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Rapport intérimaire - Rapport No. 350, Juin 2008

Cas no 2592 (Tunisie) - Date de la plainte: 17-SEPT.-07 - Clos

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  1. 1540. La plainte figure dans une communication de l’Internationale de l’éducation (IE) et de la Fédération générale de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (FGESRS) en date du 17 septembre 2007. La FGESRS a transmis des informations complémentaires dans des communications en date des 17 octobre et 8 novembre 2007.
  2. 1541. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date des 25 octobre et 3 décembre 2007.
  3. 1542. La Tunisie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 1543. Dans une communication en date du 17 septembre 2007, l’Internationale de l’éducation (IE) et la Fédération générale de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (FGESRS) indiquent que le gouvernement viole les normes internationales du travail relatives à la liberté syndicale en refusant de reconnaître la FGESRS en tant qu’organisation représentant légitimement les travailleurs du secteur de l’enseignement supérieur, en multipliant les actes de discrimination antisyndicale à l’encontre des membres de la FGESRS et en refusant d’engager des négociations collectives avec celle-ci.
  2. 1544. Les organisations plaignantes indiquent de manière liminaire que la FGESRS, affiliée à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), est la seule organisation représentant les différents corps et catégories d’enseignants et de chercheurs de l’université. La FGESRS est issue d’un congrès unificateur organisé le 15 juillet 2006 par l’UGTT. Lors de la constitution de la FGESRS, il a été décidé de dissoudre les syndicats affiliés à l’UGTT qui représentaient jusqu’alors ces corps; il s’agit du Syndicat des maîtres de conférences et des professeurs d’enseignement supérieur et du Syndicat de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (SGESRS). Les organisations plaignantes précisent que le processus qui a permis la tenue du congrès unificateur du 15 juillet 2006 obéit à la circulaire no 67 du 8 mars 2004 relative à l’organisation des congrès unificateurs à l’échelle des institutions universitaires, ainsi qu’au règlement intérieur de l’UGTT dont le département du règlement intérieur a dû recueillir le consentement des formations syndicales concernées par l’unification via des réunions séparées puis via un conseil sectoriel. Par ailleurs, s’agissant d’une situation de conflit qui existait au sein du Syndicat de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (SGESRS), les organisations plaignantes indiquent que ledit syndicat avait élu un nouveau bureau en 2003 suite à la décision prise en 2002 par le bureau de l’UGTT de dissoudre le précédent bureau élu en 2001. Certains membres du bureau du SGESRS ont alors introduit un recours devant la justice pour contester la décision de 2002 de l’UGTT. Les organisations plaignantes considèrent que ces recours judiciaires ont été faits en méconnaissance du règlement intérieur de la centrale syndicale qui prévoit que le règlement des conflits internes à l’organisation ne se fait que sur la base des normes de ses statuts et dans le cadre de ses structures dans un climat de tolérance et de respect mutuel (art. 81 du règlement intérieur). Les organisations plaignantes précisent que, suite à un rapport d’évaluation, le comité exécutif de l’Internationale de l’éducation a reconnu le bureau élu le 14 juin 2003, et dirigé par M. Kaddour, son secrétaire général, comme représentant légitime du SGESRS. Les organisations plaignantes précisent également que le bureau du Syndicat général des professeurs et des maîtres de conférences agrégés, dont le secrétaire général est M. Neji Gharbi, a refusé de participer aux travaux menant au processus d’unification pour des raisons extra-syndicales.
  3. 1545. Les organisations plaignantes joignent en annexe de leur plainte les communiqués des 25 février et 29 avril 2006 signés par les représentants des délégations syndicales des enseignants agrégés et de cinq des six syndicats de base des enseignants technologues appelant à la création d’une structure syndicale unifiée pour défendre l’ensemble du cadre enseignant permanent dans le secteur universitaire, ainsi que la motion adoptée par le Conseil sectoriel commun de l’enseignement supérieur le 15 juin 2006 qui recommande à l’UGTT de procéder, entre autres, à la restructuration de la représentation syndicale au sein du secteur de l’enseignement supérieur «pour garantir une représentation réelle et équitable de tous les intervenants engagés dans le processus éducatif et scientifique» et à la tenue d’un congrès extraordinaire le 15 juillet 2006 pour l’adoption d’une structure unique et unifiée, représentative et indépendante. Les organisations plaignantes présentent également des documents relatifs à l’information sur la création de la FGESRS par le congrès unificateur du 15 juillet 2006, notamment un communiqué de l’UGTT en date du 17 juillet 2006, une communication adressée à l’Internationale de l’éducation (courrier de l’UGTT du 31 juillet 2006) et un communiqué au Chef de l’Etat (courrier de l’UGTT du 25 janvier 2007) informant de la création de la FGESRS comme seule structure mandatée par l’UGTT pour représenter les enseignants universitaires et de la dissolution du Syndicat des maîtres de conférences et des professeurs d’enseignement supérieur et du Syndicat de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
  4. 1546. Les organisations plaignantes dénoncent le refus des autorités de donner effet à la décision de l’UGTT de reconnaître la FGESRS comme seule structure représentative du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, d’induire l’opinion publique en erreur en continuant à entretenir des relations avec des structures syndicales dissoutes par l’UGTT ou en favorisant la mise en place de structures parallèles fantoches. Les organisations plaignantes considèrent que, depuis le congrès unificateur du 15 juillet 2006, le gouvernement se rend coupable de graves ingérences dans les affaires internes des organisations syndicales en violation de la convention no 87.
  5. 1547. S’agissant des ingérences dans les affaires internes des organisations syndicales, les organisations plaignantes allèguent que le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Technologie a, via une campagne de presse, des actes d’intimidations et de harcèlement à l’encontre d’enseignants, usé de tous les moyens possibles pour empêcher l’activité normale de la FGESRS. Les organisations plaignantes, se référant aux principes rappelés par le Comité de la liberté syndicale, considèrent que ces actes gouvernementaux portent atteinte à la liberté dont disposent les organisations syndicales de déterminer elles-mêmes les conditions dans lesquelles les représentants des enseignants universitaires seront représentés, sans l’intervention de l’Etat. Les organisations plaignantes allèguent par ailleurs que le ministre aurait incité le directeur de l’Institut supérieur d’études technologiques (ISET) de Rades de convoquer une réunion pour constituer un comité provisoire de technologues comme interlocuteur du ministère alors que ce corps est notamment représenté au sein de la FGESRS. Se référant aux principes du Comité de la liberté syndicale, les organisations plaignantes considèrent que l’article 3 de la convention no 87, ainsi que les droits des enseignants universitaires affiliés à l’UGTT, sont violés par une «convocation d’élections par décision ministérielle». Même s’il peut y avoir des différends entre les universitaires, les organisations plaignantes déclarent qu’ils ont été résolus au sein de l’UGTT par le recours au congrès unificateur du 15 juillet 2006, et ceci conformément au principe consacrant le droit pour les organisations syndicales «de résoudre elles-mêmes leurs différends sans ingérence des autorités, et il appartient au gouvernement de créer le climat qui permette de conduire la résolution de ces différends».
