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Rapport définitif - Rapport No. 350, Juin 2008

Cas no 2586 (Grèce) - Date de la plainte: 20-JUIN -07 - Clos

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  1. 806. La plainte figure dans des communications de la Fédération grecque des employés des télécommunications (OME-OTE) en date des 20 juin et 31 juillet 2007.
  2. 807. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 4 juin 2008.
  3. 808. La Grèce a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 809. Dans ses communications en date des 20 juin et 31 juillet 2007, la Fédération grecque des employés des télécommunications (OME-OTE) allègue que le gouvernement a modifié unilatéralement les conventions collectives régissant les conditions de travail des employés de l’Organisation grecque des télécommunications (OTE). Selon l’organisation plaignante, l’OTE est la plus importante société de télécommunications de Grèce. Auparavant propriété de l’Etat, elle est aujourd’hui en grande partie privatisée et ses actions sont détenues par des investisseurs privés. Durant de longues années, les relations professionnelles y ont été stables et de nombreuses conventions collectives ont été conclues par la voie du dialogue, les parties ayant réussi durant toutes ces années à régler tous leurs différends sur une base paritaire. Les relations professionnelles étaient en partie régies par les Règles générales internes de l’OTE (GKP-OTE) convenues par voie de négociation collective. Il existe également un ensemble de conventions collectives, conclues entre la direction de l’OTE et les syndicats représentatifs, qui régissent l’essentiel des conditions d’emploi des travailleurs de l’organisation.
  2. 810. Selon l’organisation plaignante, l’article 38(3) de la loi no 3622/2006 dispose que les règles internes de la société COSMOTE, filiale de l’OTE, s’appliqueront à tous les employés de l’organisation, c’est-à-dire à tout le personnel de l’OTE. Cette même disposition prévoit l’abrogation de toute disposition d’une loi ou d’une convention collective (au niveau national ou à celui de l’entreprise) instituant des règles internes différentes. Plusieurs exceptions sont prévues en ce qui concerne l’application continue de certaines règles internes abolies à une partie des employés. Enfin, il est prévu que les nouvelles règles internes peuvent être modifiées par convention collective.
  3. 811. L’organisation plaignante explique que, ce faisant, une grande partie des conventions collectives régissant les relations avec les employés a été indirectement modifiée et remplacée par des règles élaborées sans la participation des syndicats de l’OTE. Ont notamment été abrogées les règles internes traitant des questions suivantes: les fonctions et la nature du travail accompli par le personnel, ainsi que la procédure d’affectation à des tâches différentes (art. 6 et 45 des règles internes, adoptées par voie de négociation collective); la procédure et les conditions de mutation des employés (art. 9 des règles internes); la procédure de promotion hiérarchique des employés (art. 8 des règles internes); la procédure et les conditions de nomination des employés aux postes d’encadrement (art. 10 et 11 des règles internes); les conditions de recrutement des travailleurs (convention collective du 25 mai 2005). Outre les règles mentionnées ci-dessus dont l’annulation vaut pour tous les employés, les règles suivantes n’ont été annulées qu’en ce qui concerne les employés recrutés après le 14 juillet 2005: conditions de prise en compte de l’ancienneté (art. 7 des règles internes); conditions d’octroi des vacances annuelles et des congés de maladie (art. 13 des règles internes); conditions de licenciement (annulation de l’exigence d’un motif substantiel et important – art. 17 des règles internes); conditions de démission (art. 18 des règles internes).
