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Rapport intérimaire - Rapport No. 357, Juin 2010

Cas no 2516 (Ethiopie) - Date de la plainte: 11-SEPT.-06 - Clos

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  1. 591. Le comité a examiné ce cas à sa réunion de mars 2009. [Voir 353e rapport, paragr. 968-1010.] Par une communication en date du 30 novembre 2009, la Confédération syndicale internationale (CSI) a transmis une communication datée du 3 novembre 2009 de l’Internationale de l’Education (IE), contenant de nouvelles allégations.
  2. 592. Le gouvernement a adressé ses observations dans des communications en date des 14 octobre 2009 et 7 mars 2010.
  3. 593. L’Ethiopie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 594. A sa réunion de mars 2009, le comité a jugé nécessaire d’attirer spécialement l’attention du Conseil d’administration sur ce cas en raison de l’extrême gravité et de l’urgence des questions en cause et a formulé les recommandations suivantes [voir 353e rapport, paragr. 5 et 1010]:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’Association nationale des enseignants éthiopiens soit enregistrée sans délai de sorte que les enseignants puissent exercer pleinement leur droit de constituer des organisations aux fins de la promotion et de la défense des intérêts professionnels des enseignants sans délai supplémentaire. Il demande au gouvernement de le tenir informé des progrès faits en ce sens.
    • b) Le comité prie une nouvelle fois instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les droits à la liberté syndicale soient pleinement garantis pour les fonctionnaires, et notamment pour les enseignants du secteur public. Il demande au gouvernement de le tenir informé de tout progrès réalisé à cet égard.
    • c) Le comité veut croire que les décisions concernant les membres de l’ETA (l’organisation plaignante) mentionnés dans la plainte seront prises par les instances juridictionnelles sans délai supplémentaire. Il demande au gouvernement de communiquer l’intégralité des décisions dès qu’elles seront rendues.
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que M. Mengistu soit libéré ou présenté dans les plus brefs délais devant une autorité judiciaire indépendante et impartiale.
    • e) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter dans les plus brefs délais une enquête indépendante sur les allégations de torture et de mauvais traitements des personnes détenues, sous la direction d’une personne qui bénéficierait de la confiance de toutes les parties concernées et, s’il était avéré qu’elles ont fait l’objet de mauvais traitements, de punir les responsables et de veiller à ce qu’elles perçoivent une compensation appropriée pour les préjudices subis. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des démarches entreprises en ce sens et des résultats de l’enquête.
    • f) Le comité veut croire que tous les syndicalistes traduits devant les tribunaux jouissent des garanties d’une procédure régulière nécessaires pour assurer leur défense.
    • g) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante approfondie sur les allégations de harcèlement commis entre septembre et novembre 2007 à l’encontre de Mmes Berhanework Zewdie, Aregash Abu, Elfinesh Demissie et de M. Wasihun Melese, tous membres du Comité exécutif national de l’organisation plaignante, ainsi qu’à l’encontre de plus de 50 de ses militants afin de déterminer les responsabilités, de punir les parties coupables et d’empêcher que des actes similaires ne se reproduisent. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • h) Le comité demande au gouvernement de prendre dans les plus brefs délais toutes mesures nécessaires pour assurer le versement des salaires dus à Mme Demissie, assorti d’indemnités appropriées ou de pénalités, constituant une sanction suffisante propre à décourager tout autre acte de discrimination syndicale. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • i) Le comité demande aux organisations plaignantes d’indiquer comment la décision du gouvernement concernant l’opération du recensement dans la région Somali a affecté les droits syndicaux des professeurs impliqués.
    • j) Le comité demande au gouvernement de fournir une réponse sur le fond aux allégations relatives au licenciement des deux dirigeants syndicaux Nikodimos Aramdie et Wondewosen Beyene et, s’agissant du licenciement en 1995 de Kinfe Abate, il demande aux plaignants de communiquer des informations détaillées à cet égard et d’indiquer la raison pour laquelle ils ne les ont pas fournies précédemment.
    • k) Le comité demande au gouvernement de faire procéder à une enquête indépendante au sujet des allégations de harcèlement de sept militants syndicaux et de fournir une réponse détaillée sur son issue.

