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Rapport définitif - Rapport No. 353, Mars 2009

Cas no 2635 (Brésil) - Date de la plainte: 10-MARS -08 - Clos

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  1. 435. La plainte objet du présent cas figure dans une communication du Syndicat des travailleurs des industries urbaines de l’Etat du Párá (STIUPA) en date du 10 mars 2008.
  2. 436. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par communication du 5 septembre 2008.
  3. 437. Le Brésil a ratifié la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, mais il n’a pas ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 438. Dans sa communication en date du 10 mars 2008, le Syndicat des travailleurs des industries urbaines de l’Etat du Párá (STIUPA) affirme qu’entre janvier et avril 2005 l’entreprise Centrales électriques du Párá S.A. a licencié de manière arbitraire et discriminatoire 257 travailleurs et travailleuses (117 d’entre eux ont ultérieurement réintégré leur poste à la suite d’une action civile publique assortie d’une demande de protection provisoire). L’organisation plaignante ajoute que, outre les 257 travailleurs, quatre dirigeants syndicaux ont aussi été licenciés; ils n’étaient pas couverts par les dispositions en matière de stabilité de l’emploi prévues à l’article 522 de la Codification des lois du travail. Le licenciement des dirigeants syndicaux a été dénoncé auprès du ministère public de l’Emploi et du Travail et, suite à une action civile publique, leur réintégration a été obtenue.
  2. 439. En août 2007, le syndicat et l’entreprise concernée ont entamé des négociations qui ont abouti à un accord mettant fin à un litige qui a duré plus de deux ans. Les personnes licenciées et non réintégrées dans leurs fonctions ont obtenu le paiement de douze salaires de base et celles qui ont réintégré leur poste de quatre mois de salaire. L’accord a été conclu et approuvé le 15 octobre 2007.
  3. 440. Le STIUPA allègue que le 7 décembre 2007 l’entreprise a licencié 50 des 117 travailleurs qui avaient réintégré leurs fonctions, ne respectant de la sorte pas l’accord susmentionné et affirmant de façon fallacieuse que l’organisation syndicale avait approuvé les licenciements. Sur les cinquante licenciés, seuls quatre n’étaient pas syndiqués. L’organisation plaignante fait savoir que, face à l’attitude antisyndicale de l’entreprise, une action civile publique a été engagée à la suite de laquelle, le 17 décembre 2007, les licenciés ont obtenu leur réintégration. Le STIUPA ajoute que l’autorité judiciaire a reconnu le caractère discriminatoire et abusif des licenciements et a ordonné dans son jugement que l’entreprise cesse ces pratiques sous peine de sanctions financières. Selon le STIUPA, l’attitude antisyndicale de l’entreprise n’est pas nouvelle puisqu’en 2002 un groupe de cadres avait constitué un mouvement visant à affaiblir le syndicat. Celui-ci fait également savoir que par l’intermédiaire du ministère du Travail trois accords de bonne conduite ont été conclus en vue d’améliorer les relations professionnelles entre l’entreprise et le syndicat en vertu du premier accord. L’entreprise est tenue de ne plus avoir d’attitude négative en rapport avec la syndicalisation des travailleurs, la libre circulation des dirigeants syndicaux dans les locaux de l’entreprise et d’entretenir des relations harmonieuses avec le syndicat.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 441. Dans sa communication du 5 septembre 2008, le gouvernement affirme que le ministère du Travail et de l’Emploi est résolu à trouver une solution juridique aux licenciements injustifiés qui se produisent sur le marché du travail et qu’illustrent les faits allégués dans le cas examiné. Ainsi, le Congrès national a été saisi d’une proposition de ratification de la convention no 158. Cette convention avait déjà été approuvée par le Congrès brésilien en septembre 1992 mais elle avait ultérieurement été dénoncée et cessé d’être en vigueur en décembre 1996. Comme suite à l’amendement constitutionnel no 45, les organisations syndicales ont demandé d’étudier la possibilité de ratifier la convention en question. Le gouvernement a donné suite à cette requête en 2007, indiquant qu’elle serait examinée par la Commission tripartite des relations internationales (CTRI), organe consultatif tripartite du ministère du Travail et de l’Emploi.
  2. 442. Lors de sa réunion du 24 octobre 2007, la CTRI s’est prononcée à ce sujet et, en dépit de l’opposition des employeurs, a décidé de recommander au ministère d’Etat du Travail et de l’Emploi, conformément aux dispositions de son règlement interne, de soumettre la convention no 158 à l’appréciation du Congrès national. Le gouvernement fait observer que la décision de soumettre la convention à l’appréciation du Congrès national a reçu l’appui des centrales syndicales les plus représentatives et de l’Association nationale des magistrats du travail, organisme réunissant les juges du travail de tout le pays.