  4. 812. L’organisation plaignante soutient que la loi no 3622/2006 contrevient aux conventions nos 87 et 98 ratifiées par la Grèce et aux principes de la liberté syndicale énoncés aux paragraphes 941, 1001 et 1008 du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006. L’annulation d’une partie importante des conventions collectives librement conclues entre le syndicat et la direction de l’OTE, modifiant ainsi considérablement les relations professionnelles au sein de l’entreprise, constitue un acte d’ingérence manifeste dans les conventions collectives et une violation de la liberté syndicale. L’organisation plaignante demande donc au comité d’examiner ces actes d’ingérence, de les déclarer contraires aux principes de la liberté syndicale et d’inviter le gouvernement à y mettre fin.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 813. Dans une communication en date du 4 janvier 2008, le gouvernement indique que l’article 38(3) de la loi no 3522/2006 constitue le prolongement et la mise en œuvre de l’article 14 de la loi no 3429/2005 sur les sociétés de services publics, qui vise à rationaliser et à restructurer les sociétés de services publics («DEKOs») auparavant exploitées en Grèce en vertu de diverses lois. La loi no 3429/2005 avait pour but d’uniformiser et de rationaliser le régime juridique des DEKOs et de contribuer à leur développement en les assujettissant aux règles de la libre concurrence, conformément aux exigences de l’Union européenne. Outre les règles générales concernant la «dénationalisation» (privatisation) des DEKOs, la privatisation de l’OTE se fondait sur une série de lois particulières.
  2. 814. Le gouvernement ajoute que, malgré la privatisation partielle des DEKOs, l’Etat y est resté partie prenante pour les raisons suivantes: elles assurent des services publics essentiels à la qualité de vie quotidienne des citoyens; leur activité économique et leurs investissements influencent le taux de développement du pays; leurs politiques tarifaires ont un impact sur l’inflation; leur efficacité opérationnelle a des répercussions sur le déficit budgétaire de l’Etat; leur financement assuré grâce à des garanties de l’Etat a une incidence sur la dette extérieure du pays; enfin, leur stratégie commerciale a un impact déterminant sur le fonctionnement du marché dans le secteur d’activité concerné.
  3. 815. Par conséquent, l’un des principaux objectifs de la loi no 3429/2005 était de remédier aux lacunes des règles relatives aux questions de personnel. Tant les règles internes que les conditions d’emploi subsidiaires, applicables lorsque les DEKOs constituaient des monopoles d’Etat, ont continué à s’appliquer dans la plupart des DEKOs (y compris OTE SA) après leur privatisation partielle, et ce jusqu’à l’adoption de la loi no 3429/2005. Ces règles internes et les conditions d’emploi étaient totalement inadaptées aux conditions du secteur privé (par exemple, permanence d’emploi, interdiction de nommer des personnes extérieures aux DEKOs aux postes de direction et obligation de combler les postes d’encadrement par promotion interne, restrictions au processus de recrutement, etc.), ce qui nuisait à la compétitivité des DEKOs sur le marché. Bien que l’arrivée des DEKOs dans un environnement concurrentiel n’ait pas modifié leur nature de sociétés de services publics, ni le fait qu’elles continuent à fonctionner «dans l’intérêt du public», elles doivent maintenant exercer leurs activités dans le contexte d’un marché libre et dans un environnement toujours plus concurrentiel. Les DEKOs devaient donc s’adapter à ces nouveaux paramètres en ce qui concerne, par exemple, le respect de la législation sur les sociétés, la transparence de gestion et le contrôle des indices économiques, puisque leurs actions sont cotées en bourse, etc.
  4. 816. Il est évident que, si les DEKOs étaient entrées dans cet environnement de libre concurrence sans une profonde restructuration des relations d’emploi prévalant dans ces sociétés, elles auraient inévitablement connu un déclin économique, ce qui aurait conduit à des licenciements massifs, voire à un arrêt complet de leurs activités, menaçant ainsi l’emploi de milliers de travailleurs. La plupart des DEKOs emploient un grand nombre de travailleurs, y compris l’OTE qui a un effectif d’environ 11 500 personnes. A l’évidence, la législation en question visait donc à protéger «l’intérêt général» non seulement en préservant les DEKOs (en tant que services publics) mais aussi les nombreux emplois en cause.