  6. 1548. Les organisations plaignantes font ensuite état de toutes les mesures entreprises par l’UGTT pour établir une relation normale entre la FGESRS et les pouvoirs publics. Il s’agit notamment de la communication de la liste des membres de la FGESRS et de son bureau exécutif aux autorités, d’une demande d’ouverture de négociations comprenant une liste de revendications gelées depuis sept ans, de lettres adressées aux syndicalistes dissidents leur enjoignant de s’abstenir d’utiliser les cachets et documents des syndicats dissous, d’une lettre adressée au Chef de l’Etat sur la situation. Les organisations plaignantes joignent en annexe de la plainte un communiqué adressé au Chef de l’Etat dans lequel l’UGTT dénonce le fait que le ministère de l’Enseignement supérieur continue d’entretenir des relations avec les ex-secrétaires généraux de syndicats dissous suite à la création de la FGESRS. De même, les organisations plaignantes transmettent copies des communications de décembre 2006 adressées à l’ex-secrétaire général d’un syndicat dissous suite à la création de la FGESRS, M. Néji El Gharbi, ainsi qu’à M. Béchir Hamrouni dont le mandat syndical avait été suspendu par l’UGTT en avril 2002. Dans ces correspondances, l’UGTT enjoint M. El Gharbi et M. Hamrouni de cesser de continuer à user du cachet et des documents des ex-syndicats généraux dissous et de les restituer dans les plus brefs délais sous peine de mesures contraignantes.
  7. 1549. Les organisations plaignantes indiquent que le soutien des universitaires ainsi que l’intervention du Bureau international du Travail ont décidé le gouvernement à recevoir une délégation de la FGESRS. Cependant, le gouvernement continuerait toujours de tenir des réunions avec les syndicats dissous par l’UGTT. Si les organisations plaignantes ne contestent pas le droit du gouvernement d’organiser des rencontres formelles ou informelles avec les parties de son choix, elles rappellent toutefois que toute négociation collective ne devrait se faire qu’avec l’organisation la plus représentative comme le prévoit la législation nationale (art. 38 du Code du travail) ainsi que les instruments internationaux. Elles ajoutent que la représentativité de la FGESRS ne saurait être mise en doute car la Fédération compte 3 700 adhérents sur 8 615 enseignants universitaires, son objectif étant d’atteindre prochainement le nombre de 4 300 adhérents, soit la moitié de l’effectif.
  8. 1550. Outre la situation de la FGESRS, les organisations plaignantes allèguent que le ministère de tutelle, à savoir le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Technologie, applique une politique systématique et délibérée de discrimination à l’encontre des syndicalistes dans le secteur. Les organisations plaignantes considèrent que les différents actes de discrimination antisyndicale, comme les pressions, menaces, mesures administratives et agressions physiques qui se multiplient à l’encontre de syndicalistes, constituent des violations des dispositions consacrant la protection des syndicalistes contenues dans la convention no 98, dont le Comité de la liberté syndicale aurait rappelé que les garanties prévues pouvaient bénéficier aux fonctionnaires publics. Les organisations plaignantes dénoncent la multiplication de ces actes et fournissent quelques exemples de mesures antisyndicales et d’agression: menaces de poursuites disciplinaires à l’encontre de syndicalistes ayant fait grève le 5 avril 2007 par les directeurs des ISET de Kairouan et de Rades; interdiction de la tenue d’assemblées générales syndicales durant l’année universitaire 2006-07 à l’ISET de Rades; refus d’une subvention de recherche en vue de participer à un colloque international à un membre d’un syndicat de base à l’ISET de Rades; refus par le ministère de tutelle de la tenue d’un colloque sur le thème «Le droit syndical et les libertés académiques» organisé par le syndicat de base de la Faculté des lettres et des sciences humaines de Sfax le 14 mars 2007; exclusion de Mme Kaouther Machta, maître technologue et syndicaliste à l’ISET de Sfax, du jury de recrutement des assistants technologues dont elle est membre et refus de lui octroyer une subvention pour participer à un colloque international malgré l’accord du directeur et du conseil scientifique de l’ISET; refus des universités en général, et particulièrement l’université de Gafsa, de transmettre dans les délais au ministère de tutelle les dossiers de mutation des enseignants syndicalistes qui enseignent à l’intérieur du pays, ceci afin de rendre impossible l’examen de leurs dossiers; refus systématique d’accorder un prolongement de la période d’activité aux enseignants arrivant à l’âge de la retraite lorsque ceux-ci sont syndicalistes; agression à l’encontre du syndicaliste Moez Ben Jabeur par le directeur de l’Institut préparatoire aux études d’ingénieurs de Tunis, une plainte pour agression, coups et blessures ayant été déposée auprès du Procureur de la République du tribunal de première instance de Tunis sous le numéro 7005283/2007 en date du 25 janvier 2007; refus du ministère de l’Enseignement supérieur de signer les arrêtés de titularisation de certains assistants de l’enseignement supérieur syndicalistes en dépit de l’avis favorable et unanime de la commission paritaire, un refus bloquant leur avancement dans la carrière et qui constituerait une sanction déguisée en raison de leurs acticités syndicales et pour avoir participé à la grève du 5 avril 2007 décidée par la FGESRS.
  9. 1551. Enfin, les organisations plaignantes dénoncent des atteintes au droit de négociation collective par les autorités. Non seulement ces dernières dérogeraient au principe de la négociation de bonne foi mais elles imposeraient aussi des restrictions dans le champ de négociation en limitant les sujets négociables, ceci en violation de la convention no 98. Les organisations plaignantes indiquent que, si le gouvernement a accepté de recevoir une délégation de la FGESRS et de négocier avec elle sur certaines revendications, ce changement d’attitude de la part du gouvernement ne cache pas certains signes qui montrent par ailleurs qu’il manque à son obligation de négocier de bonne foi. En effet, le gouvernement aurait tenu à associer trois organisations qualifiées de formations pseudosyndicales par les organisations plaignantes aux négociations. Une telle manœuvre viserait, selon la FGESRS et l’IE, à donner l’impression à l’opinion publique d’une crise de représentation dans le secteur universitaire, ce qui permettrait au gouvernement de se soustraire aux revendications légitimes des partenaires concernés.
