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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 351, Novembre 2008

Cas no 2618 (Rwanda) - Date de la plainte: 19-NOV. -07 - Clos

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  1. 1284. La plainte figure dans une communication en date du 17 novembre 2007 de l’Intersyndicale des travailleurs du Rwanda (ITR), composée des organisations syndicales suivantes: COTRAF-RWANDA, COSYLI, ASC-UMURIMO et CRISAT.
  2. 1285. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 19 mai 2008.
  3. 1286. Le Rwanda a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 1287. Dans une communication en date du 19 novembre 2007, l’Intersyndicale des travailleurs du Rwanda (ITR), composée du Congrès du travail et de la fraternité au Rwanda (COTRAF-RWANDA), du Conseil national des organisations syndicales libres (COSYLI), de l’Association des syndicats chrétiens UMURIMO (ASC-UMURIMO) et de la Confédération rwandaise indépendante des syndicats et associations des travailleurs (CRISAT), dénonce les difficultés rencontrées par certaines centrales syndicales pour mener leurs activités dans plusieurs entreprises, les avantages et faveurs accordées par les autorités à une centrale syndicale au détriment des autres centrales, ainsi que le refus des autorités de signer un accord d’entente avec les organisations syndicales après la négociation de celui-ci.
  2. 1288. Selon les organisations plaignantes, plusieurs éléments de fait montrent les difficultés éprouvées par l’ensemble des centrales syndicales, à l’exception d’une, à mener librement leurs activités sans obstacle ni ingérence. L’organisation plaignante allègue en effet que les autorités favorisent la Centrale des syndicats des travailleurs du Rwanda (CESTRAR) au détriment des autres organisations représentatives en lui octroyant des facilités telles que l’usage depuis 1985 de bâtiments publics situés au centre-ville de Kigali (district Gasabo, secteur Kacyiru, parcelle no 1713 près des bâtiments de la Caisse sociale, de la Présidence et des ministères), en l’invitant en tant qu’agent exclusif de consultation parmi les organisations syndicales à des réunions telles que celles ayant trait à l’adoption du document de stratégie du développement économique et de réduction de la pauvreté (EDPRS) ou à des séminaires organisés par le Bureau international du Travail comme le Séminaire sous-régional sur les normes internationales du travail et action contre le travail des enfants organisés en août 2007 au Burundi, où le ministère y a convié la CESTRAR en la personne de Mme Olive Ninkubwimana exclusivement. Les organisations plaignantes font également état de nombreuses tentatives de la part du gouvernement pour désigner unilatéralement le représentant de la CESTRAR en tant que délégué travailleur à la Conférence internationale du Travail. Les organisations plaignantes renvoient à cet égard à la protestation que l’ITR a présentée devant la Commission de vérification des pouvoirs de la 96e session de la Conférence internationale du Travail (juin 2007) concernant la désignation du délégué des travailleurs.
  3. 1289. Les organisations plaignantes dénoncent par ailleurs le retard pris dans la procédure d’enregistrement des statuts de la CRISAT, notamment leur publication au Journal officiel qui, selon la loi, signifierait l’obtention de la personnalité juridique pour l’organisation syndicale. Suite au dépôt des statuts en septembre 2005 et à une correspondance à l’intention du ministre de la Fonction publique et du Travail en mars 2006 au sujet du retard dans l’enregistrement, ce dernier se serait contenté de justifier ce retard par celui accusé dans la réforme de l’administration publique et la révision du Code du travail. Il aurait également précisé que les statuts de la CRISAT ne seraient publiés qu’une fois ces réformes achevées. Copies des échanges de courriers sur ce point ont été fournies par les organisations plaignantes qui s’étonnent d’une telle réponse du gouvernement et demandent que l’enregistrement se fasse simplement selon la loi en vigueur.
