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Rapport intérimaire - Rapport No. 358, Novembre 2010

Cas no 2739 (Brésil) - Date de la plainte: 02-NOV. -09 - Clos

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  1. 289. La plainte figure dans une communication en date du 2 novembre 2009 de la Force syndicale (FS), la Nouvelle centrale syndicale des travailleurs du Brésil (NCST), l’Union générale des travailleurs (UGT), la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), la Centrale des travailleurs et travailleuses du Brésil (CTV) et la Centrale générale des travailleurs du Brésil (CGTB). La Fédération syndicale mondiale (FSM) s’est associée à la plainte par une communication en date du 27 novembre 2009.
  2. 290. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date du 18 décembre 2009 et du 11 octobre 2010.
  3. 291. Le Brésil n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 292. Dans une communication en date du 2 novembre 2009, la Force syndicale (FS), la Nouvelle centrale syndicale des travailleurs du Brésil (NCST), l’Union générale des travailleurs (UGT), la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), la Centrale des travailleurs et travailleuses du Brésil (CTV) et la Centrale générale des travailleurs du Brésil (CGTB) déclarent que le Procureur général du travail (un organe indépendant de l’exécutif et du judiciaire) (MPT) a fait preuve d’ingérence aux dépens des entités syndicales de premier, deuxième et troisième niveau, soit par voie administrative, soit par voie judiciaire. En outre, elles allèguent que les services du procureur de l’Etat engagent des procédures judiciaires contre les syndicats de travailleurs. Le pouvoir judiciaire rend également des jugements qui constituent des actes d’ingérence dans la vie des syndicats. Les organisations plaignantes affirment que tout l’appareil judiciaire et ses auxiliaires travaillent activement au démantèlement des organisations de travailleurs en faisant preuve d’ingérence et d’intervention, sans que les motifs en soient connus.
  2. 293. Les organisations plaignantes font savoir que l’article 127 de la Constitution fédérale établit que le MPT est l’institution permanente, essentielle pour la fonction juridictionnelle de l’Etat, et que c’est à lui qu’incombe la défense du système juridique, du régime démocratique et des intérêts sociaux et individuels. Cependant, les organisations plaignantes affirment que, dénaturant le rôle que lui a attribué le législateur, le MPT accroît ses attributions, outrepassant ainsi la limite de ses compétences et redéfinissant ses droits. En particulier, le MPT réinterprète la liberté syndicale depuis une optique pseudo-utilitariste d’«une liberté syndicale brésilienne», engageant des procédures judiciaires contre les organisations de travailleurs et demandant au pouvoir judiciaire d’annuler des clauses qui ont été acquises suite à des négociations collectives.
  3. 294. Ces mesures sont assorties de demandes de condamnations à des amendes si excessives qu’elles obligent les syndicats à se dissoudre. Les organisations plaignantes mentionnent de nombreux exemples d’actes d’ingérence antisyndicale du MPT en ce qui concerne les clauses de conventions collectives relatives à des cotisations syndicales, des condamnations à des amendes pour les syndicats, des décisions dans lesquelles il est considéré que la perception de la cotisation syndicale de soutien viole les principes de la liberté syndicale, etc. Les organisations plaignantes estiment que le MPT ne s’appuie pas sur des dispositions légales et encore moins constitutionnelles pour recourir au pouvoir judiciaire en engageant des procédures visant à interférer dans le système de soutien financier des organisations syndicales, mais qu’il se fonde sur des décisions du pouvoir judiciaire comme par exemple la «súmula» (jurisprudence des tribunaux supérieurs ayant pour objectif l’uniformisation de l’interprétation du droit) no 666 de la Cour suprême fédérale et le précédent normatif no 19 du Tribunal supérieur du travail (TST). Les organisations plaignantes estiment que l’ingérence dont fait preuve le pouvoir judiciaire dans les activités syndicales constitue une violation du principe de la liberté syndicale consacré par les conventions de l’OIT et par la Constitution nationale dans son article 8, ainsi qu’une violation du principe de la séparation des trois pouvoirs de l’Etat. Le MPT, les services du procureur et le pouvoir judiciaire portent atteinte à la liberté syndicale en interférant directement dans le mode de financement des entités syndicales et dans l’administration interne de celles-ci. L’ingérence du pouvoir public viole le principe de la liberté syndicale au niveau interne et au niveau international.
