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Rapport définitif - Rapport No. 354, Juin 2009

Cas no 2641 (Argentine) - Date de la plainte: 30-AVR. -08 - Clos

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  1. 205. La présente plainte figure dans une communication d’avril 2008 de l’Association des employés d’agents de douane (AEDA). Par la suite, l’AEDA a adressé des informations complémentaires dans des communications de juin 2008 et du 26 février 2009.
  2. 206. Le gouvernement a adressé ses observations dans des communications en date des 18 février et 22 mai 2009.
  3. 207. L’Argentine a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 208. Dans sa communication d’avril 2008, l’AEDA indique qu’elle présente la plainte afin qu’il soit décidé d’attirer l’attention de l’Etat argentin et de l’inviter à laisser sans effet la résolution no 191/2008, du 12 mars 2008, du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale de la nation, au motif qu’elle est contraire aux conventions nos 87 et 98 de l’OIT. L’AEDA estime que le gouvernement, par cet acte administratif de droit interne, viole la Constitution de l’OIT, les conventions nos 87 et 98, ainsi que les recommandations et normes du Comité de la liberté syndicale. Selon l’AEDA, son droit de liberté syndicale a été enfreint, restreint, lésé et entravé, d’où l’impossibilité pour elle d’exercer de façon appropriée son autonomie syndicale, en raison d’une ingérence interdite dans son activité interne institutionnelle.
  2. 209. L’AEDA affirme que le ministère du Travail, sans aucun motif juridique, a déclaré nulle et non avenue l’assemblée de ses affiliés qui, le 26 avril 2007, a approuvé par une large majorité le rapport, le bilan et les autres états comptables de l’AEDA qui correspondaient à l’exercice financier achevé le 31 décembre 2006.
  3. 210. L’organisation plaignante indique que les recours administratifs menés devant le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale de la nation, entité qui a émis l’acte qui est contesté ici, constitue le dossier no 1.213.048/07. L’affaire a commencé avec une communication formelle de l’AEDA, par laquelle elle avait informé l’autorité administrative du travail de la tenue le 26 avril 2007 de l’assemblée générale ordinaire. Au cours de l’assemblée, les affiliés ont examiné entre autres le rapport, le bilan général, l’inventaire, les dépenses, les résultats et le rapport de la Commission d’examen des comptes correspondant à l’exercice qui s’est achevé le 31 décembre 2006. L’exercice a été approuvé à une large majorité.
  4. 211. Un groupe de 12 affiliés seulement de l’entité syndicale, qui représente plus de 2 100 employés d’agents de douane de l’Argentine, s’est rendu à l’assemblée, a formulé une contestation dans une note non signée puis s’est retiré de l’assemblée délibérative. Ces faits sont consignés dans le compte rendu de l’assemblée générale ordinaire du 26 avril 2007. Les auteurs de la contestation ont saisi le ministère du Travail et demandé que soit déclarée la nullité de l’assemblée, au motif qu’ils n’avaient pas reçu à temps les documents utiles à cette assemblée et que son bilan n’avait pas été porté à leur connaissance. Ils n’ont ni fait la preuve ni fait état d’irrégularités concrètes et toutes les contestations qu’ils ont formulées sont manifestement dogmatiques, générales et abstraites.
  5. 212. L’AEDA s’est opposée à la contestation au motif qu’elle était infondée puisqu’il n’y avait pas eu d’irrégularités. L’organisation plaignante indique avoir démontré ce qui suit: 1) les documents correspondant à l’assemblée étaient à la disposition des affiliés depuis le 9 mars 2007, à son siège social avenue Callao 220, 6e étage, Buenos Aires, conformément aux délais prévus par les statuts et la loi; et 2) le bilan a été établi et signé le 8 mars 2007 et il était à leur disposition à partir du lendemain.