  3. 443. Le gouvernement estime que la ratification de la convention mentionnée permettra de faire face à un des problèmes majeurs constatés sur le marché du travail brésilien à l’heure actuelle: le taux élevé de renouvellement de la main-d’œuvre, moyen utilisé pour diminuer la masse salariale. Cette convention est actuellement examinée par la Commission des relations extérieures de la Chambre des députés, et le gouvernement prend actuellement toutes les dispositions possibles pour que le congrès l’approuve et pour que puisse ainsi être ratifié cet important instrument de lutte contre les licenciements injustifiés, tels que ceux présentés dans le cas soumis au comité.
  4. 444. Le gouvernement fait observer que l’initiative concernant la ratification de la convention no 158 vient compléter diverses actions du gouvernement qui s’efforce de démocratiser les relations du travail, de sorte que le système juridique puisse s’appuyer sur une réglementation plus complète en matière de pratiques antisyndicales, qui actuellement ne sont pas prises en compte dans la législation. Il souligne que, bien que la liberté syndicale soit un droit consacré par la Constitution et que la législation prévoie des protections face à certains abus (comme c’est le cas pour la loi sur les grèves), la législation nationale ne couvre pas (de manière exhaustive) les pratiques antisyndicales. De ce fait, les partenaires sociaux, y compris le ministère du Travail et de l’Emploi, ne sont pas en mesure de prendre des mesures efficaces à caractère préventif ou répressif pour lutter contre des pratiques telles que celles qui sont dénoncées dans le cas examiné.
  5. 445. Le gouvernement indique qu’il s’emploie à régler cette question et qu’à cette fin il a élaboré, dans le cadre du Forum national du travail, en collaboration avec les travailleurs et les employeurs, une proposition de réforme syndicale qui envisage de qualifier pénalement (de façon plus complète) les actes antisyndicaux et qui prévoit des sanctions à l’encontre des contrevenants, qui pourront être imposées par le ministère du Travail et de l’Emploi. Le projet de loi sur les relations syndicales (no 369/05), dont est actuellement saisi le Congrès national, prévoit une série de situations qui constituent des comportements antisyndicaux. Tout acte visant à empêcher ou à faire obstacle à l’activité syndicale, commis par un employeur ou un travailleur, sera considéré comme comportement antisyndical, et les contrevenants seront passibles de sanctions.
  6. 446. Conformément à la proposition soumise, les situations suivantes seront considérées comme des comportements antisyndicaux: conditionner l’accès à un emploi ou le maintien dans un emploi à l’affiliation ou à la non-affiliation à une organisation syndicale ou à la démission d’une organisation syndicale; licencier un travailleur ou exercer des discriminations à son encontre en raison de son affiliation à une organisation syndicale ou de ses activités dans une organisation syndicale, de sa participation à une action de grève ou de ses activités en tant que représentant des travailleurs sur le lieu de travail; accorder un traitement économique plus favorable, de façon discriminatoire, du fait de l’affiliation à un syndicat ou de l’activité syndicale d’un travailleur; inciter le travailleur à demander son exclusion d’un processus engagé par une organisation syndicale pour la défense de ses droits individuels; obliger le travailleur à reprendre le travail pour faire échec ou obstacle à l’exercice du droit de grève; engager, hors du cadre de la loi, de la main-d’œuvre dans le but de remplacer des travailleurs en grève; ne pas respecter l’obligation d’être de bonne foi dans la négociation collective. Aux termes du projet de loi, les travailleurs peuvent aussi être responsables de pratiques antisyndicales. Le gouvernement souligne que toute bonne proposition visant à résoudre cette question devra inévitablement refléter les dispositions énoncées dans les conventions nos 98 et 135 que le Brésil a ratifiées. La proposition doit également établir des mécanismes efficaces d’application de sanctions aux contrevenants, ce à quoi les milieux patronaux brésiliens opposent une grande résistance. Le gouvernement indique que la proposition du Forum national du travail remédie au vide juridique par une qualification pénale (plus complète) des actes antisyndicaux pouvant être commis par des travailleurs ou des employeurs et l’imposition, parallèlement, de sanctions et de peines pour garantir l’efficacité de la réglementation. Il précise qu’il n’a pas été possible de trouver un consensus dans le cadre du Forum national du travail au sujet des sanctions et des peines, notamment en ce qui concerne le montant de l’amende à imposer en cas de comportement antisyndical. L’opposition des employeurs à l’établissement du montant des amendes a, de fait, eu pour effet de ralentir la procédure d’examen du projet au Congrès national mais ne diminue aucunement l’espoir qu’a le gouvernement de voir le projet approuvé prochainement. Il s’agit d’une épreuve de force, normale dans une société démocratique où les intérêts divergents des acteurs de la société doivent être pris en compte.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 447. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue qu’entre 2005 et 2007 l’entreprise Centrales électriques du Párá S.A. a licencié, à diverses occasions et de manière arbitraire et discriminatoire, des dirigeants syndicaux et 257 travailleurs (les dirigeants syndicaux et un grand nombre de travailleurs ont ultérieurement réintégré leurs fonctions après des actions en justice; l’autorité judiciaire a reconnu le caractère discriminatoire et abusif des licenciements et a ordonné dans son jugement que l’entreprise cesse de se livrer à de telles pratiques sous peine de sanctions financières) et qu’elle manifeste un comportement antisyndical depuis 2002.
