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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 357, Juin 2010

Cas no 2687 (Pérou) - Date de la plainte: 13-NOV. -08 - Clos

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  1. 876. La plainte figure dans une communication de la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP) en date du 13 novembre 2008.
  2. 877. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par une communication en date du 20 novembre 2009.
  3. 878. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 879. Dans une communication en date du 13 novembre 2008, la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP) allègue que le Syndicat des travailleurs affectés aux services de la municipalité de Coronel Portillo (SMSER-MPCP), qui lui est affilié, a été constitué le 27 janvier 2008 lors d’une assemblée qui s’est tenue à Pucallpa et à laquelle ont participé 72 travailleurs de la propreté publique (42 hommes et 32 femmes) de la municipalité de Coronel Portillo.
  2. 880. Le 18 mars 2008, le secrétaire général du syndicat a présenté la demande d’enregistrement du syndicat devant la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi d’Ucayali (DRTPE), en y joignant les justificatifs exigés par le décret suprême no 0032004-TR bien que l’article 2 du décret suprême no 003-2004-TR, paragraphe 3, dispose que l’enregistrement est un acte purement formel qui est effectué de manière automatique sur la seule présentation des pièces justificatives (copie du procès-verbal de constitution, liste des membres du comité de direction élu, copie de ses statuts approuvés en assemblée et liste complète de ses membres dûment identifiés). Cependant, par un arrêté sous-directorial no 013-2008-DRTPE-SD-NC-RG-UC, du 24 mars 2008, la DRTPE a refusé d’enregistrer le syndicat, sous prétexte principalement que: a) la demande ne spécifie pas le régime de travail auquel appartiennent les travailleurs, public ou privé (décret législatif no 276 ou décret législatif no 728); et b) le personnel membre du syndicat en question est engagé par la municipalité provinciale de Coronel Portillo via des contrats pour services non personnels (SNP), qui sont régulés par les normes du Code civil (location de services), modalité qui n’est assujettie à aucun régime de travail public ou privé.
  3. 881. Le 31 mars 2008, le secrétaire général du Syndicat des travailleurs affectés aux services de la municipalité provinciale de Coronel Portillo a interjeté appel contre le décret sous-directorial no 013-2008-DRTPE-SD-NC-RG-UC. Le supérieur hiérarchique, par la décision directoriale no 025-2008-DRTPE-DPSC-D, du 29 avril 2008, a révoqué la décision qui faisait l’objet du recours et a ordonné que la sous-direction des enregistrements généraux procède à l’inscription et à la reconnaissance de l’organisation syndicale contestatrice. Par la suite, par la décision directoriale régionale no 029-2008- GRU-DRTPE-UCAYALI-D, du 4 juin 2008, le directeur régional du travail et de la promotion de l’emploi, en vertu de l’article 202 de la loi no 27444, décide d’office de déclarer la décision directoriale no 025-2008-DRTPE-DPSC-D nulle et non avenue, portant ainsi atteinte au droit constitutionnel d’organisation et affectant la liberté syndicale consacrée dans la Constitution et dans les conventions nos 87 et 98 de l’OIT ratifiées par l’Etat du Pérou.
  4. 882. L’organisation plaignante indique que la sous-directrice aux registres généraux et aux expertises n’a pas pris en considération le fait que, parmi les syndiqués, figurent des travailleurs qui sont employés depuis trois, cinq et sept ans de manière permanente, qu’ils sont assujettis à des horaires de travail et sont sous les ordres et la dépendance de leur employeur (la municipalité provinciale de Coronel Portillo). Selon l’organisation plaignante, la fonctionnaire en question n’a pas tenu compte de l’inspection effectuée par la sous-direction des inspections (que l’organisation plaignante envoie en annexe) dans laquelle l’existence d’une relation de travail entre les membres du syndicat et la municipalité provinciale de Coronel Portillo est reconnue. La direction régionale du travail du gouvernement régional d’Ucayali tente ainsi de dissimuler de manière illégale l’existence de relations de travail avec les travailleurs membres du syndicat. D’autre part, les contrats pour services non personnels signés entre la municipalité provinciale de Coronel Portillo et les membres du syndicat ont été convertis, à partir du 29 juin 2008, en contrats administratifs de services, modalité contractuelle régulée par le décret législatif no 1057. Il s’agit d’un régime spécial de recrutement applicable à toute entité publique assujettie au décret législatif no 276, loi-cadre sur la carrière administrative et les rémunérations dans le secteur public (comme c’est le cas de la municipalité de Coronel Portillo) et à d’autres normes qui régulent les carrières administratives spéciales.