  4. 295. Les organisations plaignantes affirment que, outre les mesures prises par le MPT pour engager des actions en justice dans le but d’affaiblir les organisations syndicales et de les rendre inopérantes en intervenant dans leur gestion financière, les services du procureur de l’Etat de São Paulo font tout pour empêcher les syndicats de travailleurs de déclencher des grèves et de mener des mouvements de revendication en engageant des procédures judiciaires qui entraînent obligatoirement des condamnations pour dommages moraux en faveur de l’Etat.
  5. 296. Les organisations plaignantes ajoutent que non seulement le MPT et les services du procureur de l’Etat font preuve d’ingérence, mais, en plus, le pouvoir judiciaire prend des mesures par lesquelles il avalise les actions desdits organes et rend des jugements qui affectent le mouvement syndical et lui portent atteinte. Par exemple, le Tribunal suprême fédéral, lors d’une uniformisation des jugements, a pris la décision «súmula no 666» relative aux cotisations confédérales. Dans ledit jugement, le Tribunal suprême fédéral établit que la cotisation confédérale à laquelle fait référence l’article 8, IV, de la Constitution du Brésil n’est exigible qu’aux membres des syndicats respectifs. Le TST a également rendu le jugement no 119 concernant les cotisations de soutien, jugement dans lequel il établit: «la Constitution de la République, dans les articles 5, XX, et 8, V, garantit le droit de libre association et d’organisation syndicale. Est contraire à ladite liberté d’association et d’organisation syndicale toute clause d’un accord, d’une convention collective ou d’un jugement normatif établissant une cotisation en faveur de l’organisation syndicale au titre de taxe de contribution au système de confédération, d’assistance ou de renforcement syndical ou tout autre taxe du même ordre, qui obligerait les travailleurs non syndiqués. Les dispositions n’observant pas cette restriction sont nulles et non avenues, et les prélèvements effectués de manière irrégulière sont susceptibles de donner lieu à des remboursements.» Les organisations plaignantes affirment que les tribunaux régionaux prennent des décisions allant dans le même sens. Les organisations plaignantes mentionnent de nombreuses décisions de tribunaux régionaux qui annulent des clauses de conventions collectives prévoyant des cotisations de soutien à acquitter par des travailleurs non syndiqués, décisions dans lesquelles le MPT figure comme acteur des demandes.
  6. 297. Les organisations plaignantes affirment que les preuves avancées témoignent de ce que les décisions prises dans les assemblées générales de travailleurs, qui sont le plus haut organe et l’organe souverain des syndicats, sont ignorées. La procédure suivie par le MPT consiste à notifier aux présidents des syndicats qu’ils doivent comparaître à une audience dans leurs locaux, audience au cours de laquelle il leur est présenté un accord de bonne conduite. Ensuite, selon une manœuvre combinant chantage et manipulation, le dirigeant est obligé de signer ledit accord de conduite, très souvent hors de la présence d’un avocat qui pourrait lui donner des explications ou le défendre face aux menaces (au cas où il ne signerait pas, il se rendrait coupable de différentes fautes et serait passible d’amendes). L’accord de bonne conduite contient différentes obligations telles que celle de ne pas imposer de cotisations aux travailleurs, membres et non membres du syndicat, servant à «maintenir» l’activité syndicale. Les organisations plaignantes soulignent que l’assemblée générale qui a autorisé les représentants des travailleurs à mener des négociations avec les syndicats patronaux regroupait toute la catégorie professionnelle, et pas seulement les membres du syndicat, étant donné que tous les travailleurs bénéficient des avancées obtenues. Il est donc totalement absurde, pour un dirigeant, de renoncer unilatéralement à ces avantages face au MPT sans le consentement de ses représentants.
  7. 298. Les organisations plaignantes estiment que les faiblesses de l’argumentation selon laquelle le prélèvement des cotisations viole la liberté syndicale sont ainsi démontrées, puisque la convocation à l’assemblée générale est ouverte à tous les travailleurs de la catégorie, et leur vote a le même poids que celui des travailleurs membres. En outre, toutes les avancées obtenues au fil du temps grâce à l’acharnement des syndicats de travailleurs sont appliquées à tous les travailleurs de la catégorie, y compris ceux qui ne participent pas aux assemblées et qui ne sont pas syndiqués; il est donc clair que le prélèvement d’une cotisation de soutien auprès de tous les travailleurs, qu’ils soient ou non membres du syndicat, est nécessaire au bon déroulement des activités menées par le syndicat dans les discussions et dans les luttes en faveur de la catégorie professionnelle.