  6. 213. Un courrier a été adressé par l’AEDA aux représentants du groupe des auteurs de la contestation, courrier qui indiquait clairement et très concrètement que le rapport, le bilan général, l’inventaire, l’état des dépenses et les autres instruments avaient été établis et étaient à la disposition des affiliés (lettre recommandée no 841460357, qui a été reçue par les auteurs de la contestation le 20 mars 2007). Ce courrier est resté sans réponse. L’AEDA estime que s’appliquent dans ce cas les dispositions du droit interne argentin qui indiquent que le silence est considéré comme un consentement (articles nos 919 du Code civil et 57 de la loi sur le contrat de travail). L’AEDA estime que, avec les éléments qu’elle a fournis pour répondre à la communication en question, elle a démontré que les arguments des auteurs de la contestation sont absolument faux – les auteurs n’ont fait état concrètement d’aucune irrégularité administrative –, ce qui montre bien que ce n’est qu’à des fins politiques qu’ils ont essayé d’utiliser les voies de recours administratives, et qu’il ont abusé manifestement de leurs droits dans le seul but de chercher à nuire à l’image du comité directeur aux yeux des affiliés, et de se positionner en tant que nouveau groupe pour les prochaines élections syndicales.
  7. 214. Le 17 juillet 2007, une audition a eu lieu à la Direction nationale des associations syndicales, qui relève du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale de la nation. A cette occasion, tant les auteurs de la contestation que l’AEDA ont maintenu leurs positions. Les auteurs de la contestation, qui ont demandé l’annulation de l’assemblée et un audit comptable du ministère du Travail, ont indiqué ce qui suit: 1) le rapport et le bilan ont été remis après l’expiration du délai de trente jours ouvrables; et 2) la documentation nécessaire pour examiner le bilan n’a été mise à disposition à aucun moment, ce qui a empêché à l’évidence de débattre dans l’assemblée en vue de l’approbation du bilan du syndicat.
  8. 215. L’AEDA a réfuté cette allégation et indiqué ce qui suit: «… les auteurs de la contestation n’apportent aucun élément qui permette de justifier leurs allégations […]. Aucun des affiliés qui ont formulé la contestation ne s’est rendu au siège de l’AEDA pour consulter les documents qui avaient été mis à disposition en temps opportun, sous la forme prévue par la loi et conformément à l’article no 45 du statut.» Le dossier a été transmis au Département de l’administration syndicale afin qu’il se prononce au sujet de la contestation. Le département, au feuillet 53, troisième paragraphe, de son avis, a rejeté la contestation et indiqué ce qui suit: «… en ce qui concerne la compétence du département, il convient de signaler que, pour procéder à une vérification comptable, les éventuelles irrégularités administratives doivent avoir été démontrées; on ne saurait omettre de souligner que, aux feuillets 7/23, se trouve l’exemplaire du rapport et du bilan au 31 décembre 2006 qui a été approuvé dans l’assemblée qui a été contestée, et que cet exercice comptable satisfait aux normes en vigueur».
  9. 216. Très correctement pour l’essentiel, la Direction nationale des associations syndicales, qui est le département compétent du ministère du Travail de la nation, suivant le critère susmentionné, a réfuté la contestation par l’acte administratif du 1er novembre 2007, dont les principaux arguments sont les suivants: «La contestation visant l’assemblée ordinaire ne se réfère qu’à la mise à disposition dans les délais et sous la forme voulue du rapport et du bilan, et ne contient pas d’objection en ce qui concerne la légalité et la constitution de l’assemblée, pas plus qu’elle n’indique que le quorum nécessaire pour tenir l’assemblée n’a pas été atteint. […] Force est de constater que l’assemblée est la plus haute instance de l’entité syndicale et qu’y participent directement tous les affiliés. En tant que telle, elle est tenue de rendre des comptes puisqu’elle est une entité délibérative. […] L’assemblée s’étant constituée légitimement, sans qu’aucune objection n’ait été formulée à ce sujet, le rapport et le bilan ayant été examinés et l’exercice ayant été même approuvé, la question qui a été soumise n’a pas de fondements. En effet, ce qui a été contesté, c’est la mise à disposition dans les délais impartis et sous la forme voulue du rapport et du bilan à des fins d’examen. La Direction nationale des associations syndicales abonde dans le sens des considérations formulées dans l’avis du département de l’administration syndicale, à savoir que l’exercice comptable correspond aux normes d’application en vigueur.