  5. 883. Cette restriction apportée au droit à la liberté syndicale, selon l’organisation plaignante, viole les dispositions de la convention no 87 et de l’article 28 de la Constitution qui établit que l’Etat garantit la liberté syndicale et encourage la négociation collective; l’article 42 de la norme constitutionnelle reconnaît le droit d’organisation aux fonctionnaires. De même, l’article 23 de la Constitution établit qu’«aucune relation de travail ne peut limiter l’exercice des droits constitutionnels, ni ignorer la dignité du travailleur ou la rabaisser» et l’article 2, alinéa 2, reconnaît le droit à l’égalité devant la loi signalant que «nul ne doit être discriminé pour son origine, sa race, son sexe, sa langue, sa religion, son opinion, sa condition économique ou autre».

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 884. Dans une communication en date du 20 novembre 2009, le gouvernement déclare que le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi, afin de prendre position en tant que gouvernement face à la demande concernant la faisabilité, la viabilité et les incidences de la reconnaissance du droit à la liberté syndicale pour le personnel engagé sous le régime des contrats administratifs de services, a demandé, par la note no 254-2009-MTPE/9.1, du 30 mars 2009, une information au secrétariat à l’administration publique de la présidence du Conseil des ministres et, par la note no 953-2009-MTPE/9.1, du 23 octobre 2009, à l’autorité nationale pour la fonction publique (SERVIR), leur position vis-à-vis de la présente problématique. Il convient d’indiquer que le décret législatif no 1057 du 28 juin 2008 régule le régime spécial de contrats administratifs de services (RECAS), entendu comme la modalité de recrutement de l’administration publique, exclusive à l’Etat, qui lie une entité publique à une personne naturelle qui preste ses services de manière non autonome. Ladite modalité est régie par des normes du droit public et confère aux parties uniquement les avantages et les obligations établies dans la norme en question et le règlement approuvé par le décret suprême no 075-2008-PCM.
  2. 885. Le gouvernement signale que le secrétariat à l’administration publique de la présidence du Conseil des ministres est l’organe chargé de coordonner et de diriger le processus de modernisation de l’administration publique et est compétent en matière de fonctionnement et d’organisation de l’Etat; d’autre part, l’autorité nationale pour la fonction publique (SERVIR) est l’organisme possédant la plus haute autonomie dans les dispositions de la loi organique du pouvoir exécutif pour réguler, superviser et conseiller les entités publiques dans leur gestion des ressources humaines et pour mettre en œuvre la réforme de la fonction publique dans le long terme, c’est pourquoi l’opinion technique de ces deux organismes est d’une importance capitale.
  3. 886. Le gouvernement conclut en indiquant que, dès qu’il aura reçu l’information demandée aux deux organismes, une décision sera prise et sera portée à la connaissance du Bureau international du Travail.
  4. 887. Le gouvernement fait parvenir en annexe une copie de la note du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi adressée à la présidente exécutive de l’autorité nationale pour la fonction publique demandant une information sur le problème du droit d’organisation des personnes engagées sous contrat de services non personnels (actuellement dénommé contrat administratif de services). Egalement, dans une autre note, le secrétariat à l’administration publique de la présidence du Conseil des ministres demande à la présidente de l’autorité nationale pour la fonction publique de désigner un représentant en vue de discuter de la faisabilité, de la viabilité et des incidences de la reconnaissance du droit à la liberté syndicale pour les personnes engagées sous le régime de contrats administratifs de services, vu que, du point de vue strictement juridique et conformément à la définition donnée par le décret législatif no 1057, le contrat administratif de services est une modalité spéciale propre au droit administratif et exclusif de l’Etat et n’est pas assujetti à la loi-cadre sur la carrière administrative, au régime de travail de l’activité privée ni à d’autres normes régulant les carrières administratives spéciales, vu que le droit à la liberté syndicale est un droit dont jouissent, conformément à la Constitution politique du Pérou, uniquement les travailleurs. D’autre part, la note signale que, considérant que le décret législatif no 1057 a été élaboré et énoncé par le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi, c’est ce dernier qui est chargé des questions de droit collectif du travail et qu’il existe actuellement une autorité nationale pour la fonction publique; tenant compte du fait que la réponse qu’il faudra donner au BIT sera la position de l’Etat du Pérou, une réunion de coordination est considérée comme nécessaire avant toute décision sur cette question. C’est pourquoi, la note en question informe que ladite réunion se tiendra le mardi 21 avril 2009, à la présidence du Conseil des ministres.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 888. Le comité observe que dans la présente plainte l’organisation plaignante conteste la décision du ministère du Travail en date du 24 mars 2008 de refuser d’enregistrer le Syndicat des travailleurs affectés aux services de la municipalité de Coronel Portillo, qui regroupe les travailleurs de la propreté publique, en se basant sur le fait que la demande d’enregistrement ne spécifie pas le régime de travail auquel appartiennent les travailleurs (public ou privé) et que le personnel membre du syndicat est engagé par ladite municipalité via des contrats pour services non personnels, régulés par les normes du Code civil sur la location de services. Selon l’organisation plaignante, dans un procès-verbal de l’inspection du travail, qu’elle envoie en annexe, la direction des inspections a reconnu l’existence d’une relation de travail entre ces travailleurs et la municipalité et que ces travailleurs sont employés depuis trois, cinq ou sept ans de manière permanente, qu’ils sont assujettis à des horaires de travail et dépendent de la municipalité; depuis juin 2008, les contrats de ces travailleurs membres du syndicat ont été convertis en contrats administratifs de services aux entités publiques, régulés par le décret législatif no 1057. Selon l’organisation plaignante, dans le présent cas, on cherche à dissimuler l’existence d’une relation de travail entre les syndiqués et la municipalité.
