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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 350, Juin 2008

Cas no 2554 (Colombie) - Date de la plainte: 05-MARS -07 - Clos

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  1. 487. La présente plainte figure dans les communications de l’Association des instituteurs du Nord Santander (ASINORT) et de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), datées respectivement des 5 et 13 mars. Les organisations plaignantes ont présenté de nouvelles allégations dans une communication reçue le 11 mai 2007.
  2. 488. Lors de sa réunion de mars 2008, le comité a observé que, en dépit du temps écoulé depuis la présentation de cette plainte, il n’avait pas reçu les informations demandées au gouvernement. Le comité a signalé à l’attention du gouvernement que, conformément à la procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il présenterait lors de sa prochaine réunion un rapport sur le fond de cette affaire, bien que les informations ou les observations complètes sollicitées n’aient pas été reçues en temps voulu, et a demandé au gouvernement de transmettre de toute urgence les informations sollicitées. [Voir 349e rapport, paragr. 10.]
  3. 489. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 490. Dans leurs communications datées respectivement des 5 et 13 mars, l’Association des instituteurs du Nord Santander (ASINORT) et la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) évoquent les transferts de postes par la maire de la commune de Pamplonita, Nord Santander, de Nydia Rene Gafaro Rojas, Carlos Orlando Vera Arias, Jairo Pabón Capacho, Jairo Manuel Leal Parada, Rodolfo Bello Merchán (M. Rodolfo Bello Merchán a reçu des menaces contre sa vie et son intégrité physique en refusant ce transfert, le considérant comme un procédé illégal qui violait ses droits de manière flagrante), Hermelina Jaimes de Guerrero, Ana Rosa Valencia Granados et Blanca Inés García, au mépris de la procédure requise qui, pour les cas de transferts d’enseignants, implique une déclaration de besoin de service adressée par l’enseignant dirigeant l’établissement, qui sollicite le transfert d’un professeur, qui n’existait pas dans les cas des établissements auxquels furent envoyés les professeurs mentionnés précédemment, chacune des institutions d’accueil ayant un personnel enseignant suffisant pour le développement normal de son activité académique. De même, tous ces professeurs ont subi une dégradation de leurs conditions de travail, ces nouveaux établissements se trouvant chacun à une distance approximative d’une heure de marche de la route principale.
  2. 491. Les organisations plaignantes ajoutent que, parmi les enseignants mutés, se trouvait un directeur syndical, M. Carlos Orlando Vera Arias, ce qui en outre constitue une violation de l’immunité syndicale couvrant ce professeur, en qualité de membre de l’assemblée directive d’ASINORT-sous-direction Pamplonita. De plus, les autres enseignants sont syndiqués à ASINORT-sous-direction Pamplonita, reconnus pour leur activité syndicale et pour être des responsables sociaux dans les communautés où ils travaillaient auparavant. Elles ajoutent également que l’administration a réalisé une campagne de dénigrement du travail syndical et des responsabilités sociales visant non seulement les professeurs mutés, mais aussi ASINORT-sous-direction Pamplonita dans son ensemble.
  3. 492. Les organisations plaignantes se réfèrent en particulier au cas de M. Carlos Julio Peñaloza García, président d’ASINORT-sous-direction Pamplonita, qui, lorsque se sont produits ces faits irréguliers impliquant la mairie, a entamé un processus de défense des droits et de dénonciation aux niveaux provincial et départemental, afin que les professeurs transférés soient réintégrés à leurs postes d’origine. Pour cette raison, il a reçu par téléphone des menaces contre sa vie et son intégrité physique, l’accusant de collaborer avec des groupes paramilitaires et lui interdisant de retourner au Corregimiento del Diamante, lieu où il exerçait la fonction de recteur du Colegio Básico El Diamante; les auteurs de ces menaces seraient des groupes de guérilleros. Cette situation fut portée en temps utile à la connaissance du Procureur de Pamplona, ville dans laquelle réside l’enseignant, afin de lancer la procédure correspondante. Le Procureur de Pamplona a transféré l’affaire à l’Inspection de police de Pamplonita, considérant que le cas correspondait à sa juridiction, sans que jusqu’à maintenant des progrès aient été effectués dans la procédure d’enquête, ni que l’identité des auteurs de ces menaces, ainsi que leur véritable intention n’aient été élucidées.
  4. 493. Le Secrétariat départemental d’éducation a accordé à M. Carlos Julio Peñaloza le statut d’enseignant directeur menacé, impliquant l’absence de retenues sur salaire, la possibilité de ne pas retourner dans l’établissement dans lequel il travaillait auparavant, une année pour mener l’enquête appropriée et la possibilité d’un transfert dans un nouvel établissement dans lequel sa vie n’est pas en danger. En dépit de cette mesure de protection, le service administratif et d’emploi du Secrétariat départemental d’éducation Acevedo a ordonné sa réaffectation dans le Centro Educativo San José de Calazanz en qualité de directeur rural, établissement situé sur la commune du Zulia, considérée comme zone rouge en raison des graves problèmes de sécurité qu’elle connaît à cause du conflit armé.
