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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 355, Novembre 2009

Cas no 2686 (République démocratique du Congo) - Date de la plainte: 18-OCT. -08 - Clos

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  1. 1093. La plainte figure dans des communications en date du 18 octobre 2008 et du 31 mars 2009 envoyées par le Syndicat national des cadres, agents et employés des secteurs des services (SYNCASS). Par une communication datée du 16 juin 2009, UNI Global Union appuie cette plainte.
  2. 1094. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication en date du 6 mars 2009.
  3. 1095. La République démocratique du Congo a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 1096. L’organisation plaignante déclare représenter des cadres, agents et employés des secteurs des services sur tout le territoire national, en particulier dans le secteur de la santé. Elle fait état, dans le présent cas, d’ingérence dans les activités du comité du SYNCASS de la ville de Bandundu (Comité SYNCASS/BDD), lequel représenterait la majorité des groupes du personnel de santé, autres que les médecins.
  2. 1097. Dans ses communications en date du 18 octobre 2008 et du 31 mars 2009, le SYNCASS dénonce des actes d’ingérence dans ses activités de la part des autorités, en particulier le secrétaire général du ministère de la Santé, le gouverneur de la province de Bandundu et les médecins inspecteurs provinciaux des services de santé, cela en violation de l’article 235 du Code du travail.
  3. 1098. Le SYNCASS indique que la gestion du paiement de la prime de risque du personnel de santé est confiée à des syndicats. Les opérations de paiement sont effectuées par le Syndicat nationale des médecins (SYNAMED) pour les médecins et par le SYNCASS pour les autres groupes professionnels de la santé, à l’exception des pharmaciens et des dentistes. Cette pratique a débuté en 2004 lorsque, de manière consensuelle, et à l’initiative du SYNAMED, le ministère de la Santé a commencé à signer et expédier mensuellement les listes (listings) de paiement de la prime de risque aux ministres du Budget et des Finances. Ces listes étaient élaborées, d’une part, par SYNAMED et, d’autre part, par la Commission interprofessionnelle de la santé avec contreseing du SYNCASS. Selon l’organisation plaignante, c’est en partie en raison de l’absence de législation réglementant cette gestion et les détournements réguliers des salaires des agents, au niveau central et provincial, que le gouvernement a consenti à transférer la gestion directe du paiement de la prime de risque aux syndicats.
  4. 1099. Or l’organisation plaignante dénonce la décision unilatérale du 11 juillet 2008 du gouverneur de la province de Bandundu de créer une commission chargée de superviser les opérations de paie de la prime de risque du personnel de santé pour les groupes professionnels autres que les médecins en remplacement du Comité SYNCASS/BDD qui en avait jusqu’alors la responsabilité. Cette décision est qualifiée d’ingérence dans les activités du syndicat. Selon l’organisation plaignante, le gouverneur de la province de Bandundu a décidé de retirer au Comité SYNCASS/BDD la gestion de la prime de risque sous prétexte de détournement d’une partie de la prime de risque pour les mois de mai et juin 2008. L’organisation plaignante déclare que ni le gouverneur ni la commission chargée de superviser le paiement de la prime de risque par la suite n’ont cependant pu apporter des preuves irréfutables à l’appui de leurs accusations de détournement de fonds de la part du SYNCASS. En réalité, ces accusations constituent un moyen détourné du gouverneur d’obtenir la nomination d’un nouveau comité de SYNCASS/BDD, afin de collaborer avec des personnes de son choix et ainsi priver le comité légitime du SYNCASS des cotisations syndicales auxquelles il a droit en contrepartie des services qu’il rend aux bénéficiaires de la prime de risque.
  5. 1100. A cet égard, l’organisation plaignante dénonce la mise en place d’un comité provisoire «fantoche» lors d’une assemblée convoquée par l’Association nationale des infirmiers du Congo (ANIC) le 10 juillet 2008. Cette nomination a été faite en violation des statuts du SYNCASS. L’organisation plaignante fournit copie du procès-verbal de l’assemblée du 10 juillet 2008 dans lequel il est indiqué que la raison de la déchéance du comité est «de n’avoir pas reçu mandat de la majorité de toutes les bases». L’organisation plaignante fournit en outre copie d’une lettre de M. Willy Tazi Puli Thienabe et M. Théophile Tamukey Makuma, respectivement président et secrétaire du Comité provincial provisoire SYNCASS/BDD, laquelle indique la déchéance du Comité SYNCASS et l’élection du comité provisoire.