  5. 817. Selon le gouvernement, la loi no 3429/2005 comporte des dispositions régissant l’organisation, le fonctionnement, la gestion et la supervision des DEKOs par l’Etat, ainsi que la relation d’emploi avec leur personnel (art. 13, 14 et 17). La disposition essentielle en l’occurrence est l’article 14 de la loi no 3429/2005, qui se lit comme suit (soulignements du gouvernement):
  6. 1. Les organes de direction des sociétés de services publics qui sont déficitaires ou sont subventionnées par l’Etat doivent, à des fins de rationalisation, prendre toutes les mesures de personnel appropriées en adoptant, si nécessaire, de nouvelles règles internes et de nouveaux organigrammes, ainsi que des programmes de formation et de perfectionnement du personnel. S’agissant plus précisément des règles internes générales et des relations d’emploi, toute modification doit être effectuée en consultation avec les deux parties (la société et les travailleurs), conformément à la procédure de négociation des conventions collectives avec le syndicat le plus représentatif de la société.
  7. 2. Les modifications mentionnées au paragraphe précédent concernant la conclusion des conventions collectives doivent être complétées dans un délai d’au plus quatre mois à partir de la date d’entrée en vigueur de la présente loi ou, en ce qui concerne les sociétés qui doivent rationaliser leurs activités parce qu’elles sont déficitaires ou sont subventionnées par l’Etat, durant l’exercice fiscal 2005 ou un exercice fiscal postérieur à l’adoption de la présente loi, à partir de la date de publication du bilan de l’exercice fiscal.
  8. 3. Si, pour quelque motif que ce soit, aucune modification n’est apportée durant la période mentionnée ci-dessus, les modifications seront introduites par la loi.
  9. 818. Selon le gouvernement, l’article 14 de la loi no 3429/2005 oblige la direction des sociétés de services publics, en cas de bilan déficitaire, à élaborer de nouveaux organigrammes et de nouvelles règles internes afin de rationaliser leurs activités. Un élément important de l’article 14 est que ces modifications doivent être faites avec l’accord des parties, et que la direction de chaque DEKO doit inviter le syndicat le plus représentatif à participer aux négociations, conformément à la procédure de négociation collective applicable. Ces négociations doivent être menées et complétées en application des articles 4 et 5 de la loi no 1876/1990, qui régissent la procédure de négociation collective, la signature et l’entrée en vigueur des conventions collectives. Si aucune solution négociée n’est trouvée dans les quatre mois, les articles 14(2) et (3) disposent que les modifications nécessaires seront introduites par la loi. Cette disposition n’interdit pas la poursuite de négociations directes entre les parties et n’exclut pas la possibilité d’un règlement du différend, même après l’expiration de la période de quatre mois, à moins que les négociations n’aient pas été entamées ou qu’elles aboutissent à une impasse. Il ressort donc clairement des dispositions de l’article 14 de la loi no 3429/2005 que le gouvernement respecte le droit à la négociation libre et volontaire, garanti par l’article 22(2) de la Constitution grecque et reconnu par la convention no 98.
  10. 819. S’agissant du cas particulier de l’OTE, le gouvernement indique que les services de télécommunications ont constitué un monopole d’Etat depuis la création de l’Etat grec. Durant la longue période où l’OTE, comme les autres organisations et sociétés publiques, bénéficiait d’un statut monopolistique d’Etat, le travail était organisé et les conditions de travail élaborées dans un environnement profondément marqué par l’interventionnisme étatique et l’absence de concurrence, faisant totalement fi des conditions du marché du travail. Les Règles générales internes de l’OTE (GKP-OTE) ont été élaborées dans ce contexte. Influencées par la nature publique de l’OTE, elles prévoyaient une organisation du travail et des relations d’emploi semblables à celles des fonctionnaires (par exemple, règles de recrutement très strictes, statut permanent du personnel, interdiction faite aux personnes extérieures à l’organisation d’accéder à des postes de responsabilité et obligation de combler ces postes par promotion interne, etc.). De plus, les Règles générales internes de l’OTE constituaient auparavant une réglementation d’ordre public puisqu’elles étaient élaborées et amendées par décision du conseil d’administration de l’OTE, approuvées ensuite par décision ministérielle conjointe aux termes des dispositions législatives applicables (art. 54 du décret législatif 165/1973; art. 12(1) de la loi no 74/1975).