B. Nouvelles allégations des organisations plaignantes

B. Nouvelles allégations des organisations plaignantes
  1. 595. Dans sa communication du 30 novembre 2009, l’IE rappelle que, le 15 décembre 2008, le ministère de la Justice a refusé d’enregistrer l’Association nationale des enseignants (la «NTA»), ce qui rend ses militants vulnérables aux pressions du gouvernement, y compris les peines d’emprisonnement et le harcèlement. L’IE indique que, les 25 et 29 décembre 2008, deux membres fondateurs de la NTA ont déposé des pétitions auprès du ministre de la Justice et du Protecteur du citoyen, déplorant que la décision du Bureau du registraire porte atteinte à ses droits constitutionnels, en ce qu’elle interdit à une association indépendante d’enseignants d’exister, en sus de l’organisation existante, l’Association des enseignants éthiopiens (ETA), constituée en 1993. Copie de la lettre adressée au Protecteur du citoyen a été envoyée à toutes les institutions compétentes en Ethiopie, y compris l’Assemblée des représentants du peuple, le Bureau du Premier ministre et la Commission des droits de l’homme.
  2. 596. Le 7 janvier 2009, le vice-commissaire du bureau du Protecteur du citoyen a reçu les représentants des membres fondateurs de la NTA. Il a manifesté un intérêt pour le cas et indiqué que le droit constitutionnel des enseignants à la liberté syndicale avait été violé lorsqu’ils avaient été invités à produire une lettre d’appui de leur employeur. Le vice-commissaire s’est engagé à discuter de la question avec ses collègues du bureau du Protecteur du citoyen. Malgré plusieurs rappels, ce dernier n’a pas donné suite.
  3. 597. Ayant tenté durant trois mois d’obtenir une audience avec le ministre de la Justice, et après avoir consulté les enseignants concernés, les représentants de la NTA ont décidé de porter plainte contre le ministère de la Justice. Le 30 mars 2009, ils ont saisi la neuvième chambre civile de la Cour fédérale de première instance d’Addis-Abeba. Cette dernière a invité le ministère de la Justice à répondre par écrit à la plainte et, le 22 avril 2009, a statué que le ministère de l’Education n’avait pas le droit d’autoriser ou de refuser le droit syndical à ses employés. La Cour a également décidé que les noms ETA et NTA étaient différents.
  4. 598. A l’audience du 30 avril 2009, l’affaire NTA c. Ministère de la Justice a été ajournée au 6 mai 2009. Plus tard en mai, la Cour a jugé que la NTA ne pouvait pas reprocher au ministère de la Justice d’avoir refusé de l’enregistrer en tant qu’association professionnelle. Conformément à la Proclamation sur les sociétés caritatives et de bienfaisance, récemment promulguée, la NTA aurait dû présenter sa demande à l’Agence des sociétés caritatives et de bienfaisance (CSA), organisme étatique institué par la nouvelle législation, mais qui n’était pas encore établi à cette époque. L’IE souligne que, selon cette décision, une agence qui n’existait pas à cette date sera tenue responsable du refus du ministère de la Justice, en décembre 2008, d’enregistrer la NTA.
  5. 599. L’IE explique à cet égard que, le 6 janvier 2009, l’Assemblée des représentants du peuple a adopté un projet de loi qui soumet tous les groupes de la société civile au contrôle et à la surveillance du gouvernement par l’intermédiaire de la CSA. Le projet de loi a institué un organisme de surveillance, doté de vastes pouvoirs discrétionnaires lui permettant de refuser la reconnaissance juridique aux organisations non gouvernementales (ONG), de dissoudre les associations déjà légalement reconnues et de s’immiscer dans la gestion des associations jusqu’au point de modifier leurs objectifs organisationnels. Le projet de loi interdit aux ONG étrangères de mener des activités liées à divers sujets: droits de l’homme; gouvernance; protection des droits des femmes, des enfants et des personnes handicapées; règlement des conflits; amélioration des pratiques judiciaires ou des méthodes d’application de la loi. Le projet interdit également aux ONG nationales travaillant sur les questions des droits de l’homme et de bonne gouvernance de recevoir des financements de l’étranger. En vertu du projet de loi, est considérée «étrangère» toute ONG qui reçoit plus de 10 pour cent de son financement de sources étrangères ou qui compte des ressortissants étrangers parmi ses membres; le projet interdit aux ONG internationales de mener des activités relatives aux droits de l’homme et aux questions de gouvernance. Le projet prévoit également des sanctions pénales très sévères, y compris des amendes et des peines de prison pouvant aller jusqu’à quinze ans, pour toute personne participant à des activités illégales de la société civile.
