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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 353, Mars 2009

Cas no 2634 (Thaïlande) - Date de la plainte: 07-MARS -08 - Clos

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  1. 1274. La plainte figure dans une communication en date du 7 mars 2008 de la Fédération des syndicats des travailleurs de l’industrie automobile de Thaïlande (TAW). La TAW a fourni des informations supplémentaires dans une communication en date du 10 juillet 2008.
  2. 1275. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications en date du 18 juin et du 23 septembre 2008.
  3. 1276. La Thaïlande n’a pas ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 1277. Dans sa communication du 7 mars 2008, l’organisation plaignante déclare que la Thai Summit Eastern Seaboard Autoparts Industry Co., Ltd (TSESA) s’est livrée à des pratiques systématiques d’entrave aux droits d’adhérer librement à un syndicat et de prendre librement part à des négociations collectives et de violation de ces droits après avoir découvert que ses employés avaient adhéré à l’un des syndicats affiliés à l’organisation plaignante – le Syndicat des travailleurs de Ford et Mazda Thaïlande (FMTWU).
  2. 1278. Selon les informations fournies par l’organisation plaignante, le 17 août 2006, 400 travailleurs parmi les 795 employés de la TSESA ont rejoint les rangs du FMTWU. Le 16 septembre 2006, les membres du FMTWU employés par la TSESA ont organisé une réunion extraordinaire et approuvé une résolution formelle (telle qu’exigée par la loi sur les relations professionnelles (LRA), 1975) pour la présentation à la direction de la TSESA de revendications concernant la négociation collective; les revendications en question ont été soumises par le FMTWU le 6 novembre 2006 à M. Anek Atthajinda, directeur des ressources humaines de la TSESA et représentant désigné.
  3. 1279. Des séances de négociation ont eu lieu entre la direction de la TSESA et le FMTWU les 8, 16, 24 et 29 novembre 2006, au cours desquelles des cahiers de doléances et des cahiers de contre-propositions ont été présentés par les deux parties. Après la cinquième séance, le 7 décembre 2006, faute d’un accord entre les parties, le syndicat a décidé de signaler un conflit du travail (conformément à l’article 21 de la LRA).
  4. 1280. Le 13 décembre 2006, le conflit du travail a fait l’objet d’une séance de médiation au Bureau du travail et de la protection sociale de la province de Rayong, au cours de laquelle le représentant de l’entreprise a accepté de transmettre à celle-ci les demandes du syndicat concernant une prime et un complément de salaire à hauteur de 5 000 baht. Une deuxième séance de médiation a eu lieu le 15 décembre 2006, au cours de laquelle le représentant de l’entreprise a présenté une proposition concernant un programme de primes, des indemnités supplémentaires spéciales de 2 000 baht déduites des indemnités de repas et une augmentation salariale annuelle; le syndicat a refusé cette proposition.
  5. 1281. Lors de la troisième séance, qui a eu lieu le 21 décembre 2006, le syndicat a présenté de nouvelles revendications comportant une prime minimum de 4 pour cent et un complément de 5 000 baht, une indemnité de repas de 45 baht par jour et des augmentations de salaire variables proportionnelles à la performance de chaque employé; l’entreprise a rejeté cette proposition.
  6. 1282. Le 26 décembre 2006, un médiateur du ministère du Travail a tenté d’obtenir la résolution du conflit du travail dans les bureaux de la TSESA. Lors de cette séance, le représentant du syndicat a proposé la mise en place d’une prime de 4 pour cent et la somme de 5 000 baht, proposition qui a été refusée par l’entreprise. Le même jour, la direction a ordonné aux membres syndicaux de cesser de travailler entre 8 heures et 17 h 30 et a annoncé un lock-out de durée indéterminée à partir de 17 h 30. L’employeur a partiellement levé ce lock-out le 27 décembre 2006, en n’autorisant que les membres syndicaux qui acceptaient de ne pas adhérer aux revendications de négociation collective à reprendre le travail.