  10. 217. L’AEDA indique que les auteurs de la contestation ont intenté des recours administratifs devant le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale de la nation, recours auxquels il a été donné suite favorablement par la résolution que l’AEDA conteste. Pour l’essentiel, les auteurs de la contestation affirment qu’au cours de l’assemblée de graves irrégularités auraient été commises et qu’elles auraient porté atteinte à la liberté syndicale et au droit d’information des affiliés.
  11. 218. L’AEDA indique que la résolution no 191, en date du 12 mars 2008, dit dans sa partie résolutive:
  12. Article 1.?Il est fait droit au recours hiérarchique intenté à titre subsidiaire par MM. Marcelo Alejandro Gijena, Marcial Perez, Hernan Craia, Jorge Biancotto et Norberto Polio – entre autres, puisqu’il y avait 12 personnes en tout – en leur qualité d’affiliés de l’Association des employés d’agents de douane (AEDA). Par conséquent, est annulée le point 1) de la décision résolutive prononcée par la Direction nationale des associations syndicales le 1er novembre 2007, et déclaré l’inefficacité juridique de ce qu’a décidé l’assemblée générale ordinaire de l’Association des employés d’agents de douane (AEDA) qui s’est tenue le 26 avril 2007, en ce qui concerne le point 2 de son ordre du jour: «Examen du rapport, du bilan général, de l’inventaire, du compte des dépenses et ressources, et du rapport de la Commission d’examen des comptes correspondant à l’exercice clos le 31 décembre 2006»…
  13. Article 4.?La présente résolution doit être enregistrée, notifiée et archivée.
  14. 219. L’AEDA estime qu’il y a eu une ingérence indue dans la liberté syndicale étant donné que l’assemblée syndicale est l’organe souverain de délibération qui a approuvé les états comptables, décision que l’autorité administrative du travail ne peut ni ignorer ni modifier. La résolution constitue une ingérence manifeste et flagrante de l’Etat dans l’autonomie interne du syndicat car elle a privilégié la «volonté» d’un groupe politique minoritaire. Au regard des conventions nos 87 et 98 de l’OIT, le ministère du Travail de la nation ne peut pas intervenir dans l’administration de l’association syndicale et l’assemblée interne du syndicat est l’organe compétent pour déterminer si ont été satisfaites les conditions préalables requises en matière de présentation de documents, ou pour considérer comme intrinsèquement valable le rapport, le bilan et les autres états comptables correspondant à l’exercice clos le 31 décembre 2006.
  15. 220. Conformément aux articles nos 5 et 20 de la loi no 23551 sur les associations syndicales, «il incombe exclusivement à l’assemblée d’approuver et de modifier les statuts, rapports et bilans», dans le cadre du «programme d’action syndicale». En vertu de ce qu’a décidé l’organe supérieur du syndicat, c’est-à-dire l’assemblée des affiliés, qui a approuvé par une ample majorité les états comptables, l’AEDA estime que le ministère n’était pas compétent à ce sujet. Par conséquent, dans ce contexte, la résolution ministérielle constitue un abus manifeste de l’autorité administrative, qui viole non seulement le principe de congruité mais aussi l’autonomie syndicale de l’entité.
  16. 221. Le gouvernement, en estimant que l’assemblée syndicale a été non avenue, puisqu’il a déclaré l’inefficacité juridique de l’approbation des états comptables correspondant à l’exercice de 2006, a privé de toute valeur l’activité et la vie interne de l’entité syndicale, et violé manifestement l’autonomie syndicale et le droit de l’association d’organiser son administration «sans ingérence aucune des autorités publiques». Le ministère doit rester à l’écart des disputes politiques internes de l’entité syndicale et être d’une impartialité objective vis-à-vis des divers groupes qui se disputent la direction du syndicat. L’AEDA indique qu’elle a intenté un recours formel en justice et demandé à la Cour d’appel nationale du travail de déclarer la nullité et l’inconstitutionnalité de la décision administrative qui fait l’objet de la présente plainte.
