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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 348, Novembre 2007

Cas no 2515 (Argentine) - Date de la plainte: 06-AOÛT -06 - Clos

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  1. 201. La plainte figure dans une communication de la Fédération nationale des enseignants, chercheurs et créateurs universitaires (Fédération historique des enseignants) datée d’août 2006.
  2. 202. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date des 10 et 31 octobre 2007.
  3. 203. L’Argentine a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 204. Dans sa communication d’août 2006, la Fédération nationale des enseignants, chercheurs et créateurs universitaires (Fédération historique des enseignants) fait savoir que, le 16 décembre 2003, elle a déposé auprès du ministère du Travail une demande en vue d’obtenir le statut syndical, ceci conformément aux conditions établies par l’article 14 bis de la Constitution nationale et par la loi no 23551 pour l’obtention du statut syndical. La fédération a répondu en temps voulu aux injonctions, observations et demandes du ministère du Travail. Sa demande, qui fait l’objet du dossier no 1081645/2003, a été transmise à la Direction nationale des associations syndicales du ministère du Travail et a obtenu des départements juridiques compétents, en avril 2006, un avis favorable à l’octroi du statut syndical. Bien que la fédération ait accompli les formalités prévues par la loi, l’administration n’a pas émis par la suite l’acte constitutif de droits. L’article 26 de la loi no 23551 dispose ce qui suit: «Une fois les formalités accomplies, l’autorité administrative du travail se prononcera dans les quatre-vingt-dix jours.» A ce jour, aucune réponse n’a été obtenue sous la forme d’un acte administratif, formel ou verbal. L’organisation plaignante considère donc, vu le retard apporté à l’octroi du statut demandé, qu’il y a non-exécution par le gouvernement argentin de dispositions expresses des conventions de l’OIT, de la Constitution nationale (article 14 bis) et de la loi (syndicale) no 23551.
  2. 205. L’organisation plaignante ajoute que, bien que les faits décrits soient suffisants pour déposer une plainte, il convient de décrire le contexte de cette omission de l’Etat, qui est liée à des actes concrets de discrimination antisyndicale et de violation par le gouvernement de la liberté syndicale et de l’autonomie des syndicats. Il existe deux autres entités syndicales du deuxième degré qui représentent les intérêts des enseignants des universités nationales: la Fédération nationale des enseignants des universités (ci-après, la CONADU) et la Fédération des enseignants des universités (ci-après, la FEDUN), cette dernière étant issue d’une scission récente de la CONADU. L’organisation plaignante déclare que la Fédération historique des enseignants a accompli les mêmes formalités légales que la FEDUN mais que, alors que la FEDUN a obtenu le statut syndical six mois exactement après le dépôt de sa demande, l’organisation plaignante n’a pas mérité, aux yeux de l’administration, l’acte administratif correspondant. Selon la Fédération historique des enseignants, cette anomalie, qui se vérifie alors que des procédures identiques ont été suivies, se traduit par un traitement inégal de demandes analogues et peut être la preuve, en premier lieu, d’un pouvoir discrétionnaire sans limites du ministère du Travail dans l’exercice de ses attributions en tant qu’autorité chargée de l’application de la loi no 23551.
  3. 206. L’organisation plaignante ajoute qu’une série d’actes administratifs, ainsi que de faits et omissions des ministères du Travail et de l’Education, constituent un grave cas de discrimination antisyndicale, dont la non-délivrance de l’acte octroyant le statut syndical demandé n’est qu’un exemple. A cet égard, l’organisation plaignante mentionne les actes discriminatoires suivants à son encontre: 1) le 22 juin 2005, le ministère national de l’Education a organisé des négociations sur les salaires des enseignants et des chercheurs des universités nationales. A cette occasion, la FEDUN, qui n’était alors pas encore enregistrée comme syndicat, a été convoquée à la table des négociations, ce qui n’a pas été le cas de la Fédération historique des enseignants; 2) un mémorandum d’accord salarial a été signé par le ministère de l’Education, le Conseil interuniversitaire national – qui représente les employeurs – et la FEDUN, une association sans statut syndical et sans personnalité juridique. La Fédération historique des enseignants a été exclue de cet accord, bien que les dispositions en soient applicables à tout le secteur (l’accord conclu est homologué par le ministère du Travail); 3) le paiement d’une quote-part de solidarité en faveur du syndicat signataire a été décidé. Lors d’une audience au ministère du Travail, le ministère de l’Education s’est engagé à payer cette quote-part, qui fait partie du montant d’un accord salarial conclu entre les partenaires sociaux. La promesse de paiement du ministère de l’Education, outre qu’elle est une subvention illicite, est aussi une pratique déloyale; 4) la FEDUN a obtenu son enregistrement par le biais de la décision no 782 du 26 septembre 2005, postérieurement aux actes susmentionnés. Par la suite, ce syndicat a demandé le statut syndical dans le cadre du dossier (DNAS) no 1146126/2005. Le 23 mars 2006, le ministère du Travail a octroyé le statut syndical à cette entité par le biais de la décision no 256/2006; 5) il convient de souligner que la demande de statut syndical de la Fédération historique des enseignants a été déposée près de trois ans avant la date de la présentation de la plainte, et que, avant cela, il avait fallu trois ans à cette fédération pour obtenir son enregistrement. Le statut syndical a été octroyé à la FEDUN dans un délai de trois mois, c’est-à-dire avant l’expiration du délai de six mois prévu par la loi; 6) la Fédération historique des enseignants regroupe 20 associations syndicales du premier degré situées dans tout le pays, tandis que la FEDUN en regroupe cinq.