  4. 1290. Les organisations plaignantes dénoncent également les obstacles dressés par un certain nombre d’employeurs dans l’activité des centrales syndicales. Elles citent en exemple les cas suivants: refus de l’entreprise SULFO RWANDA d’accorder au COTRAF-RWANDA et au COSYLI la possibilité d’organiser des réunions syndicales les jours ouvrés alors que la CESTRAR y a été autorisée; autorisation accordée par l’entreprise BRALIRWA au COTRAF-RWANDA et au COSYLI de se réunir avec les travailleurs uniquement en dehors des heures de travail; refus des entreprises KABUYE SUGAR, BRITISH AMERICAN TOBACCO, RWANDEX et RWANDA MOTOR d’autoriser des réunions syndicales au COTRAF-RWANDA et au COSYLI dont les demandes sont restées sans réponse; refus de l’entreprise UTEXRWA d’autoriser le COTRAF-RWANDA et le COSYLI d’organiser des réunions en vue de la désignation de candidats aux élections des délégués du personnel alors que la CESTRAR y a été autorisée, cela sans que le ministère de la Fonction publique et du Travail ne soit intervenu pour sanctionner cette discrimination antisyndicale. Copies des correspondances relatives aux faits dénoncés ont été transmises par les organisations plaignantes.
  5. 1291. Enfin, selon les organisations plaignantes, le ministère de la Fonction publique et du Travail et la CESTRAR se seraient concertés pour refuser de signer un accord d’entente en date du 30 mars 2007, pourtant élaboré et convenu avec les autres centrales syndicales en présence de représentants du Bureau international du Travail et de l’Organisation régionale africaine de la Confédération internationale des syndicats libres (ORAF-CISL). Copie de l’accord signé par le COTRAF-RWANDA, l’ASC-UMURIMO, le COSYLI et la CRISAT a été communiquée par les organisations plaignantes.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1292. Dans une communication en date du 19 mai 2008, le gouvernement fait valoir d’emblée que les informations fournies par l’ITR ne correspondent pas à la réalité, que le droit d’association et la liberté d’expression sont garantis par la Constitution et que la ratification des conventions nos 87 et 98 de l’Organisation internationale du Travail traduisent la volonté du gouvernement de promouvoir ces droits.
  2. 1293. Le gouvernement explique de manière liminaire qu’il existe une différence certaine entre les effectifs déclarés des organisations syndicales et l’effectif réel, et que ce constat a été fait dans un rapport sur le fonctionnement des syndicats commandé par le ministère de la Fonction publique et du Travail et validé par l’ensemble des organisations, à l’exception de la CRISAT et de l’ASC-UMURIMO. Se fondant sur le rapport, le gouvernement relève que «les centrales syndicales rwandaises opèrent sans base réelle». Les lacunes de la loi permettaient à certaines confédérations composées de syndicats fantômes ne disposant pas d’effectifs dans les entreprises de demander la personnalité juridique. Le gouvernement indique travailler sur un nouveau cadre juridique qui corrigerait ces lacunes. Ce processus expliquerait en partie le retard pris dans l’enregistrement des statuts de la CRISAT, mais le gouvernement assure que toutes les dispositions sont prises pour que cette dernière obtienne une personnalité juridique.
  3. 1294. S’agissant des allégations de faveurs spéciales accordées par les autorités à la CESTRAR, le gouvernement indique que toutes les organisations professionnelles des employeurs et des travailleurs participent à l’élaboration des politiques et des lois en matière de travail et d’emploi. Cette participation se fait via des structures de dialogue comme le Conseil économique et social. Des consultations sont également en cours avec tous les partenaires pour rendre le Conseil national du travail opérationnel. Tout en précisant qu’aucune centrale syndicale ne dépend désormais d’un parti politique conformément aux exigences de la loi, le gouvernement explique que la CESTRAR, devenue indépendante depuis la modification de ses statuts en 1992, a ainsi été désignée par la plate-forme de la société civile pour siéger au Conseil économique et social.