  7. 1283. Une autre séance de médiation a eu lieu le 9 janvier 2007, de nouveau sans qu’aucun accord soit trouvé entre les deux parties. Le 10 janvier 2007, le comité de négociation du syndicat et plusieurs adhérents de base se sont rendus à Bangkok afin de solliciter l’aide du ministère du Travail, et ont campé devant celui-ci deux nuits durant. Le 12 janvier 2007, un représentant du comité de négociation du syndicat et plusieurs membres syndicaux, soumis au lock-out par l’employeur, ont déplacé leur manifestation vers l’espace situé devant le bureau du gouvernement provincial de Rayong. Le syndicat et l’employeur ont convenu de prendre en compte la suggestion, faite par un médiateur du travail de la Commission des relations professionnelles, de soumettre leur différend à l’arbitrage conformément à la section 26 de la LRA.
  8. 1284. Le recours à la médiation a de nouveau été tenté les 15 et 17 janvier 2007, sans que les parties parviennent à un accord; lors de la première de ces deux séances, la suggestion du syndicat de soumettre le différend à l’arbitrage a été rejetée par l’entreprise. Le 19 janvier 2007, les parties ont conclu un accord sur les points suivants:
  9. 1) la Commission des relations professionnelles arbitrerait les revendications des deux camps;
  10. 2) l’entreprise verserait une «aide financière» à hauteur de 2 000 baht à chaque travailleur ayant fait l’objet du lock-out, et les autoriserait à reprendre le travail entre les 1er et 3 février 2007;
  11. 3) les travailleurs qui prennent part aux revendications de négociation collective du syndicat ne seraient pas traités de façon injuste par l’entreprise.
  12. 1285. Cependant, par la suite, plusieurs employés ont affirmé ne pas avoir reçu l’aide financière promise, alors que l’entreprise soutenait qu’ils avaient été payés. Qui plus est, après avoir repris le travail, les employés qui avaient fait l’objet du lock-out (249 personnes, selon la liste de noms annexée à la plainte) ont été tenus d’assister à des séances spéciales de formation organisées par l’employeur les 1er et 9 février 2007 et consistant en des cours intitulés «les convenances de la cohabitation» ou encore «développement de la conscience». L’employeur a annoncé à ces travailleurs qu’il pourrait organiser d’autres séances de formation similaires s’il le jugeait opportun. Le 9 février 2007, l’employeur a annoncé le renvoi de dix des syndicalistes les plus actifs, affirmant qu’ils avaient abandonné leurs responsabilités et n’avaient par conséquent droit à aucune indemnité de licenciement en vertu de la loi de 1998 sur la protection des travailleurs. Les syndicalistes licenciés étaient: Detnarong Wiriya, Nop Wareepipat, Suchart Pitto, Phongsiri Khomkham, Phanomkorn Phandet, Jetsada Kaenjan, Wichai Jandaeng, Parichat Lekpo, Chanida Khunin et Napasawan Khongthong. L’employeur a en outre annoncé que les séances de formation se poursuivraient jusqu’au 23 février 2007 pour les membres syndicaux restants.
  13. 1286. Le 15 février 2007, Napasawan Khongthong et d’autres membres syndicaux ont déposé une plainte contre l’entreprise auprès de la Commission des relations professionnelles (un organe tripartite établi conformément à la LRA). La plainte comportait une demande de réintégration des dix syndicalistes licenciés et de cessation des actes discriminatoires à l’encontre des 239 membres syndicaux restants qui avaient fait l’objet du lock-out. Le 19 février 2007, l’entreprise a annoncé que les séances de formation se poursuivraient jusqu’au 28 février.