  4. 207. L’organisation plaignante indique que le présent cas est un exemple de violation flagrante des principes consacrés par les conventions de l’OIT, par la Constitution nationale et par les lois nationales, et qu’une conduite illégale, discrétionnaire et discriminatoire comme celle dont il est rendu compte est pratique constante au ministère du Travail et au ministère de l’Education depuis au moins l’année 2000; c’est pourquoi il est nécessaire que le présent cas soit résolu et que le comportement antisyndical de l’Etat prenne fin. La conduite discriminatoire du gouvernement implique une intervention directe dans la vie interne de la fédération et aboutit à la violation de ses droits en tant que fédération autonome. Les actes du gouvernement argentin favorisent de manière patente une entité syndicale au détriment de la Fédération historique des enseignants. Le système de monopole de la représentation du modèle syndical argentin prévu par la loi no 23551 est également – et une fois de plus – en cause, du point de vue cette fois du pouvoir discrétionnaire très large qu’exercent les gouvernements successifs dans la procédure d’octroi du statut syndical. En effet, le mécanisme complexe prévu par la loi argentine pour l’octroi du statut syndical à une association syndicale, outre qu’il est contraire à la convention no 87, influe dans tous les cas de manière négative sur les organisations de travailleurs et sur l’exercice de la liberté syndicale. Ce système permet en outre une manipulation discrétionnaire de la procédure par les gouvernements, qui tirent un profit politique d’un droit des travailleurs et des syndicats. Le présent cas de discrimination est également possible en raison du manque de transparence du mécanisme légal en la matière.
  5. B. Réponse du gouvernement
  6. 208. Dans sa communication du 10 octobre 2007, le gouvernement indique que, selon le registre informatique du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, le dossier no 1-2015.1.081.645/2005 se trouve au niveau du chef de cabinet du ministère, ce qui démontre que les autorités au plus haut niveau se sont occupées du traitement et de la résolution définitive et satisfaisante de la question de fond, objet de la présente plainte. Dans sa communication du 31 octobre 2007, le gouvernement indique que, contrairement à ce qui est affirmé, l’organisation plaignante a participé à des réunions au cours desquelles ont été abordées les questions salariales des enseignants et chercheurs des universités nationales.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 209. Le comité observe que, dans le présent cas, la Fédération nationale des enseignants, chercheurs et créateurs universitaires (Fédération historique des enseignants) allègue que, le 16 décembre 2003, elle a demandé au ministère du Travail l’octroi du statut syndical et que, bien qu’elle ait accompli les formalités prévues par la loi, l’administration ne s’est pas prononcée à cet égard (l’organisation plaignante allègue un traitement discriminatoire de la part des autorités par rapport à une autre fédération du secteur dont les démarches pour obtenir le statut syndical ont abouti en moins de six mois et qui a même été convoquée pour négocier collectivement avant d’avoir obtenu ce statut); la Fédération historique des enseignants met également en cause la loi no 23551 sur les associations syndicales pour ce qui est des conditions exigées pour l’octroi du statut syndical.
  2. 210. Le comité note que le gouvernement indique, de manière générale, que, en ce qui concerne la plainte, le dossier no 1-2015.1.081.645/2005 se trouve au niveau du chef de cabinet du ministère du Travail, ce qui démontre que les autorités au plus haut niveau ont été soucieuses de la résolution satisfaisante de l’objet de la présente plainte.