  6. 1101. L’organisation plaignante indique que, le 14 juillet 2008, le gouverneur a suspendu de leurs fonctions les trois principaux dirigeants du Comité SYNCASS/BDD, à savoir M. Simon Mambu, coordonateur provincial des écoles d’infirmiers et secrétaire exécutif provincial; M. Dieudonné Ilwa, technicien radiologue à l’hôpital général de Bandundu; et M. Blanchard Sukami, infirmier et trésorier provincial. Des actions disciplinaires seront par la suite engagées à l’encontre de ces trois dirigeants syndicaux. De plus, le gouverneur aurait le même jour ordonné au Procureur général près de la Cour d’appel de Bandundu de procéder à l’arrestation et à la détention de ces trois personnes. Ces derniers auraient été détenus du 14 au 25 juillet 2008, soit onze jours, ce qui est, selon l’organisation plaignante, bien au-delà des 48 heures prévues par l’article 18 de la Constitution.
  7. 1102. L’organisation plaignante dénonce le fait que toutes ces mesures de suspension, d’arrestation, de détention ainsi que les actions disciplinaires ont été prises bien avant que la commission chargée de superviser la gestion du paiement de la prime de risque n’ait rendu son rapport le 4 août 2008. Pour le SYNCASS, cela démontre que ces mesures sont en fait des attaques déguisées dont l’objectif est de porter atteinte à son fonctionnement car, en gérant le paiement de la prime de risque, M. Mambu, M. Ilwa et M. Sukami agissaient dans le cadre d’un mandat du syndicat. Par ailleurs, le secrétaire général du SYNCASS aurait également été arrêté par la police le 10 octobre 2008.
  8. 1103. Le SYNCASS allègue que ces trois dirigeants syndicaux ne peuvent plus exercer leurs mandats syndicaux. En effet, le gouverneur et le médecin inspecteur refuseraient de collaborer avec eux et qu’ils siègent à la commission qui gère actuellement le paiement de la prime de risque, laquelle est supervisée par le médecin inspecteur en lieu et place du responsable provincial du SYNCASS. De plus, l’organisation plaignante allègue qu’il leur a été interdit de quitter la ville de Bandundu.
  9. 1104. L’organisation plaignante indique également que, le 8 août 2008, alors que M. Mambu tentait de récupérer un courrier qui lui était destiné et qui contenait la liste des bénéficiaires de la prime de risque du mois de juillet 2008 auprès du responsable de l’agence «Fils de Bandundu», qui devait lui remettre le courrier, ce dernier a été intercepté par deux individus qui agissaient sur les instructions du médecin inspecteur provincial. A cet égard, l’organisation plaignante fournit en annexe de sa plainte une lettre du 11 août 2008 de MM. Mambu et Ilwa expliquant les événements et indiquant notamment que les deux personnes qui ont intercepté le courrier ont fait usage de la violence à l’encontre du responsable de l’agence «Fils de Bandundu».
  10. 1105. Par ailleurs, l’organisation plaignante allègue que la commission chargée de superviser le paiement de la prime de risque aurait ordonné la confiscation de l’ordinateur portable du Comité SYNCASS/BDD, sur ordre du gouverneur de la province, pour y rechercher des preuves de leurs accusations. Cependant, selon l’organisation plaignante, ces preuves n’auraient jamais été trouvées et l’ordinateur n’aurait jamais été rendu. Elle fournit à cet égard copie d’un rapport de mission ordonnée par le ministère de la Justice qui constate la saisie de l’ordinateur sur ordre du gouverneur, qu’aucune preuve à charge n’a pu y être trouvée et que, malgré cela, l’ordinateur n’a pas encore été restitué au syndicat, malgré ses demandes répétées.
  11. 1106. Le SYNCASS déclare en outre que, le 18 septembre 2008, le gouverneur a demandé au médecin inspecteur de la province de remettre à un autre syndicat, le FNPS/UNTC, la quotité de sa quote-part des cotisations, conduisant ainsi à une nouvelle répartition des cotisations syndicales. Or, selon l’organisation plaignante, la FNPS/UNTC serait un syndicat dont la présence et l’action n’est pas effective dans les services de santé publique.
