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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 350, Juin 2008

Cas no 2547 (Etats-Unis d'Amérique) - Date de la plainte: 26-FÉVR.-07 - Clos

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  1. 732. La plainte figure dans une communication du Syndicat international des travailleurs unis de l’automobile, de l’aérospatiale et de l’outillage agricole des Etats-Unis (UAW) ainsi que de la Fédération américaine du travail et du Congrès des organisations industrielles (AFLCIO), datée du 26 février 2007.
  2. 733. Le gouvernement a répondu par une communication datée du 11 février 2008.
  3. 734. Les Etats-Unis n’ont pas ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des parties plaignantes

A. Allégations des parties plaignantes
  1. 735. Dans leur plainte datée du 26 février 2007, l’UAW et l’AFL-CIO allèguent que le gouvernement des Etats-Unis a violé les principes de la liberté syndicale énoncés dans les conventions nos 87 et 98 de l’OIT en déniant aux assistants chargés d’enseignement et de recherche de toutes les universités privées du pays le droit de se syndiquer et de négocier collectivement. Les plaignants utilisent les termes «assistants de troisième cycle chargés d’enseignement et de recherche», «assistants chargés d’enseignement et de recherche» et «assistants de troisième cycle» indifféremment pour désigner les étudiants de troisième cycle qui dispensent un enseignement, effectuent des travaux de recherche et exécutent des fonctions administratives pour le compte de l’université, et reçoivent une rétribution en échange des services rendus.
  2. 736. Les plaignants expliquent que la loi nationale sur les relations professionnelles (ci-après, la NLRA ou «la loi») [29 U.S.C., §141 et suiv.], régit les relations professionnelles dans le secteur privé aux Etats-Unis. L’article 2(3) de la loi définit «[l]e terme “employé” … comme [incluant] tout employé … sauf disposition contraire expresse du présent sous-chapitre.» (Id. paragr. 152(3)) Les employés visés par la loi «ont le droit de se syndiquer, de créer des organisations syndicales, d’y adhérer ou d’y collaborer, de négocier collectivement par l’intermédiaire des représentants de leur choix, et de participer à d’autres activités concertées aux fins de la négociation collective ou de toute autre assistance ou protection mutuelle».
  3. 737. En 2004, le Conseil national des relations professionnelles (ci-après, le NLRB ou «le Conseil») a décidé, contre l’opinion divergente exprimée dans des termes fermes par deux de ses cinq membres, que les assistants chargés d’enseignement et de recherche des universités privées ne sont pas habilités au titre de la NLRA à se syndiquer ou négocier collectivement car ils ne sont pas des «employé[s]» selon la définition qu’en donne la loi [Brown University et UAW, 342 NLRB 483 (Brown)]. Cette décision infirme une décision antérieure du Conseil concernant New York University (NYU) et l’UAW [332 NLRB 1205 (2000) (NYU)], adoptée à l’unanimité, qui considérait que les assistants de troisième cycle sont des employés au sens de la NLRA et jouissent, à ce titre, du droit statutaire de s’affilier à un syndicat et de négocier collectivement.
  4. 738. A la suite de la décision rendue par le Conseil au sujet de NYU, une majorité d’assistants de troisième cycle de cette université avaient choisi à l’issue d’un vote d’être représentés par le Comité d’organisation des étudiants de troisième cycle (GSOC)/UAW local 2110 (GSOC/UAW), qui a négocié une convention collective en leur nom. Mais, après la décision rendue par le Conseil au sujet de Brown University, NYU refuse désormais de négocier ou de traiter d’une quelconque manière avec le GSOC/UAW. En outre, les assistants chargés d’enseignement et de recherche de toutes les universités privées des Etats-Unis ont perdu leurs droits statutaires au titre de la NLRA de créer des syndicats et de négocier collectivement.
  5. 739. Selon les plaignants, la décision du Conseil concernant Brown University constitue une violation flagrante des droits fondamentaux à la liberté syndicale et à la négociation collective consacrés par les conventions nos 87 et 98.
    • I. Le recours aux assistants de troisième cycle dans les universités américaines
  6. 740. Les plaignants rappellent que les assistants chargés d’enseignement et de recherche ont créé leurs premiers syndicats aux Etats-Unis en 1969 à l’Université du Wisconsin. En 2003, on comptait plus de 60 collèges et universités publics et privés où les étudiants de troisième cycle avaient choisi d’être représentés par un syndicat. «Les réalités économiques», dans les décennies qui ont suivi, ont amené les universités à dépendre de plus en plus de ces étudiants pour s’acquitter de fonctions essentielles d’enseignement et de recherche et ont poussé les étudiants à se syndiquer.
  7. 741. Citant diverses sources, les plaignants indiquent que, compte tenu du fait que le soutien financier apporté aux collèges et universités est bien inférieur à la hausse des coûts universitaires, les administrateurs des universités ont de plus en plus recours à des chargés de cours et à des étudiants de troisième cycle mal rémunérés et surchargés employés à temps partiel ou à plein temps pour satisfaire les besoins en matière d’enseignement. Ces travailleurs représentent une forme de main-d’œuvre à meilleur marché que les professeurs titulaires à plein temps et se voient souvent confier les tâches dont les titulaires à plein temps ne veulent pas, comme de dispenser des cours aux étudiants des premières années ou de mener des recherches fastidieuses. De fait, le recours aux assistants de troisième cycle est tellement généralisé que les universités ne pourraient tout simplement pas fonctionner comme elles le font actuellement sans les services qu’ils leur procurent.
  8. 742. La syndicalisation des assistants chargés d’enseignement et de recherche s’est donc développée en raison des tendances enregistrées dans l’enseignement supérieur au cours des dernières décennies, où les universités se sont efforcées de plus en plus de maîtriser les coûts et de fonctionner davantage comme des entreprises. La dépendance accrue vis-à-vis des assistants de troisième cycle a créé un groupe de travailleurs qui exigent plus d’avantages économiques et de droits sur le lieu de travail.
    • II. La situation à NYU
  9. 743. Les organisations plaignantes indiquent que près de 35 000 étudiants fréquentent chaque année New York University (NYU). La moitié sont des étudiants de troisième cycle, dont environ 10 pour cent exercent les fonctions d’assistants, de correcteurs de copies et de tuteurs. A NYU, les assistants sont principalement des doctorants. En contrepartie de leurs services, ils reçoivent une allocation financière pour le semestre en cours ainsi qu’une réduction de leurs frais d’inscription. Avant que leurs allocations ne deviennent assujetties à la négociation collective, elles variaient entre 6 500 et 20 000 dollars E.-U. par an. L’université verse ces allocations par chèque sur une base hebdomadaire, par l’intermédiaire de son système de paie des employés. Sont déduits des allocations les impôts fédéraux, municipaux et de l’Etat. Avant d’être représentés par le GSOC/UAW, les assistants ne cotisaient généralement pas au régime de retraite.
  10. 744. Les étudiants de troisième cycle travaillent généralement comme assistants d’enseignement. L’enseignement des premières années universitaires est souvent dispensé par des professeurs en cours magistraux. Les assistants, sous la supervision d’un professeur, dirigent des discussions complémentaires avec de petits groupes d’étudiants inscrits aux cours. Dans le cadre de ces travaux dirigés, ils analysent les ouvrages au programme, enseignent de nouveaux matériaux, encouragent la discussion, répondent aux questions des étudiants, et proposent des exercices ou des expériences pour maximiser les enseignements du cours. Outre l’enseignement dispensé à ces petits groupes d’élèves et les travaux pratiques, les assistants tiennent également des permanences de consultation. Ils surveillent et notent les examens et peuvent participer à la préparation des programmes d’études et/ou dispenser des cours magistraux lorsque le professeur concerné est indisponible. De nombreux autres assistants font office d’enseignant autonome ou d’enseignant référent pour les cours des premières années sous la supervision des professeurs titulaires.
  11. 745. Les assistants qui ne sont pas chargés d’enseignement s’acquittent de toute une série d’autres fonctions en échange de leur allocation et de la réduction de leurs frais d’inscription, selon le département d’études de NYU auquel ils sont attachés. Certains sont des assistants de recherche qui aident un professeur dans ses travaux de recherche ou ses expériences; d’autres, par exemple, organisent des ateliers, exécutent des tâches de recrutement et d’admission, font office d’électriciens ou de charpentiers à l’occasion de spectacles, ou donnent des cours de soutien dans les écoles publiques de la ville de New York.
