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Rapport intérimaire - Rapport No. 351, Novembre 2008

Cas no 2581 (Tchad) - Date de la plainte: 10-JUIL.-07 - Clos

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  1. 1313. La plainte figure dans des communications en date des 10 et 23 juillet 2007 de l’Organisation de l’unité syndicale africaine (OATUU) et de la Confédération syndicale internationale (CSI). Dans une communication en date du 24 juillet 2007, l’Internationale des services publics (ISP) s’est associée à la plainte.
  2. 1314. Le gouvernement n’ayant pas répondu, le comité a dû ajourner l’examen du cas à deux reprises. A sa réunion de juin 2008 [voir 350e rapport, paragr. 10], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa prochaine session, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas reçues à temps. A ce jour, le gouvernement n’a envoyé aucune information.
  3. 1315. Le Tchad a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, ainsi que la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 1316. Dans une communication en date du 10 juillet 2007, l’OATUU indique qu’une organisation affiliée, l’Union des syndicats du Tchad (UST), a constitué une intersyndicale avec quatre autres syndicats tchadiens dans le but d’engager des négociations collectives avec les autorités, ceci conformément aux dispositions des conventions nos 87 et 98 de l’OIT. Cependant, devant le refus du gouvernement de dialoguer et de négocier, les syndicats ont déclenché une grève le 2 mai 2007. Par la suite, le gouvernement a introduit une requête auprès de la chambre administrative de la Cour suprême du Tchad afin d’obtenir la suspension des activités de l’intersyndicale et sa dissolution. Dans un mémoire de défense en date du 2 juillet 2007 adressé à ladite cour administrative (dont copie est fournie par l’organisation plaignante), l’intersyndicale a demandé à cette dernière de se déclarer incompétente pour connaître l’affaire. Cependant, avant même que la cour n’ait pris de décision, le gouvernement a adopté l’arrêté no 019/PR/PM/MFPT/SG/DTSS/2007 du 4 juillet 2007 (dont copie est aussi fournie par l’organisation plaignante) déclarant la non-reconnaissance de l’intersyndicale pour défaut d’existence juridique.
  2. 1317. Selon l’organisation plaignante, cet arrêté constitue une violation flagrante de la convention no 87 dans la mesure où la formation d’un groupe intersyndical est la seule possibilité pour les syndicats et leurs membres dans les pays où existe le pluralisme syndical de lutter collectivement pour défendre leurs intérêts. L’OATUU cite à ce titre l’exemple d’intersyndicales formées dans plusieurs pays d’Afrique.
  3. 1318. Dans une communication en date du 23 juillet 2007, la CSI indique qu’un préavis de grève a été déposé le 19 mars 2007 par l’intersyndicale composée de l’UST, organisation affiliée à la CSI, du Syndicat des enseignants du Tchad (SET), du Syndicat des enseignants chercheurs (Synecs), du Syndicat national des instituteurs du Tchad (SNIT) et du Syndicat autonome des agents de l’administration du Tchad (SAAAT). Les revendications portaient sur la revalorisation de l’indice dans la fonction publique, la majoration du salaire minimum, l’augmentation des pensions de retraite et des allocations familiales adaptées au coût de la vie. Le préavis a débouché sur le déclenchement d’une grève illimitée dans le secteur public à compter du 2 mai 2007. Suite à des propositions du gouvernement considérées comme trop modestes par les organisations membres de l’intersyndicale, à l’exception d’une qui a suspendu son action de grève, les négociations ont été interrompues et la grève a été poursuivie.