  8. 299. Les organisations plaignantes ajoutent que les cotisations de soutien en question sont prévues dans l’article 513, alinéa e), de la consolidation des lois sur le travail (CLT) et sont codifiées dans les clauses des conventions collectives de travail et dans les statuts des syndicats. L’article 513 de la CLT dispose qu’il appartient aux syndicats d’imposer des cotisations à tous ceux qui font partie des catégories économiques ou professionnelles ou des professions libérales représentées. Les organisations plaignantes estiment qu’il est pleinement démontré que le prélèvement de la cotisation de soutien est légitime et est légalement reconnu dans la CLT et dans la Constitution du Brésil par la disposition de l’article 8 relatif aux conventions collectives de travail.
  9. 300. D’autre part, les organisations plaignantes estiment que le MPT viole la décision souveraine de l’assemblée des organisations de travailleurs, dont la protection légale est prévue dans l’article 8, alinéa IV, de la Constitution de la République fédérale du Brésil. L’ingérence dont fait preuve le MPT viole la liberté syndicale dans le sens où elle freine directement l’autorégulation et les ressources financières des syndicats. Le pouvoir judiciaire et le MPT refusent de reconnaître que les syndicats défendent la catégorie dont le concept s’applique à tous les travailleurs, qu’ils soient membres du syndicat ou non.
  10. 301. Les organisations plaignantes affirment que les syndicats au Brésil représentent la catégorie professionnelle, conformément aux dispositions de l’article 511 de la CLT et de l’article 8 de la Constitution fédérale. Ce mode de représentation par catégorie présuppose que toutes les avancées et tous les avantages, que ce soit pour de meilleurs salaires ou de meilleures conditions d’emploi, ont un effet d’extension à tous les travailleurs, qu’ils soient ou non syndiqués. L’extension des avancées à tous les travailleurs est un progrès vu qu’elle accorde au travailleur qui ne peut pas se syndiquer à cause de l’opposition patronale les mêmes avantages que ceux dont jouissent les travailleurs syndiqués, en vertu de l’effet erga omnes de la négociation collective. Il est entendu qu’il devrait en être de même sur le plan du soutien financier des organisations syndicales qui, selon la conception des pouvoirs de l’Etat dont l’attitude est contestée, devrait uniquement être à la charge des travailleurs membres des syndicats. Ceci engendre une discrimination antisyndicale aux dépens des membres des syndicats et les pousse à y renoncer.
  11. 302. Les pratiques antisyndicales promues par le MPT et le pouvoir judiciaire visent à porter atteinte à la décision de l’assemblée des travailleurs. Elles ajoutent que, par contre, les organisations d’employeurs peuvent établir les cotisations qu’elles estimeraient pertinentes sans ingérence des pouvoirs publics. Enfin, les organisations plaignantes demandent au comité que soit évaluée la possibilité d’envoyer une mission de contacts directs pour recouper des informations, engager un dialogue et chercher des solutions en ce qui concerne les allégations.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 303. Dans une communication en date du 18 décembre 2009, le gouvernement fait parvenir les observations du MPT. Le représentant du MPT déclare que la réglementation du travail au Brésil, par la consolidation des lois sur le travail de 1943, était caractérisée par une intervention excessive de l’Etat, tant au niveau législatif que dans le domaine administratif, un syndicat unique et une cotisation obligatoire prévue par la loi, ainsi que de sévères restrictions apportées au droit de grève, et par le pouvoir de réglementation de la justice du travail. L’accent mis sur la protection individuelle des intérêts du travailleur par le droit du travail a réduit l’importance de la protection collective des intérêts par les syndicats. L’ouverture politique qui a commencé dans les années qui ont précédé la Constitution du Brésil de 1988 doit être considérée dans le contexte d’un endettement extérieur du pays, de crises économiques successives et de la pression d’un marché globalisé. Suite à cela, des mécanismes d’assouplissement ont été introduits dans le droit du travail, et les syndicats se sont vus obligés de les appliquer et en même temps d’établir des limites face aux abus que les reculs dans les conditions de travail des travailleurs pouvaient engendrer, vu que l’attention de l’Etat était concentrée sur les questions économiques. Afin qu’ils soient en mesure d’assumer leurs nouvelles responsabilités, il fallait que les syndicats soient libres et forts et que les dirigeants syndicaux adoptent de nouvelles stratégies.