  5. 494. Selon les organisations plaignantes, les enquêtes menées par le procureur concernant ces faits n’ont pas permis d’élucider les menaces qui pèsent contre la vie et l’intégrité physique du professeur Carlos Julio Peñaloza García.
  6. 495. Il n’y a pas non plus eu d’annonce de la part des entités administratives demandant la communication en temps utile de ces irrégularités aux autorités éducatives compétentes aux niveaux municipal, départemental et national. Ces dernières ont ordonné l’ouverture d’enquêtes correspondantes au bureau du Procureur provincial et régional du Nord Santander. Toutefois, ces demandes ont été systématiquement ignorées par les autorités départementales, alléguant l’absence de preuves et mettant fin aux procédures avant même d’avoir mené le processus de relevé de preuves à son terme, favorisant ainsi politiquement la maire de la commune de Pamplonita.
  7. 496. Dans leur communication du 11 mai 2007, les organisations plaignantes allèguent que, le 7 février 2007, une mobilisation pacifique réclamant le paiement d’arriérés de salaires a été brutalement réprimée par la police nationale.
  8. 497. Les organisations plaignantes signalent que, le 7 février, une fois terminée l’assemblée des enseignants de manière absolument pacifique et civilisée, les professeurs ont défilé jusqu’à l’hôtel de ville, dans le but principal de dialoguer avec Monsieur le maire qui non seulement a refusé de recevoir les directeurs dans son bureau, mais a également ordonné la fermeture des portes pour en empêcher l’accès. La police nationale est intervenue sur les lieux avec un escadron antiémeute soutenu par deux chars légers; quelques minutes plus tard, elle s’est mise à lancer sans distinction des bombes de gaz lacrymogène directement sur ces manifestants qui ont immédiatement commencé à fuir, effrayés et perplexes.
  9. 498. Les divers moyens de communication ont reconnu que les mesures de répression prises par le maire étaient abusives.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 499. Le comité regrette que, en dépit du temps écoulé depuis le dernier examen du cas, le gouvernement n’ait pas envoyé les informations demandées, et ce après avoir été invité à plusieurs occasions, y compris par le biais d’un appel urgent, à présenter ses commentaires et observations sur cette affaire.
  2. 500. Dans ces conditions, et en conformité avec les règles de procédure applicables [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité se voit obligé de présenter un rapport sur ce cas, ne comportant cependant pas les informations du gouvernement qu’il espérait recevoir.
  3. 501. Le comité rappelle au gouvernement que le but de toute la procédure instaurée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen des allégations sur la violation de la liberté syndicale est d’assurer le respect de cette liberté, aussi bien de jure que de facto. Le comité est convaincu que, si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations infondées, ceux-ci doivent reconnaître à leur tour l’importance de présenter des réponses détaillées sur le fond des allégations, afin de procéder à un examen objectif.
  4. 502. Le comité observe que le cas présent concerne le transfert de postes, au mépris de la procédure légale en vigueur, de dirigeants et affiliés de l’Association des instituteurs du Nord Santander (ASINORT), Carlos Orlando Vera Arias (dirigeant dont l’immunité syndicale ne fut pas respectée), Nydia Rene Gafado Rojas, Jairo Pabón Capacho, Jairo Manuel Leal Parada, Rodolfo Bello Merchán (qui a reçu des menaces pour avoir refusé le transfert), Hermelina Jaimes de Guerrero, Ana Rosa Valencia Granados et Blanca Inés García (affiliés); les menaces contre l’un des enseignants mutés ainsi que contre M. Carlos Julio Peñaloza García, président d’ASINORT-sous-direction Pamplonita, en raison de l’accomplissement de sa tâche syndicale pour la défense des professeurs syndiqués, ainsi que la répression violente d’une manifestation ayant eu lieu le 7 février 2007 pour réclamer le paiement des salaires.