  4. 1319. La CSI indique que de nombreuses violations des conventions nos 87 et 98 de l’OIT ont été observées depuis. Des travailleurs associés au mouvement de grève auraient subi des pressions de la part des autorités qui en outre ont posé comme condition de reprise des négociations la levée du mouvement de grève. M. Djibrine Assali, secrétaire général de l’UST, a vu son passeport confisqué le 27 mai 2007 alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol pour se rendre à la Conférence internationale du Travail à Genève. Selon la CSI, à ce jour et malgré l’intervention du BIT à sa demande, M. Assali n’aurait pas encore récupéré son passeport. Par ailleurs, la CSI dénonce le fait que, le 5 juin 2007, les forces de sécurité (police et gendarmerie) ont pris d’assaut la Bourse du travail pour lui interdire d’ouvrir ses portes et ont occupé pendant une dizaine de jours le siège du Syndicat des enseignants du Tchad (SET), rendant ainsi l’accès des travailleurs à ce local impossible. La CSI indique avoir alerté à plusieurs reprises les autorités de son inquiétude devant la détérioration des droits syndicaux au Tchad.
  5. 1320. La CSI dénonce aussi l’adoption par le gouvernement de l’arrêté no 019/PR/PM/MFPT/SG/DTSS/2007 du 4 juillet 2007 déclarant «la non-reconnaissance officielle de l’intersyndicale pour défaut d’existence juridique» au motif notamment de l’absence d’un récépissé constatant le dépôt des statuts de l’intersyndicale et la liste des dirigeants dans une préfecture, ainsi qu’au motif de la nullité d’un regroupement syndical n’ayant pas satisfait aux conditions et procédures prévues aux articles 294 à 302 du Code du travail. L’organisation plaignante rappelle toutefois que l’intersyndicale ne constitue pas une organisation en elle-même mais plutôt une plate-forme revendicative composée d’une centrale syndicale nationale (l’UST) et de plusieurs organisations syndicales représentant des branches professionnelles, et que toutes sont dûment enregistrées. L’organisation rappelle également que, dans de plus en plus de pays, les organisations syndicales se regroupent au sein d’instances unitaires telles que l’intersyndicale du Tchad qui n’ont pas besoin d’obtenir une personnalité juridique propre pour l’exercice de la liberté syndicale au regard de l’enregistrement préalable des organisations qui les composent.
  6. 1321. La CSI indique par ailleurs qu’une requête en vue de la suspension de l’activité de l’intersyndicale et sa dissolution a été introduite le 26 juin 2007 par l’inspecteur interrégional du travail de la zone nord. Or, selon l’organisation plaignante, ce dernier n’a pas la compétence pour introduire une telle requête. La CSI, se référant au mémoire de défense en date du 2 juillet 2007 de l’UST, est aussi d’avis que la chambre administrative de la Cour suprême n’a pas non plus compétence pour connaître de cette affaire. Dans cette lettre, l’intersyndicale précise que, aux termes des articles 299, 300 et 314 du Code du travail, la juridiction compétente est la chambre sociale de la Cour d’appel. Par ailleurs, les articles 69, 70 et 71 de la loi organique no 60/PR/98 du 7 août 1998 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême déterminent clairement les matières de la compétence de la chambre administrative et ne font pas mention de la question en suspens. L’intersyndicale rappelle en outre être une organisation ad hoc composée d’organisations syndicales légalement constituées et jouissant toutes de leur personnalité juridique. L’intersyndicale ne se revendique pas comme une supra-organisation ni une organisation en elle-même, et sa convention de création signée par les organisations syndicales ne peut en aucun cas être assimilée à un statut d’un syndicat dont le dépôt est obligatoire aux termes de l’article 299 du Code du travail. En conclusion, l’intersyndicale considère que l’action du gouvernement vise uniquement à empêcher les organisations syndicales signataires de la plate-forme revendicative de l’intersyndicale d’exercer leurs activités légitimes, et ces dernières se réservent le droit de poursuivre le gouvernement pour violation de l’article 306 du Code du travail.
  7. 1322. La CSI indique par ailleurs que les différentes mesures antisyndicales constatées s’ajoutent à une situation juridique qu’elle considère comme violant les principes de la convention no 87. L’organisation plaignante indique notamment que, au cours d’une grève en 2006, le gouvernement a élaboré un projet de loi réglementant le droit de grève dans le secteur public qui est contraire à la convention no 87 sur plusieurs aspects. Devant la pression des syndicats, le texte n’a pas été adopté. Cependant, l’organisation plaignante précise que le projet en question a été à nouveau discuté et adopté le 9 mai 2007 (loi no 008/PR/2007). Ladite loi étendrait la notion de services essentiels à des activités qui ne le sont pas stricto sensu.