  10. 1552. Les organisations plaignantes dénoncent également les restrictions excessives que le gouvernement imposerait aux sujets qui pourraient faire l’objet de négociations. Elles rappellent que parmi les revendications de la FGESRS figurent l’instauration d’une structure permanente de concertation pour débattre des questions pédagogiques et professionnelles dont le projet de loi d’orientation et de l’enseignement supérieur et les statuts des différents corps d’enseignants. Cette instance faciliterait les consultations dans un secteur appelé à adopter rapidement une réforme globale. Le refus du ministère de mettre en place une telle instance de concertation au motif d’un risque de cogestion du secteur est contraire, selon les organisations plaignantes, au principe de la gestion participative et partenariale des universités pourtant recommandée par la Déclaration mondiale sur l’enseignement supérieur au XXIe siècle de l’UNESCO à laquelle le gouvernement a souscrit. D’autre part, les organisations plaignantes s’interrogent sur l’attitude du gouvernement vis-à-vis des revendications matérielles de la FGESRS destinées à valoriser et récompenser le travail croissant des universitaires. Ce dernier aurait renvoyé l’examen des revendications de la FGESRS aux négociations collectives triennales entre la direction de l’UGTT et le gouvernement qui concernent les augmentations salariales générales et la détérioration du pouvoir d’achat de tous les salariés, ceci alors même que des accords de même nature ont été conclus dans d’autres secteurs au cours de l’année. Le gouvernement aurait de plus demandé à la FGESRS de présenter les solutions techniques, administratives et financières à même de convaincre le ministère des Finances de la pertinence des revendications, chose nouvelle qui contraste avec les règles et usages dans les négociations sociales. Enfin, les organisations plaignantes dénoncent le fait que le ministère aurait également conditionné la reconnaissance de la pertinence des revendications à l’acceptation d’une contrepartie en termes de volume de travail des universitaires. Les organisations plaignantes considèrent que cette attitude du gouvernement est un signe de son refus d’engager un dialogue social sérieux et responsable avec les représentants de la FGESRS, ce qui a motivé le déclenchement d’une grève d’avertissement le 5 avril 2007. Suite à cette grève, le gouvernement a adopté des mesures accordant des indemnités d’encadrement au profit de certains enseignants, répondant ainsi à certaines revendications matérielles de la FGESRS, il aurait toutefois refusé de négocier sur les autres points des revendications en considérant qu’ils relèvent uniquement de son pouvoir discrétionnaire.
  11. 1553. Dans une communication en date du 18 octobre 2007, la FGESRS rapporte le recours de l’UGTT et de l’IE auprès des plus hautes instances de l’Etat pour débloquer la situation dans le secteur de l’enseignement supérieur, notamment pour amener le ministère de tutelle à reconnaître la FGESRS comme représentant légitime des enseignants universitaires et à conduire des négociations sincères, ainsi que pour faire cesser les actes de discrimination antisyndicale à l’encontre des enseignants universitaires en raison de leurs activités syndicales. Cependant, la FGESRS regrette que ces démarches, notamment une rencontre de l’UGTT avec le Président de la République, soient restées sans suite et ne font que montrer le choix délibéré des autorités de porter atteinte à la liberté syndicale du personnel universitaire.
  12. 1554. Dans une communication du 8 novembre 2007, les organisations plaignantes rapportent les dernières tentatives de la FGESRS auprès du ministère de l’Enseignement supérieur pour résoudre les problèmes en suspens, en particulier une lettre du 9 octobre 2007 demandant l’organisation d’une réunion de travail. Le silence des autorités a conduit la FGESRS à envoyer une deuxième lettre, en date du 22 octobre 2007, qui a débouché sur l’organisation d’une rencontre entre la délégation de la FGESRS et du chef de cabinet du ministre le 1er novembre 2007. Or, outre le fait que le gouvernement est resté sur ses positions concernant tous les points à négocier, il a aussi tenu à convoquer les autres organisations syndicales et à les rencontrer, ceci, selon les organisations plaignantes, constituant encore une fois une ingérence dans les affaires internes des organisations syndicales. Il apparaît également, selon les termes des organisations plaignantes, que le gouvernement confond les questions relevant de l’administration des affaires de son ressort qui peuvent être raisonnablement considérées comme étrangères au champ des négociations et celles qui touchent directement les conditions d’emploi et qui ne sauraient être considérées comme telles. Se référant à la position du Comité de la liberté syndicale, les organisations plaignantes indiquent que, si elles sont d’accord sur le principe que l’élaboration des grandes lignes de la politique générale de l’enseignement ne se prête pas à des négociations collectives entre les autorités compétentes et les organisations syndicales du personnel enseignant, bien qu’il puisse être normal de les consulter à cet égard, les conséquences pour les conditions d’emploi des décisions relatives à cette politique doivent faire l’objet de libres négociations collectives.
  13. 1555. Selon les organisations plaignantes, la politique antisyndicale délibérée du gouvernement, à travers son ministère de l’Enseignement supérieur, menace l’activité syndicale dans le secteur et viole les dispositions des conventions sur la liberté syndicale et le droit de négociation collective que le gouvernement a ratifiées.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1556. Dans une communication, en date du 25 octobre 2007, le gouvernement déclare son engagement à appliquer dans la législation et dans les textes nationaux les dispositions des conventions internationales qu’il ratifie et indique que tant les conventions nos 87 et 98 que la convention no 135, qu’il a récemment ratifiée, ne font pas exception à ce principe. Il ajoute que le droit syndical est garanti dans la Constitution nationale, ainsi que dans la législation du travail, y compris dans le statut général de la fonction publique qui régit les relations entre l’Etat et les fonctionnaires.
  2. 1557. Par ailleurs, le gouvernement indique qu’une commission technique permanente groupant les représentants du gouvernement et de l’UGTT a été instaurée pour discuter sur l’action syndicale dans la fonction publique, et que des négociations triennales doivent être engagées dans cette instance sur les augmentations de salaires dans la fonction publique et l’amélioration des conditions de travail des fonctionnaires.
  3. 1558. Le gouvernement ajoute que les réunions tenues avec la FGESRS depuis sa création en juillet 2006, ainsi qu’avec les autres représentants du personnel de l’enseignement supérieur depuis 2005, montrent la reconnaissance de la liberté syndicale dans le secteur et qu’il ressort même de la plainte déposée que la FGESRS dispose de tous les moyens pour exercer ses activités syndicales, y compris la grève. Seulement, si le gouvernement reconnaît à la FGESRS le mandat de représenter les enseignants universitaires sur mandat de l’UGTT, il rappelle qu’il existe d’autres syndicats de l’enseignement supérieur, comme le Syndicat indépendant des enseignants technologues constitué en 2006 et non affilié à l’UGTT, ainsi que les structures syndicales dissoutes par l’UGTT, comme le Syndicat général de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et le Syndicat général des maîtres de conférences et des professeurs de l’enseignement supérieur, qui ont attaqué la décision de dissolution en justice et ont obtenu gain de cause devant les juridictions de première instance. Dans l’attente d’une décision de justice définitive, le gouvernement déclare vouloir maintenir le dialogue et donc continuer à consulter l’ensemble des structures syndicales du secteur. Selon le gouvernement, la FGESRS revendique l’exclusivité de la représentation syndicale du secteur, ce qui est incompatible avec le Code du travail et avec la décision de justice suscitée.