  12. 746. Les assistants chargés d’enseignement et de recherche reçoivent une formation de l’université et/ou des manuels qui décrivent leurs responsabilités. Certains départements universitaires proposent des contrats qui énoncent le nombre d’heures de travail requises; d’autres précisent en quoi le travail consiste, d’autres encore demandent à leurs assistants d’assister aux réunions obligatoires du personnel. Les assistants dont les résultats ne sont pas satisfaisants peuvent perdre leur allocation financière ou être affectés ailleurs mais ne sont pas exclus de leur programme d’études de troisième cycle. Presque tous les postes d’assistants requièrent vingt heures de travail par semaine, et en général il est interdit aux assistants de troisième cycle de rechercher un autre emploi.
  13. 747. Seuls quelque 10 pour cent des étudiants de troisième cycle obtiennent un poste d’assistant chaque année. D’autres étudiants de troisième cycle peuvent bénéficier d’aides financières, telles que des bourses d’études et de recherche. Contrairement aux allocations versées aux assistants de troisième cycle, les allocations versées au titre des bourses d’études et de recherche ne sont pas traitées par le système de paie de NYU et ne sont pas assujetties à l’impôt. Les assistants de troisième cycle doivent remplir les formulaires d’emploi gouvernementaux obligatoires – l’IRS W-4 (qui permet de déterminer le montant de l’impôt que l’employeur déduit du salaire d’un employé) et le formulaire I-9 de l’INS (qui vérifie que le statut de la personne concernée en matière de citoyenneté ou d’immigration lui permet de travailler légalement dans le pays) –, alors que les autres étudiants de troisième cycle n’ont pas à remplir ces formulaires. Les indemnités versées aux assistants de troisième cycle sont reflétées dans le budget des départements universitaires sous la rubrique dépenses de «personnel» alors que les bourses d’études et de recherche sont inscrites dans le budget sous le poste «aides financières».
    • III. Tentative du syndicat pour obtenir
    • sa reconnaissance par NYU
  14. 748. En 2000, après une campagne syndicale dans laquelle une écrasante majorité d’assistants chargés d’enseignement et de recherche employés par NYU ont demandé à être représentés par l’UAW, le syndicat a adressé une requête au NLRB afin de devenir le représentant accrédité des «assistants de troisième cycle … employés par New York University» aux fins de la négociation collective. NYU a refusé l’accréditation au motif que les assistants de troisième cycle sont des étudiants et non pas des employés au sens de l’article 2(3) de la loi sur les relations professionnelles, et qu’ils ne sont donc pas habilités à se syndiquer et à négocier collectivement.
  15. 749. En avril 2000, après avoir mené une audition approfondie, un directeur régional du Conseil a rendu une décision contraire à celle de l’employeur et a ordonné la tenue d’élections au scrutin secret. Bien que l’élection ait eu lieu peu de temps après, les bulletins de vote ont été saisis après que le NLRB a accédé à la demande de l’université tendant au réexamen de la décision du directeur régional.
    • IV. Décision du Conseil concernant NYU
  16. 750. En octobre 2000, le Conseil a confirmé à l’unanimité la décision du directeur régional et considéré que les assistants de recherche sont des employés au sens de l’article 2(3) de la loi. Le Conseil a rejeté l’affirmation de NYU selon laquelle les assistants de troisième cycle sont «avant tout des étudiants» qui ne peuvent pas être en même temps des employés au sens de la loi. «[N]ous estimons qu’il n’y a pas de raison de priver du droit de négociation collective des employés légaux du simple fait qu’ils sont employés par un établissement d’enseignement dans lequel ils sont inscrits comme étudiants.»
  17. 751. Le Conseil a fondé sa décision sur la définition «large» du terme «employé» énoncée dans la loi, qui «inclut tout employé». Aux termes de cette définition, «à moins qu’une catégorie de travailleurs ne compte parmi les rares groupes expressément exclus du champ d’application de la loi, elle entre clairement dans la définition légale de l’‘employé’». Le Conseil a noté que sa conclusion était compatible avec le principe de common law selon lequel une relation de maître-serviteur «existe quand une personne s’acquitte de services pour une autre, sous le contrôle ou le droit de contrôle de celle-ci et en contrepartie d’une rémunération».
  18. 752. Le Conseil a trouvé des éléments «qui démontrent amplement … que les assistants entrent clairement et littéralement dans la définition de l’‘employé’ donnée par l’article 2(3)»:
    • Les faits non controversés et tangibles ont démontré que les assistants de troisième cycle exercent des activités sous le contrôle et la direction de l’employeur, et qu’ils sont rémunérés pour ces services par l’employeur. Les assistants de troisième cycle travaillent en tant qu’enseignants et chercheurs. Ils exercent leurs fonctions pour le compte des départements ou des programmes de l’employeur, sous leur supervision. Les assistants sont rémunérés pour leur travail et sont inscrits dans le système de paiement de l’employeur. La relation entre un assistant et son employeur ne peut donc être distinguée d’une relation maître-serviteur. … Nous estimons, par conséquent, que ces éléments sont suffisants pour conclure que les assistants sont des employés tels que définis à l’article 2(3) de la loi.
    • Le Conseil a observé qu’il avait récemment appliqué ces mêmes principes dans l’affaire Boston Medical Center (30 NLRB 152 (1999)), où il a estimé que les stagiaires, les internes et les titulaires de bourses de recherche, travaillant dans un hôpital universitaire «étaient des employés au sens de l’article 2(3) de la loi sur les relations professionnelles, nonobstant le fait qu’ils étaient aussi des étudiants».
  19. 753. Contrairement à l’argument de NYU, le Conseil a estimé que le fait que les assistants de troisième cycle travaillent à temps partiel n’avait pas de conséquence sur la détermination de leur statut d’employés. Le Conseil a également rejeté l’affirmation de l’université selon laquelle les assistants chargés d’enseignement et de recherche reçoivent une aide financière et non une rémunération. Contrairement aux étudiants qui bénéficient d’un soutien financier, les assistants de troisième cycle «effectuent un travail ou fournissent des services, pour le compte de l’employeur selon les termes et conditions fixés par l’employeur (par exemple, le nombre d’heures de travail requises et les programmes d’études» «en échange d’une contrepartie». Le Conseil n’a pas non plus accepté la thèse de NYU selon laquelle le travail des assistants de troisième cycle a un caractère «essentiellement éducatif». «Il est incontestable que le fait de travailler comme assistant de troisième cycle n’est pas, dans la plupart des départements, une condition nécessaire à l’obtention d’un diplôme.»
  20. 754. Enfin, le Conseil a résolument rejeté l’argument de NYU selon lequel le fait de permettre aux assistants chargés d’enseignement et de recherche de négocier collectivement attentait à «la liberté d’enseignement de l’employeur». Notant que le Conseil avait affirmé dès 1971 sa compétence à l’égard des universités privées à but non lucratif et approuvé les unités de négociation des membres du corps professoral depuis lors, le Conseil a conclu qu’«[a]près quasiment trente années d’expérience avec les unités de négociation des membres du corps professoral, nous sommes convaincus que lors des négociations concernant les assistants de troisième cycle les parties peuvent traiter de toutes les questions relatives à la liberté de l’enseignement universitaire comme elles le feraient de toutes autres questions soumises à la négociation collective». Le Conseil a également réaffirmé sa conviction «que le syndicalisme et la négociation collective sont des institutions dynamiques capables de s’adapter à un monde professionnel nouveau et en mutation et aux exigences de tous les secteurs de notre économie».
    • V. Evénements postérieurs à la décision
    • concernant NYU
  21. 755. Le Conseil a décompté les bulletins de vote après avoir rendu sa décision et a constaté que la majorité des assistants avaient voté en faveur d’une représentation syndicale. Pourtant, NYU a refusé de reconnaître l’UAW et de négocier avec lui pendant plusieurs mois. Ce n’est qu’à la veille d’une grève votée par les assistants de troisième cycle en mars 2001 que l’université a accepté de reconnaître le syndicat et d’engager une négociation collective.
  22. 756. Le syndicat a obtenu des avantages économiques très importants pour les employés dans la première convention collective négociée en faveur des assistants d’enseignement d’une université privée. L’accord portait sur les augmentations de salaire (ce qui dans certains cas doublait l’allocation versée aux assistants), les congés, les congés maladie, le remboursement des frais de perfectionnement professionnel, la participation de l’employeur aux frais d’assurance-maladie (représentant une économie de 1 000 dollars par an et par personne), une procédure de plaintes et d’arbitrage, et d’autres termes et conditions d’emploi. Cette convention collective devait expirer en août 2005.