  12. 1107. Par ailleurs, l’organisation plaignante dénonce la campagne médiatique des autorités destinée à la discréditer auprès des travailleurs. De plus, lors d’une réunion publique, le gouverneur aurait spécifiquement suggéré au personnel de la santé de Bandundu de se désaffilier collectivement du SYNCASS.
  13. 1108. En outre, l’organisation plaignante indique que la demande du Directeur des institutions de la santé, du 10 mars 2009, de mettre fin à la pratique qui consiste à faire retenir les cotisations syndicales à la source par les comptables de l’Etat lors du paiement de la prime de risque et d’établir à la place des mécanismes de récupération desdites cotisations par les propres membres du syndicats viole le point 12 du Protocole d’accord du 14 novembre 2007 signé entre l’Intersyndicale nationale du secteur public (syndicats SYNCASS et SOLCYCO) et le gouvernement qui s’était engagé à faciliter la retenue à la source des cotisations syndicales. L’organisation plaignante fournit en annexe une lettre du ministère de la Santé publique du 10 mars 2009 par laquelle cette demande a été formulée.
  14. 1109. L’organisation plaignante allègue que le conflit qui l’oppose au gouverneur de Bandundu montre le traitement discriminatoire des autorités à l’égard du personnel de santé autre que les médecins. A titre d’exemple, l’organisation plaignante dénonce l’attention accordée par les autorités aux revendications des représentants syndicaux des médecins alors que le SYNCASS et ses membres font l’objet d’intimidation.
  15. 1110. Selon l’organisation plaignante, ce traitement discriminatoire est une conséquence de la structure politico-administrative du système de santé du pays qui contribue à entretenir une attitude corporatiste au détriment de la majorité du personnel du secteur. Ainsi, les revendications des catégories du personnel de santé autre que celui représenté par le syndicat des médecins sont systématiquement ignorées. De même, l’avancement et les nominations aux postes de direction leur sont refusés, ce qui empêche leur présence dans les instances qui décident pourtant de leurs conditions d’emploi. L’organisation plaignante dénonce cette différence de traitement de fait qui empêche la prise en compte des revendications professionnelles de la majorité du personnel de santé et demande le rétablissement du dialogue entre les autorités et les représentants de l’action syndicale du secteur.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1111. Dans une communication en date du 6 mars 2009, le gouvernement indique que, suite à la plainte déposée par le SYNCASS, une délégation a été mandatée pour diligenter une enquête à Bandundu afin de vérifier les faits allégués par l’organisation plaignante. Cette délégation était composée du conseiller en charge des relations professionnelles et de l’inspection du travail et de l’inspecteur principal du travail de 1ère classe attaché à l’Inspection générale du travail.
  2. 1112. Dans le cadre de cette enquête, la délégation a rencontré le gouverneur de la province de Bandundu, le Procureur général de la République, le médecin inspecteur provincial, l’administrateur gérant de l’hôpital de référence de Bandundu, le comité directeur de l’Union nationale des travailleurs du Congo au Bandundu et une délégation du SYNCASS/Bandundu. En outre, elle a rencontré l’une des personnes incriminées, M. Mambu. Le gouvernement indique que, selon les conclusions de l’enquête, suite à de nombreuses réclamations des bénéficiaires de la prime de risque des professionnels de santé et administratifs auprès de la Division provinciale de la santé et du SYNCASS provincial, et constatant un climat de méfiance des bénéficiaires de la prime de risque envers le Comité SYNCASS, le gouverneur a décidé de mettre sur pied une commission provinciale chargée d’enquêter sur le paiement de la prime de risque des professionnels de santé et administratifs. Aux termes de ses investigations, il serait apparu que 9 495 672 FC avaient été frauduleusement détournés sur la prime du mois de mars 2008 par le Comité SYNCASS/BDD. Par la suite, cette somme aurait été restituée par les dirigeants du Comité SYNCASS/BDD. Cependant, selon le gouvernement, non seulement le Comité SYNCASS/BDD a également été sommé de justifier les déficits mensuels s’échelonnant de décembre 2007 à avril 2008, mais le gouverneur de la province a saisi les autorités judiciaires d’un recours pour détournement des primes de risque des professionnels de la santé, par des agents de l’Etat sous l’autorité du gouvernement provincial. Les personnes concernées par ce recours sont MM. Mambu et Ilwa.