  6. 600. L’IE allègue en outre qu’un responsable de l’ETA, dissoute en juin 2008, est toujours détenu au centre pénitentiaire de Kaliti contrairement à la déclaration faite en 2009 par un représentant du gouvernement devant la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail. Enseignant dans une école secondaire de Dejen, président du comité exécutif (section de Gojam-Est) de l’ancienne ETA et membre du comité exécutif de l’ancienne ETA, chargé de la mise en œuvre du programme conjoint (IE-ETA) «Education pour tous et VIH/sida » (EFAIDS), M. Meqcha Mengistu a été arrêté le 30 mai 2007 et était toujours détenu au 31 août 2009. En outre, sachant que sa détention pourrait être prolongée en raison de la lenteur de la procédure judiciaire, Mme Wibit Legamo, épouse d’un ancien militant de l’ETA, s’est désistée de son droit de recours contre le verdict rendu le 8 mai 2009 par la Haute Cour fédérale; elle a été libérée le 21 juillet 2009. Contrairement à la déclaration officielle du représentant du gouvernement, Mme Wibit Legamo n’a pas été traitée avec humanité, selon un rapport juridique analysant les mauvais traitements qu’elle et d’anciens membres de l’ETA ont subis durant leur interrogatoire et leur détention en 2007. Le rapport indique que Mme Wibit Legamo a reçu en présence de son enfant des coups qui ont provoqué l’avortement d’un fœtus de cinq mois. Ce rapport a été envoyé en juin 2008 à l’ambassadeur d’Ethiopie, ainsi qu’au Rapporteur spécial des Nations Unies chargé de la question de la torture auprès du Conseil des droits de l’homme.
  7. 601. En outre, contrairement à une déclaration faite par un représentant du gouvernement, Mme Elfinesh Demissie, professeur à l’école primaire Misraq Goh d’Addis-Abeba, n’a pas manqué cinquante-six jours d’école. Elle s’est absentée de son travail pendant cinq jours au total: trois jours où elle n’a pas pu se rendre à l’école lors des manifestations de rue en novembre 2005 (la plupart des chefs d’établissement et des enseignants n’ont pas pu se rendre à leur école en raison des perturbations dans les transports) et deux jours en août 2006 où elle a demandé la permission d’assister à l’Assemblée générale de l’ETA, qui a été suspendue par les forces de sécurité. Ces jours d’absence ne sauraient justifier les trente-six jours de suspension qui lui ont été imposés ni le harcèlement qu’elle a subi durant plusieurs semaines.
  8. 602. Depuis plusieurs années, la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations a formulé des observations, demandant au gouvernement de mettre la législation nationale en conformité avec les exigences de la convention no 87. Malgré l’engagement pris en ce sens, le gouvernement n’a pas modifié la Proclamation sur la fonction publique, de façon à reconnaître le droit de liberté syndicale aux fonctionnaires comme les juges, les procureurs et d’autres catégories de travailleurs de la fonction publique. Bien que la Proclamation de 1993 ait été modifiée en 2003, les enseignants du secteur public, soit plus de 200 000 fonctionnaires, sont toujours privés du droit de constituer des syndicats et de s’affilier à la Confédération syndicale nationale (CETU). En outre, l’IE exprime l’espoir que le gouvernement mettra en œuvre la recommandation des organes de contrôle de l’OIT, qui ont demandé aux autorités de libérer leur collègue syndiqué toujours détenu en raison de son soutien à l’association indépendante d’enseignants et de réintégrer dans leurs fonctions, avec indemnisation adéquate, les enseignants qui ont été licenciés, détenus et torturés en raison de leur appartenance à l’ETA indépendante (Kassahun Kebede, Anteneh Getnet, Tilahun Ayalew, Woldie Dana et Berhanu Aba-Debissa).