  2. 304. La Constitution du Brésil de 1988, qui repose sur la dignité de la personne humaine et sur les principes démocratiques, a modifié de façon significative la structure syndicale qui prévalait depuis plusieurs décennies avant sa promulgation. Le MPT a assumé une position prépondérante pour promouvoir la défense des intérêts sociaux et individuels inaliénables des travailleurs, tout particulièrement leurs droits fondamentaux. C’est pourquoi le fait d’affirmer que le MPT viole un droit fondamental tel que la liberté syndicale constitue une contradiction et va à l’encontre de sa mission institutionnelle. Selon le MPT, les organisations plaignantes veulent éliminer toute limite visant à prévenir les déviances du comportement de certains dirigeants qui leur serait imposée.
  3. 305. Le MPT affirme que l’article 8 de la Constitution du Brésil a garanti l’autonomie des syndicats vis-à-vis des pouvoirs publics et la liberté syndicale dite «négative», mais il a maintenu l’interdiction de créer plus d’un syndicat sur une base territoriale (unicité), la catégorie comme base d’organisation, les fédérations et les confédérations comme entités de niveau supérieur et la cotisation confédérale, en plus de la cotisation prévue par la loi, obligatoire pour tous les travailleurs, qu’ils soient membres d’un syndicat ou non. Le maintien d’un syndicat unique par catégorie professionnelle et la cotisation obligatoire prévue par la loi avaient pour objectif d’éviter la fragmentation des syndicats du Brésil et leur affaiblissement. Cependant, ces éléments ne peuvent figurer de manière définitive dans le système juridique du Brésil, vu qu’ils ne sont pas conformes aux principes élémentaires de la liberté syndicale, tels qu’établis par l’OIT. Le maintien de l’unicité et de la cotisation obligatoire dans la Constitution encourage la création de syndicats qui acceptent des négociations désavantageuses pour les travailleurs en échange d’avantages pour les dirigeants et utilisent indûment les ressources récoltées pour les intérêts personnels des dirigeants syndicaux ou pour le financement d’une politique partisane.
  4. 306. Le MPT déclare que, outre le financement public du mouvement syndical du Brésil par la cotisation obligatoire de tous les travailleurs, les syndicats continuent à percevoir la cotisation confédérale prévue dans l’alinéa IV de l’article 8 de la Constitution et la cotisation de soutien. Cette dernière équivaut, à son origine et de par sa fonction, à la cotisation «de solidarité» qui existe dans certains pays européens. Ladite cotisation vise à ce que le non-syndiqué soutienne le syndicat qui négocie de meilleures conditions de travail dont il bénéficie. C’est donc une forme de solidarité du non-syndiqué envers le syndiqué et le syndicat lui-même pour les services prestés. La cotisation confédérale, selon la conception du Tribunal fédéral suprême, le plus haut interprète de la Constitution du Brésil, n’est pas de nature fiscale, de sorte que son prélèvement n’est possible qu’auprès des travailleurs membres des syndicats. La cotisation de soutien a été examinée par le Tribunal supérieur du travail, le plus haut organe de la justice du travail au Brésil, qui a décidé que les travailleurs syndiqués doivent l’acquitter aux syndicats (précédent normatif no 119 et jurisprudence no 17 de la section de «dissidios colectivo»). La jurisprudence citée ne visait nullement à limiter l’action des syndicats en faveur des travailleurs mais, au contraire, elle résulte de la nécessité d’empêcher des pratiques réitérées de certains syndicats «de façade» (sans membres) qui ne visent qu’à recueillir des ressources financières, n’ont aucun engagement avec la base et sont facilement contrôlés par des chefs d’entreprise pour assouplir les droits prévus par la législation du travail.