  4. 1559. Le gouvernement indique que la FGESRS, constituée en 2006, déclare remplacer le SGESRS mais rencontre un problème de légitimité interne. Le gouvernement rappelle que le SGESRS, constitué en 2001 par l’UGTT, a été dissoute en 2003 par la création d’un autre syndicat. La décision de dissolution de 2003 a fait l’objet de contestations par le bureau du SGESRS alors en place devant les instances internationales (copie de correspondances du SGESRS adressées à l’IE (1er mai 2002) et au Bureau international du Travail (3 juillet 2003)). Ce bureau a également saisi les instances judiciaires nationales et a obtenu gain de cause devant les juridictions de première instance. A cet égard, le gouvernement fournit copie du jugement du tribunal de première instance de Tunis du 7 juin 2003 annulant la décision de l’UGTT du 2 avril 2002 de dissolution du bureau exécutif du SGESRS. Parallèlement à cette situation, l’UGTT a décidé de restructurer sa représentation du personnel de l’enseignement supérieur et organisé à cette fin, en juillet 2006, un congrès unificateur. Les deux syndicats généraux dissous par ce congrès auraient introduit à leur tour un recours en justice et auraient obtenu une décision en leur faveur. En conséquence, le gouvernement considère que la FGESRS ne fait qu’ignorer les conséquences juridiques des procédures judiciaires engagées contre elle par des structures syndicales contestataires et les décisions de justice en exigeant que le ministère de l’Enseignement supérieur la reconnaisse comme unique structure représentant tout le personnel de l’enseignement supérieur. Or le gouvernement rappelle qu’il est tenu de respecter toutes les décisions de justice.
  5. 1560. Le gouvernement ajoute que, dans un esprit d’apaisement, il avait proposé en 2004 de dialoguer avec toutes les structures syndicales et avec le bureau de l’UGTT. Les rencontres tenues jusqu’alors ont été interrompues par la FGESRS qui prétend être le seul représentant légitime du corps des professeurs universitaires, des chercheurs scientifiques et des technologues. Le gouvernement rappelle que le SGESRS, constitué en 2003, avait déjà tenté d’obtenir la même exclusivité de représentation et avait perturbé les cours en déclenchant des grèves en mars 2004 (peu suivies), juin 2005 et avril 2006. Le gouvernement observe que le SGESRS, constitué en 2003, était loin de représenter majoritairement le personnel de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Ceci expliquerait l’organisation du congrès du 15 juillet 2006 par l’UGTT. Cependant, loin de régler le problème de la représentativité, les syndicalistes seraient sortis plus divisés qu’auparavant. D’autres recours ont été introduits en justice pour contester l’unification décidée par l’UGTT, faisant ainsi passer le nombre d’actions en justice de deux à quatre en cours désormais concernant la représentativité dans le secteur.
  6. 1561. Le gouvernement fournit dans sa réponse un document de juillet 2006 dans lequel plus de 1 200 enseignants ont signifié au ministère de l’Enseignement supérieur leur opposition à la décision d’unification de l’UGTT. Il fournit également copie de correspondances en date du 28 août 2007 adressées à des instances internationales (IE, Confédération syndicale internationale, Bureau international du Travail) par le Syndicat général des professeurs et des maîtres de conférences. Son secrétaire général, M. Neji Gharbi, y dénonce la dissolution de son organisation par décision unilatérale de l’UGTT et indique avoir saisi les instances judiciaires nationales. Selon le gouvernement, il s’agirait donc plutôt de dissensions syndicales, dont l’issue dépend des actions en justice en cours, plutôt que d’ingérence dans les affaires internes des organisations syndicales de la part du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Technologie.
  7. 1562. Le gouvernement déclare être toujours ouvert au dialogue, y compris avec la FGESRS qu’il a reçue à plusieurs reprises (le 12 octobre 2006, les 13 janvier, 20 février, 16 avril, 12 mai, 11 juin et 29 août 2007) comme en attestent les articles de presse. Le gouvernement a également reçu les autres structures syndicales. Cependant, le gouvernement observe que la FGESRS ne cherchait pas le dialogue mais l’exclusivité de la négociation collective.
  8. 1563. Le gouvernement réfute les allégations selon lesquelles il refuserait de négocier. Au contraire, il indique que le dialogue avec les structures syndicales a abouti à la conclusion de plusieurs accords dont un accord signé le 18 avril 2005 avec le Syndicat général des maîtres de conférences et des professeurs de l’enseignement supérieur, un accord signé le 27 avril 2005 avec le Syndicat de base des enseignants technologues sous le parrainage de l’UGTT et un accord signé le 3 avril 2007 avec le Comité syndical indépendant des enseignants technologues. Par ailleurs, le gouvernement déclare vouloir maintenir un climat social serein et avoir ainsi adopté un certain nombre de mesures concernant l’amélioration des conditions morales et matérielles du personnel de l’enseignement supérieur. Ces mesures sont: la création d’une indemnité d’encadrement en faveur des directeurs de recherche, à l’instar des chefs de laboratoires (décret no 1342 du 15 mars 2006); le doublement de l’indemnité de jury pour les membres des jurys de recrutement et de promotion des enseignants (décret no 1711 du 5 juillet 2007); la création d’une prime d’encadrement des jeunes chercheurs (décret no 1712 du 5 juillet 2007); le doublement de l’indemnité d’enseignement supplémentaire pour les enseignants qui assurent un tel enseignement dans les jeunes universités (décret no 2318 du 11 septembre 2007); l’institution d’une visite médicale annuelle gratuite pour les enseignants exerçant dans les laboratoires et unités de recherches pour risques professionnels (circulaire no 2888 du 22 février 2007). Le gouvernement fournit en annexe de sa réponse copie de ces textes.
  9. 1564. Le gouvernement ajoute qu’un accord triennal a été conclu avec l’UGTT sur les augmentations salariales pour la période 2005-2007. Il indique que la FGESRS tente de remettre en cause des points qui ont déjà fait l’objet d’un accord et qui sont valables jusqu’à fin 2007, ceci par des revendications et des exigences salariales excessives.
  10. 1565. S’agissant des allégations d’actes de discrimination antisyndicale, le gouvernement a tenu à apporter les précisions suivantes.