  3. 211. Le comité observe avec inquiétude que depuis des années il examine des cas concernant l’Argentine qui portent sur des allégations relatives à des retards excessifs – de trois à quatre ans – dans la procédure d’octroi du statut syndical à des organisations. [Voir, par exemple, 307e rapport, cas no 1872, paragr. 45 à 54; 309e rapport, cas no 1924, paragr. 45 à 55; 338e rapport, cas no 2302, paragr. 346 à 358, et 346e rapport, cas no 2477, paragr. 209 à 246.] Le comité rappelle que, en 1997 déjà, il avait «[demandé] instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu’à l’avenir, lorsque sont présentées des demandes d’enregistrement d’un syndicat ou d’octroi du statut syndical, les autorités administratives correspondantes se prononcent sur le sujet sans retard injustifié». [Voir 307e rapport, op. cit., paragr. 54.]
  4. 212. A cet égard, le comité relève que, dans le présent cas, quatre années se sont écoulées depuis que la Fédération historique des enseignants a demandé le statut syndical et que, compte tenu des avantages importants dont jouissent les organisations dotées du statut syndical, il est évident que le long délai écoulé a sans doute porté préjudice à l’organisation plaignante dans l’exercice de ses activités – de fait, elle indique qu’une autre fédération du secteur (la FEDUN) a été convoquée pour négocier un accord salarial. Dans ces conditions, le comité prie fermement le gouvernement d’enregistrer immédiatement la demande de statut syndical – formulée il y a près de quatre ans – de la Fédération nationale des enseignants, chercheurs et créateurs universitaires (Fédération historique des enseignants) et de le tenir informé à cet égard. Quant à l’allégation relative à la discrimination dont aurait fait l’objet la Fédération historique des enseignants du fait de la convocation exclusive de la FEDUN (qui ne bénéficiait pas alors du statut syndical) pour négocier un accord salarial, le comité prend note, cependant, de ce que le gouvernement indique que, contrairement à ce qui est affirmé dans la plainte, la Fédération historique des enseignants a participé à des réunions au cours desquelles ont été abordées les questions salariales des enseignants et chercheurs des universités nationales.
  5. 213. En ce qui concerne le large pouvoir discrétionnaire allégué et la discrimination exercée par les autorités dans la procédure pour l’obtention du statut syndical, le comité observe avec inquiétude que, selon les déclarations de l’organisation plaignante, le statut syndical aurait été accordé à la FEDUN dans le délai de six mois prévu par la législation alors que, dans le cas de la Fédération historique des enseignants, près de quatre années se sont écoulées sans que les autorités se soient prononcées à cet égard. Plus concrètement, à propos des conditions prévues par la loi no 23551 sur les associations syndicales auxquelles il est fait objection, le comité rappelle que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations a évoqué cette question il y a de nombreuses années. En ce sens, dans son observation de 2006 relative à l’article 28 de la loi, qui impose à une association, pour pouvoir contester à une autre le statut syndical, de compter un nombre d’affiliés «considérablement supérieur», et à l’article 21 du décret réglementaire no 467/88, qui explicite le sens des termes «considérablement supérieur» en disposant que l’association qui revendique le statut syndical doit compter au moins 10 pour cent d’adhérents cotisants de plus que sa rivale, la commission d’experts a indiqué ce qui suit [voir rapport III (1A), p. 44 de la version française]:
  6. La commission considère que la règle imposant de justifier d’un pourcentage considérablement supérieur, c’est-à-dire 10 pour cent d’adhérents de plus que le syndicat préexistant, constitue une condition démesurée, contraire aux exigences de la convention, qui crée, dans la pratique, une difficulté aux organisations syndicales simplement enregistrées pour obtenir le statut syndical.
  7. Comme la commission d’experts, le comité demande au gouvernement de prendre, en consultation avec les représentants des organisations de travailleurs et d’employeurs, les mesures nécessaires pour modifier les dispositions législatives en cause.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 214. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie fermement le gouvernement d’enregistrer immédiatement la demande de statut syndical – formulée il y a près de quatre ans – de la Fédération nationale des enseignants, chercheurs et créateurs universitaires (Fédération historique des enseignants) et de le tenir informé à cet égard.
    • b) Le comité demande au gouvernement de prendre, en consultation avec les représentants des organisations de travailleurs et d’employeurs, les mesures nécessaires pour modifier l’article 28 de la loi, qui impose à une association, pour pouvoir contester à une autre le statut syndical, de compter un nombre d’affiliés «considérablement supérieur», et l’article 21 du décret réglementaire no 467/88, qui explicite le sens des termes «considérablement supérieur» en disposant que l’association qui revendique le statut syndical doit compter au moins 10 pour cent d’adhérents cotisants de plus que sa rivale.
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