  8. 1323. L’organisation plaignante énumère la liste des services publics considérés comme essentiels aux termes de l’article 19 de ladite loi: les services qui concourent à la circulation aérienne; les services hospitaliers; les services d’eau et d’électricité; les services des pompiers; les services des postes et télécommunications; les services des télévisions; les services de radiodiffusion; les services centraux du ministère des Affaires étrangères et de l’Intégration africaine; les services des inspections interpréfectorales du travail; les services des régies financières; les abattoirs et le laboratoire de Farcha. Se référant au Recueil du comité, l’organisation plaignante fait observer que seuls certains services énumérés devraient être considérés comme essentiels.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 1324. Le comité regrette vivement que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas répondu aux graves allégations des organisations plaignantes, alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité prie instamment le gouvernement de faire preuve de plus de coopération à l’avenir.
  2. 1325. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
  3. 1326. Le comité rappelle au gouvernement que l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen d’allégations en violation de la liberté syndicale vise à assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent à leur tour reconnaître l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]
  4. 1327. Le comité note que le présent cas porte sur l’adoption d’un décret de non-reconnaissance officielle d’une intersyndicale et la saisine de la justice administrative pour obtenir sa dissolution, la prise d’assaut de la Bourse du travail par les forces de sécurité et l’occupation des locaux d’un syndicat durant plusieurs jours empêchant son accès aux travailleurs, la confiscation du passeport de M. Djibrine Assali, secrétaire général de l’Union des syndicats du Tchad, l’empêchant de se rendre à la Conférence internationale du Travail, et l’adoption d’une loi étendant la notion de services essentiels à des activités qui ne le seraient pas stricto sensu selon le Comité de la liberté syndicale.
  5. 1328. Le comité est particulièrement préoccupé par la gravité des faits allégués dans le présent cas. Le comité note les informations fournies par les organisations plaignantes selon lesquelles l’Union des syndicats du Tchad (UST) a constitué une intersyndicale avec quatre autres syndicats tchadiens, le Syndicat des enseignants du Tchad (SET), le Syndicat des enseignants chercheurs (Synecs), le Syndicat national des instituteurs du Tchad (SNIT) et le Syndicat autonome des agents de l’administration du Tchad (SAAAT). La création de cette intersyndicale a pour objectif d’engager des négociations collectives avec les autorités. Les revendications portaient sur la revalorisation de l’indice dans la fonction publique, la majoration du salaire minimum, l’augmentation des pensions de retraite et des allocations familiales adaptées au coût de la vie. Cependant, devant le refus du gouvernement d’engager tout dialogue, l’intersyndicale a déposé un préavis de grève le 19 mars 2007. Le préavis a débouché sur le déclenchement d’une grève illimitée dans le secteur public à compter du 2 mai 2007. Suite à des propositions du gouvernement considérées comme trop modestes par les organisations membres de l’intersyndicale, à l’exception d’une qui a suspendu son action de grève, les négociations ont été interrompues et la grève a été poursuivie.
  6. 1329. Le comité note avec préoccupation les allégations sur les différents incidents et mesures qui ont suivi le déclenchement de la grève. De manière générale, le comité note les allégations selon lesquelles des travailleurs associés au mouvement de grève auraient subi des pressions de la part des autorités qui, en outre, ont posé comme condition de reprise des négociations la levée du mouvement de grève. Le comité tient à affirmer avec fermeté que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 522.] Le gouvernement devrait en outre garantir qu’aucune influence ni pression ne puissent affecter en pratique l’exercice de ce droit. Le comité prie instamment le gouvernement de fournir ses observations.