  11. 1566. Aucune mesure disciplinaire n’a été prise à l’encontre d’enseignants du fait de leur participation à une grève. Toutefois, certaines mesures disciplinaires ont été prises à l’encontre de quelques enseignants qui ont commis des fautes disciplinaires caractérisées à l’occasion des grèves, notamment la destruction de biens publics. Le gouvernement indique que les enseignants concernés ont la possibilité d’introduire un recours contre les sanctions les touchant et reconnaît que le tribunal administratif a eu à condamner l’administration à plusieurs reprises pour excès de pouvoir à la suite de plaintes. Le gouvernement reconnaît également avoir retiré ou atténué des sanctions disciplinaires prononcées légalement à l’encontre d’enseignants et d’agents administratifs, ceci dans un souci d’apaisement avec les organisations syndicales. Il a eu par exemple à ne pas donner suite à des décisions de résiliation de contrats prononcées contre des enseignants technologues pour manquement à leurs obligations contractuelles. Le gouvernement déclare ne pas être au courant de manifestation scientifique dont il aurait empêché la tenue et rejette les allégations qu’il qualifie d’imprécises. Il précise que la participation à des manifestations à l’étranger est décidée par les présidents des universités sans intervention du ministère de tutelle.
  12. 1567. Le gouvernement, en réponse aux allégations de refus de mutation d’enseignants syndicalistes, indique que la procédure d’attribution des postes et des mutations suit des règles claires qui sont suivies sous peine de sanction par le tribunal administratif. La période minimale requise pour postuler à une mutation ou l’existence effective d’un service d’enseignement dans l’établissement auprès duquel la mutation est demandée constitue par exemple des critères pris en compte dans les décisions. Dès lors que les conditions requises sont réunies, les mutations sont accordées tout en s’assurant de ne pas enlever trop d’enseignants aux universités de l’intérieur du pays qui accueillent de plus en plus d’étudiants.
  13. 1568. S’agissant de la prolongation d’activité des enseignants au-delà de la retraite, le gouvernement rappelle qu’il s’agit de mesures exceptionnelles que l’administration prend discrétionnairement et destinées à faire face aux besoins réels dans des disciplines déterminées. Le gouvernement indique aussi respecter un accord signé avec un syndicat affilié à l’UGTT en avril 2005 sur les conditions d’application de cette mesure. En outre, le gouvernement déclare avoir pris des mesures favorables aux enseignants ayant rejoint tardivement la fonction publique ou même ceux ayant dépassé l’âge de 65 ans lorsqu’il y a un réel besoin dans l’établissement concerné, ceci indépendamment de leur affiliation syndicale.
  14. 1569. S’agissant des allégations selon lesquelles le gouvernement aurait refusé de signer les arrêtés de titularisation de syndicalistes, le gouvernement indique avoir exercé ses attributions dans le souci d’assurer un enseignement supérieur de qualité en examinant les dossiers de titularisation. Il déclare que les dossiers parvenus hors délais ou incomplets n’ont pas été pris en compte car les jurys ne se sont prononcés que sur les candidatures régulièrement déposées. Il ajoute que tout litige pourrait être porté devant le tribunal administratif.
  15. 1570. Dans sa communication en date du 4 décembre 2007, en réponse aux informations complémentaires fournies par les organisations plaignantes, le gouvernement réfute les allégations et les qualifie d’infondées. Le gouvernement précise, s’agissant de l’ultime recours de l’UGTT auprès du Chef de l’Etat, que l’entretien rentrait dans le cadre de consultations traditionnelles avec les organisations nationales. La requête avait en réalité pour objectif la reconnaissance de la FGESRS comme interlocuteur unique du ministère de l’Enseignement supérieur, ce qui n’est pas possible en fait comme en droit. S’agissant de la réunion avec le chef de cabinet du ministère de l’Enseignement supérieur, le gouvernement indique qu’elle a été suivie d’une deuxième réunion le 16 novembre 2007 mais que cette dernière a été boycottée par la FGESRS. Il s’agirait donc d’une rupture du dialogue du fait de l’organisation syndicale qui a accusé le ministère de «louvoiement…». Le gouvernement, rappelant les mesures prises par décret au cours du premier semestre 2007, indique qu’elles ont un impact financier que la FGESRS refuse de prendre en ligne de compte dans ses revendications. Le gouvernement déclare vouloir procéder à l’évaluation de cet impact financier avant d’engager de nouvelles négociations. Une fois l’évaluation effectuée en concertation avec les ministères concernés, les négociations doivent continuer en vue de l’adoption de mesures globales pour 2008 à l’occasion des négociations sociales traditionnelles entre le gouvernement et l’UGTT. Le gouvernement rappelle que les augmentations de salaires dans la fonction publique sont fixées selon l’accord triennal conclu avec l’UGTT et que la FGESRS n’est pas fondée à remettre cet accord en cause.
  16. 1571. Le gouvernement rappelle qu’il a mis en place un cadre de négociation bien éprouvé et opérationnel depuis 1990 comme en témoignent les nombreux accords conclus avec l’UGTT. L’attitude de la FGESRS confine au blocage et a été critiquée par les enseignants comme par des organisations syndicales. Le gouvernement réaffirme sa volonté de poursuivre le dialogue avec toutes les structures syndicales comme en témoigne la consultation des partenaires sociaux, y compris la FGESRS, sur le projet de loi relative à l’enseignement, ceci avant sa présentation au Conseil économique et social au sein duquel l’UGTT est également largement représentée.
  17. 1572. Le gouvernement déclare attendre les décisions de justice et vouloir en tirer les conséquences concernant la représentativité syndicale dans le secteur. Il indique avoir toujours pris une position conforme à la légalité et refusé de s’immiscer dans les différends syndicaux. Il en conclut que la FGESRS n’est donc pas fondée à l’accuser de négocier avec des structures dont la décision de dissolution a été annulée par une décision de justice.
  18. 1573. S’agissant des mesures discriminatoires à l’encontre d’enseignants en raison de leurs activités syndicales, le gouvernement réfute une nouvelle fois l’ensemble des allégations «infondées». Il précise que les mesures sont prises sur la base des textes en vigueur sous le contrôle du tribunal administratif.
  19. 1574. Le gouvernement, rappelant que les nombreuses réunions tenues avec la FGESRS témoignent de sa reconnaissance par les autorités publiques, indique que les grèves qu’elle a déclenchées n’ont donné lieu à aucune mesure punitive. Il observe à cet égard que le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, comme l’ensemble de la fonction publique, bénéficient du respect des principes de liberté syndicale et de négociation collective contenus dans les conventions nos 87 et 98. Le respect du droit est en outre garanti par la justice administrative. En réalité, selon le gouvernement, la FGESRS chercherait par tous les moyens à satisfaire ses revendications. Or elles ne pourront être satisfaites que dans le cadre de concertations respectant la loi, les institutions et les accords déjà conclus avec l’UGTT.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1575. Le comité observe que, dans le présent cas, les allégations des organisations plaignantes ont trait au refus des autorités de reconnaitre la représentativité de la Fédération générale de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (FGESRS), organisation constituée en 2006 et affiliée à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), à des mesures et actes de discrimination antisyndicale à l’encontre d’enseignants en raison de leurs activités syndicales, et au non-respect par le gouvernement des principes en matière de négociation collective.