  14. 1287. Le 20 février 2007, le syndicat a déposé une plainte auprès de la Commission nationale des droits de l’homme (NHRC) de Thaïlande, plainte qui a été enregistrée et désignée par le numéro de cas 86/2550. Le sous-comité de la NHRC sur les droits du travail a été chargé d’instruire la plainte. Le 1er mars 2007, des représentants syndicaux et la direction de l’entreprise se sont rencontrés au Bureau du travail et de la protection sociale de la province de Rayong, où il a été annoncé au fonctionnaire du ministère du Travail que l’entreprise acceptait de payer une rémunération équivalant à 1,5 fois le salaire d’une demi-heure aussi bien aux journaliers qu’aux travailleurs au mois, montant qui devait être transféré aux comptes en banque des travailleurs avant le 22 mars 2007, et dont la preuve devrait être montrée au fonctionnaire du ministère jusqu’au 23 mars 2007. L’entreprise a également accepté de réinstaurer l’ancien régime d’horaires de travail – de 8 heures à 17 heures – et d’offrir des congés hebdomadaires de façon régulière.
  15. 1288. Selon le syndicat, l’entreprise a continué de refuser le retour au travail des syndicalistes, contrairement à ce qu’elle avait promis auparavant. Au lieu de cela, ces derniers ont continué d’être soumis à une formation pendant un mois, en vue de les forcer à partir à la recherche d’autres emplois. Le 14 mars 2007, Somkiat Kanngam, du sous-comité du syndicat, a déposé plainte à la station de police de Pluakdaeng, accusant l’entreprise de ne pas respecter l’accord du 19 janvier 2007. Le FMTWU a également déposé des plaintes auprès des organisations et agences de l’Etat suivantes: le chef de l’administration du district de Pluakdaeng, le bureau du gouverneur de la province de Rayong, le Département de l’emploi et de la protection sociale du ministère du Travail, le ministre du Travail, le Conseil de sécurité national, la NHRC, le bureau du Premier ministre, le Solidarity Centre – Thaïlande, le 14e régiment militaire (région est) et la TAW.
  16. 1289. Le 30 mars 2007, l’employeur a déclaré que les 2 et 7 avril 2007 seraient des jours de congé et a indiqué que les séances de formation reprendraient le 16 avril 2007. Ce jour-là, l’entreprise a distribué des prospectus offrant de l’argent aux membres syndicaux prêts à démissionner, dans des montants proportionnels à leurs années de service. L’organisation plaignante affirme que cela revenait à offrir des indemnités de départ, et que le but des prospectus était de saper le moral des travailleurs et de donner l’impression que des licenciements allaient commencer à avoir lieu. Elle indique en outre que, bien que les travailleurs aient été prêts à reprendre le travail après la fin du processus de négociation collective, l’employeur n’a pas souhaité résoudre le différend de façon pacifique. Le 15 avril 2007, l’entreprise n’avait toujours pas autorisé les membres syndicaux à reprendre leur travail normal, mais continuait d’exiger qu’ils assistent aux séances de formation tout en leur accordant un traitement de base.
  17. 1290. Le 9 mai 2007, le sous-comité de la NHRC sur les droits du travail a convoqué une audience publique dans le cadre de son instruction de l’affaire et a recueilli les témoignages de la direction de l’entreprise, du syndicat et d’autres parties prenantes.
  18. 1291. Le 26 mai 2007, l’entreprise a déplacé plusieurs employés vers un entrepôt (usine 3) situé à trois kilomètres de l’usine principale. Selon l’organisation plaignante, il n’y a qu’une seule équipe travaillant à la fois dans l’usine 3; les employés qui y travaillent sont séparés en trois groupes et chacun doit travailler une journée puis cesser de travailler pendant trois jours.
  19. 1292. L’organisation plaignante indique que, les 6, 7 et 8 juin et le 17 août 2007, l’entreprise a de nouveau proposé aux employés de les payer pour démissionner. Ceux qui avaient travaillé plus d’un an recevaient ainsi l’équivalent de huit fois leur salaire de base; la démission et le paiement étaient conclus au domicile des travailleurs. De plus, le 23 octobre 2007, 25 membres syndicaux travaillaient toujours dans l’usine 3 et ne pouvaient retourner à l’usine principale.
  20. 1293. Une liste de noms de syndicalistes est annexée à la plainte. Cette liste comporte les noms des dix dirigeants syndicaux licenciés et ceux des 239 autres membres syndicaux que l’entreprise a obligés à suivre la formation ou qu’elle a réaffectés à l’usine 3.