  4. 1295. En ce qui concerne la désignation du délégué des travailleurs à la Conférence internationale du Travail, le gouvernement indique que, à l’instar de la désignation du représentant des employeurs, elle relève de consultations menées entre les organisations représentatives à la demande du ministère ayant le travail dans ses attributions. La même procédure est suivie pour chaque réunion nécessitant la désignation des représentants des partenaires sociaux et implique, pour les travailleurs, la consultation de la CESTRAR, du COTRAF-RWANDA et du COSYLI. Le gouvernement reconnaît que l’ASC-UMURIMO et la CRISAT ne sont pas consultées et le justifie par les conflits internes au sein de l’ASCUMURIMO et par le fait que la CRISAT n’est pas encore enregistrée.
  5. 1296. Abordant les allégations relatives aux difficultés rencontrées dans le processus d’organisation d’élections au sein des entreprises, le gouvernement fait valoir que la CESTRAR, le COTRAF-RWANDA et le COSYLI, ainsi que la Fédération rwandaise du secteur privé représentant les employeurs, sont étroitement associés dans le processus d’élections, notamment via la constitution d’un comité de pilotage des élections comprenant toutes les parties. Le gouvernement indique, pour ce qui concerne les allégations relatives aux difficultés rencontrées lors d’élections dans l’entreprise UTEXRWA, que le COTRAF-RWANDA et le COSYLI ont demandé aux travailleurs de s’abstenir de voter pour ne pas apporter de suffrages à la CESTRAR. Cette dernière s’est alors retrouvée seule candidate.
  6. 1297. Le gouvernement précise en outre que, face aux difficultés rencontrées par les syndicats à accéder aux travailleurs dans certaines entreprises, il a pris l’initiative d’adopter une lettre circulaire à l’intention des employeurs sur l’exercice des droits des syndicats dans l’entreprise, qui vient en complément des dispositions pertinentes du Code du travail (no 651/19.18/32/2006 du 27 novembre 2006).
  7. 1298. S’agissant des cas d’obstacles à l’exercice des activités syndicales dans certaines entreprises nommément désignées par l’organisation plaignante, le gouvernement fait valoir, pour ce qui concerne l’entreprise SULFO RWANDA, qu’il est totalement de la compétence de cette dernière de n’autoriser des réunions syndicales que le samedi, qui de surcroît est jour de travail pour l’entreprise en question. Par ailleurs, le gouvernement déclare ne pas être informé du refus des autres entreprises désignées par l’organisation plaignante d’autoriser les réunions demandées par le COTRAF-RWANDA et le COSYLI. Le gouvernement indique que, le cas échéant, il serait intervenu pour rétablir le droit.
  8. 1299. Enfin, s’agissant de l’accord du 30 mars 2007 négocié entre le ministère de la Fonction publique et du Travail et les principales centrales syndicales et que le gouvernement, ainsi que la CESTRAR, aurait refusé de signer par la suite, le gouvernement explique que la CESTRAR a demandé à consulter son comité directeur avant de le signer, ce qui fut fait par la suite. Le gouvernement déclare être étonné par les déclarations des autres centrales syndicales qu’il qualifie de contraires à l’esprit de l’accord. Une copie de l’accord signé par l’ensemble des centrales syndicales, y compris la CESTRAR, est communiquée par le gouvernement.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1300. Le comité observe que dans le présent cas les allégations présentées par l’Intersyndicale des travailleurs du Rwanda (ITR) ont trait aux difficultés rencontrées par des centrales syndicales pour mener leurs activités dans plusieurs entreprises, aux avantages accordés par les autorités et au favoritisme manifesté à l’égard d’une centrale syndicale au détriment des autres centrales, ainsi qu’au refus des autorités de signer un accord d’entente entre les organisations syndicales et le ministère de la Fonction publique et du Travail.
  2. 1301. Le comité note les allégations relatives au retard dans l’enregistrement des statuts de la CRISAT, notamment l’information selon laquelle, au moins six mois après leur dépôt auprès des autorités, ils n’avaient pas encore été publiés au Journal officiel. Selon la loi, ce défaut de publication signifierait que l’organisation syndicale n’a pas de personnalité juridique. Le comité relève, selon les informations fournies par les organisations plaignantes, que le dépôt des statuts de la CRISAT a été effectué en septembre 2005, qu’une correspondance de la CRISAT à l’intention du ministre de la Fonction publique et du Travail en février 2006 a constaté le retard dans l’enregistrement et demandé que des suites soient données au dossier, que par courrier en date du 3 mars 2006 le secrétaire d’Etat chargé du travail a indiqué que le retard dans l’examen du dossier est dû à la réforme de l’administration publique et la révision du Code du travail. Il y est précisé également que les statuts de la CRISAT ne seraient publiés qu’une fois ces réformes achevées, mais qu’entre-temps l’organisation ne devrait pas en tenir compte et continuer ses activités.