    • Reconnaissance de la FGESRS
  2. 1576. Le comité note que la FGESRS a été constituée à l’issue d’un congrès unificateur organisé par l’UGTT le 15 juillet 2006 pour représenter dans une structure unique les différents corps et catégories d’enseignants et de chercheurs de l’université. Le comité note que ce congrès a également décidé de dissoudre les syndicats affiliés à l’UGTT qui représentaient jusqu’alors ces corps: le Syndicat des maîtres de conférences et des professeurs d’enseignement supérieur et le Syndicat de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (SGESRS). Selon les organisations plaignantes, le processus qui a permis la tenue du congrès unificateur du 15 juillet 2006 a obéi à la circulaire no 67 du 8 mars 2004 relative à l’organisation des congrès unificateurs à l’échelle des institutions universitaires, ainsi qu’au règlement intérieur de l’UGTT pour ce qui concerne le consentement des formations syndicales concernées par l’unification. Le comité note aussi, selon les informations fournies par le gouvernement et par les organisations plaignantes, que certains syndicats généraux se sont opposés à ce processus d’unification et ainsi à leur dissolution. Il s’agirait notamment du Syndicat des maîtres de conférences et des professeurs d’enseignement supérieur et du bureau exécutif dissident (élu en 2001), du Syndicat de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (SGESRS). Le comité note l’information selon laquelle la dissolution a été contestée auprès des instances judiciaires nationales et relève l’indication du gouvernement – qui ne fournit pas les décisions concernées – selon laquelle ces organisations syndicales ont obtenu l’annulation des décisions de dissolution devant les juridictions de première instance. Le comité demande au gouvernement de fournir copie de la décision judiciaire de première instance annulant la dissolution des syndicats généraux par le congrès unificateur du 15 juillet 2006 et de le tenir informé de l’issue des procédures en cours.
  3. 1577. A cet égard, le comité souhaite rappeler que le principe énoncé à l’article 2 de la convention no 87, selon lequel les travailleurs et les employeurs doivent avoir le droit de constituer les organisations de leur choix ainsi que celui de s’y affilier, implique, pour les organisations elles-mêmes, le droit de constituer les fédérations et les confédérations de leur choix ainsi que celui de s’y affilier. De même, la question de savoir si le besoin de créer des fédérations et des confédérations se fait ou non sentir est une question sur laquelle il appartient aux seuls travailleurs et à leurs organisations de se prononcer après que leur droit de constituer des fédérations et des confédérations leur aura été consenti par la loi. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 710 et 713.]
  4. 1578. S’agissant de la situation de conflit qui préexistait depuis 2002 au sein du Syndicat de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (SGESRS), le comité note que ledit syndicat avait élu un bureau exécutif en 2001 puis, suite à une décision en date du 2 avril 2002 de l’UGTT de dissoudre ce bureau, un nouveau bureau a été élu en 2003. Certains membres du bureau de 2001 ont alors introduit un recours devant la justice pour contester la décision de dissolution de l’UGTT. Le comité note que, outre le fait d’avoir contesté sa dissolution devant des instances internationales (l’IE (1er mai 2002) et le Bureau international du Travail (3 juillet 2003)), le bureau du SGESRS, élu en 2001, a saisi les instances judiciaires nationales et a obtenu de la part des juridictions de première instance l’annulation de la décision de 2002 de l’UGTT de dissoudre le bureau exécutif du SGESRS (décision du 7 juin 2003 du tribunal de première instance de Tunis). Le comité note que, selon les organisations plaignantes, ce recours judiciaire se serait fait en méconnaissance du règlement intérieur de l’UGTT qui prévoit que le règlement des conflits internes à l’organisation ne se fait que sur la base des normes de ses statuts et dans le cadre de ses structures dans un climat de tolérance et de respect mutuel (art. 81 du règlement intérieur). Le comité note aussi que, suite à un rapport d’évaluation, le comité exécutif de l’Internationale de l’éducation a reconnu le bureau élu le 14 juin 2003, et dirigé par M. Kaddour en tant que secrétaire général, comme représentant légitime du SGESRS. Enfin, le comité note que, par courrier en date de décembre 2006, l’UGTT enjoint M. Béchir Hamrouni, dont le mandat syndical avait été suspendu par l’UGTT en avril 2002, de cesser de continuer à user du cachet et des documents du SGESRS qui a été dissous et de les restituer dans les plus brefs délais sous peine de mesures contraignantes. A cet égard, le comité rappelle que, dans le cas de la dissolution d’une organisation syndicale décidée volontairement par un congrès régulièrement convoqué par tous les travailleurs intéressés, le comité a considéré que ladite dissolution, ou les conséquences qu’elle a entraînées, ne saurait être considérée comme ayant constitué une atteinte aux droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 679.] Notant l’indication selon laquelle la procédure est toujours en cours suite à la décision du 7 juin 2003 du tribunal de première instance de Tunis d’annuler la décision du 2 avril 2002 de l’UGTT de dissoudre le bureau exécutif du SGESRS, le comité est très préoccupé par la longueur de la procédure qui, pendant un laps de temps indûment prolongé, a pu empêcher le SGESRS de fonctionner et d’organiser des activités dans l’intérêt de ses affiliés. Le comité est d’avis que, lorsqu’une décision spécifique d’une assemblée générale est contestée, ceci devrait relever des autorités judiciaires, qui devraient garantir une procédure impartiale, objective et rapide. Rappelant en outre que l’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice [voir Recueil, op. cit., paragr. 105], le comité exprime le ferme espoir qu’une décision judiciaire définitive sera rendue dans un très proche avenir concernant la question de la représentation légitime du SGESRS et demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  5. 1579. Par ailleurs, le comité note que ni la constitution de la FGESRS ni les activités qu’elle mènera par la suite en tant que représentant des différents corps et catégories d’enseignants et de chercheurs de l’université ne semblent être contestées par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Technologie ou par les autres organisations syndicales du secteur. Il note l’indication selon laquelle des démarches ont été entreprises par la FGESRS auprès des autorités de tutelle, notamment la communication de la liste des membres de la FGESRS et de son bureau exécutif, ainsi que d’une demande d’ouverture de négociations comprenant un cahier de revendications. Le comité note également que la FGESRS revendique un nombre de 3 700 adhérents sur 8 615 enseignants universitaires, son objectif étant d’atteindre prochainement le nombre de 4 300 adhérents. Enfin, les organisations plaignantes reconnaissent que le gouvernement a reçu à plusieurs occasions une délégation de la FGESRS, cependant elles regrettent que le gouvernement ait convoqué ces réunions seulement à cause du soutien que la FGESRS aurait trouvé auprès des structures syndicales nationales et internationales du secteur et qu’il continue de négocier parallèlement avec d’autres organisations syndicales, dont celles réputées dissoutes suite au congrès unificateur du 15 juillet 2006, ceci dans le but délibéré de donner à l’opinion publique l’image d’une crise de représentation dans le secteur universitaire et ainsi se soustraire aux revendications légitimes de la FGESRS. Le comité note enfin l’allégation selon laquelle le gouvernement aurait dernièrement mis en place des structures syndicales parallèles fantoches.