  21. 1294. Une ordonnance de la Commission des relations professionnelles (ordonnance no 329577/2007), datée du 15 mai 2007, est annexée à la plainte. Elle a été rendue suite à la plainte déposée par Napasawan Khongthong et les autres syndicalistes (249 en tout) le 15 février 2007. Les faits liés au différend, tels que rapportés dans l’ordonnance, sont les suivants:
    • – Suite à la présentation de revendications à l’employeur par le syndicat en novembre 2006, cinq séances de négociation et dix séances de médiation ont eu lieu sans qu’aucun accord ne soit conclu. Le 26 décembre 2006, l’employeur a soumis à un lock-out uniquement les employés prenant part aux revendications de négociation collective; le jour suivant, les employés concernés ont été autorisés à reprendre le travail après avoir signé une lettre de consentement.
    • – Les 250 membres syndicaux qui ont refusé de reprendre le travail se sont rassemblés devant le site de l’entreprise et ont fait l’objet de formes diverses de harcèlement, telles qu’être poursuivis hors des lieux par des membres du personnel et être accusés d’intrusion. L’employeur a tenté de les convaincre de reprendre le travail en leur offrant des avantages et, dans le même temps, en les menaçant de renvoi s’ils ne revenaient pas; l’employeur a également téléphoné et envoyé des cartes postales aux parents des employés vivant dans diverses provinces.
    • – Un accord a été conclu le 19 janvier 2007, dans lequel l’employeur acceptait de verser 2 000 baht aux employés concernés et les autorisait à reprendre le travail du 1er au 3 février 2007. Lorsque les 249 employés ont repris le travail le 1er février 2007, l’employeur a publié une lettre dans laquelle il prétendait préparer les travailleurs à la reprise du travail et améliorer les relations professionnelles en leur offrant des séances de formation, sans toutefois préciser de délai dans lequel les employés pourraient reprendre le travail normalement. Les employés concernés continuaient de recevoir des rémunérations comme s’ils travaillaient régulièrement. Qui plus est, l’employeur a prolongé la période de formation, affirmant pour se justifier que les intéressés ne montraient pas de signes de progrès, et avait, pendant la période de formation, distribué aux employés concernés des formulaires prévoyant leur indemnisation dans le cas où ils démissionneraient; environ 50 membres syndicaux ont ainsi décidé de démissionner et d’accepter l’indemnisation offerte par l’employeur.
    • – Concernant les dix syndicalistes licenciés, ceux-ci avaient dans un premier temps consenti à reprendre le travail et renoncé à toute revendication de négociation collective le 27 décembre 2006. Cependant, ils ont par la suite décidé de cesser de travailler à partir du 5 janvier 2007 et de rester aux côtés des autres employés qui avaient refusé de reprendre le travail. Ils ont rédigé une lettre demandant la révocation de leurs formulaires de consentement à reprendre le travail et soumis cette lettre au syndicat; le syndicat a par la suite reconnu ne pas avoir transmis la lettre à l’employeur ni informé celui-ci de la rétractation de leur consentement par les dix syndicalistes. Ces derniers ont été licenciés le 9 février 2007, l’employeur affirmant qu’après avoir consenti à reprendre le travail ils avaient pourtant cessé de travailler du 5 au 31 janvier 2007, causant délibérément un préjudice, enfreignant le règlement de l’entreprise et abandonnant ainsi leur travail pendant plus de trois jours consécutifs sans motif sérieux.
  22. 1295. Sur la base des faits décrits ci-dessus, la Commission des relations professionnelles a conclu que les dix travailleurs n’avaient pas été renvoyés en raison de leur appartenance syndicale mais pour avoir abandonné leur travail, ayant dans un premier temps consenti à le reprendre mais ne s’étant pas présentés par la suite. Elle a également conclu que le fait d’exiger que les membres syndicaux assistent à des séances de formation sans en préciser la date de fin, au lieu de leur attribuer un travail régulier, peut en avoir poussé certains à démissionner, et qu’il s’agit par conséquent d’une pratique déloyale en matière de travail aux termes de la LRA. La Commission des relations professionnelles a ensuite rejeté la demande de réintégration des dix syndicalistes et sommé l’employeur d’attribuer un travail régulier aux 239 autres membres syndicaux.