  5. 307. Le MPT déclare que, bien entendu, il existe un nombre significatif de syndicats combatifs et représentatifs qui mènent des grèves et obtiennent des avantages pour les travailleurs. Certains procureurs du MPT sentent qu’il est de leur devoir de faire respecter le système juridique dans les termes de l’interprétation établie par les tribunaux du Brésil lorsqu’ils ont connaissance de pratiques ou de clauses qui les enfreignent. A différentes reprises, ce sont les travailleurs eux-mêmes victimes du prélèvement de la cotisation d’aide ou, d’office, le ministère du Travail et de l’Emploi où sont conservés les conventions et les accords collectifs du travail qui provoquent l’intervention du MPT. Ceci signifie que le MPT agit simplement conformément aux décisions de justice. Actuellement, les membres du MPT cherchent à formaliser un processus de dialogue avec les dirigeants syndicaux dans le but de résoudre cette question ainsi que d’autres questions relatives au bon exercice de la liberté syndicale.
  6. 308. Le MPT fait savoir que, le 28 mai 2009, la Coordination nationale de promotion de la liberté syndicale (CONALIS) a été créée avec des représentants de toutes les unités du MPT du pays. L’une des actions stratégiques de la nouvelle coordination est de garantir la liberté syndicale et de rechercher l’apaisement des conflits collectifs du travail. Selon le MPT, la constitution d’une société réellement démocratique repose sur le respect des principes constitutionnels dans tous les secteurs, en particulier dans celui si important des relations de travail, d'’où la nécessité pour le MPT de contribuer à la démocratisation des syndicats, en adoptant comme stratégie le renforcement de ces organisations et de la négociation collective ainsi que le combat contre les pratiques de discrimination antisyndicale. Le 25 août 2009, la première réunion nationale de la CONALIS s’est tenue. A cette occasion, tous les présidents des centrales syndicales du Brésil ont été invités. Ceux qui ont participé ont eu l’opportunité de manifester leur opinion sur les attentes du mouvement syndical en ce qui concerne la nouvelle coordination ainsi que sur l’attitude du MPT depuis sa création. Par l’initiative de cette voie de dialogue, les contacts et les rencontres avec les dirigeants des centrales syndicales ont été nombreux, et il y a eu des échanges sur de nombreux sujets, y compris celui des cotisations de soutien, les «interdictions impératives» dans les grèves et les menaces et homicides dont sont victimes les dirigeants syndicaux.
  7. 309. Le MPT affirme qu’il traite de questions essentielles pour les travailleurs et pour la société par le biais d’un dialogue social permanent et des délibérations précédées de réunions bipartites ou tripartites. Le MPT estime que la présente plainte est extrêmement importante vu qu’elle permet à l’OIT d’avoir une vision générale sur le problème relatif à l’organisation syndicale du Brésil. Le pouvoir public doit répondre à tout moment des conséquences de ses actions et vérifier si les objectifs sont atteints; pour cela, il doit être prêt à réviser ses positions. Le MPT comprend que, s’il n’y a pas de changement de culture et de position de la part des dirigeants syndicaux, ce sont les travailleurs qui en subiront le plus le préjudice. La présente plainte pourrait servir à ce que les dirigeants syndicaux assument l’engagement de ratification de la convention no 87 par le Brésil, ce qui malheureusement n’a jamais pu être fait vu que le mouvement syndical s’y est toujours opposé.
  8. 310. Dans sa communication en date du 11 octobre 2010, le gouvernement déclare que de grands progrès ont été réalisés pour la classe ouvrière et que l’emploi et la croissance atteignent des niveaux records tous les mois. Il indique que ces conquêtes sont le fruit de la lutte des travailleurs, représentés par leurs syndicats, qui ont cherché à éviter des licenciements en période de crise et à obtenir de meilleures conditions de travail.