  2. 448. Le comité prend note que le gouvernement fait savoir: 1) qu’il est résolu à trouver une solution juridique aux licenciements injustifiés qui se produisent sur le marché du travail et qu’illustrent les faits allégués dans le cas examiné et que, à titre d’exemple, il a adressé au Congrès national une proposition de ratification de la convention no 158; 2) que l’initiative relative à la ratification de cette convention vient compléter diverses actions du gouvernement qui s’efforce de démocratiser les relations du travail, de sorte que le système juridique puisse s’appuyer sur une réglementation plus complète en matière de pratiques antisyndicales, qui actuellement ne sont pas prises en compte dans la législation; 3) que, bien que la liberté syndicale soit un droit consacré par la Constitution, le système juridique national ne considère pas les pratiques antisyndicales comme des délits, ce qui empêche le ministère du Travail et de l’Emploi de prendre des mesures efficaces à caractère préventif ou répressif pour lutter contre des pratiques telles que celles dénoncées dans le cas examiné; 4) que, pour tenter de régler cette question, le gouvernement a élaboré, dans le cadre du Forum national du travail, en collaboration avec les travailleurs et les employeurs, une proposition de réforme syndicale (no 369/05, dont est actuellement saisi le Congrès national) qui envisage une qualification pénale (plus complète) des actes antisyndicaux et qui prévoit des sanctions à l’encontre des contrevenants, qui pourront être imposées par le ministère du Travail et de l’Emploi; 5) que le projet de loi sur les relations syndicales, dont est actuellement saisi le Congrès national, prévoit une série de situations qui constituent des comportements antisyndicaux (conditionner l’accès à un emploi ou le maintien dans un emploi à l’affiliation ou à la non-affiliation à une organisation syndicale ou à la démission d’une organisation syndicale; licencier un travailleur ou exercer des discriminations à son encontre en raison de son affiliation à une organisation syndicale ou de ses activités dans une organisation syndicale, ou de sa participation à une action de grève ou de ses activités en tant que représentant des travailleurs sur le lieu travail, etc.); 6) que toute bonne proposition visant à résoudre cette question devra inévitablement refléter les dispositions énoncées dans les conventions nos 98 et 135 et établir des mécanismes efficaces d’application de sanctions aux contrevenants, qui est l’objet d’une divergence d’opinions entre les travailleurs et les employeurs quant aux dispositions sur le montant des amendes à imposer en cas de comportement antisyndical; 7) que la proposition du Forum national du travail remédie au vide juridique par une qualification pénale (plus complète) des actes antisyndicaux pouvant être commis par des travailleurs ou des employeurs et l’imposition, parallèlement, de sanctions et de peines qui garantissent l’efficacité de la réglementation; 8) qu’il n’a pas été possible de trouver un consensus dans le cadre du Forum national du travail au sujet des sanctions et des peines, notamment en ce qui concerne le montant de l’amende à imposer en cas de comportement antisyndical mais que, bien que cela ait eu pour effet de ralentir la procédure d’examen du projet, cela n’a aucunement diminué l’espoir qu’a le gouvernement de voir le projet approuvé prochainement.
  3. 449. Le comité note que le gouvernement reconnaît les licenciements antisyndicaux allégués pour lesquels une solution a été trouvée grâce à un accord entre les parties ou par voie de décision judiciaire. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de continuer de veiller au respect des droits syndicaux dans l’entreprise concernée.
  4. 450. De manière plus générale, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle l’absence de qualification pénale des pratiques antisyndicales dans la législation empêche le ministère du Travail et de l’Emploi de prendre des mesures efficaces à caractère préventif ou répressif pour lutter contre des pratiques telles que celles exposées dans la présent cas; de même, le comité prend note avec intérêt des initiatives qui ont été prises pour l’adoption d’une législation (proposition de réforme syndicale) qui envisage une qualification pénale (plus complète) des actes antisyndicaux et qui prévoit des sanctions à l’encontre des contrevenants, qui peuvent être imposées par le ministère du Travail et de l’Emploi. A cet égard, le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas dans le cadre de l’application de la convention no 98.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 451. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de continuer de veiller au respect des droits syndicaux dans l’entreprise Centrales électriques du Párá S.A.
    • b) Le comité prend note avec intérêt des initiatives concernant l’adoption d’une législation (proposition de réforme syndicale) qui envisage une qualification pénale (plus complète) des actes antisyndicaux et qui prévoit des sanctions qui peuvent être imposées par le ministère du Travail et de l’Emploi à l’encontre des contrevenants, et il attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas dans le cadre de l’application de la convention no 98.
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