  3. 1113. Le gouvernement indique que l’enquête menée par la délégation a fini par démontrer que le Comité SYNCASS/BDD détournait régulièrement des fonds de l’Etat destinés au paiement des primes de risque des professionnels de santé et administratifs. C’est ainsi que, conformément au Statut des agents de l’Etat et au décret-loi no 017/2002 du 3 octobre 2002 portant Code de conduite de l’agent public de l’Etat, l’autorité provinciale a suspendu de manière préventive de leurs fonctions administratives MM. Mambu et Ilwa. En outre, ils ont été sommés de justifier un déficit de 33 009 977 FC dans les opérations de paiement dont ils avaient la charge.
  4. 1114. De l’avis du gouvernement, dans le présent cas, il ne s’agit pas d’ingérence dans les activités du SYNCASS mais de la sanction d’agents de l’Etat qui se sont rendus coupables de détournement de fonds en violation des dispositions du décret-loi no 017/2002 du 3 octobre 2002 portant Code de conduite de l’agent public de l’Etat, et plus particulièrement de ses articles 29, 30 et 32. De plus, le gouvernement se réfère au principe du comité selon lequel, dans les cas impliquant l’arrestation, la détention ou la condamnation d’un dirigeant syndical, et tout en rappelant que l’intéressé devrait bénéficier d’une présomption d’innocence, il appartient au gouvernement de montrer que les mesures prises par lui n’ont pas leur origine dans les activités syndicales de la personne à laquelle lesdites mesures sont appliquées.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1115. Le comité note que le présent cas porte sur des allégations relatives à l’ingérence des autorités dans les activités d’un syndicat, à des arrestations et détentions de syndicalistes, à la saisie de correspondance et du matériel informatique du syndicat et au dénigrement public du syndicat.
  2. 1116. Le comité note que l’organisation plaignante dénonce la décision unilatérale du gouverneur de la province de Bandundu en juillet 2008 de créer une commission chargée de superviser le paiement de la prime de risque du personnel de santé pour les groupes professionnels autres que les médecins, pour les mois de mai et juin 2008, en retirant ainsi cette responsabilité qui était du ressort du Comité SYNCASS/BDD, conformément à un protocole d’accord signé avec le ministère de la Santé. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, cette décision, sous prétexte d’accusations non prouvées de détournement de fonds, constitue une ingérence dans les activités du syndicat. Le comité note que, d’après l’organisation plaignante, ces accusations de détournements de fonds seraient plutôt un moyen détourné du gouverneur d’obtenir la nomination d’un nouveau comité du SYNCASS/BDD, afin de collaborer avec des personnes de son choix et ainsi priver le comité légitime du SYNCASS des cotisations syndicales auxquelles il a droit en contrepartie des services qu’il rend aux bénéficiaires de la prime de risque.
  3. 1117. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle il a mandaté une délégation pour diligenter une enquête sur place afin de vérifier les faits allégués par l’organisation plaignante. Selon l’enquête, suite à de nombreuses réclamations des bénéficiaires de la prime de risques des professionnels de santé et administratifs auprès de la Division provinciale de la santé et du SYNCASS provincial et la méfiance grandissante des bénéficiaires de la prime de risque envers le Comité SYNCASS provincial, le gouverneur a décidé de mettre sur pied une commission provinciale chargée du paiement de la prime de risque des professionnels de santé et administratifs. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle l’enquête a conclu que le Comité SYNCASS/BDD détournait régulièrement des fonds de l’Etat destinés au paiement des primes de risque des professionnels de santé et administratifs.
  4. 1118. Le comité note les indications de l’organisation plaignante selon laquelle, le 14 juillet 2008, le gouverneur a suspendu de leurs fonctions administratives les trois principaux dirigeants du Comité SYNCASS/BDD, nommément M. Simon Mambu, secrétaire exécutif provincial, M. Dieudonné Ilwa et M. Blanchard Sukami, trésorier provincial. Le comité note l’indication que le même jour le gouverneur a instruit le Procureur général près la Cour d’appel de Bandundu d’ordonner l’arrestation et la détention, des trois syndicalistes, lesquels ont été détenus du 14 au 25 juillet 2008, soit onze jours, ce qui est, selon l’organisation plaignante, bien au-delà des 48 heures prévues dans la Constitution nationale. Par ailleurs, le 15 juillet 2008, des actions disciplinaires ont été engagées à l’encontre ces trois dirigeants syndicaux. Selon l’organisation plaignante, ces mesures de suspension, d’arrestation, de détention et d’actions disciplinaires ont été prises bien avant que la commission chargée de superviser la gestion du paiement de la prime de risque n’ait rendu son rapport le 4 août 2008. Cela démontre que ces mesures sont en fait des attaques déguisées dont l’objectif est de porter atteinte au fonctionnement du syndicat.