  7. 1330. Par ailleurs, le comité note avec une vive préoccupation l’information selon laquelle les autorités ont confisqué le passeport de M. Djibrine Assali, secrétaire général de l’UST, alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol le 27 mai 2007 pour se rendre à la Conférence internationale du Travail à Genève, et qu’à ce jour il n’a pas encore récupéré ledit document. A cet égard, le comité relève que la question a fait l’objet d’un examen par la Commission de vérification des pouvoirs, lors de la 96e session (juin 2007) de la Conférence internationale du Travail (voir Compte rendu provisoire no 4C, paragr. 123127). Le comité observe que, selon les informations fournies par le gouvernement à la Commission de vérification des pouvoirs, le passeport de M. Assali lui a été confisqué dans la mesure où, pour des raisons inconnues, ce dernier aurait présenté à l’aéroport un ordre de mission délivré par son organisation avec son passeport de service au lieu de l’ordre de mission officiel du gouvernement, obligatoire dans ce cas. Le gouvernement a déclaré en outre que l’ordre de mission officiel lui avait bien été délivré et que M. Assali pouvait récupérer son passeport auprès des services de police. La commission a également indiqué avoir demandé aux représentants du gouvernement et à son secrétariat de faire savoir à M. Assali qu’il était libre de se rendre à Genève, mais que ce dernier a expliqué que son passeport ne lui avait pas été rendu et que ses frais, bien qu’approuvés, ne lui avaient pas été payés, par ordre spécifique de la ministre. Le comité note que la Commission de vérification des pouvoirs a exprimé sa perplexité devant les informations contradictoires fournies relatives à la liberté de mouvement de M. Assali.
  8. 1331. Le comité attire l’attention du gouvernement sur l’importance qu’il attache au principe énoncé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme selon lequel chacun a le droit de quitter n’importe quel pays, y compris le sien et de rentrer dans son propre pays. Il rappelle également avec force l’importance particulière qu’il attache au droit des représentants des organisations de travailleurs et d’employeurs d’être présents et de participer à des réunions des organisations internationales de travailleurs et d’employeurs ainsi que de l’OIT. Il importe ainsi qu’aucun délégué à un organisme ou à une conférence de l’OIT et qu’aucun membre du Conseil d’administration ne soit inquiété, de quelque façon que ce soit, de manière à l’empêcher ou le détourner de remplir son mandat, ou pour avoir accompli un tel mandat. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 122, 761 et 766.] Le comité demande instamment au gouvernement de fournir des explications sur la confiscation du passeport de M. Assali, secrétaire général de l’UST, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ledit document lui soit restitué, et d’assurer qu’il jouisse d’une pleine liberté de mouvement dans l’exercice de son mandat de dirigeant syndical.
  9. 1332. Le comité note également avec préoccupation les allégations selon lesquelles, le 5 juin 2007, les forces de sécurité ont pris d’assaut la Bourse du travail pour lui interdire d’ouvrir ses portes et ont occupé pendant une dizaine de jours le siège du Syndicat des enseignants du Tchad (SET), rendant ainsi l’accès à ce local impossible aux travailleurs. En premier lieu, le comité tient à rappeler que les autorités ne devraient avoir recours à la force publique dans les cas de mouvements de grève que dans des situations présentant un caractère de gravité et où l’ordre public serait sérieusement menacé. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 644.] Le comité rappelle que l’inviolabilité des locaux et biens syndicaux constitue l’une des libertés civiles essentielles pour l’exercice des droits syndicaux et que l’occupation des locaux syndicaux par les forces de l’ordre, sans mandat judiciaire les y autorisant, constitue une grave ingérence des autorités dans les activités syndicales. Le comité rappelle que des agissements tels que des assauts menés contre des locaux syndicaux et des menaces exercées contre des syndicalistes créent un climat de crainte parmi les syndicalistes fort préjudiciable à l’exercice des activités syndicales et que les autorités, lorsqu’elles sont informées de tels faits, devraient sans tarder faire procéder à une enquête pour déterminer les responsabilités afin que les coupables soient sanctionnés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 178, 179 et 184.] En conséquence, le comité demande instamment au gouvernement de diligenter une enquête et de fournir sans délai des explications sur l’intervention des forces de sécurité à la Bourse du travail le 5 juin 2007 ainsi que sur l’occupation pendant une dizaine de jours du siège du Syndicat des enseignants du Tchad (SET), rendant l’accès à ce local impossible aux travailleurs.