  23. 757. La victoire remportée à NYU a incité les assistants chargés d’enseignement et de recherche d’autres grandes universités américaines à se syndiquer. L’UAW a demandé à tenir des élections dans les universités de Columbia, Brown, Cornell et Tufts avec l’appui à chaque fois d’une majorité des assistants de l’université concernée. Le syndicat a également organisé des campagnes de syndicalisation à Yale, Harvard, George Washington University, South California University et au Massachussets Institute of Technology (MIT).
  24. 758. En mai 2001, le syndicat a déposé une demande auprès du Conseil au nom des assistants chargés d’enseignement et de recherche de Brown University (Brown). Reprenant la demande du NYU, Brown a réitéré l’argument selon lequel les assistants de troisième cycle sont des étudiants qui ne jouissent pas des droits légaux accordés aux employés au titre de la loi sur les relations professionnelles. En novembre 2001, un directeur régional du Conseil a rejeté cet argument, estimant une fois encore que les assistants chargés d’enseignement et de recherche sont des employés au sens de la loi, et a recommandé la tenue d’une élection. L’université a contesté cette décision et demandé son réexamen. A ce stade, la composition du Conseil avait changé.
    • VI. La décision du Conseil concernant
    • Brown University
  25. 759. En juillet 2004, le Conseil a statué sur le cas de Brown University et adopté une décision contraire à celle qu’il avait rendue au sujet de NYU. Dans une décision à trois voix contre deux, la majorité républicaine a conclu que les assistants chargés d’enseignement et de recherche «sont essentiellement des étudiants et qu’ils ont avec leur université une relation dont le caractère est essentiellement éducatif et non économique». Citant ce qu’il appelait une «règle de longue date» qui s’oppose à ce qu’il «se déclare compétent à l’égard de relations qui ont un caractère essentiellement éducatif», le Conseil a jugé que les assistants chargés d’enseignement, y compris ceux de Brown University, «ne sont pas des employés» au sens de la NLRA.
  26. 760. La majorité du Conseil s’est fondée sur l’examen de faits pratiquement identiques à ceux de NYU. Cette fois, cependant, elle s’est basée sur le fait que «le statut d’assistant de troisième cycle est subordonné à … l’inscription continue de l’intéressé … en tant qu’étudiant» et que «le corps professoral supervise les assistants dans leur rôle de chargés de recherche ou d’enseignement». La majorité du Conseil a conclu qu’enseigner est «une composante importante de la plupart des programmes d’études de troisième cycle», et que les allocations financières que perçoivent les assistants sont plus «une aide financière» que la «rétribution d’un travail».
  27. 761. S’appuyant sur sa position selon laquelle la relation entre les étudiants de troisième cycle et l’université a un caractère essentiellement éducatif, l’opinion majoritaire au sein du Conseil a aussi conclu que la négociation collective, qui est «fondamentalement une procédure économique», serait d’une «utilité douteuse» puisque «les questions éducatives sont pour l’essentiel sans rapport avec les salaires, la durée du travail et les conditions de travail». En outre, le Conseil s’est rangé cette fois au point de vue de l’université selon lequel la négociation collective entre les assistants chargés d’enseignement et de recherche et l’université attenterait à la liberté de l’enseignement universitaire parce qu’elle porterait sur des «questions générales d’éducation comme le nombre d’étudiants par classe, la durée et les horaires des cours et le lieu où ils se tiennent ainsi que sur des questions concernant les tâches assignées aux assistants de troisième cycle, leurs heures de travail et leurs allocations».
  28. 762. Les deux membres du Conseil qui avaient un avis divergent ont jugé la décision «terriblement en décalage avec la réalité universitaire contemporaine» dans laquelle les universités emploient des assistants pour exécuter des fonctions qui sont normalement celles des professeurs. Ils ont également souligné que le NLRB définit un «employé» comme «tout employé» non expressément exclu et reflète la «doctrine de common law sur la relation classique maître-serviteur». «Nous ne comprenons pas comment la majorité peut soutenir que, dans ce cas, les assistants ne sont pas des employés au regard de la common law», et qu’elle considère seulement que leur relation première avec l’université est d’ordre éducatif alors que «rien dans l’article 2(3) n’exclut les employés légaux des protections garanties par la loi au motif que leur relation d’emploi n’est pas leur relation ‘première’ avec leur employeur».
  29. 763. Tandis que l’opinion majoritaire du Conseil affirmait que les termes et conditions d’emploi des assistants de troisième cycle sont incompatibles avec la négociation collective, l’opinion dissidente a noté qu’«une négociation collective sur ces questions précises est menée avec succès dans d’autres universités du pays» et a cité NYU comme «un exemple typique». Cet accord (joint à la plainte) «traite de questions telles que les allocations, les périodes de paie, la discipline et le renvoi, l’affichage des postes, la procédure de plainte et d’arbitrage, et l’assurance-maladie», et comprend également une «clause sur la direction et les droits en matière éducative» qui stipule que les «[d]écisions déterminant la personne devant enseigner la matière enseignée et comment elle doit l’être font appel à un jugement sur des questions pédagogiques et sont du ressort exclusif de l’université».
  30. 764. Enfin, l’opinion dissidente au sein du Conseil a récusé l’affirmation de la majorité selon laquelle la négociation collective est incompatible avec la liberté d’enseignement. Cette affirmation, selon elle, repose sur l’idée erronée que la liberté d’enseignement englobe toutes les prérogatives de gestion de l’université. Or la liberté d’enseignement universitaire «vise de manière appropriée les efforts tendant à réglementer le contenu du discours de l’université ou de ceux qui lui sont affiliés». Toute affirmation selon laquelle il y a incompatibilité entre ce droit à la liberté d’expression de l’université et la négociation collective est «pure conjecture».
    • VII. Evénements postérieurs à la décision du Conseil concernant Brown University
  31. 765. Lorsque l’accord conclu par l’UAW et NYU a expiré à la fin août 2005, l’université a refusé de traiter avec le syndicat ou d’engager des pourparlers avec lui pour le renouvellement de l’accord. Les assistants se sont mis en grève en novembre 2005. De nombreux professeurs ont alors donné leur cours à l’extérieur du campus pour éviter les piquets de grève, et un certain nombre de départements de NYU ont déclaré soutenir l’action du syndicat. La grève s’est poursuivie en 2006 pendant le semestre de printemps, au cours duquel l’université a cessé de verser les allocations aux assistants grévistes et a exercé contre eux un lock-out en les démettant unilatéralement de leurs fonctions d’enseignement. La grève a officiellement pris fin en mai, à la fin du semestre de printemps. Les cours du semestre d’automne ont repris en septembre sans que l’université ait modifié sa position.
  32. 766. La décision du Conseil concernant Brown University a eu un effet de grande portée et uniformément destructreur sur la syndicalisation dans l’enseignement supérieur. Les campagnes syndicales menées dans les universités privées, y compris Yale, Brown et Tufts, ont été paralysées du fait de la décision de 2004. La victoire remportée par le syndicat à Columbia est devenue sans objet et l’élection à l’Université de Pennsylvanie a été annulée.
  33. 767. Alors que le droit d’organisation et de négociation dans les universités publiques relève de la législation des Etats, le système éducatif des Etats a trouvé le moyen de contourner la décision concernant Brown de manière avantageuse pour les Etats. Dans le système de la State University of New York (université publique), où les assistants sont représentés par le Syndicat des travailleurs des communications d’Amérique (CWA), l’université a créé une fondation privée pour la recherche qui lui permet d’embaucher des assistants de recherche non syndiqués. Dans de nombreux cas, les assistants non syndiqués travaillent aux côtés de leurs collègues syndiqués et effectuent le même genre de tâches que ces derniers mais sans les garanties d’un contrat syndical. Les efforts déployés par ces travailleurs pour créer un syndicat ont été paralysés en 2004 à la suite de la décision Brown.
  34. 768. Les plaignants concluent en soulignant que la convention no 87 garantit le droit à la liberté syndicale des travailleurs «sans distinction d’aucune sorte» et que la convention no 98 garantit le droit de négociation collective, qui est au cœur de la liberté syndicale, aux travailleurs de façon tout aussi universelle. La décision du Conseil concernant Brown University prive les assistants de troisième cycle qui travaillent pour cette université de ces droits fondamentaux.