  17. 222. Dans sa communication de juin 2008, l’AEDA indique qu’après la présentation de la plainte au comité l’administration du travail a cherché à empêcher l’examen des états comptables de l’exercice financier 2007. Concrètement, l’AEDA affirme qu’après la présentation de la plainte le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale de la nation a cherché à porter atteinte à l’autonomie et la liberté syndicales de l’organisation en ce qui concerne l’exercice financier 2007. Le Pouvoir judiciaire de la nation a empêché cela puisque la Justice nationale du travail, par la décision provisoire du 28 avril 2008, a fait droit au recours en amparo que l’organisation syndicale avait intenté. Cette décision est devenue exécutoire et le gouvernement n’a pas fait appel.
  18. 223. L’AEDA indique qu’elle avait convoqué, pour le 29 avril 2008, l’assemblée générale des affiliés en vue de l’examen des états comptables de l’exercice financier 2007, et qu’elle avait satisfait à toutes les conditions que prévoit la législation en vigueur dans la République argentine. Le lendemain de la présentation de la plainte, c’est-à-dire le 24 avril 2008, par l’acte de notification no 769/2008 (dossier no 1.266.136/2008), la Direction nationale des associations syndicales (DNAS), qui relève du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale de la nation, a cherché à suspendre l’assemblée en question. La Direction nationale des associations syndicales, conformément à la décision politique de la hiérarchie administrative, et sans tenir compte du recours en justice qui avait été intenté devant la chambre IV de la Cour d’appel nationale du travail – recours auquel ce tribunal, dont le siège se trouve à Buenos Aires, a fait droit –, a cherché à suspendre, empêcher et entraver l’assemblée ordinaire qui s’est tenue le mardi 29 avril 2008.
  19. 224. La décision de suspendre la nouvelle assemblée était absolument prise étant donné que la DNAS avait estimé, dans un avis résolutif, qu’était pleinement applicable la résolution no 191/2008 qui faisait l’objet d’un recours en justice, ce qui constituait un acte manifestement illégal et arbitraire. L’illégalité de cette action était évidente puisque l’autorité administrative du travail ne tenait pas compte du fait que la résolution no 191/2008 avait fait l’objet d’un appel à effet suspensif intenté par l’AEDA devant la Cour d’appel nationale du travail, et que cette résolution avait donné lieu à une plainte devant l’OIT. Ces deux procédures étaient en cours au moment où, à nouveau, on essayait d’annihiler l’autonomie syndicale de l’organisation et où celle-ci souhaitait examiner les états comptables de l’exercice 2007.
  20. 225. L’AEDA indique que le recours judiciaire en amparo de ses droits syndicaux était fondé puisque l’autorité administrative n’avait aucunement le droit de chercher à empêcher l’accès de l’AEDA à la juridiction compétente. Cela portait atteinte à l’action qu’elle avait intentée contre la résolution, illicite, no 191/2008 et cela constituait une ingérence dans l’autonomie syndicale, dans le seul but de bénéficier aux intérêts politiques de M. Gijena et de son groupe de 12 affiliés opposants. Le préjudice pour l’AEDA était manifeste. En effet, s’il n’était pas fait droit à l’action en amparo, elle ne pourrait ni examiner ni approuver les états comptables de l’exercice 2007 dans les délais que l’organisme argentin de perception des impôts – l’Administration fédérale des revenus publics – avait fixés pour la présentation des états comptables. Ces délais expiraient le 13 mai 2008 et l’AEDA risquait de ne pas pouvoir bénéficier de l’exemption fiscale des impôts sur le revenu, ce qui aurait gravement nui au patrimoine du syndicat. Il était donc urgent de protéger ce patrimoine.