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 603. Dans sa communication du 14 octobre 2009, le gouvernement se félicite de la mission de contacts directs du BIT, qui s’est rendue dans le pays du 6 au 9 octobre 2009, et communique ses observations sur les recommandations de celle-ci.
  2. 604. S’agissant de la question de l’enregistrement, le gouvernement indique que la mission a correctement conclu que le différend entre les deux groupes disant représenter l’ETA a été résolu par la voie judiciaire. Toutefois, cette décision définitive n’a pas été pleinement acceptée par toutes les parties. En dépit de la décision finale de la Cour suprême, des tentatives ont été faites pour obtenir l’enregistrement d’une autre entité, se qualifiant elle-même de «NTA» pour donner l’impression qu’elle avait une certaine crédibilité, avant même d’avoir été enregistrée. L’IE a permis à l’un des organisateurs de la NTA de faire une déclaration lors de la dernière Conférence internationale du Travail. Selon le gouvernement, le fait d’autoriser cet organisateur à représenter une entité qui n’a même pas été enregistrée dans le pays est révélateur des failles du système. Le gouvernement indique que les plaignants ont également soumis leur cas au bureau du Protecteur du citoyen et que cette affaire est en instance dans l’attente d’une décision finale. Le gouvernement souligne que la question de l’enregistrement ne peut être traitée que dans le cadre du processus établi par la loi nationale.
  3. 605. En ce qui concerne la deuxième recommandation de la mission, c’est-à-dire la tenue d’une enquête indépendante sur les allégations de torture et de mauvais traitements des enseignants, le gouvernement explique que toutes les allégations étayées par des preuves crédibles font l’objet d’un examen approfondi par les organes constitutionnels, y compris les tribunaux, la Commission des droits de l’homme, le bureau du Protecteur du citoyen, ou dans le cadre d’un mécanisme approuvé par l’Assemblée des représentants du peuple.
  4. 606. Quant à la troisième recommandation, soit le droit des fonctionnaires de constituer des syndicats, le gouvernement précise qu’il a expliqué à plusieurs reprises, notamment lors de la dernière Conférence internationale du Travail, que ce droit est garanti par l’article 42 de la Constitution, intitulé «Droits au travail», qui stipule que les travailleurs des secteurs secondaire et tertiaire, les agriculteurs, les ouvriers agricoles et les autres travailleurs ruraux, ainsi que les employés publics dont les fonctions le permettent et qui sont en dessous d’un certain niveau de responsabilité, ont le droit de former des associations pour améliorer leurs conditions d’emploi et leur bien-être économique. Le gouvernement souligne qu’il a expliqué à tous les organismes compétents que ces droits seront intégralement respectés dans le cadre d’une démarche progressive, permettant au pays d’établir les conditions nécessaires à leur plein respect. Il conclut en déclarant que les fonctionnaires ont le droit de former des associations et bénéficient de garanties juridiques complètes en vertu de la loi sur le service civil.
  5. 607. Rappelant que le rapport de la mission porte également sur des allégations d’emprisonnement des enseignants, le gouvernement réfute les allégations voulant que de nombreux enseignants restent en détention. Les personnes dont le nom a été cité ont été détenues en application d’une ordonnance judiciaire. Les personnes reconnues coupables par le tribunal de participation à des actes de violence contre l’ordre constitutionnel purgent leur peine. L’allégation selon laquelle ils ont été arrêtés en raison de leurs activités syndicales n’est pas fondée.
  6. 608. Dans sa communication du 7 mars 2010, le gouvernement transmet des observations supplémentaires concernant les nouvelles allégations. Il indique avoir maintes fois expliqué que le droit de former des associations est une liberté protégée par la Constitution, que les citoyens exercent librement. La Proclamation de 2006 sur le travail confirme ce droit constitutionnel fondamental et garantit aux syndicats le droit de négocier collectivement dans le cadre délimité par ses dispositions. Les nombreux syndicats et associations professionnelles qui fonctionnent librement attestent du fait que la législation nationale est en conformité avec la convention pertinente de l’OIT.