  23. 1296. Un exemplaire du rapport d’instruction de la NHRC sur le différend (rapport no 101/2550) est également annexé à la plainte. En plus des faits rapportés dans la plainte et dans l’ordonnance de la Commission des relations professionnelles, le rapport de la NHRC fait allusion à quatre hommes habillés de façon militaire – apparemment des membres de la marine royale thaïlandaise – qui sont entrés sur le site de l’entreprise pendant des négociations entre cette dernière et le syndicat et qui ont parcouru l’établissement escortés par le directeur des ressources humaines de l’entreprise. La NHRC a relevé, entre autres, que les séances de formation évoquées par l’organisation plaignante avaient pour thèmes notamment l’éthique de la cohabitation, les pratiques déloyales, les dirigeants et les subalternes, le travail en équipe, l’esprit de travail dans une organisation, et la sensibilisation aux questions environnementales et la sécurité au travail. Elle a également constaté que certaines épreuves difficiles avaient été délibérément infligées aux membres syndicaux tenus d’assister à ces séances de formation, le local de formation n’étant pas approvisionné en eau et étant situé à une distance considérable des lieux où les travailleurs pouvaient se procurer des repas. La commission a conclu que le comportement de l’entreprise, notamment le fait d’imposer des séances de formation obligatoires, violait les droits d’organisation et d’appartenance syndicale des employés et constituait une tentative d’inciter les travailleurs à renoncer à leurs droits à la liberté syndicale et à la négociation collective, en violation de la LRA.
  24. 1297. En ce qui concerne les dix syndicalistes licenciés, la NHRC a relevé, notamment: 1) que leurs supérieurs hiérarchiques les avaient informés que la signature des formulaires de consentement à la reprise du travail ne donnait lieu à aucune obligation, et qu’après avoir réalisé les conséquences potentielles de leurs actes ils avaient révoqué verbalement leurs formulaires de consentement auprès de leurs supérieurs hiérarchiques respectifs; 2) que le fonctionnaire du ministère du Travail qui avait œuvré en qualité de médiateur entre l’entreprise et le syndicat avait informé le syndicat qu’il n’était pas nécessaire de révoquer les formulaires de consentement signés, car les demandes étaient présentées par le syndicat et les membres individuels n’étaient pas habilités à les rétracter; et 3) que le syndicat avait malgré tout présenté la révocation par écrit des formulaires de consentement des dix syndicalistes au fonctionnaire du ministère du Travail le 10 janvier 2007. La NHRC a conclu que la véritable raison du licenciement des dix syndicalistes était leur affiliation syndicale, et n’était donc pas valable. Enfin, la NHRC a également conclu que le fait d’introduire des militaires dans les locaux de l’entreprise pendant des négociations constituait une tentative d’intimidation du syndicat et de restriction de l’exercice de son droit à la négociation collective.
  25. 1298. Dans sa communication en date du 10 juillet 2008, l’organisation joint une version traduite de l’accord du 19 janvier 2007 mentionné plus haut.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1299. Dans sa communication du 18 juin 2008, le gouvernement confirme que, dans son ordonnance no 329-577/2007, la Commission des relations professionnelles a rejeté la demande de réintégration des dix syndicalistes licenciés, mais qu’elle a sommé l’employeur d’attribuer un travail régulier aux 239 autres membres syndicaux. En outre, le Département de l’emploi et de la protection sociale a contrôlé le respect de l’ordonnance par l’employeur et constate actuellement que 61 travailleurs ont été autorisés à travailler dans une nouvelle usine gérée par l’employeur. Quant aux 178 autres employés, ils ont démissionné et touché des indemnités de départ, y compris un paiement spécial équivalant à deux mois de salaire chacun, conformément aux dispositions de la loi sur la protection des travailleurs.