  11. 820. Avec la libéralisation du marché des services de télécommunications, conformément aux directives européennes, le processus de privatisation a été mis en route au sein de l’OTE, qui a été cotée à la Bourse d’Athènes, l’Etat conservant une participation de 28 pour cent du capital. Suite à la libéralisation des télécommunications et à la privatisation de l’OTE, celle-ci s’est évidemment retrouvée en concurrence avec des sociétés de télécommunications privées dont le personnel était uniquement régi par des contrats de droit privé et les conditions d’emploi élaborées selon les modalités prévalant sur le marché du travail.
  12. 821. Etant donné que l’OTE SA est une société de services publics et qu’elle accusait, en outre, un déficit durant le dernier exercice fiscal (année 2005; résultats publiés le 7 mars 2006), l’article 14 de la loi no 3429/2005 devenait dès lors applicable; comme il a été mentionné ci-dessus, ces dispositions prévoient que la direction des DEKOs doit en pareil cas renégocier de nouvelles règles internes par voie de convention collective avec les syndicats les plus représentatifs.
  13. 822. La direction de l’OTE a donc invité à quatre reprises l’organisation plaignante, en l’occurrence l’OME-OTE, à engager un dialogue sur la modernisation des règles générales internes (lettres des 23 mars, 5 mai, 6 et 16 juin 2006), le dernier courrier dressant la liste des points spécifiques de négociation et précisant que les négociations ne porteraient pas sur les questions monétaires, les échelles salariales, la durée du travail, etc. (le gouvernement joint copie de ces lettres à sa communication). Toutefois, selon le gouvernement, l’OME-OTE n’a donné suite à aucune de ces invitations, refusant totalement de discuter des questions concernant les règles internes.
  14. 823. Le gouvernement soutient que la direction de l’OTE s’est clairement montrée à plusieurs reprises disposée à négocier collectivement avec l’OME-OTE dans le cadre de la loi no 3429/2005, mais que cette dernière a constamment refusé d’engager des négociations qui auraient permis aux parties de convenir librement des questions relatives aux règles internes.
  15. 824. Compte tenu du refus catégorique de négocier affiché par l’organisation plaignante, malgré le besoin impératif de redéfinir les Règles générales internes de l’OTE afin qu’elles puissent être adaptées aux nouvelles exigences issues de l’entrée de la société dans un contexte concurrentiel, et pour remédier à la situation financière précaire de l’OTE, les autorités ont utilisé leur pouvoir de trancher la question par voie législative, en vertu de l’article 14(3) de la loi no 3429/2005. Une année entière s’étant pratiquement écoulée depuis l’entrée en vigueur de ce texte, et l’organisation plaignante refusant totalement durant toute cette période de négocier pour régler ces questions, l’article 38(3) de la loi no 3522/2006, stipulant que le Règlement interne de COSMOTE SA s’appliquerait à OTE SA, fut finalement adopté par voie législative (la loi no 3429/2005 est entrée en vigueur le 31 décembre 2005, et la loi no 3522/2006 le 22 décembre 2006).
  16. 825. Le gouvernement souligne que l’imposition de l’article 38(3) de la loi no 3522/2006 par voie législative n’empêche aucunement la tenue de négociations, dont l’organisation plaignante pourrait demander à tout moment la réouverture en vue de conclure un accord collectif d’entreprise, qui amenderait partiellement ou entièrement les règles internes, comme il est expressément prévu dans la disposition applicable.
  17. 826. Le gouvernement ajoute que les conséquences de l’imposition de l’article 38(3) de la loi no 3522/2006 par voie législative n’étaient pas fondamentalement différentes des conditions qui auraient prévalu si la direction de l’OTE avait elle-même exercé son droit de dénoncer les conventions collectives existantes, en application de la législation générale applicable en la matière (art. 12 de la loi no 1876/1990).