  7. 609. Le gouvernement déclare que la Proclamation sur les sociétés caritatives et de bienfaisance, récemment promulguée après une vaste consultation publique de toutes les parties prenantes, est entrée en vigueur à l’expiration du délai accordé aux divers organismes, sociétés et associations de bienfaisance pour se conformer aux exigences de la nouvelle loi. Aucun syndicat ou association ne s’est plaint d’être lésé ou entravé dans ses activités par cette nouvelle loi. La proclamation vise à renforcer la participation des organisations de la société civile au développement du pays; elle définit et réglemente clairement les organismes et sociétés de bienfaisance; elle établit les garanties nécessaires et une procédure régulière dans le cadre des efforts de démocratisation. La CSA est la nouvelle agence gouvernementale juridiquement compétente pour enregistrer les associations, sur la base de critères juridiques transparents. Le préambule de la nouvelle loi dispose qu’il est nécessaire de promulguer une législation pour assurer la mise en œuvre du droit d’association reconnu aux citoyens par la Constitution et aider la CSA à contribuer au développement général des travailleurs.
  8. 610. Le gouvernement explique que l’enregistrement de l’ETA, qui compte 350 000 membres dûment inscrits et payant des cotisations, a été maintenu. L’ETA a été reconnue comme association légitime et enregistrée en tant que telle par l’organisme gouvernemental compétent. Le gouvernement rappelle que les mêmes principes et procédure s’appliquent à la NTA, qui peut demander son enregistrement auprès de la nouvelle CSA. En outre, si l’inscription est refusée par la CSA, la NTA peut porter la question devant un tribunal, qui décidera si l’enregistrement lui a été injustement refusé. Il serait inapproprié pour le gouvernement d’intervenir à ce stade avant que la question soit définitivement tranchée sur le plan juridique. Le gouvernement réitère ses assurances que, lorsque la CSA aura dûment enregistré la NTA en tant qu’association, cette dernière, comme l’exige la loi, jouira de la reconnaissance et des services que toutes les associations légalement constituées sont en droit de recevoir.
  9. 611. L’allégation selon laquelle la Proclamation sur les sociétés caritatives et de bienfaisance restreint le droit de grève et la négociation collective est dénuée de tout fondement, juridique ou pratique. Les conditions d’exercice du droit de grève et de négociation collective sont régies par la Proclamation sur le travail. Dans le même ordre d’idées, les syndicats peuvent poursuivre leurs objectifs en recourant à la grève puisqu’il n’existe aucune limitation injustifiée à ce droit. La législation prévoit également des dispositions pour le règlement pacifique des différends du travail; elle encourage les parties à régler leurs différends à l’amiable et à éviter les confrontations qui troublent la paix sociale. Néanmoins, comme partout ailleurs, si la grève est inévitable, la loi prévoit une liste des services publics essentiels devant être maintenus pendant une grève. La loi retient également la responsabilité de la partie fautive si des dommages matériels surviennent dans l’exercice de ces activités.
  10. 612. Le gouvernement rejette catégoriquement les allégations d’ingérence dans les affaires des associations indépendantes, déclarant que les efforts de démocratisation du pays ne seront pas couronnés de succès si les associations indépendantes ne peuvent pas fonctionner librement et sans entrave. La prolifération des associations et des syndicats et l’augmentation de leurs effectifs démontrent manifestement l’engagement du gouvernement à cet égard. La législation du travail actuellement en vigueur permet également l’existence de plusieurs syndicats au niveau de l’entreprise et fournit aux syndicats et associations un éventail complet de moyens juridiques pour se défendre contre toute intervention indue.