  5. 1119. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle, conformément au Statut des agents de l’Etat et au décret-loi no 017/2002 du 3 octobre 2002 portant Code de conduite de l’agent public de l’Etat, l’autorité provinciale a suspendu de manière préventive de leurs fonctions administratives MM. Mambu et Ilwa. Le comité note également l’indication du gouvernement selon laquelle le gouverneur a saisi la Cour d’appel de Bandundu d’un recours pour détournement des primes de risque des professionnels de la santé par des agents de l’Etat sous l’autorité du gouvernement provincial.
  6. 1120. Le comité note les informations contradictoires fournies par l’organisation plaignante et le gouvernement dans ce cas. Il constate que l’affaire repose sur des accusations de détournement de fonds à l’encontre de plusieurs dirigeants provinciaux du SYNCASS. Le comité est d’avis qu’il ne lui appartient pas en l’espèce, et au vu des éléments d’information dont il dispose, de déterminer les responsabilités, cette tâche incombant aux autorités judicaires dont il prendra acte des décisions le cas échéant. Par ailleurs, le comité relève que tant l’organisation plaignante que le gouvernement font état de l’arrestation, de la détention et de sanctions administratives envers les dirigeants syndicaux, nommément M. Mambu, M. Ilwa et M. Sukami, dès juillet 2008. Le comité note cependant l’indication selon laquelle la commission chargée d’enquêter sur le paiement des primes de risque qui a constaté les détournements de fonds a rendu son rapport en août 2008. A cet égard, le comité souhaite rappeler que les mesures privatives de liberté prises à l’encontre de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes impliquent un grave risque d’ingérence dans les activités syndicales et, lorsqu’elles obéissent à des motifs syndicaux, constituent une violation des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 65.] Le comité insiste notamment sur le risque que de telles mesures ne soient accompagnées de garanties judiciaires appropriées. S’agissant en outre des allégations sur la détention prolongée des syndicalistes, le comité rappelle que le fait que tout détenu doit être déféré sans délai devant la juridiction compétente constitue l’un des droits fondamentaux de l’individu et, lorsqu’il s’agit d’un syndicaliste, la protection contre toute arrestation et détention arbitraires et le droit à un jugement équitable et rapide font partie des libertés civiles qui devraient être assurées par les autorités afin de garantir l’exercice normal des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 98.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les conditions d’arrestation et de détention des dirigeants du SYNCASS/MM. Mambu, Ilwa et Sukami et, s’il s’avère que leur arrestation et détention n’ont pas respecté les principes rappelés ci-dessus, de prendre les mesures adéquates pour que de telles situations ne puissent se reproduire à l’avenir à l’encontre de syndicalistes.
  7. 1121. Par ailleurs, s’agissant des recours en justice et actions disciplinaires en cours, le comité note que ni l’organisation plaignante ni le gouvernement ne font état d’une décision rendue. Le comité rappelle que l’absence des garanties d’une procédure judiciaire régulière risque de conduire à des abus et de permettre que des dirigeants syndicaux soient victimes de décisions non fondées. Elle peut en outre créer un climat d’insécurité et de crainte susceptible d’influer sur l’exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil, op.cit., paragr. 106.] Le comité demande au gouvernement d’indiquer la nature et la situation des procédures judicaires ou administratives en instance à l’encontre des dirigeants syndicaux du SYNCASS/BDD au motif de détournement de fonds, les décisions rendues par les instances saisies et les suites éventuellement données.