  18. 827. Enfin, indépendamment des considérations qui précèdent, l’article 38(3) de la loi no 3522/2006 n’a pas modifié, jusqu’à l’année d’adoption de cette législation, les clauses des conventions collectives concernant le salaire, la durée du travail et les autres droits reconnus aux travailleurs de la société. En outre, une grande partie des règles générales internes existantes (art. 5, 7, 12, 13, 14, 16, 17, 18, 20; paragr. 1 III IV; paragr. 2-10; art. 23-40; art. 42, 46 et 47) est restée en vigueur après l’adoption de la disposition en question. Par conséquent, le salaire des travailleurs de la société n’a aucunement été affecté par l’application de cette disposition provisoire.
  19. 828. Le gouvernement soutient enfin que l’article 38(3) est conforme aux conventions nos 87 et 98. Cette disposition n’a pas été adoptée de façon précipitée comme l’allègue l’organisation plaignante, pas plus qu’elle ne prive les parties de la possibilité de négocier et de conclure des accords collectifs d’entreprise, y compris sur les conditions prévues dans les règles internes de l’OTE. La disposition contestée ne doit pas être considérée de façon isolée, comme tente de le faire l’organisation plaignante, mais doit plutôt être examinée dans le cadre des efforts accomplis pour répondre aux exigences nées de l’entrée des sociétés de services publics (y compris l’OTE) sur un marché concurrentiel libre, après une longue période de monopole étatique. En outre, la disposition en question n’a pas été adoptée dans la précipitation, comme le soutient également l’organisation plaignante, mais suite à des efforts soutenus et prolongés pour parvenir à une solution négociée. De plus, cette disposition n’interdit pas, suite à des négociations, la conclusion d’une convention collective portant sur les règles internes de l’OTE, conformément à la législation grecque sur la négociation collective (loi no 1876/1990). Avant l’adoption de cette disposition, et même après celle-ci, les parties restaient libres d’engager des négociations collectives et de conclure une convention dont elles détermineraient librement le contenu (art. 14(1) de la loi no 3429/2005 sur la réforme générale des sociétés des services publics).
  20. 829. Par conséquent, la seule intervention résultant de l’article 38(3) de la loi no 3522/2006, prévoyant l’application provisoire des règles générales internes de la société COSMOTE SA, a consisté à combler une lacune réglementaire temporaire due au refus de l’OME-OTE d’engager des négociations, et ce jusqu’à ce que les parties parviennent à un accord. Autrement dit, si l’organisation plaignante avait accepté d’engager le dialogue, il n’aurait pas été nécessaire d’adopter la disposition contestée (art. 38(3) de la loi no 3522/2006) ni d’appliquer à l’OTE les règles internes de COSMOTE SA. De plus, même après l’adoption de cette disposition, l’organisation plaignante restait libre de demander l’ouverture de négociations pouvant mener à la conclusion d’un accord collectif d’entreprise, qui introduirait de nouvelles règles internes mutuellement acceptées.
  21. 830. Pour le gouvernement, les informations qui précèdent démontrent à l’évidence que les allégations de l’organisation plaignante ne sont pas fondées, puisque l’article 38(3) de la loi no 3522/2006 est parfaitement conforme aux conventions nos 87 et 98, et vise exclusivement à répondre au souci de l’Etat de protéger l’intérêt social du public. En outre, cette intervention législative n’a eu qu’un impact temporaire et limité sur les relations d’emploi du personnel de l’OTE, puisqu’elle se limitait essentiellement aux questions d’organisation du travail et n’a pas eu d’effet sur leur rémunération. Enfin, elle n’empêchait aucunement les parties de rouvrir les négociations et d’adopter de nouvelles règles internes, dont le contenu serait différent de celles de la société COSMOTE SA, transposées en vertu de la disposition en question.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 831. Le comité note que l’organisation plaignante allègue en l’espèce que le gouvernement a partiellement annulé les conventions collectives conclues avec la direction de l’Organisation grecque des télécommunications (OTE) portant sur les règles générales internes de l’organisation, en adoptant une loi disposant que les règles internes de l’OTE seraient remplacées par celles d’une de ses filiales, élaborées sans la participation des syndicats.