  2. 1300. Le gouvernement indique également que, le 25 juillet 2007, le Département de l’emploi et de la protection sociale a chargé un représentant des travailleurs et un représentant des employeurs de la Commission des relations professionnelles, ainsi qu’un fonctionnaire de la commission, de se rendre en mission d’information à l’usine dans laquelle les 61 membres syndicaux ont été réaffectés. Sur la base de cette visite, le Département de l’emploi et de la protection sociale a conclu que la réaffectation des 61 travailleurs à l’usine était conforme à l’ordonnance no 329-577/2007 de la Commission des relations professionnelles et a informé le syndicat de sa décision. Le syndicat était libre de faire appel de ladite ordonnance auprès du tribunal du travail s’il le souhaitait.
  3. 1301. Dans sa communication du 23 septembre 2008, le gouvernement indique que, bien que l’accord du 19 janvier 2007 conclu entre l’employeur et le syndicat prévoie la réintégration des membres syndicaux concernés dans leurs anciens postes, certains employés ont été envoyés dans une nouvelle usine, où les conditions de travail étaient différentes des anciennes. Bien que l’ordonnance no 329-577/2007 de la Commission des relations professionnelles somme l’employeur d’attribuer des emplois à la totalité des 239 membres concernés, l’employeur n’a toujours pas obtempéré. Enfin, le gouvernement indique que le syndicat a intenté un recours devant le 2e tribunal régional du travail, recours qui était encore en instance.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1302. Le comité note que le présent cas a trait à des allégations d’actes de discrimination antisyndicale, notamment des licenciements, des actes de harcèlement et d’autres actes destinés à entraver la négociation collective et à empêcher les travailleurs d’exercer leur droit de se syndiquer et d’adhérer à des syndicats. Le comité note que l’information dont il dispose permet d’établir les faits suivants:
    • – En août 2006, 400 travailleurs sur un total de 795 salariés de l’employeur ont rejoint les rangs du FMTWU, qui a par la suite présenté plusieurs revendications de négociation collective à l’employeur le 6 novembre 2006. Plusieurs séances de négociation et de médiation ont eu lieu en novembre et décembre 2006, sans que les parties concluent un accord collectif.
    • – Le 26 décembre 2006, l’employeur a soumis à un lock-out les travailleurs associés aux revendications de négociation collective et a autorisé ceux qui acceptaient de ne pas adhérer aux revendications à reprendre le travail le jour suivant, après signature d’une lettre de consentement à la reprise du travail. Deux cent cinquante membres syndicaux ont refusé de retourner au travail et ont manifesté devant le site de l’entreprise, où ils ont fait l’objet de formes diverses de harcèlement, telles qu’être poursuivis hors des lieux par des membres du personnel de l’entreprise et être accusés d’intrusion. L’employeur a également tenté de les convaincre de reprendre le travail en leur offrant des avantages et dans le même temps en les menaçant de renvoi s’ils ne revenaient pas.
    • – Le 19 janvier 2007, un accord a été conclu, en vertu duquel les employés qui avaient refusé de reprendre le travail toucheraient 2 000 baht chacun et seraient autorisés à retourner au travail du 1er au 3 février 2007. Lorsque les 249 employés sont revenus au travail le 1er février 2007, l’employeur a publié une lettre déclarant qu’afin de préparer les travailleurs à la reprise du travail et afin d’améliorer les relations professionnelles les employés se verraient proposer une séance de formation, sans toutefois préciser de délai dans lequel ils pourraient reprendre leur travail normalement. Les employés concernés ont continué de recevoir des rémunérations comme s’ils travaillaient régulièrement.
    • – Le 9 février 2007, l’employeur a licencié les syndicalistes suivants, affirmant qu’ils avaient abandonné leurs responsabilités et n’avaient donc pas droit à des indemnités de licenciement aux termes de la loi de 1998 sur la protection des travailleurs: Detnarong Wiriya, Nop Wareepipat, Suchart Pitto, Phongsiri Khomkham, Phanomkorn Phandet, Jetsada Kaenjan, Wichai Jandaeng, Parichat Lekpo, Chanida Khunin et Napasawan Khonthong.