  11. 613. S’agissant du droit de liberté syndicale des fonctionnaires, le gouvernement estime important de souligner à nouveau un élément fondamental, à savoir que la Constitution prévoit explicitement que toute personne, y compris les fonctionnaires, a le droit de former des associations pour tout objet ou cause. Les fonctionnaires insatisfaits de leurs conditions de travail disposent de voies de recours en vertu de la législation régissant la fonction publique et d’autres recours juridiques, y compris auprès du bureau du Protecteur du citoyen. Le gouvernement réitère sa position qu’il n’existe – et il ne saurait exister – aucun doute sur le point de savoir si les fonctionnaires ont, comme les autres travailleurs, le droit de constituer des associations. La seule différence concerne le moment auquel ce droit devrait être accordé. Le gouvernement estime que le pays n’est pas tout à fait prêt à mettre en place une telle législation: c’est la seule raison expliquant pourquoi la législation sur la fonction publique ne prévoit pas encore la possibilité d’associations distinctes dans ce secteur. Dans le cadre du processus de démocratisation du pays, le gouvernement est pleinement engagé dans la mise en œuvre d’un programme de réforme de la fonction publique visant à fournir un service rapide et efficace aux citoyens. A l’heure actuelle, le gouvernement ne dispose pas des moyens lui permettant de s’engager dans un processus de négociation collective à part entière avec les fonctionnaires. Cette question sera soumise pour examen à l’Assemblée législative lorsque le programme de réforme aura été appliqué avec succès et que les moyens nécessaires existeront au niveau national. Le gouvernement invite les organes de contrôle de l’OIT à examiner cette question globalement, estimant qu’il est improductif de formuler de façon répétitive des allégations qui ne respectent pas le processus législatif du pays et la réalité pratique.
  12. 614. Quant aux allégations concernant des affaires pénales impliquant 55 accusés, y compris des personnes ayant des liens avec l’ETA, notamment M. Meqcha Mengistu et Mme Wibit Legamo, le gouvernement déclare que ces accusations pénales ont été portées en vertu des dispositions du Code pénal réprimant la participation aux organisations illégales. Ces accusations sont complètement étrangères aux activités des défendeurs au sein de l’ETA. Le 8 mai 2009, la deuxième chambre pénale de la Haute Cour fédérale a reconnu M. Meqcha Mengistu coupable et l’a condamné à trois ans d’emprisonnement; il a ensuite été amnistié et libéré. Mme Wibit Legamo, dont le gouvernement nie qu’elle ait été maltraitée en prison, a également été libérée.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 615. Le comité prend note des nouvelles allégations communiquées par la Confédération syndicale internationale (CSI) et l’Internationale de l’Education (IE). Elle note également la réponse du gouvernement, ainsi que ses observations sur le rapport de la mission de contacts directs d’octobre 2009.
  2. 616. En ce qui concerne l’enregistrement de la NTA (recommandation a)), le comité note que le gouvernement mentionne l’adoption récente de la Proclamation sur les sociétés caritatives et de bienfaisance, instituant la CSA autorité chargée de l’enregistrement des associations. Le gouvernement indique que la NTA peut soumettre sa demande d’enregistrement à la CSA et qu’elle a le droit de se pourvoir devant les tribunaux en cas de refus. Il estime donc inapproprié d’intervenir à ce stade.
  3. 617. Le comité note avec préoccupation les allégations des organisations plaignantes concernant cette nouvelle législation, notamment en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire de la CSA de refuser l’enregistrement et ses pouvoirs d’ingérence dans l’administration et les activités internes des syndicats. Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations à ce sujet, ainsi que toutes les informations pertinentes sur l’application de la proclamation dans la pratique.
  4. 618. Le comité déplore profondément le fait que la NTA n’a toujours pas obtenu son enregistrement, presque deux ans après en avoir fait la demande. Le comité rappelle que le droit à une reconnaissance par un enregistrement officiel est un aspect essentiel du droit syndical, en ce sens que c’est la première mesure que les organisations de travailleurs ou d’employeurs doivent prendre pour pouvoir fonctionner efficacement et représenter leurs membres convenablement. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 295.] Le comité attire l’attention du gouvernement sur sa responsabilité à cet égard, à savoir d’assurer que ce droit est respecté en droit comme en pratique. Le comité prie donc à nouveau instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les autorités compétentes enregistrent la NTA immédiatement, afin que les enseignants puissent exercer pleinement, et sans plus tarder, leur droit de constituer des organisations pour le renforcement et la défense de leurs intérêts professionnels. Il prie instamment le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
  5. 619. S’agissant du droit des fonctionnaires à la liberté syndicale (recommandation b)), le comité note la déclaration du gouvernement, qui estime que les fonctionnaires, comme tous les autres travailleurs, devraient jouir du droit de constituer leurs associations, mais que jusqu’à présent le pays n’est pas prêt à leur assurer les droits de liberté syndicale et de négociation collective car il n’a pas encore développé les capacités de s’engager dans un processus de négociation collective à part entière avec les fonctionnaires. Le comité souligne que les droits syndicaux, comme les autres droits humains fondamentaux, doivent être respectés quel que soit le niveau de développement du pays concerné. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 17.] Le comité prie donc à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les droits de liberté syndicale des fonctionnaires, y compris les enseignants du secteur public, sont pleinement garantis. Il prie le gouvernement de le tenir informé de tout progrès réalisé à cet égard.