  35. 769. Les organisations plaignantes prient le comité de demander au gouvernement des Etats-Unis de prendre des mesures immédiates pour rendre aux milliers d’assistants chargés d’enseignement et de recherche des universités privées de l’ensemble du pays leurs droits à la liberté syndicale et à la négociation collective dont ils ont été dépouillés par la décision du Conseil concernant Brown University.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 770. Dans une communication en date du 11 février 2008, le gouvernement fait valoir que les Etats-Unis n’ont pas ratifié les conventions nos 87 et 98 et qu’ils n’ont donc pas d’obligations de droit international au regard de ces instruments pas plus qu’une obligation de donner effet à leurs dispositions dans la législation des Etats-Unis. Néanmoins, le gouvernement des Etats-Unis a démontré en maintes occasions que sa législation et sa pratique en matière de travail sont conformes aux principes qui sous-tendent les conventions nos 87 et 98, et les organes de contrôle de l’OIT ont en général été de cet avis. Le gouvernement ajoute que la Déclaration de l’OIT est une déclaration de principes non contraignante, et non un traité, et qu’elle n’entraîne donc aucune obligation juridique. Le gouvernement des Etats-Unis a toutefois présenté des rapports annuels au titre de la procédure de suivi établie par la Déclaration de l’OIT qui démontrent qu’il respecte, promeut et réalise les principes et droits fondamentaux au travail consacrés par la Déclaration et par la Constitution de l’OIT.
  2. 771. Le gouvernement indique ensuite que la décision rendue par le Conseil national des relations professionnelles des Etats-Unis (ci-après, le NLRB ou le «Conseil») dans l’affaire Brown University [342 NLRB 483 (2004) (Brown)], ainsi que les décisions antérieures ou plus récentes du Conseil concernant des étudiants de troisième cycle ne vont pas à l’encontre des principes fondamentaux de l’OIT en matière de liberté syndicale, de droit d’organisation ou de négociation collective. L’affaire Brown ne concerne que la définition de l’«employé» donnée par la loi nationale sur les relations professionnelles (NLRA), et le Conseil a fondé sa décision sur l’idée que les étudiants de troisième cycle qui exercent les fonctions d’assistant sont essentiellement des étudiants. De fait, la décision concernant Brown University a marqué un retour à une jurisprudence de longue date du Conseil selon laquelle celui-ci ne se considère pas compétent pour connaître de relations qui ont un caractère essentiellement éducatif. Au vu des faits particuliers de l’espèce, le Conseil a conclu que les assistants de troisième cycle à Brown University sont des étudiants et non des «employés» selon la définition qu’en donne la NLRA et qu’ils ne sont donc pas couverts par les mécanismes spécifiques établis par cette loi. Ils jouissent néanmoins de toute la gamme des droits d’association garantis par la Constitution des Etats-Unis, par la voie desquels ils peuvent discuter les conditions afférentes à leur nomination ou d’autres questions. En conséquence, les assistants de troisième cycle, dans toute université américaine, peuvent s’organiser, constituer des syndicats et chercher collectivement – en tant qu’étudiants – à conclure un accord sur les conditions de leurs engagements universitaires.
    • I. La définition de l’«employé» aux termes de la NLRA
  3. 772. Le gouvernement fait valoir que les questions soulevées dans cette plainte tournent principalement autour de la définition de l’«employé» énoncée à l’article 2(3) de la NLRA. La NLRA a été promulguée en 1935, et modifiée en 1947, afin de réduire les perturbations au commerce résultant de conflits du travail. Le Congrès des Etats-Unis a déclaré que la politique nationale vise «à éliminer les causes de certaines obstructions substantielles au libre cours du commerce … en encourageant la pratique et la procédure de la négociation collective et en protégeant le plein exercice par les travailleurs de la liberté syndicale, du droit d’organisation et du droit de désigner les représentants de leur choix aux fins de négocier les termes et conditions de leur emploi ou de s’apporter toute autre assistance ou protection mutuelles» [29 U.S.C. §151]. Comme le Conseil l’a souligné dans l’affaire Brown, les protections prévues par la NLRA postulent l’existence d’une relation essentiellement économique, et le point de savoir si une personne est ou non un «employé» aux fins de la NLRA dépend de l’existence d’une telle relation. C’est l’absence d’une telle relation qui a amené le Conseil à conclure que les assistants de troisième cycle ne sont pas des «employés» au sens où l’entend la NLRA.
  4. 773. La NLRA définit un «employé» comme suit:
    • Le terme «employé» inclut tout employé, et n’est pas limité aux employés d’un employeur particulier, sauf disposition contraire expresse du présent sous-chapitre; il inclut toute personne dont le travail a cessé en conséquence de, ou en rapport avec, un conflit du travail en cours ou en raison d’une pratique de travail déloyale et qui n’a pas obtenu un autre emploi régulier et équivalent en substance, mais il n’inclut pas une personne qui est employée en tant qu’ouvrier agricole, ou qui est au service domestique d’une famille ou d’un individu à son domicile, ou une personne qui est employée par l’un de ses parents ou par son conjoint, ou une personne qui a la qualité d’entrepreneur indépendant, ou une personne qui est employée en tant que superviseur, ou une personne qui est employée par un employeur relevant de la loi sur le travail dans les chemins de fer [45 U.S.C. 151 et suiv.], telle que modifiée de temps à autre, ou par toute autre personne qui n’est pas un employeur au sens de la présente loi.
    • Selon le gouvernement, la question de savoir si une catégorie particulière de travailleurs relève de la loi dépend essentiellement de considérations de fait.
    • II. La décision du Conseil dans l’affaire Brown
  5. 774. Le gouvernement fait valoir que la question du statut des étudiants de troisième cycle au regard de la NLRA a une longue histoire. La décision dans l’affaire Brown a renoué avec une jurisprudence de longue date du Conseil concernant le statut des étudiants de troisième cycle. Elle est aussi conforme à la règle suivie de longue date par le Conseil selon laquelle «celui-ci ne se considère pas compétent pour connaître des relations qui ont un ‘caractère essentiellement éducatif’».
  6. 775. Les faits dans l’affaire Brown sont les suivants: l’Université Brown comptait environ 7 200 étudiants, dont plus de 1 300 en troisième cycle. En mai 2001, plus de 1 100 de ces étudiants de troisième cycle préparaient un doctorat. Au moment où a eu lieu l’audition de l’affaire, quelque 375 étudiants de troisième cycle occupaient un poste d’assistant d’enseignement, 220 exerçaient la fonction d’assistant de recherche, 60 exerçaient la fonction de surveillant et 300 environ étaient titulaires d’une bourse de recherche. Les assistants d’enseignement ont pour rôle de diriger une petite section de l’effectif d’un cours magistral donné par un professeur; les assistants de recherche mènent généralement des recherches sous la direction d’un membre du corps professoral de l’université; les surveillants peuvent s’acquitter de tâches très diverses, mais en général ils ne s’occupent ni d’enseignement ni de recherche. Les étudiants de troisième cycle titulaires d’une bourse de recherche ne sont pas tenus d’assumer des tâches d’enseignement ou autres dans leur département.
  7. 776. La plupart des doctorants de Brown University doivent enseigner pour obtenir leur diplôme. Les assistants d’enseignement reçoivent de l’argent de l’université, mais il en va de même des boursiers qui ne fournissent pas de services d’enseignement ou de recherche. Il incombe au corps professoral de chaque département de l’université d’octroyer les postes d’assistant d’enseignement ou de recherche et les postes de surveillant. La nature des tâches d’enseignement assignées aux étudiants de troisième cycle est déterminée par le département intéressé, conjointement avec l’administration de l’université. Les faits de l’espèce démontrent donc qu’il n’y avait pas de rapport entre l’argent reçu par un étudiant de troisième cycle et la fourniture de services d’enseignement ou de recherche ou de services administratifs.