    • – L’employeur a par la suite prolongé les séances de formation pour les 239 autres membres syndicaux, affirmant pour se justifier que ceux-ci ne montraient pas de signes de progrès. En avril, juin et août 2007, il a également distribué des formulaires concernant l’indemnisation des employés concernés s’ils démissionnaient.
    • – Le 15 mai 2007, la Commission des relations professionnelles a rendu l’ordonnance no 329-577/2007 rejetant la demande de réintégration des dix syndicalistes mais sommant l’employeur d’attribuer un travail régulier aux 239 autres membres syndicaux. Dans son contrôle du respect de l’ordonnance par l’employeur, le Département de l’emploi et de la protection sociale a constaté que 61 travailleurs avaient été autorisés à travailler dans une nouvelle usine gérée par l’employeur, tandis que les 178 autres syndicalistes avaient démissionné et perçu des indemnités de départ conformément aux dispositions de la loi sur la protection des travailleurs.
  2. 1303. Au sujet des allégations exposées ci-dessus, le comité rappelle d’emblée que la discrimination antisyndicale est une des violations les plus graves de la liberté syndicale puisqu’elle peut compromettre l’existence même des syndicats. Nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes, et il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 769 et 771.]
  3. 1304. S’agissant des dix syndicalistes licenciés, le comité note que, dans son ordonnance no 329-577/2007, la Commission des relations professionnelles a déterminé qu’ils n’avaient pas été licenciés en raison de leur appartenance syndicale mais pour avoir abandonné leur travail, ayant dans un premier temps consenti à reprendre le travail mais ne s’étant ensuite pas présentés et n’ayant pas avisé l’employeur de leur révocation des formulaires de consentement. Le comité note cependant que dans son examen de l’affaire le sous-comité de la NHRC sur les droits du travail a relevé que les syndicalistes licenciés ont été informés par leurs supérieurs hiérarchiques que la signature des formulaires de consentement à la reprise du travail ne donnait lieu à aucune obligation et qu’après avoir réalisé les conséquences potentielles de leurs actes les syndicalistes avaient révoqué verbalement leurs formulaires de consentement auprès de leurs supérieurs hiérarchiques respectifs. La NHRC a également relevé que le fonctionnaire du ministère du Travail qui avait œuvré en qualité de médiateur entre l’entreprise et le syndicat avait informé ce dernier qu’il n’était pas nécessaire de révoquer les formulaires de consentement signés, car les demandes étaient présentées par le syndicat et les membres individuels n’étaient pas habilités à les rétracter; la NHRC a conclu que la véritable raison du renvoi des dix syndicalistes était leur affiliation syndicale, et n’était donc pas une raison valable.
  4. 1305. Le comité observe en outre que ces licenciements se sont produits dans un contexte marqué par d’autres actes de discrimination antisyndicale. En particulier, le comité note qu’après avoir annoncé un lock-out le 26 décembre 2007 l’employeur n’a autorisé que les membres syndicaux qui acceptaient de ne pas adhérer aux revendications de négociation collective à reprendre le travail. Il a par la suite obligé les membres syndicaux qui étaient revenus à assister à des séances de formation durant plusieurs mois en 2007, ce que la Commission des relations professionnelles et la NHRC ont toutes deux considéré comme constituant une pratique de travail déloyale. Ainsi, au vu des informations dont il dispose, le comité considère non seulement que les séances de formation obligatoires pour les 239 membres syndicaux qui étaient revenus au travail constituent un acte de discrimination antisyndicale, mais il tend également à estimer que le renvoi des dix syndicalistes est lui aussi de nature discriminatoire.