  9. 311. Le gouvernement ajoute que le paragraphe unique de l’article 1 de la Constitution fédérale du Brésil dispose que le pouvoir émane du peuple et qu’il sera exercé en son nom. Pour cette raison, les constituants de 1988 qui ont élaboré la Constitution fédérale ont été soutenus par le vote populaire et ont été tenus de rédiger une Constitution démocratique qui prend en compte les besoins immédiats et à moyen terme du peuple brésilien. Ainsi, les dispositions sur la liberté syndicale et l’unité, qui restreignent l’assise territoriale à au moins la municipalité, ont pour objectif d’empêcher la constitution de syndicats contre les intérêts des travailleurs et d’affaiblir les entités combatives. Dans le même sens, l’article 8 de la Constitution consacre plusieurs mesures progressives telles que l’interdiction de l’intervention et de l’ingérence de l’Etat dans les syndicats, la liberté syndicale – maintenant l’unité syndicale à une assise territoriale correspondant au moins à une municipalité, la cotisation syndicale obligatoire pour continuer à assurer l’indépendance des syndicats, la reconnaissance du droit de grève et le droit à la syndicalisation des fonctionnaires.
  10. 312. En ce qui concerne la cotisation de soutien, le gouvernement affirme qu’elle ne constitue pas un impôt car, si tel était le cas, les travailleurs ne pourraient pas s’y opposer. Le gouvernement reconnaît cependant l’existence de conflits en relation avec ce type de contribution et réaffirme sa disponibilité à approfondir le dialogue avec les centrales syndicales et les organisations représentatives d’employeurs en vue de trouver un dispositif légal efficace pour réglementer cette matière. Le gouvernement indique que, dans le cadre du Forum national du travail (FNT), la création d’une contribution négociée a été proposée, que tous les travailleurs d’une même catégorie devraient payer en cas de conclusion d’une convention collective, supprimant ainsi la contribution obligatoire prévue dans la Constitution. Le gouvernement indique qu’il n’a pas été donné suite à la proposition par faute de consensus et que cette question est même source de conflits. Le gouvernement ajoute que, pour perfectionner et renforcer la démocratie dans les relations professionnelles, il propose la création d’un conseil des relations professionnelles de composition tripartite au sein duquel ces types de questions pourraient être examinés.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 313. Le comité observe que, dans le présent cas, les organisations plaignantes contestent les mesures prises par le MPT et les considèrent comme un acte d’ingérence dans les activités financières des syndicats; elles contestent également des décisions prises par les autorités judiciaires qui annulent des clauses de conventions collectives relatives au paiement de cotisations de soutien par tous les travailleurs, y compris les non-syndiqués, en vertu des effets ergo omnes des conventions collectives. Les organisations plaignantes allèguent également que les services du procureur de l’Etat de São Paulo introduisent des actions en justice visant à empêcher les syndicats de mener des grèves et des mouvements de revendication.
  2. 314. Le comité note que le gouvernement fait parvenir les observations du MPT. Le représentant du MPT déclare que: 1) la réglementation du travail au Brésil par la consolidation des lois sur le travail de 1943 était caractérisée par une intervention excessive de l’Etat, tant au niveau législatif qu’administratif, un syndicat unique et une cotisation obligatoire prévue par la loi, ainsi que de sévères restrictions au droit de grève, et par le pouvoir de réglementation de la justice du travail; 2) l’ouverture politique, débutée dans les années qui ont précédé la Constitution du Brésil de 1988, doit être considérée dans un contexte d’endettement extérieur du pays, de crises économiques successives et de la pression d’un marché globalisé; en conséquence, des mécanismes d’assouplissement ont été introduits dans le droit du travail, et les syndicats se sont vus obligés de les appliquer et en même temps d’établir des limites face aux abus auxquels pouvaient conduire les reculs dans les conditions de travail des travailleurs, vu que l’attention de l’Etat était concentrée sur les questions économiques; 3) afin qu’ils soient en mesure d’assumer leurs nouvelles responsabilités, il fallait des syndicats libres et forts, et il était nécessaire pour les dirigeants syndicaux d’adopter