  5. 503. Concernant les transferts des enseignants, aussi bien dirigeants qu’affiliés, le comité, tout en reconnaissant que l’autorité publique est habilitée à déterminer à quel endroit les besoins d’enseignants se font ressentir, estime que les mesures de transfert devraient faire l’objet de consultations avec les travailleurs concernés et les organisations syndicales les représentant, afin d’affecter le moins possible la vie privée des enseignants et leurs activités syndicales, comme dans le cas de M. Carlos Orlando Vera Arias, jouissant de l’immunité syndicale en qualité de dirigeant. A cet égard, le comité estime qu’une réaffectation de poste peut affecter de manière considérable l’accomplissement de ses fonctions syndicales et que, pour cette raison, il est nécessaire, avant d’adopter une telle mesure, de consulter l’organisation syndicale concernée et de demander l’autorisation légale de levée de l’immunité syndicale pour procéder au transfert. En tout état de cause, s’il est confirmé que ladite autorisation n’a pas été demandée, le comité demande au gouvernement de ne pas donner suite au transfert de M. Carlos Orlando Vera Arias tant que l’autorité judiciaire ne s’est pas prononcée concernant l’immunité, et propose de procéder à des consultations afin de trouver une solution négociée sur ladite question. En ce qui concerne les autres transferts, le comité demande au gouvernement de réaliser une enquête pour déterminer si la procédure de transfert a été dûment respectée ou si la mesure avait un caractère antisyndical. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
  6. 504. En ce qui concerne les menaces contre M. Rodolfo Bello Merchán, affilié à ASINORT, et contre le président d’ASINORT, M. Carlos Julio Peñaloza García, le comité note que, selon les allégations, dans les menaces proférées à l’encontre de M. Peñaloza García, on l’accusait de collaborer avec des groupes paramilitaires et on lui interdisait de retourner au Colegio Básico El Diamante, situé au Corregimiento del Diamante et dans lequel il assurait la fonction de recteur. Le comité note que, malgré le dépôt de plaintes à ce sujet, il n’y a pas eu d’avancées dans la procédure d’enquête. Le comité note également qu’en vertu d’une décision du Secrétariat départemental d’éducation M. Peñaloza García a été réaffecté à un autre établissement afin de le protéger mais que, au moment d’effectuer la réaffectation, il a été envoyé comme directeur d’une école rurale dans la commune de Zulia, l’une des zones touchées par le conflit armé. A cet égard, le comité rappelle que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat dépourvu de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes contre les dirigeants et affiliés de ces organisations, et il incombe aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 44.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour accorder sans délai une protection aux membres d’ASINORT menacés, en particulier à M. Peñaloza García, président de l’organisation, et pour lancer une enquête indépendante afin de déterminer qui sont les responsables de ces menaces. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
  7. 505. Concernant la répression violente d’une manifestation d’ASINORT ayant eu lieu le 7 février 2007, le comité note que, selon les informations fournies sur ladite manifestation qui se déroulait de manière pacifique pour réclamer le paiement des salaires, l’escadron antiémeute de la police est intervenu de manière violente avec des gaz lacrymogènes, blessant des manifestants et des passants. A cet égard, le comité rappelle que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels et que les autorités ne devraient recourir à la force publique que lorsque l’ordre public se trouve réellement menacé. L’intervention de la force publique doit rester proportionnelle à la menace de l’ordre public qu’il s’agit de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées dans le but d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence, quand il s’agit de contrôler des manifestations pouvant affecter l’ordre public. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 133 et 140.] Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête indépendante afin de déterminer comment les faits se sont déroulés et quelles sont les responsabilités. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet. Enfin, le comité demande également au gouvernement de donner les instructions nécessaires afin d’éviter à l’avenir la répression violente de manifestations pacifiques.
  8. 506. Considérant que les allégations présentes concernent des menaces, des transferts dans des zones de conflit et la répression violente d’une manifestation, le comité procédera au suivi des questions relatives à ce cas dans le cadre du cas no 1787.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 507. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Regrettant que le gouvernement n’ait pas fourni les informations ou documents demandés malgré l’appel urgent qui lui a été adressé, le comité demande au gouvernement de ne pas donner suite au transfert de M. Carlos Orlando Vera Arias tant que l’autorité judiciaire ne s’est pas prononcée concernant l’immunité, et propose de procéder à des consultations afin de trouver une solution négociée sur ladite question. En ce qui concerne les autres transferts, le comité demande au gouvernement de réaliser une enquête pour déterminer si la procédure de transfert a été dûment respectée ou si la mesure avait un caractère antisyndical. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
    • b) En ce qui concerne les menaces contre M. Rodolfo Bello Merchán, affilié à ASINORT, et contre le président d’ASINORT, M. Carlos Julio Peñaloza García, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour accorder sans délai une protection aux membres d’ASINORT menacés, en particulier à M. Peñaloza García, président de l’organisation, et pour lancer une enquête indépendante afin de déterminer qui sont les responsables de ces menaces. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
    • c) Concernant la répression violente d’une manifestation d’ASINORT ayant eu lieu le 7 février 2007, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête indépendante afin de déterminer comment les faits se sont déroulés et quelles sont les responsabilités. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
    • d) Le comité demande également au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d’éviter à l’avenir la répression violente de manifestations pacifiques.
    • e) Considérant que les allégations présentes concernent des menaces, des transferts dans des zones de conflit et la répression violente d’une manifestation, le comité procédera au suivi des questions relatives à ce cas dans le cadre du cas no 1787.
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