  6. 620. En ce qui concerne les arrestations et les détentions de syndicalistes (recommandations c) et d)), le comité prend note de la communication des organisations plaignantes, où il est mentionné que M. Meqcha Mengistu, responsable de l’ETA dissoute en juin 2008, était encore en prison au 31 août 2009, et que Mme Wibit Legamo a été libérée le 21 juillet 2009, après s’être désistée de son appel contre le verdict rendu le 8 mai 2009 par la Haute Cour fédérale. Le comité note également les informations fournies par le gouvernement, qui déclare que les personnes concernées ont été inculpées conformément aux dispositions du Code pénal, en rapport avec leur participation à une organisation illégale, et que ces accusations sont étrangères aux activités des défendeurs au sein de l’ETA. Le 8 mai 2009, la deuxième Chambre pénale de la Haute Cour fédérale a déclaré M. Meqcha Mengistu coupable et l’a condamné à trois ans d’emprisonnement; il a ensuite été amnistié et libéré. Le gouvernement confirme également la libération de Mme Wibit Legamo. Tout en se félicitant de la libération de ces deux personnes, le comité regrette que le gouvernement n’ait pas communiqué le texte intégral des jugements rendus dans ces affaires, comme il l’avait demandé.
  7. 621. Renvoyant à sa précédente recommandation e) à cet égard, le comité rappelle les allégations de recours à la torture pour extorquer des aveux, qui auraient pu être utilisés contre les défendeurs. En particulier, le comité note avec préoccupation les allégations de mauvais traitements subis par Mme Wibit Legamo. Le comité note que, selon le gouvernement, les prisonniers n’ont pas été maltraités pendant leur détention, et toutes les allégations étayées par des preuves crédibles seront attentivement examinées par les organes constitutionnels compétents, y compris les tribunaux, la Commission des droits de l’homme, le bureau du Protecteur du citoyen ou tout mécanisme approuvé par l’Assemblée des représentants du peuple. Le comité regrette profondément que, malgré ses demandes réitérées, le gouvernement n’ait pas communiqué un rapport contenant les conclusions des enquêtes menées par ces organismes. Le comité rappelle qu’il a déjà souligné la nécessité de veiller à ce qu’une enquête indépendante sur les allégations de torture et mauvais traitements des personnes détenues soit dirigée par une personne recueillant la confiance de toutes les parties concernées. Le comité prie instamment à nouveau le gouvernement de diligenter rapidement une enquête indépendante, menée par une personne qui recueille la confiance de toutes les parties concernées, sur les allégations de torture et de mauvais traitements subis par les personnes détenues et, s’il est constaté que les personnes en question ont subi des mauvais traitements, de prendre les mesures voulues pour punir les responsables et indemniser adéquatement les victimes pour tout dommage subi. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard, de lui communiquer les résultats de l’enquête, ainsi que ceux de toute autre investigation menée sur ces allégations.
  8. 622. En ce qui concerne les allégations relatives au harcèlement, aux licenciements et aux suspensions de militants syndicaux (recommandations g), h), j) et k)), le comité note la déclaration générale du gouvernement, qui réfute catégoriquement les allégations d’ingérence dans les affaires internes des associations indépendantes, et déclare que la législation du travail actuellement en vigueur octroie aux syndicats et aux associations un large éventail de moyens juridiques pour se défendre contre toute intervention indue. Le comité souligne que les gouvernements doivent reconnaître l’importance qu’il y a, pour leur propre réputation, à ce qu’ils présentent, en vue d’un examen objectif par le comité, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre par les organisations plaignantes [voir Recueil, op. cit., paragr. 24] et espère que le gouvernement se montrera plus coopératif à l’avenir.