de nouvelles stratégies; 4) la Constitution du Brésil de 1988, qui repose sur la dignité de la personne humaine et sur les principes démocratiques, a modifié de manière significative la structure syndicale qui prévalait depuis plusieurs décennies avant sa promulgation; 5) le MPT a assumé une position prépondérante dans la défense des intérêts sociaux et individuels inaliénables des travailleurs, en particulier leurs droits fondamentaux; c’est pourquoi le fait d’affirmer que le procureur général du travail viole un droit fondamental tel que la liberté syndicale constitue une contradiction et va à l’encontre de sa mission institutionnelle; 6) le maintien du syndicat unique par catégorie et la cotisation obligatoire (impôt syndical) prévus par la Constitution avaient pour objet d’éviter la fragmentation des syndicats du Brésil et leur affaiblissement, mais ces éléments ne peuvent figurer de façon définitive dans le système juridique vu qu’ils ne sont pas conformes aux principes élémentaires de liberté syndicale, tels qu’établis par l’OIT; 7) le maintien de l’unicité et de la cotisation obligatoire dans la Constitution peut conduire à la création de syndicats qui acceptent des négociations désavantageuses pour les travailleurs; 8) la cotisation de soutien a été examinée par le Tribunal supérieur du travail qui a décidé que les travailleurs syndiqués devaient l’acquitter aux syndicats; 9) la jurisprudence en question n’a nullement eu pour objet de limiter l’action des syndicats en faveur des travailleurs; au contraire, elle résulte de la nécessité d’empêcher des pratiques réitérées de certains syndicats «de façade» (sans membres) qui visent exclusivement à recueillir des fonds financiers, n’ont aucun engagement avec la base et sont facilement contrôlés par des chefs d’entreprise pour assouplir les droits prévus dans la législation du travail; 10) certains procureurs du MPT sentent qu’il est de leur devoir de faire respecter le système juridique dans les termes de l’interprétation établie par les tribunaux du Brésil lorsqu’ils ont connaissance de pratiques ou de clauses qui lui portent atteinte et que, à différentes reprises, ce sont les travailleurs eux-mêmes victimes du prélèvement de la cotisation de soutien ou, d’office, le MPT où sont conservés les conventions et les accords collectifs du travail qui provoquent l’intervention du MPT; 11) actuellement, les membres du MPT cherchent à formaliser un processus de dialogue avec les dirigeants syndicaux pour résoudre cette question ou d’autres questions relatives au bon exercice de la liberté syndicale et, dans ce contexte, la Coordination nationale de promotion de la liberté syndicale (CONALIS) du MPT a tenu une réunion en août 2009 et a invité tous les présidents des centrales syndicales du Brésil pour qu’ils aient l’opportunité de faire connaître les attentes du mouvement syndical en ce qui concerne la nouvelle coordination, ainsi que sur l’action du MPT depuis sa création; et 12) par l’initiative de cette voie de dialogue, les contacts et les rencontres avec les dirigeants des centrales syndicales ont été nombreux, et différents sujets ont pu être abordés, y compris celui de la cotisation de soutien, les «interdits impératifs» dans les grèves et les menaces et homicides dont sont victimes les dirigeants syndicaux.
  3. 315. Le comité note que le gouvernement ajoute que: 1) la cotisation de soutien ne constitue pas un impôt car, si tel était le cas, les travailleurs ne pourraient pas s’y opposer; 2) il reconnaît l’existence de conflits en relation avec ce type de contribution et réaffirme sa disponibilité à approfondir le dialogue avec les centrales syndicales et les organisations représentatives d’employeurs en vue de trouver un dispositif légal efficace pour réglementer cette matière; 3) dans le cadre du Forum national du travail (FNT), la création d’une contribution négociée a été proposée, que tous les travailleurs d’une même catégorie devraient payer en cas de conclusion d’une convention collective, supprimant ainsi la contribution obligatoire prévue dans la Constitution. Le gouvernement indique qu’il n’a pas été donné suite à la proposition par défaut de consensus et que cette question est même source de conflits; et 4) pour perfectionner et renforcer la démocratie dans les relations professionnelles, le gouvernement propose la création d’un conseil des relations professionnelles de composition tripartite au sein duquel ces types de questions pourraient être examinés.