  2. 889. Le comité prend note de la réponse du gouvernement qui indique que, en mars et octobre 2009, il a demandé une information au secrétariat à l’administration publique de la présidence du Conseil des ministres et à l’autorité nationale pour la fonction publique sur leur position en ce qui concerne la faisabilité et la viabilité de concéder la reconnaissance du droit à la liberté syndicale au personnel (personnes naturelles) engagé sous le régime de contrats administratifs de services. Le comité prend note de ce que, selon le gouvernement, les autorités ont convoqué pour le 21 avril 2009 une réunion sur cette question entre les représentants du secrétariat à l’administration publique de la présidence du Conseil des ministres, l’autorité nationale pour la fonction publique et le ministère du Travail et de la promotion de l’emploi. Le comité observe que le gouvernement n’indique pas si cette réunion a eu lieu, et si oui quels ont été ses résultats.
  3. 890. Le comité regrette que la question du droit d’organisation du personnel engagé sous le régime des contrats administratifs de services n’ait pas encore été résolue bien que la présente plainte ait été présentée en novembre 2008. Le comité note également avec regret que le gouvernement n’a pas répondu à l’allégation selon laquelle la décision du ministère du Travail de refuser l’enregistrement du syndicat cherche à dissimuler l’existence d’une relation de travail entre les syndiqués et la municipalité. A cet égard, le comité prend note d’un procès-verbal de l’inspection du travail, daté du 25 avril 2008, envoyé en annexe par l’organisation plaignante, attestant que les travailleurs de la propreté publique ont un horaire fixe et qu’ils ont de un à dix ans de service; dans ledit procès-verbal, il est indiqué que «chaque travailleur travaille pour la propreté publique sous le statut d’ouvrier».
  4. 891. Le comité souhaite rappeler que la convention no 87, et plus particulièrement le droit de constituer des organisations, s’applique à tous les travailleurs «sans aucune distinction» avec la seule exception possible des forces armées et de la police, et considère donc que les travailleurs de la propreté publique de la municipalité de Coronel Portillo devraient jouir des garanties de la convention. Tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, doivent avoir le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier, qu’il s’agisse de travailleurs permanents ou de travailleurs recrutés pour une période temporaire, ou de travailleurs temporaires. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 255.] Le comité exprime donc le ferme espoir que les autorités prendront pleinement en compte ce principe lors de leur examen du droit d’organisation du personnel des entités publiques engagé sous le régime des contrats administratifs de services et que la décision prise par le gouvernement sera adoptée sans délai et permettra aux membres du syndicat des travailleurs affectés aux services de la municipalité de Coronel Portillo d’obtenir l’enregistrement. Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 892. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Rappelant que les travailleurs de la propreté publique de la municipalité de Coronel Portillo devraient pouvoir jouir des garanties de la convention no 87 et, en particulier, du droit de constituer des organisations, le comité exprime le ferme espoir que les autorités prendront pleinement en compte ce principe lors de l’examen que les autorités effectuent sur le droit d’organisation du personnel des entités publiques engagé sous le régime de contrats administratifs de services et que la décision prise par le gouvernement sera adoptée sans délai et permettra aux membres du Syndicat des travailleurs affectés aux services de la municipalité de Coronel Portillo d’obtenir l’enregistrement. Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
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