  9. 623. Renvoyant à l’examen antérieur de ce cas, et au vu des précisions supplémentaires apportées par les organisations plaignantes, le comité demande à nouveau instamment au gouvernement de diligenter une enquête, indépendante et approfondie, sur les allégations de harcèlement, en septembre-novembre 2007, contre Mmes Berhanework Zewdie, Aregash Abu, Elfinesh Demissie et M. Wasihun Melese, et plus de 50 militants syndicaux parmi les plus actifs, qui ont été conduits aux postes de police situés à proximité de leurs écoles respectives, où des agents de sécurité leur ont vivement conseillé de mettre fin à leurs activités syndicales; cette enquête devrait permettre de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et de prévenir la répétition d’actes similaires. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  10. 624. Le comité demande également au gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour garantir le paiement du salaire échu de Mme Demissie (suspendue durant trente-six jours en guise de punition pour ses activités syndicales), ainsi que le versement d’indemnités appropriées ou l’application de pénalités suffisamment dissuasives, pour sanctionner tout nouvel acte de discrimination antisyndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  11. 625. Le comité rappelle qu’il avait précédemment noté les allégations des organisations plaignantes concernant MM. Woldie Dana et Berhanu Aby-Debissa qui, bien que libérés, se sont vu refuser leur réintégration dans leurs fonctions d’enseignement. Notant que, selon la dernière communication de l’organisation plaignante, ces personnes n’ont toujours pas pu reprendre leurs fonctions, le comité prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard et de répondre sur le fond au sujet des allégations antérieures des organisations plaignantes concernant le licenciement des deux dirigeants syndicaux Nikodimos Aramdie et Wondewosen Beyene.
  12. 626. Le comité prie en outre le gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les allégations de harcèlement contre sept syndicalistes, entre février et août 2008, et de fournir une réponse détaillée quant à son résultat.
  13. 627. Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 628. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de fournir toutes les informations pertinentes concernant l’application, dans la pratique, de la Proclamation sur les sociétés caritatives et de bienfaisance.
    • b) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les autorités compétentes enregistrent la NTA immédiatement, afin que les enseignants puissent exercer pleinement, et sans plus tarder, leur droit de constituer des organisations pour le renforcement et la défense de leurs intérêts professionnels. Il prie instamment le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
    • c) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les droits de liberté syndicale des fonctionnaires, y compris les enseignants du secteur public, sont pleinement garantis. Il prie le gouvernement de le tenir informé de tout progrès réalisé à cet égard.
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter rapidement une enquête indépendante, menée par une personne recueillant la confiance de toutes les parties concernées, sur les allégations de torture et de mauvais traitements subis par les personnes détenues et, s’il est constaté que les personnes en question ont subi des mauvais traitements, de prendre les mesures voulues pour punir les responsables et assurer une indemnisation appropriée pour tout dommage subi. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard et de lui communiquer les résultats de l’enquête, ainsi que ceux de toute autre investigation menée sur ces allégations.
    • e) Le comité demande instamment au gouvernement de diligenter une enquête, indépendante et approfondie, sur les allégations de harcèlement, en septembre-novembre 2007, contre Mme Berhanework Zewdie, Aregash Abu, Elfinesh Demissie et M. Wasihun Melese, tous membres du Conseil exécutif national de l’organisation plaignante, et contre plus de 50 de ses militants syndicaux les plus actifs, afin de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et de prévenir la répétition d’actes similaires. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • f) Le comité demande au gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour garantir le paiement du salaire échu de Mme Demissie, ainsi que le versement d’indemnités appropriées ou l’adoption de pénalités suffisamment dissuasives, pour sanctionner tout nouvel acte de discrimination antisyndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • g) Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur les allégations de refus de réintégration de MM. Woldie Dana et Berhanu AbyDebissa et de répondre sur le fond aux allégations concernant le licenciement des deux dirigeants syndicaux Nikodimos Aramdie et Wondewosen Beyene.
    • h) Le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les allégations de harcèlement de sept syndicalistes et de fournir une réponse détaillée quant à son résultat.
    • i) Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
    • j) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
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