  8. 777. Environ 75 à 85 pour cent des étudiants de troisième cycle de Brown University reçoivent une aide financière. Celle-ci ne dépend pas du fait que l’étudiant en question enseigne, effectue des recherches, ou exerce la fonction de surveillant. Pour octroyer cette aide financière, l’université prend en considération les mérites de l’intéressé dans ses études et ses besoins financiers. Le montant de la somme reçue par un étudiant est généralement le même indépendamment du fait qu’il s’agisse d’une bourse de recherche, d’un poste d’assistant d’enseignement ou de recherche, ou d’un poste de surveillant. L’université traite ces fonds comme une aide financière globale qui combine souvent l’allocation elle-même avec une réduction des frais d’inscription et une assurance-maladie. Dans le cadre de cette aide financière globale, le montant de l’allocation versée pour l’une quelconque de ces activités est généralement fixe et sans rapport avec le nombre d’heures de travail effectuées. Ainsi, les faits dans l’affaire Brown démontrent que les sommes versées aux assistants de troisième cycle constituent une aide financière à des étudiants, et non un salaire pour la fourniture de services.
  9. 778. Pour conclure que les étudiants de troisième cycle de Brown University ne sont pas des «employés» au sens de la NLRA, le Conseil s’est fondé sur ces faits et a noté en particulier les points suivants: 1) seuls les étudiants de troisième cycle inscrits à l’université obtiennent des postes d’assistant; 2) la plupart des départements de Brown University font de l’enseignement une condition pour l’obtention d’un diplôme; 3) les sommes versées aux assistants de troisième cycle le sont en tant qu’aide financière et non comme la rémunération d’un travail; et 4) la relation étudiant-université se fonde sur un intérêt mutuel, à la différence de la relation employeur-employé qui fait intervenir des intérêts adverses. Le Conseil craignait aussi que le fait d’autoriser les assistants de troisième cycle à engager des négociations collectives en tant qu’employés «n’ait un effet préjudiciable sur l’ensemble des décisions prises par le corps professoral et l’administration de Brown University en matière éducative. Ces décisions porteraient sur des questions générales d’éducation comme le nombre d’étudiants par classe, la durée et les horaires des cours et le lieu où ils se tiennent, ainsi que sur des questions concernant les tâches assignées aux assistants de troisième cycle, leurs heures de travail et leurs allocations.» Pour toutes ces raisons, le Conseil a conclu que soumettre la relation étudiant-université à la négociation collective ne donnerait pas effet à la politique nationale en matière de travail et ne serait pas conforme aux objectifs de la NLRA:
    • [Notre] décision repose sur la conviction fondamentale qui est la nôtre qu’imposer la négociation collective pour les étudiants de troisième cycle empiéterait de façon injustifiée sur le processus éducatif et ne serait pas conforme aux objectifs et à la politique de la loi.
  10. 779. La décision du Conseil signifie donc que les responsabilités assignées aux assistants de troisième cycle en matière d’enseignement et de recherche sont intimement liées aux obligations dont ils ont à s’acquitter dans leurs études. Contraindre une université à négocier avec les étudiants de troisième cycle au sujet de leurs tâches d’assistant, de leurs heures de travail et de leur allocation n’aurait pas plus de sens que de négocier au sujet du contenu des cours, des thèses et mémoires ou de la moyenne des notes minimale à obtenir.
    • III. Compatibilité de la décision Brown avec
    • la jurisprudence de longue date du Conseil
  11. 780. La décision du Conseil dans l’affaire Brown représentait un retour à une jurisprudence de longue date concernant le statut des assistants de troisième cycle. Dans ce qui est peut-être sa plus ancienne décision sur la question, Adelphi University [195 NLRB 639 (1972)], le Conseil a considéré que les assistants de troisième cycle étaient essentiellement des étudiants et devaient donc être exclus d’une unité de membres réguliers du corps professoral qui demandait à être reconnue en tant qu’unité de négociation. Le Conseil a estimé que «les assistants de troisième cycle sont essentiellement des étudiants et, par conséquent, ne partagent pas une communauté d’intérêts avec les membres du corps professoral et les bibliothécaires professionnels». Il poursuivait ainsi:
    • Les assistants de troisième cycle sont des étudiants qui préparent eux-mêmes un diplôme universitaire avancé, et leur emploi dépend entièrement du fait qu’ils conservent ce statut. Ils ne font pas partie du corps professoral, ils ne figurent pas sur les catalogues de l’université en tant que membres du corps professoral, ils n’ont pas le droit de vote lors des réunions du corps professoral, ils ne peuvent prétendre à une promotion ou à une titularisation, ils ne sont pas couverts par le plan de gestion du personnel de l’université, ils n’ont pas le droit d’être entendus par la commission d’examen des plaintes de l’université et, à part l’assurance-maladie, ils ne bénéficient d’aucun des avantages accessoires dont jouissent les membres du corps professoral. Les assistants de troisième cycle peuvent être élus par les étudiants pour les représenter au sein des commissions étudiants-enseignants. A la différence des membres du corps professoral, les assistants de troisième cycle reçoivent des orientations, des instructions, et une aide dans l’exécution dans leur tâche d’assistanat de la part des membres réguliers du corps professoral dont ils relèvent et leurs erreurs sont corrigées par ces derniers.
  12. 781. Dans d’autres décisions rendues au cours de la même période, le Conseil a aussi considéré que les étudiants des universités devaient être exclus des unités de négociation composées de non-étudiants: voir Cornell Univ., 202 NLRB 291 (1973); Georgetown Univ., 200 NLRB 215 (1972); Coll. Of Pharm. Sci., 197 NLRB 959 (1972). Ces décisions ne concernaient pas la portée de la définition de l’«employé» donnée dans la NLRA mais sont néanmoins instructives en ce qui concerne la façon dont le Conseil a traité la situation des étudiants de troisième cycle.
  13. 782. Le Conseil a tout d’abord interprété le terme «employé» à propos des étudiants de troisième cycle lorsqu’il a considéré, dans l’affaire Leland Stanford Junior University [214 NLRB 621 (1974)], que des étudiants de troisième cycle qui reçoivent une allocation ou une subvention pour mener des recherches en vue d’un diplôme avancé ne sont pas des «employés» au sens de l’article 2(3) de la NLRA. Comme dans l’affaire Brown, le Conseil a noté que l’aide financière reçue par les assistants de troisième cycle n’était pas déterminée par la nature ou l’ampleur d’éventuels services rendus ou par leur valeur intrinsèque. Le Conseil a considéré qu’il existait des distinctions importantes entre le système de rémunération du corps professoral régulier et celui des assistants de troisième cycle:
    • Il n’y a pas de corrélation entre le montant reçu par l’étudiant et le travail accompli ou les heures consacrées à la recherche. En outre, bien que les assistants de recherche soient payés dans le cadre du système de paiement de Stanford, ils n’ont pas droit aux avantages accessoires des employés mais bénéficient des privilèges dont jouissent les autres étudiants. Ainsi, ils ont droit à l’assurance et aux soins de santé des étudiants, ils prennent part aux diverses activités du campus et ils peuvent utiliser les résidences étudiantes; ils n’ont pas droit à des congés payés, des congés maladie ou des prestations de retraite et ils ne touchent pas d’allocation de frais d’études pour leurs enfants.
  14. 783. Comme dans l’affaire Brown, les assistants de recherche à Stanford étaient tous des doctorants, ils étaient tenus d’effectuer des travaux de recherche pour obtenir leur diplôme, ils obtenaient des crédits universitaires pour les recherches menées et recevaient une aide financière sans rapport avec la nature ou la valeur des recherches effectuées.
  15. 784. Le Conseil n’a pas varié dans sa façon de traiter les étudiants qui effectuent un travail dans le cadre de leur programme d’études. Le raisonnement suivi dans Adelphi et Leland Stanford a ensuite été appliqué dans Cedars-Sinai Medical Center [223 NLRB 251 (1976)] et dans St. Clare’s Hospital & Health Center [229 NLRB 1000 (1977)], où le Conseil a considéré que les stagiaires, les internes et les titulaires de bourses de recherche, dans le domaine médical, de recherche sont essentiellement des étudiants et ne sont donc pas des «employés» au sens de la NLRA. Leur relation avec leur institution ayant un caractère essentiellement éducatif et non économique, le raisonnement du Conseil a été que de tels intérêts ne sont pas «aisément adaptables au processus de la négociation collective». Le Conseil a considéré en outre que les stagiaires, les internes et les titulaires de bourses de recherche (le «personnel résident») dans ces cas étaient essentiellement engagés dans des activités de formation liées à leurs études; avaient noué une relation avec un hôpital principalement pour répondre aux exigences en matière éducative d’une commission d’Etat ou de spécialité; recevaient un paiement qui avait davantage le caractère d’une indemnité de subsistance que d’une rémunération pour la fourniture de services et que ce paiement ne dépendait pas des heures de travail effectuées ni de la nature des services rendus; et enfin qu’ils n’occupaient leur postes que pour une durée relativement courte, avec peu de chance qu’une relation de travail régulière soit établie une fois le programme achevé. Le Conseil a ensuite renversé sa jurisprudence de St. Clare’s et de Cedars-Sinai dans une nouvelle décision, Boston Medical Center [330 NLRB 152 (1999)], mais celle-ci ne traitait pas du statut des assistants de troisième cycle (comme ceux en cause dans Brown) qui n’ont pas obtenu leur diplôme.