  6. 1580. Le comité note que, selon le gouvernement, les réunions tenues avec la FGESRS depuis sa création en juillet 2006, ainsi qu’avec les autres représentants du personnel de l’enseignement supérieur depuis 2005, montrent la reconnaissance de la liberté syndicale dans le secteur et qu’il ressort même de la plainte que la FGESRS dispose de tous les moyens pour exercer ses activités syndicales, y compris la grève. Seulement, si le gouvernement reconnaît à la FGESRS le mandat de représenter les enseignants universitaires, il rappelle qu’il existe aussi d’autres syndicats de l’enseignement supérieur, comme le Syndicat indépendant des enseignants technologues constitué en 2006 et non affilié à l’UGTT, ainsi que les structures syndicales dissoutes par l’UGTT, comme le Syndicat général de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et le Syndicat général des maîtres de conférences et des professeurs de l’enseignement supérieur, qui ont attaqué la décision de dissolution en justice et ont obtenu gain de cause devant les juridictions de première instance. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle, dans l’attente d’une décision de justice définitive, le gouvernement continuera à consulter l’ensemble des structures syndicales du secteur. Selon le gouvernement, la FGESRS revendique l’exclusivité de la représentation syndicale du secteur, ce qui est incompatible avec le Code du travail et avec les décisions de justice rendues.
  7. 1581. Compte tenu des éléments d’information à sa disposition et ayant à l’esprit les principes qu’il a rappelés plus haut, le comité estime qu’il ne lui appartient pas à ce stade de se prononcer sur la représentativité de la FGESRS. Le comité estime cependant nécessaire de rappeler les principes suivants: tout d’abord, le comité rappelle l’aspect fondamental de l’autonomie des partenaires sociaux à la négociation et souligne que la participation à la négociation collective et la signature des conventions qui en découlent impliquent nécessairement l’indépendance des organisations signataires vis-à-vis de l’employeur ou des organisations d’employeurs ainsi que des autorités publiques. Ce n’est que lorsque ce caractère d’indépendance est avéré que la négociation peut être ouverte aux organisations syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 966.] Le comité considère en outre que, afin d’encourager le développement harmonieux des négociations collectives et d’éviter les conflits, on devrait toujours appliquer, lorsqu’elles existent, les procédures destinées à désigner les syndicats les plus représentatifs aux fins de la négociation collective quand on ne sait pas clairement par quels syndicats les travailleurs désirent être représentés. Au cas où ces procédures feraient défaut, les autorités devraient, le cas échéant, examiner la possibilité d’instituer des règles objectives à cet égard. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 971.] A cet égard, le comité considère que la détermination des organisations susceptibles de signer seules des conventions collectives devrait être établie sur la base d’un double critère, celui de la représentativité et celui de l’indépendance. Les organisations répondant à ces critères devraient être déterminées par un organisme présentant toutes garanties d’indépendance et d’objectivité. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 967.] Compte tenu, dans le cas d’espèce, des informations contradictoires communiquées par les organisations plaignantes et le gouvernement, de l’histoire récente du mouvement syndical dans le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, des procédures judiciaires en cours, du processus actuellement en cours qui semble inclure des négociations isolées avec diverses structures syndicales du secteur, et enfin des allégations de favoritisme du gouvernement envers des organisations syndicales non représentatives, le comité considère que le gouvernement devrait, une fois les décisions de justice rendues et si cela s’avère nécessaire, et, avec l’accord de la FGESRS et des autres structures syndicales concernées, mettre en place un mécanisme indépendant pour la détermination objective de la représentativité des partenaires sociaux dans le secteur. Le comité exprime le ferme espoir que les modalités de cette détermination, en particulier la désignation d’un organisme indépendant à cette fin, pourront être fixées rapidement d’un commun accord et prie le gouvernement de prendre toutes les mesures appropriées pour reconnaître les structures syndicales dont le caractère représentatif dans le secteur sera objectivement démontré de leur reconnaître formellement le droit de conclure des conventions collectives. Le gouvernement est prié d’indiquer tout fait nouveau à cet égard. Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut faire appel à l’assistance technique du Bureau s’il le désire.
    • Actes de discrimination antisyndicale
  8. 1582. Le comité prend note avec préoccupation de la longue liste fournie par les organisations plaignantes concernant la multiplication des actes de discrimination antisyndicale, notamment de la part des autorités, qui toucheraient les enseignants affiliés à la FGESRS. Il s’agirait notamment de menaces de poursuites disciplinaires à l’encontre de syndicalistes ayant fait grève; de mesures d’interdiction de la tenue d’assemblées générales syndicales; du refus d’allouer des subventions; du refus par le ministère de tutelle de la tenue de colloque; de diverses mesures prises par les autorités préjudiciables aux enseignants syndicalistes et qui les empêcheraient d’avancer dans la carrière; de l’agression du syndicaliste Moez Ben Jabeur par le directeur de l’Institut préparatoire aux études d’ingénieurs de Tunis, une plainte pour agression, coups et blessures ayant été déposée auprès du Procureur de la République du tribunal de première instance de Tunis sous le numéro 7005283/2007 en date du 25 janvier 2007.
  9. 1583. Le comité note les réponses du gouvernement sur l’ensemble des points soulevés et notamment de l’indication selon laquelle la garantie des droits est assurée par le contrôle et les sanctions du tribunal administratif. Le comité souhaite rappeler au gouvernement qu’il lui revient la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale et doit veiller à ce que les plaintes pour des pratiques discriminatoires de cette nature soient examinées dans le cadre d’une procédure qui doit être prompte, impartiale et considérée comme telle par les parties intéressées. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 817.] Le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement garantira la protection contre la discrimination antisyndicale rappelée ci-dessus et, déplorant l’agression du syndicaliste Moez Ben Jabeur, le prie de le tenir informé de toute décision de justice rendue à cet égard.