  4. 316. A cet égard, le comité rappelle qu’il s’est prononcé à maintes reprises sur le sujet des clauses de sécurité syndicale, y compris celles qui prévoient des cotisations de solidarité à acquitter par les travailleurs non syndiqués aux syndicats signataires d’une convention collective. Pour traiter cette question, le comité s’est inspiré des débats qui ont eu lieu au sein de la Conférence internationale du Travail lorsque la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, a été adoptée. A cette occasion, la Commission des relations professionnelles de la Conférence, tenant compte du débat qui avait eu lieu en son sein sur la question des clauses de sécurité syndicale, a finalement décidé de reconnaître que la convention ne devait en aucune façon être interprétée comme autorisant ou interdisant les clauses de sécurité syndicale et que ces questions relèvent de la réglementation et de la pratique nationales. (Voir 281e rapport du comité, cas no 1579 (Pérou), paragr. 64, où sont cités les comptes rendus des sessions de la Conférence internationale du Travail (CIT), 32e session, 1949, pp. 450 et 451.) Tenant compte de cette déclaration, le comité estime que les problèmes concernant les clauses de sécurité syndicale doivent être résolus sur le plan national, conformément à la pratique et au système de relations professionnelles de chacun des pays. En d’autres termes, tant les situations où les clauses de sécurité syndicale sont autorisées que celles où elles sont interdites peuvent être considérées comme conformes aux principes et normes de l’OIT en matière de liberté syndicale. [Voir 284e rapport, cas no 1611 (Venezuela), paragr. 337 à 339.]
  5. 317. Quant à la question des prélèvements sur salaires prévus dans une convention collective, prélèvements applicables aux travailleurs non syndiqués qui bénéficient de la gestion du syndicat, le comité a indiqué que, lorsqu’une législation admet des clauses de sécurité syndicale telles que la déduction de cotisations syndicales du salaire des travailleurs non affiliés tirant profit de l’établissement d’une convention collective, ces clauses ne devraient prendre effet que par le biais de la convention collective. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 480.]
  6. 318. Dans ces conditions, tenant compte du fait que le gouvernement reconnaît l’existence de conflits en rapport avec ce type de contribution ainsi que de la contradiction qui semble exister entre l’interprétation de la législation par l’autorité judiciaire et la déclaration des organisations plaignantes qui affirment qu’il existe légalement une possibilité d’imposer une cotisation de soutien aux non-syndiqués qui tirent profit d’une convention collective, et observant que la Coordination nationale de promotion de la liberté syndicale du MPT a commencé à tenir des réunions avec les représentants des centrales syndicales pour traiter différents sujets, dont ceux concernant la cotisation de soutien, le comité demande au gouvernement de le tenir informé des résultats desdites réunions, ainsi que des initiatives concernant la création d’un conseil tripartite des relations professionnelles. Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut avoir recours à l’assistance technique du BIT pour rechercher des solutions satisfaisantes pour toutes les parties et qui soient en conformité avec les principes de la liberté syndicale. En outre, le comité invite le gouvernement à considérer la possibilité de prendre les mesures nécessaires afin de ratifier la convention no 87.
  7. 319. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les services du procureur de l’Etat de São Paulo introduisent des actions en justice dans le but d’empêcher les syndicats de mener des grèves et des mouvements de revendication, le comité demande au gouvernement d’envoyer sans délai ses observations à cet égard et, étant donné qu’il s’agit d’un sujet qui préoccupe les centrales syndicales du pays, le comité demande au gouvernement d’entamer un dialogue avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives à cet égard. Le comité demande également à l’organisation plaignante de lui fournir de l’information supplémentaire et des exemples concernant ces allégations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 320. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat des réunions qui se tiendraient entre la Coordination nationale de promotion de la liberté syndicale du MPT et les représentants des centrales syndicales pour traiter de différents sujets, dont ceux concernant la cotisation de soutien. Le comité demande également au gouvernement de le tenir informé de l’initiative concernant la création d’un conseil tripartite des relations professionnelles. Le comité rappelle qu’il peut avoir recours à l’assistance technique du BIT pour rechercher des solutions satisfaisantes pour toutes les parties et qui soient en conformité avec les principes de la liberté syndicale.
    • b) Le comité demande au gouvernement d’envoyer sans délai ses observations concernant l’allégation selon laquelle les services du procureur de São Paulo introduisent des actions en justice visant à empêcher les syndicats de mener des grèves ou des mouvements de revendication et, étant donné qu’il s’agit d’un sujet qui préoccupe les centrales syndicales du pays, le comité demande au gouvernement d’entamer un dialogue avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives à cet égard. Le comité demande également à l’organisation plaignante de fournir de l’information supplémentaire et des exemples concernant ces allégations.
    • c) Le comité invite le gouvernement à considérer la possibilité de prendre les mesures nécessaires afin de ratifier la convention no 87.
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