  3. 1302. Le comité observe que la procédure d’enregistrement des statuts de la CRISAT n’a pas abouti plus de six mois après leur dépôt et que deux années sont également passées sans aucune évolution de la situation, jusqu’au dépôt de la présente plainte devant le comité. Le comité note que, dans sa réponse à la CRISAT, le gouvernement se borne à indiquer que l’examen du dossier sera fait une fois les réformes en cours achevées et que cette situation ne doit empêcher l’organisation syndicale de poursuivre ses activités. Si le comité constate par ailleurs que la CRISAT a participé aux négociations de l’accord d’entente du 30 mars 2007 et l’a signé, il relève néanmoins que, dans sa réponse sur le présent cas, le gouvernement se prévaut du fait que la CRISAT n’est pas encore enregistrée pour justifier qu’elle ne participe pas à certaines consultations, notamment celles en vue de la désignation du représentant des travailleurs à la Conférence internationale du Travail. S’il considère que le droit à une reconnaissance par un enregistrement officiel est un aspect essentiel du droit syndical en ce sens que c’est la première mesure que les organisations de travailleurs ou d’employeurs doivent prendre pour pouvoir fonctionner efficacement et représenter leurs membres convenablement, le comité rappelle aussi qu’une longue procédure d’enregistrement constitue un obstacle sérieux à la création d’organisations et équivaut à un déni du droit des travailleurs de créer des organisations sans autorisation préalable. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 295 et 307.]
  4. 1303. Déplorant le délai particulièrement long de la procédure d’enregistrement des statuts de la CRISAT dont le dépôt remonte à septembre 2005, le comité s’étonne que la procédure d’enregistrement des statuts d’une organisation syndicale, engagée selon les textes en vigueur et destinée à lui octroyer la personnalité juridique, puisse avoir comme corollaire l’achèvement de réformes administratives en cours pour être traitée. Le comité regrette de constater qu’un tel retard, du fait du gouvernement, puisse également avoir comme conséquence de dénier la participation de l’organisation en question à certains processus de consultation. En conséquence, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que l’enregistrement des statuts de la CRISAT, qui selon la loi lui conférera la personnalité juridique, soit fait dans les plus brefs délais, et de le tenir informé à cet égard.
  5. 1304. S’agissant des allégations de faveurs spéciales accordées par les autorités à la CESTRAR, le comité note que, selon les organisations plaignantes, il s’agit de l’usage de bâtiments publics situés au centre-ville depuis 1985, de la participation de la CESTRAR en tant qu’agent exclusif de consultation à des réunions telles que celles ayant trait à l’adoption du document de stratégie du développement économique et de réduction de la pauvreté (EDPRS) ou à des séminaires organisés par le Bureau international du Travail. Le comité note que, dans sa réponse, le gouvernement se borne à indiquer que toutes les organisations professionnelles des employeurs et des travailleurs participent à l’élaboration des politiques et des lois en matière de travail et d’emploi, ceci via des structures de dialogue comme le Conseil économique et social. Il précise en outre que des consultations sont également en cours avec tous les partenaires pour rendre le Conseil national du travail opérationnel. Le gouvernement se réfère aussi à un rapport qu’il a commandité sur le fonctionnement des syndicats pour indiquer qu’il existe une différence certaine entre les effectifs déclarés des organisations syndicales et l’effectif réel. Sur la base de ce rapport validé par l’ensemble des organisations, à l’exception de la CRISAT et de l’ASC-UMURIMO, le gouvernement fait le constat que «les centrales syndicales rwandaises opèrent sans base réelle» et que les lacunes de la loi permettraient à certaines confédérations regroupant des syndicats ne disposant pas d’effectifs dans les entreprises de demander la personnalité juridique. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle les réformes engagées ont pour objectif d’élaborer un nouveau cadre juridique qui corrigerait ces lacunes.