  2. 832. Le comité note que selon l’organisation plaignante, l’OTE est la plus importante société de télécommunications de Grèce. Auparavant propriété de l’Etat, elle est aujourd’hui en grande partie privatisée. Durant de longues années, les relations professionnelles y ont été stables et de nombreuses conventions collectives ont été conclues par la voie du dialogue, notamment les règles internes de l’organisation, qui ont été négociées collectivement. Toutefois, l’article 38(3) de la loi no 3622/2006 est venu substituer à ces règles internes celles de la société COSMOTE, filiale de l’OTE. Cette disposition prévoit que certaines des règles internes abolies continueront de s’appliquer à une partie des employés, et que les nouvelles règles internes peuvent être modifiées par voie de convention collective.
  3. 833. L’organisation plaignante explique que, ce faisant, une grande partie des conventions collectives régissant les relations avec les employés a été indirectement modifiée et remplacée par des règles élaborées sans la participation des syndicats de l’OTE. Ont notamment été abrogées les règles internes traitant des questions suivantes: les fonctions et la nature du travail accompli par le personnel, ainsi que la procédure d’affectation à des tâches différentes (art. 6 et 45 des règles internes, adoptés par voie de négociation collective); la procédure et les conditions de mutation des employés (art. 9 des règles internes); la procédure de promotion interne des employés (art. 8 des règles internes); la procédure et les conditions de nomination des employés aux postes d’encadrement (art. 10 et 11 des règles internes); les conditions de recrutement des travailleurs (convention collective du 25 mai 2005). Outre les règles mentionnées ci-dessus dont l’annulation vaut pour tous les employés, les règles suivantes n’ont été annulées qu’en regard des employés recrutés après le 14 juillet 2005: conditions de prise en compte de l’ancienneté (art. 7 des règles internes); conditions d’octroi des vacances annuelles et des congés de maladie (art. 13 des règles internes); conditions de licenciement (annulation de l’exigence d’un motif substantiel et important – art. 17 des règles internes); conditions de démission (art. 18 des règles internes).
  4. 834. Le comité note que, selon le gouvernement, l’article 38(3) de la loi no 3522/2006 constitue le prolongement et la mise en œuvre de l’article 14 de la loi no 3429/2005 sur les sociétés de services publics («DEKOs») visant à rationaliser et restructurer ces sociétés, y compris l’OTE, en les faisant passer de leur statut de monopole public à celui d’entreprises privées, où l’Etat conservait néanmoins des actions de contrôle. Les règles internes et les conditions d’emploi subsidiaires applicables lorsque les DEKOs constituaient des monopoles d’Etat étaient totalement inadaptées aux conditions du secteur privé (par exemple, permanence d’emploi, interdiction de nommer des personnes extérieures aux DEKOs aux postes de direction et obligation de combler les postes de responsabilité par promotion interne, restrictions au processus de recrutement, etc.) ce qui nuisait à leur compétitivité. Le gouvernement souligne également que, si les DEKOs étaient entrées dans cet environnement de libre concurrence sans une profonde restructuration des relations d’emploi prévalant dans ces sociétés, elles auraient inévitablement connu un déclin économique, ce qui aurait conduit à des licenciements massifs, sans exclure l’éventualité d’un arrêt complet de leurs activités, menaçant ainsi l’emploi de milliers de travailleurs (l’OTE emploie environ 11 500 travailleurs).