  10. 1333. Par ailleurs, le comité note que les organisations plaignantes dénoncent l’adoption par le gouvernement de l’arrêté no 019/PR/PM/MFPT/SG/DTSS/2007 du 4 juillet 2007 déclarant «la non-reconnaissance officielle de l’intersyndicale pour défaut d’existence juridique» au motif notamment de l’absence d’un récépissé constatant le dépôt des statuts de l’intersyndicale et la liste des dirigeants dans une préfecture, ainsi qu’au motif de la nullité d’un regroupement syndical n’ayant pas satisfait aux conditions et procédures prévues aux articles 294 à 302 du Code du travail. En outre, le comité note qu’une requête en vue de la suspension de l’activité de l’intersyndicale et sa dissolution avait été introduite le 26 juin 2007 par l’inspecteur interrégional du travail de la zone nord devant la chambre administrative de la Cour suprême mais que l’arrêté ministériel a été adopté avant même qu’une décision n’ait été rendue. Le comité note également que, selon les organisations plaignantes, l’inspecteur n’a pas la compétence pour introduire une telle requête, de même que la chambre administrative de la Cour suprême n’a pas compétence pour connaître une affaire de cette nature, compétence qui doit échoir, aux termes des articles 299, 300 et 314 du Code du travail, à la chambre sociale de la Cour d’appel.
  11. 1334. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, l’intersyndicale ne constitue pas une organisation en elle-même mais plutôt une plate-forme revendicative composée d’une centrale syndicale nationale (l’UST) et de plusieurs organisations syndicales représentant des branches professionnelles, toutes dûment enregistrées conformément à la loi. Le comité note aussi l’indication selon laquelle cet arrêté constitue une violation flagrante de la convention no 87 dans la mesure où la formation d’un groupe intersyndical est la seule possibilité pour les syndicats et leurs membres dans les pays où existe le pluralisme syndical de lutter collectivement pour défendre leurs intérêts. Par ailleurs, dans de plus en plus de pays – notamment d’Afrique –, les organisations syndicales se regroupent au sein d’instances unitaires qui n’ont pas besoin d’obtenir une personnalité juridique propre pour l’exercice de la liberté syndicale du fait de l’enregistrement préalable des organisations qui les composent. Enfin, le comité note les éléments contenus dans le mémoire de défense en date du 2 juillet 2007, où l’intersyndicale y rappelle être une organisation ad hoc composée d’organisations syndicales légalement constituées et jouissant toutes d’une personnalité juridique propre. L’intersyndicale ne se revendique pas comme une supra-organisation ni une organisation en elle-même et indique que sa convention de création signée par les organisations syndicales ne peut en aucun cas être assimilée à un statut d’un syndicat dont le dépôt serait obligatoire aux termes de l’article 299 du Code du travail. L’intersyndicale en conclut que l’action du gouvernement vise uniquement à empêcher les organisations syndicales signataires de la plate-forme revendicative de l’intersyndicale d’exercer leurs activités légitimes, et ces dernières se réservent le droit de poursuivre le gouvernement pour violation de l’article 306 du Code du travail.
  12. 1335. A cet égard, le comité observe que l’action du gouvernement est nuisible au développement de relations professionnelles normales et saines car ce genre d’agissement est de nature à porter de fait atteinte à la liberté de chaque organisation représentative d’organiser librement ses activités et ses moyens d’action, ceci conformément à ses propres statuts. Le comité tient également à rappeler l’importance du principe selon lequel les syndicats doivent avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu’ils représentent, et les autorités devraient s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal. Toute intervention de ce genre semblerait une violation du principe selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action. [Voir à cet égard Recueil, op. cit., paragr. 881.] Le comité veut croire que le gouvernement garantira à l’avenir le plein respect des principes rappelés ci-dessus et lui demande d’assurer que les organisations syndicales ne seront pas limitées dans les actions éventuelles qu’elles décideront de réaliser conjointement pour défendre les intérêts des travailleurs.