    • Atteintes au droit de négociation collective
  10. 1584. S’agissant des atteintes au droit de négociation collective, le comité note que les allégations des organisations plaignantes ont trait à une atteinte au principe de la négociation de bonne foi mais également aux limitations du champ de négociation collective. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, le fait que le gouvernement reçoive la délégation de la FGESRS mais continue de recevoir d’autres organisations qu’elles qualifient de formations pseudo-syndicales, constitue une manœuvre du gouvernement qui vise à donner l’impression à l’opinion publique d’une crise de représentation dans le secteur universitaire, ce qui permettrait au gouvernement de se soustraire aux revendications légitimes des partenaires concernés. Cette attitude est en violation du principe de négociation de bonne foi. Par ailleurs, le comité note l’indication selon laquelle le gouvernement, non seulement userait de délais indûment longs dans les négociations mais imposerait aussi des restrictions excessives aux sujets qui pourraient faire l’objet de telles négociations. Le gouvernement aurait non seulement refusé de mettre en place un cadre de concertation permanent qui aurait facilité les consultations dans un secteur appelé à adopter rapidement une réforme globale, il aurait aussi refusé de négocier sur les revendications matérielles de la FGESRS destinées à valoriser et récompenser le travail croissant des universitaires en les renvoyant aux négociations collectives triennales entre la direction de l’UGTT et le gouvernement qui concernent les augmentations salariales générales et la détérioration du pouvoir d’achat de tous les salariés, ceci alors même que des accords de même nature ont été conclus dans d’autres secteurs au cours de l’année. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, cette attitude du gouvernement, qui est un signe de son refus d’engager un dialogue social sérieux et responsable avec les représentants de la FGESRS, n’a été infléchie que par des actions de grève, notamment une grève d’avertissement le 5 avril 2007, qui l’aurait conduit à adopter des mesures accordant des indemnités d’encadrement au profit de certains enseignants, répondant ainsi à certaines revendications matérielles de la FGESRS.
  11. 1585. Le comité note que le gouvernement réfute les allégations selon lesquelles il refuserait de négocier de bonne foi. Le gouvernement prend exemple de plusieurs accords conclus ces dernières années avec les structures syndicales: accord du 18 avril 2005 avec le Syndicat général des maîtres de conférences et des professeurs de l’enseignement supérieur; accord signé le 27 avril 2005 avec le Syndicat de base des enseignants technologues sous le parrainage de l’UGTT; accord signé le 3 avril 2007 avec le Comité syndical indépendant des enseignants technologues. Par ailleurs, le gouvernement a fourni les textes des mesures concernant l’amélioration des conditions morales et matérielles du personnel de l’enseignement supérieur adoptées en 2006 et 2007. Le comité note enfin que, selon le gouvernement, il existe en Tunisie un cadre de négociations bien éprouvé et opérationnel depuis 1990 comme en témoignent les nombreux accords conclus avec l’UGTT. Un accord triennal a été conclu avec l’UGTT sur les augmentations salariales pour la période 2005-2007. La FGESRS tenterait de remettre en cause des points qui ont déjà fait l’objet d’un accord et qui sont valables jusqu’à fin 2007, ceci par des revendications et des exigences salariales excessives. Le comité note que le gouvernement se déclare prêt à poursuivre le dialogue avec toutes les structures syndicales comme en témoigne la consultation des partenaires sociaux, y compris la FGESRS, sur le projet de loi relative à l’enseignement.
  12. 1586. Le comité souhaite rappeler que, de son avis, les enseignants n’exécutent pas des tâches de fonctionnaires commis à l’administration de l’Etat, ce type d’activités étant en fait également menées dans le secteur privé. Dans ces conditions, il importe que les enseignants à statut de fonctionnaires publics puissent bénéficier des garanties prévues par la convention no 98. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 901.] Le comité a également eu l’occasion de préciser que l’élaboration des grandes lignes de la politique générale de l’enseignement ne se prête pas à des négociations collectives entre les autorités compétentes et les organisations du personnel enseignant, bien qu’il puisse être normal de consulter à cet égard ces organisations. Cependant, les conséquences pour les conditions d’emploi des décisions relatives à la politique éducative doivent pouvoir faire l’objet de libres négociations collectives. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 922 et 923.] En conséquence, le comité prie le gouvernement de mener des négociations avec la FGESRS et de le tenir informé de tout accord conclu.
  13. 1587. En ce qui concerne l’argument du gouvernement selon lequel l’engagement triennal avec l’UGTT empêcherait d’entamer des négociations sur des revendications salariales de la FGESRS, le comité relève l’indication des organisations plaignantes selon laquelle il s’agit d’un accord à caractère général qui n’empêche pas, comme il est d’usage, de conclure des accords sectoriels avec les ministères de tutelle concernés. En outre, le comité observe que l’accord avec l’UGTT arrive à son terme. Dans ces circonstances, le comité demande au gouvernement d’inclure les revendications salariales de la FGESRS dans leurs négociations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1588. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité demande au Conseil d’administration d’approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de fournir copie de la décision judiciaire de première instance annulant la dissolution des syndicats généraux par le congrès unificateur du 15 juillet 2006 et de le tenir informé de l’issue des procédures en cours.
    • b) Le comité exprime le ferme espoir qu’une décision judiciaire définitive sera rendue dans un très proche avenir concernant la question de la représentation légitime du SGESRS et demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Compte tenu, dans le cas d’espèce, des informations contradictoires communiquées par les organisations plaignantes et le gouvernement, de l’histoire récente du mouvement syndical dans le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, des procédures judiciaires en cours, du processus actuellement en cours qui semble inclure des négociations isolées avec diverses structures syndicales du secteur, et enfin des allégations de favoritisme du gouvernement envers des organisations syndicales non représentatives, le comité considère que le gouvernement devrait, une fois les décisions de justice rendues et si cela s’avère nécessaire, avec l’accord de la FGESRS et des autres structures syndicales concernées, mettre en place un mécanisme indépendant pour la détermination objective de la représentativité des partenaires sociaux dans le secteur. Le comité exprime le ferme espoir que les modalités de cette détermination, en particulier la désignation d’un organisme indépendant à cette fin, pourront être fixées rapidement d’un commun accord et prie le gouvernement de prendre toutes les mesures appropriées pour reconnaître les structures syndicales dont le caractère représentatif dans le secteur sera objectivement démontré de leur reconnaître formellement le droit de conclure des conventions collectives. Le gouvernement est prié d’indiquer tout fait nouveau à cet égard. Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut faire appel à l’assistance technique du Bureau s’il le désire.
    • d) Le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement garantira la protection contre la discrimination antisyndicale et, déplorant l’agression du syndicaliste Moez Ben Jabeur, le prie de le tenir informé de toute décision de justice rendue à cet égard.
    • e) Le comité prie le gouvernement de mener des négociations avec la FGESRS et lui demande d’y inclure les revendications salariales et de le tenir informé de tout accord conclu.
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