  16. 785. Le Conseil s’est brièvement écarté de cette conception constante et de longue date du statut des étudiants de troisième cycle dans la décision New York University [332 NLRB 1205 (2000) (NYU)], où il a considéré que les assistants de troisième cycle étaient des employés relevant de la NLRA. Le Conseil a fondé sa décision sur l’idée que les assistants de troisième cycle ne sont pas expressément exclus de la définition de l’employé donnée par la NLRA et fournissent des services, pour lesquels ils touchent une rémunération, sous le contrôle et la direction de l’université qui les emploie. Dans la décision Brown rendue quatre ans plus tard seulement, le Conseil a, à juste titre, rejeté ce raisonnement, a infirmé sa jurisprudence de New York University et a renoué avec sa doctrine établie de longue date selon laquelle les assistants de troisième cycle sont avant tout des étudiants, ce qui les exclut de la définition de l’«employé» donnée par la NLRA.
  17. 786. Des affaires récentes concernant le statut des assistants de recherche dans des établissements d’enseignement ont encore confirmé la ligne suivie par le Conseil dans l’affaire Brown. En juin 2007, le Conseil est revenu sur ces questions dans deux décisions, the Research Foundation of the State University of New York [350 NLRB No. 18 (2007)] et the Research Foundation of the City University of New York [350 NLRB No. 19 (2007)]. Dans les affaires concernant les deux fondations pour la recherche, le Conseil a établi une distinction avec l’affaire Brown et a considéré que les assistants de troisième cycle étaient des «employés» au sens de la NLRA. Le Conseil s’est fondé sur plusieurs facteurs qui distinguaient les deux affaires en question de l’affaire Brown, y compris le fait que les fondations pour la recherche, qui géraient des programmes de recherche, n’étaient pas des universités, qu’elles ne délivraient pas de diplômes et n’admettaient pas d’étudiants. Les assistants de recherche étaient inscrits comme étudiants à l’université mère mais leur travail était supervisé par des directeurs de projets de la fondation et non par des professeurs de l’université. A la différence de la situation dans l’affaire Brown, il n’y avait pas de rapport entre la rémunération versée aux assistants de recherche et l’aide financière que les étudiants recevaient de l’université. Le raisonnement du Conseil a été que, même si les assistants de recherche employés par les fondations doivent aussi être inscrits à l’université, doivent travailler sur des projet en rapport étroit avec leur mémoire ou thèse universitaire et doivent généralement quitter leur poste d’assistant une fois qu’ils ont obtenu leur diplôme, ces éléments montrent seulement que les assistants de recherche ont une relation essentiellement éducative avec l’université et non avec la fondation pour la recherche. Le Conseil a donc considéré que les assistants de recherche, dans ces deux cas, étaient des «employés» au sens de la NLRA.
    • IV. Compatibilité de la décision Brown
    • avec les principes de l’OIT
  18. 787. La décision rendue par le Conseil dans l’affaire Brown, à savoir que les assistants de troisième cycle sont des étudiants et non des employés, et qu’ils ne sont par conséquent pas couverts par la NLRA, n’entre pas en conflit avec les normes de l’OIT. De fait, les assistants d’enseignement ne sont pas recrutés en tant que salariés pour un programme de doctorat, mais admis comme étudiants sur la base de leurs qualifications universitaires, et leurs responsabilités en matière d’enseignement et de recherche (dans la mesure où ils en ont) font partie intégrante des obligations dont ils ont à s’acquitter pour obtenir leur diplôme.
  19. 788. Aucun des cas du Comité de la liberté syndicale cités par les plaignants ne vient appuyer l’idée que les étudiants de troisième cycle peuvent prétendre à bénéficier des droits accordés aux travailleurs en vertu des conventions de l’OIT. De fait, les plaignants concèdent que le comité n’a jamais examiné de plainte impliquant des étudiants de troisième cycle. Ils citent plusieurs cas impliquant des enseignants, des apprentis et des salariés participant à des programmes assistance-travail, mais aucun de ces exemples n’est pertinent: les travailleurs en question n’étaient pas des étudiants parties à une relation établissement d’enseignement-étudiant et étaient rémunérés pour la fourniture de services. En revanche, les étudiants de troisième cycle, comme ceux qui étaient en cause dans l’affaire Brown, reçoivent des fonds de leur université dans le cadre d’une aide financière globale, qui peut inclure une remise sur leurs frais d’inscription et le paiement de la cotisation au plan d’assurance-santé de l’université. Ces aides sont accordées en tant que soutien financier pour les études – indépendamment du fait que les étudiants de troisième cycle assument ou non des tâches d’enseignement ou de recherche – et ne constituent pas un salaire pour la fourniture de services.
  20. 789. Les droits fondamentaux consacrés par les conventions de l’OIT s’adressent aux travailleurs parties à une relation économique, et non aux étudiants parties à une relation qui intéresse essentiellement le domaine de l’enseignement. Le travail effectué par les assistants de troisième cycle à Brown University ne change rien à leur qualité d’étudiant. Ainsi que le Conseil l’a noté: «Il est clair que les assistants de troisième cycle, y compris ceux de Brown University, sont avant tout des étudiants qui ont avec leur université une relation de caractère essentiellement éducatif, et non économique.»
  21. 790. La décision rendue par le Conseil dans l’affaire Brown s’appuie solidement sur les faits de l’espèce, qui mènent obligatoirement à la conclusion que les assistants de troisième cycle en cause sont avant tout des étudiants. Imposer la négociation collective dans le contexte d’une relation intéressant le domaine de l’enseignement entraînerait une ingérence dans les décisions éducatives du corps professoral et de l’administration de l’université. Négocier collectivement sur des questions telles que le nombre d’étudiants par classe, les horaires et la durée des cours, et le lieu où ils se tiennent, de même que sur les tâches assignées aux étudiants, leurs horaires de travail et leur allocation, «empiéterait sur les décisions visant à déterminer qui enseignera – ou effectuera des recherches – quoi et où». Il serait certes incongru que les conventions de l’OIT soient interprétées comme exigeant d’une université qui confie à un étudiant des attributions combinant travail et études dans le cadre d’une aide financière globale qu’elle négocie avec l’intéressé les conditions de cette aide globale et la mesure dans laquelle les tâches accomplies dans l’exercice de ces attributions seront prises en compte pour l’obtention du diplôme.
  22. 791. Même s’ils ne sont pas des «employés» au sens de la NLRA, les assistants de troisième cycle n’en jouissent pas moins de tous les droits d’association garantis par la Constitution des Etats-Unis, par la voie desquels ils peuvent discuter les conditions afférentes à leur nomination. Les événements qui sont intervenus à New York University (NYU) après la décision Brown sont instructifs à cet égard. Eu égard à l’affaire Brown et à l’histoire des relations de NYU avec l’organisation syndicale représentant les assistants de troisième cycle, le doyen de l’université a décidé que celle-ci ne reconnaîtrait plus le syndicat comme le représentant des étudiants au sein de l’unité de négociation. L’université encourageait néanmoins les assistants de troisième cycle à élaborer un autre mécanisme pour négocier les conditions afférentes à la nomination. Un Comité des questions intéressant les étudiants de troisième cycle (GAC) du Conseil universitaire des étudiants/Comité de la vie étudiante a été créé et s’est vu confier «la responsabilité d’élaborer un plan en vue de mettre en place une nouvelle organisation chargée de représenter les assistants de troisième cycle de NYU et de leur servir de porte-parole». Le GAC a proposé la création d’une nouvelle Chambre des délégués pour représenter les intérêts des étudiants de troisième cycle:
    • La Chambre des délégués sera une organisation interne des étudiants de NYU. Il s’agit d’une nouvelle structure de gouvernance pour les assistants de troisième cycle qui est parallèle – mais non identique – aux mécanismes de gouvernance existants des étudiants et indépendante de ceux-ci. La Chambre désignera un Comité de conférence restreint chargé de conférer avec l’administration sur une base annuelle au sujet des conditions de l’aide financière et des avantages accordés aux assistants de troisième cycle/titulaires de bourses de recherche pour les années à venir, c’est-à-dire les années au-delà de celles pour lesquelles l’administration a déjà annoncé le montant de cette aide financière et de ces avantages.