  6. 1305. Le comité attire l’attention du gouvernement sur le fait qu’en favorisant ou en accordant certains avantages à une organisation donnée par rapport aux autres un gouvernement pourrait indûment influencer le choix de travailleurs en ce qui concerne l’organisation à laquelle ils entendent appartenir. Un gouvernement qui, sciemment, agirait de la sorte porterait atteinte au principe établi dans la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, selon lequel les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter les droits consentis par cet instrument ou à en entraver l’exercice légal. Aussi, d’une manière plus spécifique, la possibilité, pour un gouvernement, d’accorder la jouissance de locaux à une organisation déterminée ou d’expulser une organisation donnée de locaux qu’elle occupait pour en faire bénéficier une autre risque, même si tel n’est pas son but, d’aboutir à favoriser un syndicat par rapport aux autres et de constituer par là un acte de discrimination. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 345.] Le comité veut croire que le gouvernement tiendra dûment compte des principes rappelés ci-dessus.
  7. 1306. S’agissant de la question du caractère représentatif des organisations syndicales soulevée par le gouvernement, en réponse aux allégations de l’organisation plaignante relatives à la participation exclusive de la CESTRAR dans les réunions de consultation nationales, le comité rappelle que, s’il admet que certains avantages préférentiels peuvent être concédés aux organisations les plus représentatives, notamment une priorité de représentation aux fins de négociations collectives et de consultation, la détermination de l’organisation la plus représentative devrait se faire d’après des critères objectifs, préétablis et précis, de façon à éviter toute possibilité de partialité ou d’abus. Ainsi, la distinction opérée ne devrait pas aboutir à priver les organisations syndicales non reconnues comme appartenant aux plus représentatives des moyens essentiels de défense des intérêts professionnels de leurs membres, et du droit d’organiser leur gestion et leurs activités. En conséquence, le comité prie le gouvernement d’indiquer s’il existe des critères objectifs, préétablis et précis pour déterminer la représentativité des organisations syndicales au Rwanda et pour justifier l’octroi à la CESTRAR de la priorité de représentation des organisations syndicales dans les réunions et fora nationaux. Le comité veut croire que, à la suite de la détermination de la représentativité des organisations syndicales, dans la mesure où le gouvernement souhaiterait accorder certains droits et avantages aux organisations reconnues comme les plus représentatives, il le fera selon les principes rappelés ci-dessus et que ces organisations seront traitées de manière égale. Le comité veut également croire que la concession des droits et avantages aux organisations les plus représentatives sera faite sans que la distinction n’aboutisse à priver les organisations syndicales non reconnues comme les plus représentatives des moyens essentiels de défense des intérêts professionnels de leurs membres, et du droit d’organiser leur gestion et leurs activités. Par ailleurs, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des réformes juridiques qu’il a indiqué entreprendre pour modifier la loi en ce qui concerne l’enregistrement et la représentation des organisations syndicales.
  8. 1307. En ce qui concerne les allégations relatives à la désignation du représentant des travailleurs à la Conférence internationale du Travail parmi les rangs de la CESTRAR, le comité note que l’ITR a présenté une protestation devant la Commission de vérification des pouvoirs de la 96e session de la Conférence internationale du Travail (juin 2007). Le comité relève à cet égard que la Commission de vérification des pouvoirs a noté l’absence de réponse du gouvernement, mais a indiqué que la protestation ne contenait pas d’éléments suffisants pour lui permettre de l’examiner. [Voir 96e session de la Conférence internationale du Travail, Genève, 2007, deuxième rapport de la Commission de vérification des pouvoirs.] Le comité note également la réponse du gouvernement selon laquelle, à l’instar de la désignation du représentant des employeurs, la désignation du représentant des travailleurs relève de consultations menées entre les organisations représentatives, à savoir la CESTRAR, le COTRAF-RWANDA et le COSYLI, à la demande du ministère ayant le travail dans ses attributions. Tout en rappelant que la question de la représentation à la Conférence relève de la compétence de la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence, le comité réaffirme l’importance particulière qu’il attache au droit des représentants des organisations de travailleurs comme à celui des organisations d’employeurs d’être présents et de participer aux réunions de l’OIT. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 766.] Le comité considère que la détermination des organisations les plus représentatives au Rwanda selon des critères objectifs, préétablis et précis pourrait contribuer à régler les difficultés soulevées.