  5. 835. Le comité note que, selon le gouvernement, compte tenu de ce contexte général, l’article 14 de la loi no 3429/2005 dispose que: i) les directions des DEKOs déficitaires ou subventionnées par l’Etat doivent prendre diverses mesures, y compris la révision de leurs règles internes et l’élaboration de nouveaux organigrammes; ii) toute modification des règles internes et des relations d’emploi ne peut intervenir qu’après consultations entre les parties, conformément à la procédure de négociation des conventions collectives avec le syndicat le plus représentatif; iii) ces modifications doivent être complétées au plus tard quatre mois après l’entrée en vigueur de la loi, ou après la publication du bilan déficitaire; iv) si ces délais ne sont pas respectés, les modifications nécessaires sont introduites par voie législative. Le gouvernement souligne que, en dépit du délai de quatre mois, rien n’interdit aux parties de poursuivre ou d’engager des négociations directes après l’intervention du pouvoir législatif, afin d’adopter de nouvelles règles internes par voie de négociation collective.
  6. 836. Le comité note également l’indication donnée par le gouvernement à propos du cas particulier de l’OTE, selon laquelle, depuis la création de l’Etat grec, les services de télécommunications ont constitué un monopole d’Etat où les conditions de travail étaient élaborées dans un environnement profondément marqué par l’interventionnisme étatique et l’absence de concurrence, faisant totalement fi des conditions du marché du travail. Les Règles générales internes de l’OTE (GKP-OTE) ont été élaborées dans ce contexte. Influencées par la nature publique de l’OTE, elles prévoyaient une organisation du travail et des relations d’emploi semblables à celles des fonctionnaires (par exemple, règles de recrutement très strictes, statut permanent du personnel, interdiction faite aux personnes extérieures à l’organisation d’accéder à des postes de responsabilité et obligation de combler ces postes par la promotion interne, etc.). De plus, les Règles générales internes de l’OTE avaient alors un caractère d’ordre public puisqu’elles étaient élaborées et amendées par décision du conseil d’administration de l’OTE, puis approuvées par décision ministérielle conjointe aux termes des dispositions législatives applicables (art. 54 du décret législatif 165/1973; art. 12(1) de la loi no 74/1975). Avec la libéralisation du marché des télécommunications, conformément aux directives européennes, l’OTE a été privatisée et cotée à la Bourse d’Athènes. Elle s’est donc retrouvée en concurrence avec des sociétés de télécommunications privées dont le personnel était uniquement régi par des contrats de droit privé et les conditions d’emploi élaborées selon les modalités prévalant sur le marché du travail.
  7. 837. Etant donné que l’OTE accusait un déficit durant l’exercice fiscal 2005 (résultats publiés le 7 mars 2006), l’article 14 de la loi no 3429/2005 devenait dès lors applicable. La direction de l’OTE a donc invité à quatre reprises l’organisation plaignante (OME-OTE) à engager un dialogue sur la modernisation des règles générales internes (lettres des 23 mars, 5 mai, 6 et 16 juin 2006), le dernier courrier dressant la liste des points spécifiques de négociation et précisant que les négociations ne porteraient pas sur les questions monétaires, les échelles salariales, la durée du travail, etc. (le gouvernement joint copie de ces lettres à sa communication). Toutefois, selon le gouvernement, l’OMEOTE n’a donné suite à aucune de ces invitations, refusant totalement de discuter des questions concernant les règles internes.
  8. 838. Le comité note que, selon le gouvernement, pour remédier à la situation financière précaire de l’OTE, compte tenu de l’impact sur le budget de l’Etat, et suite au refus catégorique de négocier affiché par l’organisation plaignante durant un an après l’entrée en vigueur de l’article 14 de la loi no 3429/2005, le pouvoir législatif, pour des raisons d’intérêt public, a exercé son pouvoir de redéfinir les Règles générales internes de l’OTE afin de lui permettre de s’adapter au nouveau contexte concurrentiel. L’article 38(3) de la loi no 3522/2006, qui fait l’objet de la présente plainte, fut donc finalement adopté par voie législative; il disposait que les règles internes de la société COSMOTE SA seraient étendues à la société OTE SA. Le comité note finalement que, selon le gouvernement, cette intervention législative n’a pas eu d’effet sur la rémunération du personnel de l’OTE, et n’empêche aucunement les parties de rouvrir les négociations et d’élaborer de nouvelles règles internes par voie de convention collective.