  23. 792. Le président et le doyen de NYU ont accepté ces propositions des étudiants pour le compte de l’administration. Les associations d’étudiants de troisième cycle d’autres établissements ont aussi négocié avec succès des améliorations à leurs conditions. Ces faits nouveaux ôtent toute valeur à l’argument des plaignants selon lequel la décision rendue dans l’affaire Brown a dépouillé les étudiants de troisième cycle de leurs droits fondamentaux d’association. Cette décision considère seulement que les mécanismes de négociation obligatoires prévus par la NLRA ne sont pas adaptés à ni conçus pour la relation de caractère essentiellement éducatif que les assistants de troisième cycle ont avec leur université.
  24. 793. La plainte confond donc la compétence du Conseil à l’égard des assistants de troisième cycle avec la mise en œuvre de leurs droits d’association. La question de savoir si les assistants de troisième cycle sont des «employés» au sens de la NLRA – et par conséquent sont en droit de se prévaloir des mécanismes obligatoires prévus par la loi – est complètement différente de la question de savoir si leurs droits d’association ont été violés. Si, comme l’affirment les plaignants, le fait qu’une partie ne puisse invoquer les procédures de la NLRA et l’autorité du Conseil constituait en tant que telle une violation des conventions de l’OIT, tout pays ne possédant pas un conseil des relations professionnelles doté de pouvoirs équivalant à ceux du NLRB serait en infraction avec ces conventions. La NLRA a été conçue dans l’intention de favoriser la paix du travail et de promouvoir la négociation collective entre employeurs et salariés dans le contexte d’une relation économique. Elle n’a pas pour objet de contraindre une université à négocier avec les étudiants sur des questions de notes, des conditions mises à l’obtention des diplômes, ou d’obligations en matière de recherche.
  25. 794. Les assistants de troisième cycle jouissent néanmoins de toute la gamme des droits d’association garantis par le Premier amendement à la Constitution des Etats-Unis. Dans chaque université du pays, ils peuvent s’organiser, constituer des syndicats, mener
    • des actions politiques, participer à des manifestations pacifiques et chercher collectivement – en tant qu’étudiants – à conclure un accord sur les conditions de leurs engagements universitaires. Aucune décision du Conseil interprétant la législation américaine ne saurait supplanter la Constitution des Etats-Unis et dénier aux assistants chargés d’enseignement ou de recherche le droit de constituer des syndicats ou des associations professionnelles ou de s’y affilier. La législation et la pratique des Etats-Unis en ce qui concerne ces étudiants sont donc pleinement compatibles avec les principes qui sous-tendent la convention no 87.
  26. 795. En conclusion, le gouvernement note que c’est à juste titre que le Conseil est revenu à sa jurisprudence établie de longue date lorsqu’il a décidé dans l’affaire Brown University que «les assistants de troisième cycle, qui sont admis dans une université, et non recrutés par celle-ci, et pour qui les tâches d’enseignement et de recherche effectuées sous supervision font partie intégrante de leur cursus universitaire», sont des «étudiants», et non des «employés» au sens de la NLRA. La jurisprudence du Conseil concilie le respect des droits d’association des étudiants et le souci de la liberté de l’enseignement universitaire et elle tient compte de la nécessité d’éviter de contraindre les universités à négocier avec les étudiants au sujet des conditions d’obtention de leurs diplômes. Les assistants de troisième cycle et leurs représentants conservent le droit de s’associer librement et à titre collectif, et de participer pleinement à des procédures démocratiques en engageant avec les universités des discussions sur les conditions afférentes à leur nomination. La décision Brown ne fournit donc aucune base qui permette de mettre en doute l’engagement des Etats-Unis à l’égard des principes fondamentaux de l’OIT.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 796. Le comité note que le présent cas porte sur des allégations selon lesquelles une décision du Conseil national des relations professionnelles (NLRB), déniant aux assistants chargés d’enseignement et de recherche des universités privées le droit garanti en vertu de la loi nationale sur les relations professionnelles (NLRA) de s’organiser ou de négocier collectivement, est contraire aux principes de la liberté syndicale. Le comité note que l’organisation plaignante ne se réfère pas aux activités académiques des assistants chargés d’enseignement et de recherche en tant qu’étudiants, mais plutôt à leur emploi dans des fonctions d’enseignement et de recherche de l’université.
  2. 797. A titre préliminaire, le comité, notant que le gouvernement réitère les déclarations qu’il a faites dans des cas précédents au sujet de l’absence de ratification des conventions nos 87 et 98 et du caractère non contraignant de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, souhaite rappeler une fois de plus, comme il l’a fait lorsqu’il a examiné les cas nos 2227 [332e rapport, paragr. 600] et 2460 [344e rapport, paragr. 985], que depuis sa création en 1951 il a pour tâche d’examiner les plaintes alléguant des violations de la liberté syndicale indépendamment du fait que le pays en question ait ou non ratifié les conventions pertinentes de l’OIT. Son mandat n’est pas lié à la Déclaration de l’OIT de 1998 – qui a ses propres mécanismes intégrés de suivi – mais découle directement des buts et objectifs fondamentaux énoncés dans la Constitution de l’OIT. Le comité a souligné à cet égard que la fonction de l’Organisation internationale du Travail en matière de droits syndicaux est de contribuer à la mise en œuvre effective des principes généraux de la liberté syndicale et à la protection des personnes, ce qui est l’une des garanties primordiales de la paix et de la justice sociale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1, et annexe I, paragr. 13.] C’est dans cet esprit que le comité a l’intention, comme il l’a fait dans les cas précédents, de poursuivre l’examen de la présente plainte.
  3. 798. Le comité note que les plaignants contestent une décision rendue par le NLRB dans l’affaire Brown University (Brown). Selon eux, le NLRB, dans l’affaire Brown, est revenu sur sa propre jurisprudence concernant New York University (NYU) pour conclure que les assistants chargés d’enseignement et de recherche sont exclus de la protection de la liberté syndicale et du droit d’organisation établis par la NLRA au motif qu’ils sont essentiellement des étudiants et qu’ils entretiennent avec leur université une relation qui a un caractère essentiellement éducatif et non économique. En outre, le NLRB a estimé que, dans ces circonstances, la négociation collective, qui est fondamentalement une procédure économique, serait d’une utilité douteuse puisque les questions éducatives sont pour l’essentiel sans rapport avec les salaires, la durée du travail et les conditions de travail.
  4. 799. Les plaignants affirment que cette décision est erronée et qu’elle est contraire aux principes de la liberté syndicale pour les raisons suivantes: i) les assistants chargés d’enseignement et de recherche exercent des fonctions éducatives essentielles décrites en détail dans les allégations des plaignants; ii) ces travailleurs représentent une forme de main-d’œuvre meilleur marché que les professeurs titulaires à plein temps, et la nécessité d’améliorer leur situation a motivé des efforts tendant à les syndicaliser pour assurer leur représentation dans la négociation collective; iii) en 2000, le NLRB a décidé à l’unanimité que la définition large de l’employé donnée par la NLRA englobe «tout employé», et que les assistants de troisième cycle sont des employés puisqu’ils fournissent des services sous le contrôle et la direction de l’employeur et qu’ils sont rémunérés pour ces services par l’employeur; en outre le NLRB a rejeté l’argument selon lequel le fait de donner aux assistants chargés d’enseignement et de recherche le droit de prendre part à des négociations collectives attenterait à la liberté d’enseignement de l’employeur en affirmant que «nous sommes convaincus que, lors des négociations concernant les assistants de troisième cycle, les parties peuvent traiter de toutes les questions relatives à la liberté de l’enseignement universitaire comme elles le feraient de toutes autres questions soumises à la négociation collective»; et iv) la décision du Conseil dans l’affaire Brown a eu un effet destructeur sur la syndicalisation dans l’enseignement supérieur et a en particulier conduit NYU à refuser de renégocier l’accord antérieurement conclu avec l’une des organisations plaignantes (UAW), accord qui a expiré fin août 2005.
