président du syndicat Fitrijansjah Toisutta et contre les syndicalistes Tri Muryanto et Edi Putra pour avoir commis des «actes déplaisants» contre l’entreprise sont pendantes devant les tribunaux ou si ces accusations ont été abandonnées. Dans le cas où cette affaire serait encore devant les tribunaux, le comité prie le gouvernement de mettre en place une commission indépendante chargée d’examiner cette question et, si elle arrivait à la conclusion que ces personnes ont été accusées d’avoir organisé la grève pacifique entamée le 25 avril 2005 ou d’y avoir participé, de veiller à ce que ces accusations soient immédiatement abandonnées et de le tenir informé de l’évolution de la situation.
  5. 963. Le comité note également avec regret que le gouvernement n’a pas répondu aux allégations concernant les actes de harcèlement contre les syndicalistes et leurs familles, y compris des appels téléphoniques à leur domicile par l’entreprise, dans le contexte de la fusion entre PT Securicor Indonesia et Group 4 Falck et du refus de la nouvelle direction de négocier les conditions d’emploi des salariés, ainsi que du transfert d’un certain nombre d’entre eux vers la nouvelle direction. Le comité rappelle que les obligations incombant aux gouvernements en vertu de la convention no 98 et des principes concernant la protection contre la discrimination antisyndicale couvrent non seulement les actes de discrimination directe (tels que rétrogradation, licenciement, mutations fréquentes, etc.), mais s’étendent aussi à la nécessité de protéger les salariés syndiqués contre des attaques plus subtiles pouvant résulter d’omissions. A cet égard, les changements de propriétaire ne doivent pas enlever aux employés le droit de négociation collective ni menacer directement ou indirectement les travailleurs syndiqués et leurs organisations. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 788.] De plus, le harcèlement et les manœuvres d’intimidation perpétrés à l’encontre de travailleurs au motif de leur affiliation syndicale ou de leur participation à des activités syndicales légitimes peuvent, bien qu’ils ne portent pas nécessairement préjudice aux travailleurs dans leur emploi, les décourager de s’affilier aux organisations de leur choix et, par là même, violer leur droit d’organisation. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 786.]
  6. 964. Enfin, le comité constate avec regret que le gouvernement n’a pas répondu aux allégations graves qui ont été formulées concernant son incapacité de garantir un mécanisme efficace de protection contre les actes de discrimination antisyndicale. Le comité relève aussi avec inquiétude qu’il s’agit du quatrième cas dont il a été récemment saisi, dans lequel le gouvernement met exclusivement l’accent, dans sa réponse, sur les accords conclus grâce à la médiation des autorités du travail, en omettant de faire référence à des enquêtes visant à vérifier et réparer les actes allégués de discrimination antisyndicale. [Voir cas no 2336 (336e rapport, paragr. 498-539, au paragraphe 534), cas no 2451 (343e rapport, paragr. 906-928, au paragraphe 926); et cas no 2472 (348e rapport, paragr. 907 à 942).] Tout en reconnaissant l’importance de la médiation pour apporter des solutions communément acceptables aux conflits du travail, le comité rappelle aussi que, lorsqu’un gouvernement s’est engagé à garantir, par des mesures appropriées, le libre exercice des droits syndicaux, cette garantie, pour être réellement efficace, devrait, s’il est besoin, être assortie notamment de mesures comportant la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale en matière d’emploi. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 814.] Les règles de fond existant dans la législation nationale qui interdisent les actes de discrimination antisyndicale ne sont pas suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de procédures efficaces assurant une protection adéquate contre de tels actes. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 818.] En conséquence, le comité exhorte le gouvernement à prendre des dispositions, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, y compris par l’adoption de mesures législatives, pour assurer à l’avenir une protection complète contre les actes de discrimination antisyndicale prévoyant un accès à des mécanismes de recours rapides qui soient en mesure d’imposer des sanctions suffisamment dissuasives contre de tels actes.
  7. 965. Le comité encourage le gouvernement à utiliser pleinement l’assistance technique du BIT qui lui est offerte.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 966. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Rappelant que nul ne devrait faire l’objet de sanctions pour avoir déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime, le comité invite le gouvernement à préciser les circonstances dans lesquelles 24 travailleurs seulement sur 308 ont été finalement réintégrés après leur licenciement pour avoir participé à la grève entamée le 25 avril 2005. De même, relevant que la législation doit établir des sanctions suffisamment dissuasives contre les actes de discrimination antisyndicale pour assurer l’application pratique des articles 1 et 2 de la convention no 98, le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante d’exposer leur position sur la question de savoir si le versement reçu par les travailleurs sur la base de l’accord du 28 juillet 2006 est de nature à servir de sanction suffisamment dissuasive contre de futurs actes de discrimination antisyndicale par l’employeur.
    • b) Le comité demande au gouvernement d’indiquer si les accusations portées contre le président du syndicat Fitrijansjah Toisutta et les syndicalistes Tri Muryanto et Edi Putra pour avoir commis des «actes déplaisants» contre l’entreprise Securicor/Group 4 Falck sont pendantes devant les tribunaux ou si ces accusations ont été abandonnées. Dans le cas où cette affaire serait encore devant les tribunaux, le comité prie le gouvernement de mettre en place une commission indépendante chargée d’examiner la question et, si elle arrivait à la conclusion que ces personnes ont été accusées d’avoir organisé la grève pacifique entamée le 25 avril 2005 ou d’y avoir participé, de veiller à ce que ces accusations soient immédiatement abandonnées et de le tenir informé de l’évolution de la situation.
    • c) Le comité exhorte de nouveau le gouvernement à prendre des dispositions, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, y compris par l’adoption de mesures législatives, pour assurer à l’avenir une protection complète contre les actes de discrimination antisyndicale prévoyant un accès à des mécanismes de recours rapides qui soient en mesure d’imposer des sanctions suffisamment dissuasives contre de tels actes.
    • d) Le comité encourage le gouvernement à utiliser pleinement l’assistance technique du BIT qui lui est offerte.
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