  21. 226. Par conséquent, le 25 avril 2008, l’AEDA a intenté une action formelle en amparo devant la Justice nationale du travail, dont le siège est à Buenos Aires (dossier no 9.603/08: Association des employés d’agents de douane (AEDA) c. Pouvoir exécutif national – ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale de la nation s./action en amparo, affaire en instance devant le Tribunal national de première instance du travail no 4). L’action en amparo a été tranchée favorablement le 28 avril 2008. Selon l’AEDA, l’autorité judiciaire a décidé ce qui suit: «faire droit à la mesure provisoire qui était demandée et, à ce titre, faire savoir au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale de la nation que, à titre provisoire, il faut s’abstenir de suspendre, d’empêcher et d’entraver l’assemblée générale ordinaire de l’Association des employés d’agents de douane (AEDA), convoquée pour le 29 avril 2008 à 19 heures. La Direction nationale des associations syndicales doit désigner un observateur pour superviser les activités de l’assemblée, sans préjudice des moyens de recours dont les intéressés disposent.» Cette décision a été respectée et les états comptables de l’exercice financier 2007 ont été examinés pendant l’assemblée et approuvés à l’unanimité, comme il ressort du compte rendu qui est joint.
  22. 227. Dans sa communication en date du 26 février 2009, l’AEDA indique que la Cour d’appel nationale du travail a décidé d’annuler la résolution no 191 du 12 mars 2008 du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale. L’AEDA indique aussi que, bien que le pouvoir judiciaire ait laissé sans effet l’acte administratif en question, elle attend avec un grand intérêt que le comité examine la plainte sur le fond.
  23. B. Réponse du gouvernement
  24. 228. Dans ses communications en date des 18 février et 22 mai 2009, le gouvernement indique que le recours au système de contrôle de l’OIT a pour objectif de déterminer si l’Etat a enfreint des dispositions des instruments internationaux qui garantissent les principes de la liberté syndicale. C’est vrai tant en ce qui concerne les principes que les mesures juridictionnelles. A propos des principes, conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi no 23551, dans son titre préliminaire qui porte sur la protection de la liberté syndicale, les travailleurs ont le droit de participer aux activités internes de leur association. Ce même principe est garanti dans la convention no 87.
  25. 229. La liberté syndicale individuelle, comme c’est le cas ici, ou collective constitue un droit de l’homme essentiel et, par conséquent, l’Etat doit garantir l’exercice de la faculté qu’ont les travailleurs d’intervenir dans les activités internes de leur association. Cette faculté doit être préservée quel que soit le nombre des personnes qui font état de la vulnérabilité d’un droit. Par conséquent, rien ne justifie que la question du nombre de ces personnes puisse être prise en compte afin de délégitimer l’action de l’Etat, comme l’organisation plaignante cherche à le faire. Il aurait été contraire à la protection de la liberté syndicale que, s’en tenant aux motifs que l’organisation plaignante présente, l’Etat n’exerce aucune activité juridictionnelle.
  26. 230. Le gouvernement affirme que le ministère a agi à la suite d’une plainte émanant d’un membre du syndicat qui semblait avoir été privé de l’exercice de son droit puisqu’il n’avait pas reçu dans les délais impartis et sous la forme voulue les documents nécessaires pour exercer ce droit. Le ministère agit conformément à l’article 58 de la loi no 23551. Selon le gouvernement, dans le présent cas, il y a eu une plainte au motif que 12 affiliés ont été empêchés de prendre connaissance du rapport et du bilan, faits qui justifient que l’Etat intervienne afin de garantir ce droit des travailleurs qui a été violé, comme il se doit dans un Etat démocratique. Le gouvernement indique que, dans le présent cas, les dispositions des conventions nos 87 et 98 de l’OIT n’ont pas été enfreintes. L’action de l’Etat visait à défendre un droit fondamental, en l’occurrence le droit des travailleurs de participer aux activités de leur syndicat.