  13. 1336. Le comité note les allégations selon lesquelles la loi du 9 mai 2007 (no 008/PR/2007) portant réglementation de la grève dans le secteur public tchadien étendrait la notion de services essentiels à des activités qui ne le sont pas stricto sensu. Le comité observe que ladite loi, dont copie est transmise par les organisations plaignantes, prévoit en son article 18 qu’«un service minimum obligatoire est assuré dans le domaine des activités des services publics essentiels, dont l’interruption complète mettrait en danger la vie, la sécurité et la santé de tout ou partie de la population». En outre, la loi énumère en son article 19 une liste des services publics considérés comme essentiels, à savoir: les services qui concourent à la circulation aérienne; les services hospitaliers; les services d’eau et d’électricité; les services des pompiers; les services des postes et télécommunications; les services des télévisions; les services de radiodiffusion; les services centraux du ministère des Affaires étrangères et de l’Intégration africaine; les services des inspections interpréfectorales du travail; les services des régies financières; les abattoirs et le laboratoire de Farcha. Le comité observe que les organisations plaignantes considèrent que seuls certains services énumérés à l’article 19 de la loi devraient être considérés comme essentiels. En premier lieu, le comité souhaite rappeler que le droit de grève peut être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. Ensuite, le comité a eu à préciser à de nombreuses reprises que les services suivants peuvent être considérés comme services essentiels: le secteur hospitalier; les services d’électricité; les services d’approvisionnement en eau; les services téléphoniques; les services de lutte contre l’incendie; ou encore le contrôle du trafic aérien. En revanche, le comité a également indiqué que les services suivants ne constituent pas des services essentiels au sens strict du terme: la radio télévision; les banques; les services postaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 576, 582, 585 et 587.] En conséquence, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour revoir, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, sa législation en matière de détermination des services essentiels à la lumière des principes rappelés ci-dessus. Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du présent cas.
  14. 1337. Compte tenu de ce qui précède, le comité réitère sa vive préoccupation concernant les faits graves allégués dans le présent cas et l’absence de toute réponse de la part du gouvernement. Le comité le prie instamment de fournir sans délai ses observations de manière à permettre l’examen objectif de chacun des points soulevés.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1338. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité exprime sa vive préoccupation concernant les faits particulièrement graves allégués dans le présent cas et l’absence de toute réponse de la part du gouvernement. Le comité le prie instamment de fournir sans délai ses observations de manière à permettre l’examen objectif de chacun des points soulevés.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir des explications sur la confiscation du passeport de M. Assali, secrétaire général de l’UST, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ledit document lui soit restitué et d’assurer qu’il jouisse d’une pleine liberté de mouvement dans l’exercice de son mandat de dirigeant syndical.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter une enquête et de fournir sans délai des explications sur l’intervention des forces de sécurité à la Bourse du travail le 5 juin 2007 ainsi que sur l’occupation pendant une dizaine de jours du siège du Syndicat des enseignants du Tchad (SET), rendant l’accès à ce local impossible aux travailleurs.
    • d) Le comité veut croire que le gouvernement garantira à l’avenir le plein respect des principes rappelés en matière de liberté d’action des organisations représentatives et de négociation collective et lui demande d’assurer que les organisations syndicales ne seront pas limitées dans les actions éventuelles qu’elles décideront de réaliser conjointement pour défendre les intérêts des travailleurs.
    • e) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour revoir, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, sa législation en matière de détermination des services essentiels. Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du présent cas.
    • f) Le comité estime nécessaire d’attirer spécialement l’attention du Conseil d’administration sur ce cas en raison de l’extrême gravité et de l’urgence des problèmes en cause.
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