  5. 800. Le comité note, d’après la réponse du gouvernement, que la décision du NLRB dans l’affaire Brown ne constitue pas un renversement de sa jurisprudence antérieure mais un retour à un précédent établi de longue date qui avait été interrompu par la décision rendue au sujet de NYU. En particulier, pour conclure que les étudiants de troisième cycle de Brown University n’étaient pas des «employés» au sens de la NLRA, le NLRB s’est fondé sur les considérations suivantes: 1) seuls les étudiants inscrits en troisième cycle à l’université peuvent obtenir des postes d’assistant d’enseignement; 2) la plupart des départements de Brown University font des tâches d’enseignement une condition pour l’obtention d’un diplôme; 3) les sommes versées aux assistants de troisième cycle constituent une aide financière et non la rémunération d’un travail; et 4) la relation étudiant-université se fonde sur un intérêt mutuel, à la différence de la relation employeur-employé, qui fait intervenir des intérêts adverses. Le NLRB craignait aussi que le fait de permettre aux assistants de troisième cycle de prendre part à des négociations collectives en tant qu’employés n’ait «un effet préjudiciable sur l’ensemble des décisions prises par le corps professoral et l’administration de Brown University en matière éducative. Ces décisions porteraient sur des questions générales d’éducation comme le nombre d’étudiants par classe, la durée et les horaires des cours, et le lien où il se tiennent, ainsi que sur des questions concernant les tâches assignées aux assistants de troisième cycle, leurs heures de travail et leurs allocations.» Pour toutes ces raisons, le NLRB a conclu que soumettre la relation étudiant-université à la négociation collective ne donnerait pas effet à la politique nationale en matière de travail et ne serait pas conforme aux objectifs de la NLRA, qui postule une relation essentiellement économique.
  6. 801. Le comité rappelle que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, y compris sans discrimination tenant à l’occupation, devraient avoir le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 216.] Le comité a toujours pris le terme «travailleur» dans une acceptation très large et a considéré en diverses occasions que ce principe s’applique aux enseignants, aux instructeurs, aux travailleurs sous contrat temporaire, aux travailleurs en période d’essai et aux travailleurs en formation, aux apprentis, etc. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 235, 236, 237, 255, 256, 257, 258 et 259.] A la lumière de la somme d’informations communiquées par les plaignants concernant la nature de la relation entre les assistants de troisième cycle chargés d’enseignement et de recherche et leurs universités, les premiers étant rémunérés pour le travail et les services qu’ils rendent sous le contrôle et la direction de ces dernières (en conséquence de quoi les sommes qu’ils touchent sont traitées par l’intermédiaire du système de paiement du personnel et sont soumises à des déductions fiscales et à la preuve que l’intéressé est légalement autorisé à travailler), le comité ne voit pas sur quelle base on pourrait exclure les assistants chargés d’enseignement et de recherche du principe de longue date mentionné plus haut. Le comité considère que le droit d’organisation des assistants chargés d’enseignement et de recherche, dans la mesure où ils sont des travailleurs, devrait être pleinement protégé.
  7. 802. Le comité note ensuite que le gouvernement, quant à lui, confirme que les assistants de troisième cycle jouissent de toute la gamme des droits d’association prévus par le Premier amendement à la Constitution des Etats-Unis et peuvent donc s’organiser, constituer des syndicats, mener des actions politiques, participer à des manifestations pacifiques et chercher collectivement, en tant qu’étudiants, à conclure un accord sur les conditions de leurs engagements universitaires. Le comité note que les objections du gouvernement tournent autour de la question du droit de participer à des négociations collectives. En particulier, le gouvernement considère que la négociation collective, qui postule une relation économique entre parties adverses, n’est pas appropriée pour les assistants chargés d’enseignement et de recherche, qui ont avec l’université dans laquelle ils sont inscrits une relation qui intéresse essentiellement le domaine de l’enseignement. Le gouvernement rappelle que la NLRA a été conçue pour favoriser la paix du travail en promouvant la négociation collective entre les employeurs et les salariés dans le contexte d’une relation économique; l’intention n’était pas de contraindre une université à négocier avec les étudiants au sujet des notes, des exigences à satisfaire pour l’obtention d’un diplôme ou des obligations en matière de recherche. Il craint donc que la négociation collective, dans ce cas, ne risque de contraindre une université à négocier sur de telles questions. Le comité note par ailleurs que le gouvernement propose d’autres mécanismes de négociation, excluant les syndicats, qu’il considère plus appropriés pour les assistants chargés d’enseignement et de recherche. Ainsi, le comité note, d’après la réponse du gouvernement, que, à la suite de la décision du NLRB dans l’affaire Brown, NYU a décidé qu’elle ne reconnaîtrait plus le syndicat comme l’unité de négociation représentant les étudiants et a encouragé les assistants de troisième cycle à élaborer un autre mécanisme pour négocier les conditions afférentes à leur nomination. Un Comité des questions intéressant les étudiants de troisième cycle (GAC) du Conseil universitaire des étudiants/Comité de la vie étudiante a été créé et s’est vu confier «la responsabilité d’élaborer un plan pour mettre en place une nouvelle organisation chargée de représenter les assistants de troisième cycle de NYU et d’être leur porte-parole». Le GAC a proposé la création d’une nouvelle Chambre des délégués pour représenter les intérêts des étudiants de troisième cycle. Le président et le doyen de NYU ont accepté, pour le compte de l’administration, ces propositions des étudiants. Les associations d’étudiants de troisième cycle d’autres établissements ont négocié avec succès une amélioration de leurs conditions. Selon le gouvernement, ces faits nouveaux ôtent toute valeur à l’argument des plaignants selon lequel la décision rendue dans l’affaire Brown a dépouillé les étudiants de troisième cycle de leurs droits d’association fondamentaux.
  8. 803. A titre de principe général, le comité rappelle qu’il a attiré l’attention sur l’importance de promouvoir la négociation collective, au sens de l’article 4 de la convention no 98, dans le secteur de l’éducation [voir Recueil, op. cit., paragr. 900] et souligne que le droit de négocier librement avec les employeurs constitue un élément essentiel de la liberté syndicale. Toutefois, en ce qui concerne le secteur de l’éducation, une distinction peut être établie entre les questions qui concernent essentiellement la détermination des grandes lignes de la politique en matière d’éducation, qui peuvent être exclues de la négociation collective, et les questions relatives aux conditions d’emploi, qui doivent être soumises à la négociation collective. Le comité observe à cet égard que l’accord collectif entre NYU et le syndicat plaignant UAW (accord fourni par les plaignants) se borne à traiter de questions telles que les allocations, les périodes de paie, la discipline et le renvoi, l’affichage des postes, la procédure de plainte et d’arbitrage et l’assurance-maladie, à l’exclusion des «décisions visant à déterminer qui enseignera quoi, comment et à qui», lesquelles «font appel à un jugement sur des questions pédagogiques et sont du ressort exclusif de l’université».
  9. 804. Le comité observe que le gouvernement souligne que les assistants chargés d’enseignement et de recherche devraient être considérés en premier lieu comme étant dans une relation d’ordre éducative avec leur université, alors que l’organisation plaignante relève les éléments qui constituent une relation d’emploi avec l’université. Le comité considère que, s’il peut y avoir des liens entre la relation d’ordre éducative et la relation d’emploi d’un assistant chargé d’enseignement et de recherche avec son université, un certains nombre d’autres éléments concrets l’amènent à considérer que tous les assistants chargés d’enseignement et de recherche, dans la mesure où ils sont des travailleurs, comme tous les autres travailleurs, devraient jouir du droit de négocier collectivement au sujet de leurs conditions de travail, à l’exclusion des exigences et politiques universitaires, de façon à protéger et promouvoir leurs intérêts professionnels. […] Ce droit devrait inclure celui d’être représenté dans les négociations par le syndicat de leur choix et de jouir d’une protection suffisante pour l’exercice de leurs droits syndicaux. En conséquence, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris sur le plan législatif, le cas échéant, pour que les assistants chargés d’enseignement et de recherche, dans la mesure où ils sont des travailleurs, ne soient pas exclus de la protection de la liberté syndicale et de la négociation collective. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des progrès réalisés à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 805. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris sur le plan législatif, le cas échéant, pour que les assistants chargés d’enseignement et de recherche, dans la mesure où ils sont des travailleurs, ne soient pas exclus de la protection de la liberté syndicale et de la négociation collective prévue par la NLRA. Le comité demande à être tenu informé des progrès réalisés à cet égard.
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