  27. 231. Le gouvernement indique que, dans le cas à l’examen, il convient de préciser tout d’abord que, lorsqu’une plainte est déposée conformément aux dispositions de l’article 62 de la loi no 23551, le ministère du Travail ne peut que transmettre le recours à la cour. Autrement dit, dans le cadre du contrôle judiciaire des actes de l’administration, il ne peut se prononcer sur aucun aspect du contrôle, ce que l’organisation plaignante reconnaît expressément. En d’autres termes, même lorsqu’il prend connaissance du recours, l’Etat national doit attendre la décision de la chambre de la cour qui en a été saisie pour déterminer l’action à mener. L’article 62 de la loi susmentionnée ne précise pas si un recours a pour effet de suspendre ou non l’action intentée par l’Etat. La poursuite de l’activité administrative de l’Etat national, tant qu’il n’y a pas, en matière de droits de l’homme, de décision judiciaire contraire à la poursuite de cette activité, comme c’est le cas ici, est légitime étant donné que les Etats ont le devoir primaire de protéger ces garanties.
  28. 232. Le gouvernement ajoute que cette situation est reconnue dans l’action intentée devant la cour d’appel, recours dans lequel l’organisation plaignante demande expressément que la cour se prononce afin d’obtenir un effet suspensif au recours en question. C’est pour cette raison que l’organisation plaignante a intenté l’action en amparo, laquelle a donné lieu à la mesure provisoire. Par conséquent, étant donné cette décision expresse de la justice, l’Etat national respecte le contrôle judiciaire des actes de l’administration, conformément aux garanties institutionnelles et à la convention no 87.
  29. 233. Le gouvernement ajoute qu’il n’est pas vrai non plus que l’administration ne peut pas exercer un contrôle administratif dans le cas où il y aurait une plainte pour irrégularité au regard de l’article 58 de la loi no 23551. Cet article établit que «le contrôle des organisations syndicales, même dans le cas où elles auraient obtenu la personnalité juridique en vertu des dispositions du droit commun, incombe exclusivement au ministère du Travail et de la Sécurité sociale». Bien sûr, ces facultés sont soumises à un contrôle judiciaire suffisant. L’administration respecte donc l’action en amparo, conformément à la résolution que l’autre partie a déjà mentionnée et dont elle a décrit les termes.
  30. 234. Le gouvernement indique que les arguments ayant trait au différend en question ne relèvent pas du contrôle international. En effet, tous les arguments sur la question de savoir si les documents ont été soumis dans les délais impartis et sous la forme voulue, ou sur la question de savoir si ces documents suffisaient pour justifier les états comptables, doivent faire l’objet d’un examen judiciaire interne car ils portent sur des initiatives individuelles ou sur des comportements qui doivent être tranchés par la justice. Cette plainte dénote précisément une utilisation «légère» du système de contrôle de l’OIT étant donné que rien ne la justifie. Par conséquent, il est infondé de prétendre dans le cas présent que le comité recommande de laisser sans effet la résolution no 191/2008, du 12 mars 2008, du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale de la nation.
  31. 235. Le ministère du Travail est compétent pour intervenir en vertu d’un principe essentiel de l’organisation administrative, comme l’indique l’article 58 de la loi no 23551, principe qui n’a pas été contesté. Cet article établit que le contrôle du fonctionnement des associations syndicales incombe au ministère du Travail et de la Sécurité sociale. A l’évidence, ce principe recouvre les plaintes formulées par les affiliés d’une association syndicale et, dans tous les cas qui comportent le contrôle judiciaire de ses actes, le ministère respecte les principes de la liberté syndicale.