  9. 1308. S’agissant des allégations selon lesquelles le ministère de la Fonction publique et du Travail et la CESTRAR se seraient concertés pour refuser de signer un accord d’entente adopté le 30 mars 2007, élaboré avec les autres centrales syndicales en présence de représentants du Bureau international du Travail et de l’Organisation régionale africaine de la Confédération internationale des syndicats libres (ORAF-CISL), le comité relève qu’il a reçu de la part de l’organisation plaignante copie dudit accord signé par le COTRAF-RWANDA, l’ASC-UMURIMO, le COSYLI et la CRISAT. Le comité note également que la copie de l’accord que lui a adressée le gouvernement contient, en plus des autres signatures, celle de la CESTRAR. Le comité note également les explications du gouvernement selon lesquelles la CESTRAR a demandé à consulter son comité directeur avant d’apposer sa signature. Le comité constate cependant que, malgré la déclaration du gouvernement selon laquelle il est l’initiateur de l’accord en question, il ne dispose pas d’indication sur le statut actuel de l’accord. Le comité invite le gouvernement à indiquer si l’accord du 30 mars 2007 entre les organisations syndicales des travailleurs du Rwanda et le ministère de la Fonction publique et du Travail est entré en vigueur et les mesures concrètes éventuellement prises pour y donner effet.
  10. 1309. En ce qui concerne les allégations des organisations plaignantes relatives aux obstacles dressés par de nombreux employeurs contre l’activité des centrales syndicales, le comité note qu’elles concernent le refus de l’entreprise SULFO RWANDA d’accorder au COTRAF-RWANDA et au COSYLI la possibilité d’organiser des réunions syndicales les jours ouvrés alors que la CESTRAR y a été autorisée, l’autorisation accordée par l’entreprise BRALIRWA au COTRAF-RWANDA et au COSYLI de se réunir avec les travailleurs uniquement en dehors des heures de travail, le refus des entreprises KABUYE SUGAR, BRITISH AMERICAN TOBACCO, RWANDEX et RWANDA MOTOR d’autoriser des réunions syndicales au COTRAF-RWANDA et au COSYLI, le refus de l’entreprise UTEXRWA d’autoriser le COTRAF-RWANDA et le COSYLI d’organiser des réunions en vue de la désignation de candidats aux élections des délégués du personnel alors que la CESTRAR y a été autorisée. En outre, les organisations plaignantes indiquent que le ministère de la Fonction publique et du Travail s’abstient de sanctionner de tels actes de discrimination antisyndicale.
  11. 1310. Le comité note que, dans sa réponse, le gouvernement fait valoir, pour ce qui concerne l’entreprise SULFO RWANDA, qu’il est totalement de la compétence de cette dernière de n’autoriser des réunions syndicales que le samedi, qui de surcroît est jour de travail pour l’entreprise en question, et, pour ce qui concerne les élections dans l’entreprise UTEXRWA, que le COTRAF-RWANDA et le COSYLI n’ont pas présenté de candidats et ont demandé aux travailleurs de s’abstenir de voter pour ne pas apporter de suffrages à la CESTRAR. Le comité note également l’indication selon laquelle la CESTRAR, le COTRAF-RWANDA et le COSYLI, ainsi que la Fédération rwandaise du secteur privé représentant les employeurs, sont étroitement associés dans le processus d’élection des délégués dans les entreprises, notamment via la constitution d’un comité de pilotage. Enfin, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle il a pris l’initiative d’envoyer aux employeurs une lettre circulaire précisant l’exercice des droits syndicaux dans l’entreprise (no 651/19.18/32/2006 du 27 novembre 2006) ainsi que la déclaration selon laquelle il n’est pas informé du refus des autres entreprises désignées par les organisations plaignantes d’autoriser les réunions demandées par le COTRAF-RWANDA et le COSYLI.