  9. 839. Le comité rappelle que, lors de cas précédents concernant des programmes de rationalisation et de restructuration économiques, il a formulé le principe suivant: «Le comité ne peut se prononcer sur les allégations concernant les programmes et les mesures de restructuration ou de rationalisation économiques, que ceux-ci impliquent ou non des réductions de personnel ou des transferts d’entreprise ou des services du secteur public au secteur privé, que dans la mesure où ils ont donné lieu à des actes de discrimination ou d’ingérence antisyndicaux. Quoi qu’il en soit, le comité ne peut que déplorer que, dans le cadre de rationalisation et de réduction du personnel, le gouvernement n’ait pas consulté les organisations syndicales ou essayé de parvenir à un accord avec elles.» [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1079.] Le comité a également signalé à plusieurs reprises l’importance qu’il attache à ce que les gouvernements consultent les organisations syndicales en vue d’examiner les conséquences des programmes de restructuration sur l’emploi et les conditions de travail des salariés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1081.]
  10. 840. Le comité observe en l’espèce que la direction de l’OTE a envoyé quatre lettres (23 mars, 5 mai, 6 et 16 juin 2006) invitant l’organisation plaignante à négocier la révision des règles internes de l’OTE, étant donné que cette dernière devait dorénavant fonctionner dans un contexte de libre concurrence. Ces courriers indiquent que l’organisation plaignante (OME-OTE) a refusé de rencontrer les représentants de la direction. La lettre du 16 juin 2006 indique en particulier que les parties n’étaient pas d’accord sur le point de savoir si les négociations concernant les règles internes devaient être liées aux négociations sur l’accord collectif d’entreprise de 2006. La direction de l’OTE a également précisé les questions qu’elle entendait discuter: élaboration d’un code de discipline annexé aux règles internes, et transfert des dispositions disciplinaires des règles internes (50 pour cent des dispositions) vers ladite annexe, en ne conservant dans les règles elles-mêmes que la définition des violations disciplinaires; abolition des grades personnels n’ayant pas de véritable importance, afin d’éviter des procédures bureaucratiques et coûteuses; report automatique (entre un et quatre ans) des augmentations salariales en fonction des sanctions disciplinaires imposées; établissement d’un système d’évaluation du personnel devant être déterminé par décision du directeur exécutif; modification de l’article 10 des règles internes concernant le choix des chefs de section ou des directeurs, pour combler les postes d’encadrement; possibilité de recruter des personnes extérieures à l’OTE pour les postes d’encadrement. Cette lettre précise également que le statut permanent des personnes travaillant au sein de l’OTE en date du 25 mai 2005, ainsi que les questions financières, les échelles de poste, la durée du travail, etc., ne seraient pas discutés. Le comité note que, selon le gouvernement, l’organisation plaignante a refusé de rencontrer la direction de l’OTE; six mois après, le pouvoir législatif a donc adopté l’article 38(3) de la loi no 3622/2006, étendant ainsi les règles internes d’une des filiales de l’OTE, règles adoptées sans consultation avec le syndicat le plus représentatif, à l’ensemble du personnel de l’OTE. Tenant compte des principes énoncés ci-dessus, le comité doit observer que des efforts soutenus ont été faits par le gouvernement pour préserver les droits de négociation collective, et par la direction de l’OTE pour engager des négociations sur ces règles internes, en tenant compte de la nouvelle situation de la société. Le comité note en outre les renseignements fournis par le gouvernement selon lesquels l’organisation plaignante peut encore engager des négociations collectives avec la direction de l’OTE en vue d’adopter de nouvelles règles internes par voie de convention collective. Dans ces circonstances, le comité considère que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 841. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à considérer que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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