  32. 236. Enfin, le gouvernement souligne qu’il a agi dans le cadre des principes internationaux qui protègent la liberté syndicale, mais son intervention s’est fondée sur une possible atteinte à la liberté syndicale et, lorsque la justice s’est prononcée et a décidé de prendre une mesure provisoire, le ministère du Travail a cessé d’intervenir. Les mesures prises par l’administration ont été opportunes, dans le cadre de ses prérogatives administratives, et conformes aux articles 58 et 62 de la loi no 23551. Etant donné que l’action en amparo intentée par l’organisation plaignante a donné lieu à une action judiciaire qui est en cours, ce qui a conduit à la suspension à titre préventif de la résolution qui est contestée, et que l’administration a pris en compte cette décision, le traitement de la question à l’examen n’a pas lieu d’être.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 237. Dans le présent cas, l’Association des employés d’agents de douane (AEDA) conteste la résolution no 191/2008, du 12 mars 2008, du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale de la nation qui a déclaré, à la demande de 12 affiliés de l’AEDA (selon l’AEDA, elle compte un total de 2 100 affiliés), l’inefficacité juridique des décisions prises par l’assemblée générale ordinaire de l’AEDA qui s’est tenue le 26 avril 2007, en ce qui concerne le point 2 de l’ordre du jour de cette assemblée. Ce point portait sur l’examen du rapport, du bilan général, de l’inventaire, des dépenses et des ressources, et sur le rapport de la Commission d’examen des comptes correspondant à l’exercice clos le 31 décembre 2006 (la résolution no 191 a été annulée le 30 décembre 2008 par la Cour nationale d’appel). L’AEDA indique aussi que, après qu’elle a présenté la plainte au comité, la Direction nationale des associations syndicales, qui relève du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, a cherché à suspendre l’assemblée des affiliés prévue pour le 29 avril 2008 en vue de l’examen des états comptables de l’exercice financier de 2007 (l’organisation plaignante indique que, en vertu d’une résolution judiciaire, l’autorité administrative a été informée qu’elle devrait s’abstenir de suspendre, d’empêcher et d’entraver l’assemblée générale ordinaire de l’AEDA, et que cette décision a été observée, de sorte que cette question a été résolue).
  2. 238. A ce sujet, le comité prend note des observations suivantes du gouvernement: 1) conformément à ce qu’indique l’article 2 de la loi no 23551, dans son titre préliminaire qui porte sur la protection de la liberté syndicale, les travailleurs ont le droit de participer à la vie interne de l’organisation, et la liberté syndicale – individuelle, comme c’est le cas ici, ou collective – constitue un droit de l’homme essentiel. Par conséquent, l’Etat doit garantir l’exercice de la faculté qu’ont les travailleurs d’intervenir dans la vie interne de l’association; 2) cette faculté doit être préservée, quel que soit le nombre des personnes qui font état de la vulnérabilité d’un droit. Ainsi, rien ne justifie que la question du nombre d’affiliés puisse être prise en compte afin de délégitimer l’action de l’Etat; 3) le ministère agit à la suite d’une plainte formulée par un membre du syndicat qui semblait avoir été privé de l’exercice de son droit, étant donné qu’on ne lui avait pas fourni dans les délais impartis et sous la forme voulue les documents nécessaires pour exercer ce droit; 4) le ministère agit conformément à l’article 58 de la loi no 23551. Une plainte a été déposée au motif de l’exclusion de 12 affiliés que l’on a empêchés de prendre connaissance du rapport et du bilan, ce qui justifiait que l’Etat intervienne afin de protéger ce droit des travailleurs qui a été enfreint dans un Etat démocratique; 5) il n’a pas été porté atteinte aux dispositions des conventions nos 87 et 98 de l’OIT. L’action de l’Etat a visé à défendre un droit fondamental, celui qu’a un travailleur d’agir dans son syndicat; 6) lorsqu’une plainte est déposée selon les dispositions de l’article 62 de la loi no 23551, le ministère du Travail ne peut que la transmettre à la cour. Autrement dit, dans le cadre du contrôle judiciaire des actes de l’administration, il ne peut se prononcer sur aucun des aspects du contrôle. L’Etat national doit attendre la décision de la chambre de la cour qui a été saisie du recours pour déterminer l’action à mener; 7) la poursuite de l’activité administrative de l’Etat national, tant qu’il n’y a pas, en matière de droits de l’homme, de décision judiciaire contraire à la poursuite de cette activité comme c’est le cas ici, est légitime étant donné que les Etats ont le devoir de protéger ces garanties; 8) l’Etat a respecté la mesure provisoire que la justice a prise; 9) il est inexact que l’administration ne peut pas exercer un contrôle administratif dans le cas où il y aurait une plainte pour irrégularité au regard de l’article 58 de la loi no 23551, lequel établit que «le contrôle des organisations syndicales, même dans le cas où elles auraient obtenu la personnalité juridique en vertu des dispositions du droit commun, incombe exclusivement au ministère du Travail et de la Sécurité sociale». Ces facultés sont soumises à un contrôle judiciaire suffisant; et 10) étant donné que l’action en amparo interjetée par l’organisation plaignante est en instance judiciaire, ce qui a entraîné la suspension préventive de la résolution en question, et que cette décision a été respectée par l’administration, le traitement de la question à l’examen n’a pas lieu d’être.