  5. 1306. Le comité note également que, bien que la Commission des relations professionnelles ait ordonné à l’employeur de mettre fin aux séances de formation et d’attribuer un travail régulier aux syndicalistes concernés, le Département de l’emploi et de la protection sociale a par la suite déterminé que, sur les 239 syndicalistes en question, 61 avaient été autorisés à travailler dans une nouvelle usine gérée par l’employeur, tandis que les 178 autres avaient démissionné et perçu des indemnités de départ. Rappelant les allégations de l’organisation plaignante comme quoi l’employeur avait distribué des prospectus offrant de l’argent aux membres syndicaux qui démissionneraient et présenté des offres similaires à plusieurs occasions pendant la période de formation, le comité regrette que ces faits arrivent à la suite d’une série d’actes qu’il estime être de nature antisyndicale, et dont la NHRC a jugé qu’ils constituaient une tentative pour inciter les syndicalistes concernés à renoncer à leurs droits à la liberté syndicale et à la négociation collective. Il rappelle que, lorsqu’un gouvernement s’est engagé à garantir, par des mesures appropriées, le libre exercice des droits syndicaux, cette garantie, pour être réellement efficace, devrait, s’il est besoin, être assortie notamment de mesures comportant la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale en matière d’emploi. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 814.] Compte tenu du principe mentionné ci-dessus, et tout en gardant à l’esprit que certains aspects de cette affaire peuvent relever du tribunal, le comité demande au gouvernement d’examiner la situation de ces travailleurs et, si les allégations s’avèrent fondées, de prendre les mesures nécessaires pour leur réintégration dans le cas où ils la souhaiteraient toujours. Si le tribunal compétent juge la réintégration impossible, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que ces travailleurs reçoivent une indemnisation appropriée et qui constitue une sanction suffisamment dissuasive contre la discrimination antisyndicale.
  6. 1307. En ce qui concerne les dix syndicalistes licenciés, le comité rappelle que nul ne devrait faire l’objet de discrimination dans l’emploi en raison de ses activités syndicales légitimes, et que la possibilité d’être réintégré dans leur poste de travail devrait être ouverte aux personnes qui ont été l’objet de discrimination antisyndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 837.] Notant que le syndicat a intenté une action devant le tribunal du travail, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que dans son examen de l’affaire le tribunal soit en pleine possession de tous les faits matériels mentionnés plus haut, y compris du rapport de la NHRC. Il veut croire que le tribunal tiendra dûment compte des conclusions du comité, en particulier concernant la nécessité d’une protection efficace – notamment la possibilité de réintégration – contre les actes de discrimination antisyndicale, et demande au gouvernement de lui transmettre copie du jugement rendu.
  7. 1308. Enfin, le comité note l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle les actes dont il est question plus haut avaient pour but d’entraver le processus de négociation collective, puisqu’ils ont eu lieu peu après que le syndicat a présenté ses revendications de négociation collective et pris part à plusieurs séances de négociation et de médiation avec l’employeur. Rappelant l’importance qu’il attache à l’obligation de négocier de bonne foi pour le maintien d’un développement harmonieux des relations professionnelles [voir Recueil, op. cit., paragr. 934], le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que le syndicat et l’employeur s’engagent dans des négociations de bonne foi, en vue de conclure un accord collectif sur les conditions d’emploi, et de le tenir informé des progrès réalisés à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1309. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement d’examiner la situation des 178 syndicalistes qui avaient démissionné et, si les allégations s’avèrent fondées, de prendre les mesures nécessaires pour leur réintégration, dans le cas où ils la souhaiteraient toujours. Si le tribunal compétent juge la réintégration impossible, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que les travailleurs concernés reçoivent une indemnisation appropriée et qui constitue une sanction suffisamment dissuasive contre la discrimination antisyndicale.
    • b) Le comité demande au gouvernement de veiller à ce que, dans son examen de l’affaire, le tribunal soit en pleine possession de tous les faits matériels mentionnés, y compris du rapport de la NHRC. Il veut croire que le tribunal tiendra dûment compte des conclusions du comité, en particulier concernant la nécessité d’une protection efficace – notamment la possibilité de réintégration – contre les actes de discrimination antisyndicale, et demande au gouvernement de lui transmettre copie du jugement rendu.
    • c) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que le syndicat et l’employeur s’engagent dans des négociations de bonne foi, en vue de conclure un accord collectif sur les conditions d’emploi, et de le tenir informé des progrès réalisés à cet égard.
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