  8. 1122. Le comité note que, de l’avis du gouvernement, les dirigeants du Comité SYNCASS/BDD, mis en cause dans le présent cas doivent être considérés comme ayant été sanctionnés non au titre des fonctions syndicales qu’ils assument, mais au titre de leur qualité d’agents de l’Etat sous la responsabilité de l’autorité provinciale. Il est ainsi infondé de parler d’ingérence des autorités dans les activités syndicales. Le comité note que l’organisation plaignante dénonce au contraire une ingérence dans ses activités sous la forme d’une attaque déguisée à l’encontre d’un comité provincial. A cet égard, le comité relève que tant le gouvernement que l’organisation plaignante reconnaissent la responsabilité dévolue au Comité SYNCASS/BDD, jusqu’en juillet 2008, pour le paiement des primes de risque du personnel de santé autre que les médecins dans la province. Le comité est amené à rappeler que, si des personnes menant des activités syndicales ou exerçant des fonctions syndicales ne peuvent prétendre à l’immunité vis-à-vis de la législation pénale ordinaire, les activités syndicales ne devraient pas en elles-mêmes servir de prétexte aux pouvoirs publics pour arrêter ou détenir arbitrairement des syndicalistes. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 72.]
  9. 1123. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, les trois dirigeants syndicaux ne peuvent plus exercer leurs fonctions syndicales et, de surcroît, se sont vus signifier l’interdiction de quitter la ville de Bandundu. Le comité note que le gouvernement ne fournit aucune information sur ces points. Le comité rappelle que l’imposition de sanctions telles que l’assignation à résidence pour motifs syndicaux constitue des violations des principes de la liberté syndicale et qu’il est inadmissible que des sanctions soient imposées par voie administrative. Le comité rappelle également qu’il est nécessaire, en ce qui concerne l’assignation à résidence, d’entourer cette procédure de toutes les sauvegardes nécessaires en vue de garantir qu’elle ne puisse pas être utilisée dans le but de porter atteinte au libre exercice des droits syndicaux. Le comité demande au gouvernement de fournir ses observations au sujet des allégations d’impossibilité pour les syndicalistes du SYNCASS/BDD d’exercer leurs mandats ainsi que de leur assignation à la ville de Bandundu.
  10. 1124. Le comité note la déclaration de l’organisation plaignante selon laquelle, le 8 août 2008, un courrier qui contenait la liste des bénéficiaires de la prime de risque du mois de juillet 2008, et destiné à M. Mambu, a été intercepté par deux individus agissant sur les instructions du médecin inspecteur provincial. Le comité note à cet égard une lettre du 11 août 2008, signée de MM. Mambu et Ilwa qui relatent les événements, laquelle mentionne que les deux individus ont fait usage de violence à l’encontre du responsable de l’agence «Fils de Bandundu» lors de l’interception du courrier. Le comité note que le gouvernement ne fournit aucune information à ce sujet. Le comité rappelle qu’un climat de violence se manifestant par des actes d’agression contre des locaux et des biens syndicaux constitue une sérieuse entrave à l’exercice des droits syndicaux, et de telles situations devraient appeler des mesures sévères de la part des autorités, en particulier la présentation des personnes présumées responsables devant une autorité judiciaire indépendante. [Voir Recueil, op.cit., paragr. 191.] Le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les allégations d’interception avec violence du courrier du SYNCASS/BDD ordonnée par le médecin inspecteur provincial et, si elles sont avérées, de prendre les mesures nécessaires pour sanctionner les responsables afin que de tels actes ne puissent se reproduire à l’avenir.
  11. 1125. Le comité note l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle la commission chargée de superviser le paiement de la prime de risque aurait ordonné la confiscation de l’ordinateur portable du Comité SYNCASS/BDD, sur ordre du gouverneur de la province, pour y rechercher des preuves de leurs accusations. Le comité note que ces preuves n’auraient jamais été trouvées mais que l’ordinateur n’aurait jamais été rendu. Le comité note le rapport d’une mission ordonnée par le ministère de la Justice qui constate effectivement la saisie de l’ordinateur portable du SYNCASS/BDD sur ordre du gouverneur et la mention selon laquelle celui-ci n’a pas encore été restitué au syndicat, malgré ses demandes répétées. Le comité note que le gouvernement ne fournit aucune information sur cette question. Le comité rappelle avec préoccupation que l’inviolabilité des locaux et biens syndicaux constitue l’une des libertés civiles essentielles pour l’exercice des droits syndicaux. Il rappelle également que les perquisitions des locaux syndicaux ne devraient avoir lieu que sur mandat de l’autorité judiciaire ordinaire, lorsque cette autorité est convaincue qu’il y a de solides raisons de supposer qu’on trouvera sur les lieux les preuves nécessaires à la poursuite d’un délit de droit commun, et à la condition que la perquisition soit limitée aux objets qui ont motivé la délivrance du mandat. [Voir Recueil, op.cit., paragr. 178 et 185.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement d’indiquer si l’ordinateur portable du Comité SYNCASS/BDD lui a été restitué et, dans la négative, de prendre les mesures nécessaires, en l’absence d’un mandat judiciaire ordonnant le contraire, pour sa restitution à l’organisation syndicale sans délai et pour assurer à l’avenir le strict respect des principes rappelés sur la perquisition des biens et des locaux syndicaux.