  3. 239. Le comité fait observer tout d’abord que, selon les informations communiquées par l’organisation plaignante dans sa communication de février 2009, c’est-à-dire après l’envoi de la réponse du gouvernement, l’autorité judiciaire a ordonné d’annuler la résolution qui fait l’objet de la présente plainte. Le comité note que le problème évoqué par l’organisation plaignante dans la présente plainte a été résolu mais que l’organisation plaignante se déclare très intéressée par un examen sur le fond de la plainte.
  4. 240. En ce qui concerne les arguments du gouvernement, qui justifient son intervention pour déclarer la nullité de l’assemblée syndicale de l’AEDA à la suite d’une réclamation de 12 affiliés et au titre de l’article 58 de la loi no 23551 sur les associations syndicales (cet article dispose que le contrôle des associations syndicales incombe exclusivement au ministère du Travail et de la Sécurité sociale de la nation), le comité rappelle ce qui suit: «Un contrôle exercé de l’extérieur ne devrait intervenir que dans des cas exceptionnels, lorsqu’il existe des circonstances graves pour les justifier, car on courrait autrement le risque de restreindre le droit qu’ont les organisations de travailleurs, aux termes de l’article 3 de la convention no 87, d’organiser leur gestion et leur activité sans ingérence des pouvoirs publics de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal. Le comité a estimé qu’une loi qui confère un droit d’intervention à un fonctionnaire du pouvoir judiciaire, contre les décisions duquel il existe un recours devant la Cour suprême, et qui établit que la pétition déclenchant ladite intervention doit être appuyée par une fraction importante de la catégorie professionnelle intéressée, ne constitue pas une violation de ces principes.» [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 465.]
  5. 241. A ce sujet, le comité estime que 12 travailleurs affiliés sur 2 100, ce qui représente moins de 0,6 pour cent des affiliés, ne constituent pas une proportion importante de la catégorie professionnelle, et une situation susceptible de permettre à l’autorité administrative de restreindre les activités d’une organisation syndicale et d’altérer son fonctionnement normal, d’autant plus si cette action administrative est menée, comme dans le présent cas, en l’absence d’éléments de jugement ou de preuve, comme l’a indiqué expressément l’autorité judiciaire dans sa décision (l’organisation plaignante a adressé copie de cette décision). Dans ces conditions, le comité, rappelant l’article 3 de la convention no 87, veut croire que le gouvernement s’assurera qu’à l’avenir l’autorité administrative s’abstiendra d’intervenir dans les activités syndicales, par exemple en déclarant la nullité d’une assemblée syndicale, sauf dans les cas graves et à la demande d’un pourcentage significatif d’affiliés de l’organisation en question, ou lorsque l’intervention a été décidée par l’autorité judiciaire, conformément aux principes de la liberté syndicale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 242. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité, rappelant l’article 3 de la convention no 87, veut croire que le gouvernement s’assurera qu’à l’avenir l’autorité administrative s’abstiendra d’intervenir dans les activités syndicales, par exemple en déclarant la nullité d’une assemblée syndicale, sauf dans les cas graves et à la demande d’un pourcentage significatif d’affiliés de l’organisation en question, ou lorsque l’intervention a été décidée par l’autorité judiciaire, conformément aux principes de la liberté syndicale.
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