  12. 1311. Le comité tient d’abord à rappeler au gouvernement que la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, qu’il a ratifiée, demande aux Etats Membres de veiller à ce que des facilités soient accordées, dans l’entreprise, aux représentants des travailleurs de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions, et ce sans entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise intéressée. Le comité rappelle en outre le principe selon lequel le gouvernement doit garantir aux représentants syndicaux l’accès aux lieux du travail en respectant pleinement les droits de propriété et les droits de la direction, afin que les syndicats puissent communiquer avec les travailleurs dans le but de les informer des avantages que la syndicalisation peut présenter pour eux. Enfin, pour que le droit syndical ait vraiment un sens, les organisations de travailleurs doivent être en mesure de promouvoir et de défendre les intérêts de leurs membres en bénéficiant des facilités nécessaires au libre exercice des activités liées à la représentation des travailleurs, incluant l’accès aux lieux de travail des membres du syndicat. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1098, 1103 et 1106.] Le comité estime également que, le cas échéant, les organisations syndicales et l’employeur pourraient conclure des accords de manière à ce que l’accès aux lieux de travail durant les heures de travail ou en dehors de celles-ci soit reconnu aux organisations sans porter préjudice au fonctionnement de l’établissement ou du service. En conclusion, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir aux organisations syndicales, sans distinction, le bénéfice de toutes les facilités nécessaires au libre exercice de leurs activités de représentation des travailleurs, notamment l’accès aux lieux de travail, selon les principes ci-dessus, et de sanctionner tout manquement à ce principe. Le gouvernement est également prié de prendre toutes les dispositions nécessaires pour veiller au plein respect de la liberté syndicale qui implique le droit pour les travailleurs d’élire leurs représentants en toute liberté, sans ingérence ni intervention de l’employeur. Enfin, le gouvernement est prié de fournir copie de la lettre circulaire no 651/19.18/32/2006 du 27 novembre 2006.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1312. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité demande au Conseil d’administration d’approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que l’enregistrement des statuts de la CRISAT, qui selon la loi lui conférera la personnalité juridique, soit fait dans les plus brefs délais, et de le tenir informé à cet égard.
    • b) Le comité veut croire que le gouvernement tiendra dûment compte à l’avenir des principes concernant les faveurs et avantages accordés à des organisations déterminées.
    • c) Le comité prie le gouvernement d’indiquer s’il existe des critères objectifs, préétablis et précis pour déterminer la représentativité des organisations syndicales au Rwanda et pour justifier l’octroi à la CESTRAR de la priorité de représentation des organisations syndicales dans les réunions et fora nationaux. Par ailleurs, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des réformes juridiques qu’il a indiqué entreprendre pour modifier la loi en ce qui concerne l’enregistrement et la représentation des organisations syndicales.
    • d) Le comité invite le gouvernement à indiquer si l’accord du 30 mars 2007 entre les organisations syndicales des travailleurs du Rwanda et le ministère de la Fonction publique et du Travail est entré en vigueur et les mesures concrètes éventuellement prises pour y donner effet.
    • e) Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir aux organisations syndicales, sans distinction, le bénéfice de toutes les facilités nécessaires au libre exercice de leurs activités de représentation des travailleurs, notamment l’accès aux lieux de travail, et de sanctionner tout manquement à ce principe. Le gouvernement est également prié de prendre toutes les dispositions nécessaires pour veiller au plein respect de la liberté syndicale qui implique le droit pour les travailleurs d’élire leurs représentants en toute liberté, sans ingérence ni intervention de l’employeur.
    • f) Le gouvernement est prié de fournir copie de la lettre circulaire no 651/19.18/32/2006 du 27 novembre 2006.
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