  12. 1126. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, les autorités sont engagées dans une campagne médiatique de dénigrement du SYNCASS auprès des travailleurs. De plus, l’accès aux médias lui est rendu difficile. A cet égard, le comité souhaite rappeler que le droit d’exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement est l’un des éléments essentiels des droits syndicaux. De même, la liberté d’expression dont devraient jouir les organisations syndicales et leurs dirigeants devrait également être garantie lorsque ceux-ci veulent formuler des critiques à l’égard de la politique économique et sociale du gouvernement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 155 et 157.]
  13. 1127. Le comité note l’indication de l’organisation plaignante selon laquelle la demande du Directeur des institutions de la santé, du 10 mars 2009, de mettre fin à la pratique qui consiste à retenir les cotisations syndicales à la source par les comptables de l’Etat lors du paiement de la prime de risque et d’établir à la place des mécanismes de récupération desdites cotisations par les propres membres du syndicat viole le point 12 du Protocole d’accord du 14 novembre 2007 signé entre l’Intersyndicale nationale du secteur public et le gouvernement. Le comité note que le gouvernement ne fournit aucune information à ce sujet. Le comité tient à rappeler que la suppression de la possibilité de retenir les cotisations à la source, qui pourrait déboucher sur des difficultés financières pour les organisations syndicales, n’est pas propice à l’instauration de relations professionnelles harmonieuses et devrait donc être évitée. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 475.] Le comité demande au gouvernement de fournir copie du Protocole d’accord du 14 novembre 2007 qui donnerait compétence exclusive au SYNCASS de gérer la prime de risque, de même que de fournir des explications à l’égard du changement de la pratique de la retenue à la source des cotisations syndicales.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1128. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les conditions d’arrestation et de détention des dirigeants du SYNCASS, MM. Mambu, Ilwa et Sukami, et, s’il s’avère que leur arrestation et détention n’ont pas respecté les principes rappelés en matière d’arrestation et de détention de syndicalistes, de prendre les mesures adéquates pour que de telles situations ne puissent se reproduire à l’avenir à l’encontre de syndicalistes.
    • b) Le comité demande au gouvernement d’indiquer la nature et la situation des procédures judicaires ou administratives en instance à l’encontre des dirigeants syndicaux du SYNCASS/BDD au motif de détournement de fonds, les décisions rendues par les instances saisies et les suites éventuellement données.
    • c) Le comité demande au gouvernement de fournir ses observations au sujet des allégations d’impossibilité pour les syndicalistes du SYNCASS/BDD d’exercer leurs mandats ainsi que de leur assignation à la ville de Bandundu.
    • d) Le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les allégations d’interception avec violence du courrier du SYNCASS ordonnée par le médecin inspecteur provincial et, si elles sont avérées, de prendre les mesures nécessaires pour sanctionner les responsables afin que de tels actes ne puissent se reproduire à l’avenir.
    • e) Le comité demande au gouvernement d’indiquer si l’ordinateur portable du Comité SYNCASS/BDD lui a été restitué et, dans la négative, de prendre les mesures nécessaires, en l’absence d’un mandat judiciaire ordonnant le contraire, pour sa restitution à l’organisation syndicale sans délai et pour assurer à l’avenir le strict respect des principes rappelés sur la perquisition des biens et des locaux syndicaux.
    • f) Le comité demande au gouvernement de fournir copie du Protocole d’accord du 14 novembre 2007 qui donnerait compétence exclusive au SYNCASS de gérer la prime de risque, de même que de fournir des explications à l’égard du changement de la pratique de la retenue à la source des cotisations syndicales.
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