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- 1137. La plainte figure dans une communication de la Fédération des syndicats de Russie (FTU/R) en date du 10 novembre 2009.
- 1138. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date des 1er et 17 février 2010.
- 1139. La Fédération de Russie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Elle n’a pas ratifié la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 1140. Par sa communication en date du 10 novembre 2009, le FTU/R dépose une plainte contre le gouvernement de la Fédération de Russie au nom de son organisation membre, le Syndicat fédéral des contrôleurs du trafic aérien de Russie (ci-après le «FPAD de Russie»).
- 1141. L’organisation plaignante explique que le FPAD de Russie a été créé le 1er novembre 1991. Il représente 90 pour cent des travailleurs des services de navigation aérienne du pays. Les membres du FPAD de Russie sont principalement employés par la Société publique d’organisation du trafic aérien de Russie. Le FPAD de Russie comprend plus de 300 organisations de base et régionales. Ses 8 000 membres sont des contrôleurs du trafic aérien, des employés des services de météorologie et d’autres agents techniques. Son bureau central est situé dans le bâtiment principal de l’entreprise (Leningradsky prospect 37/7, bureau 254). Le local a été mis à la disposition du comité exécutif et de l’organisation de base du FPAD de Russie à titre gratuit et pour une durée illimitée en vertu de l’accord du 25 mai 2007 entre le directeur général de l’entreprise et le FPAD de Russie (joint en annexe de la plainte). Cet accord a été conclu en vertu de l’article 377 du Code du travail et de la clause 9.4.3 de la convention collective pour la période 2007-2010.
- 1142. L’organisation plaignante allègue que, le 9 septembre 2009, le directeur général adjoint de l’entreprise a envoyé une lettre à l’organisation de base du FPAD de Russie, dans laquelle il a recommandé l’attribution d’un autre espace de bureau au FPAD. Le nouveau bureau (29 m2) est situé dans un autre bâtiment (Leningradsky prospect 37 A/1, bureau 5) et doit être partagé avec une autre organisation syndicale de base. Le syndicat a été invité à quitter les locaux le 11 septembre 2009 au plus tard. Dans sa réponse, le FPAD de Russie a déclaré que, en vertu de la clause 2 de l’accord signé le 25 mai 2007, l’employeur s’était engagé à attribuer au syndicat un bureau supplémentaire d’une surface minimale de 18 m2 et qu’en conséquence le FPAD de Russie accepterait le nouveau bureau en tant que bureau supplémentaire. Les 19 et 21 octobre 2009, le FPAD de Russie a reçu de nouvelles lettres l’invitant à quitter les locaux le 26 octobre 2009 au plus tard. Le FPAD de Russie a répondu que l’entreprise n’avait pas le droit de dénoncer d’une manière unilatérale les engagements qu’elle avait contractés au titre de l’accord signé le 25 mai 2007, et que le syndicat ne pouvait être privé de son local qu’en vertu d’une décision de justice. L’organisation plaignante joint des copies des communications susmentionnées.
- 1143. L’organisation plaignante allègue en outre que, le 26 octobre 2009, la direction de l’entreprise a interdit au président du FPAD de Russie, au dirigeant de son organisation de base et au personnel des deux organisations l’accès au bureau du FPAD de Russie et de son syndicat de base. En outre, les cartes d’accès électroniques du personnel du FPAD de Russie ont été bloquées et les agents de sécurité ont reçu du directeur général de l’entreprise l’instruction de leur refuser l’accès au bureau du syndicat. En raison des actes de la direction de l’entreprise, les représentants du FPAD de Russie et de son syndicat de base se voient refuser l’accès au bâtiment de l’entreprise, où travaillent 70 membres syndicaux et où sont conservés la documentation du syndicat, ses cachets, etc. L’organisation plaignante indique que le nouveau bureau qui lui a été attribué ne possède qu’une ligne téléphonique et n’est pourvu ni d’un télécopieur, ni d’ordinateurs, ni d’autres facilités techniques.
- 1144. L’organisation plaignante estime que l’entreprise a violé l’accord du 25 mai 2007, la convention collective pour la période 2007-2010 et l’accord en date du 19 mai 2009 concernant l’indexation des salaires et la signature d’une nouvelle convention collective. Le FTU/R estime également que le motif à l’origine des actes de la direction sont les nombreux appels du FPAD de Russie au ministère public et aux tribunaux. L’organisation plaignante indique que l’organisation de base du FPAD de Russie a engagé des procédures contre la direction de l’entreprise en raison des violations de la convention collective pour la période 2007-2010 et de l’accord en date du 19 mai 2009 concernant l’indexation des salaires, ainsi qu’en raison des violations des dispositions du Code du travail concernant le droit d’un syndicat d’informer ses membres de ses activités, l’installation illégale de caméras vidéo sur les lieux de travail, des ordres illégaux concernant les secrets commerciaux et officiels et le refus exprimé à plusieurs reprises de communiquer aux employés des renseignements et des documents ayant trait à leurs activités professionnelles. Le FPAD de Russie a également saisi les tribunaux de nombreuses plaintes au nom des membres de ses organisations syndicales de base, dont la quasi-totalité ont abouti à des décisions favorables. Il indique, en particulier, que, pour la période de septembre et octobre 2009 seulement, le parquet de Moscou a déposé trois recours et a adressé un avertissement à l’entreprise l’invitant à mettre fin à ses actes illicites, à savoir le refus d’indexer les salaires, le refus de communiquer aux employés des renseignements et des documents ayant trait à leur travail, ainsi que l’installation illégale de caméras vidéo. Jusqu’à présent, les décisions du procureur ont été ignorées.
- 1145. L’organisation plaignante indique que, en ce qui concerne les manquements susmentionnés, le FPAD de Russie et ses organisations membres se sont également adressés au Président de la Fédération de Russie, au ministre du Transport, au directeur de l’Autorité fédérale de la navigation aérienne, ainsi qu’au ministère public et à l’Inspection du travail de l’Etat. L’organisation plaignante indique qu’une commission spéciale a été désignée par le directeur de l’Autorité fédérale de la navigation aérienne, en vue d’examiner tous les cas de manquements susmentionnés.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 1146. Dans ses communications en date des 1er et 17 février 2010, le gouvernement indique que la sous-division de Moscou de l’Inspection du travail de l’Etat a procédé à une inspection afin de vérifier si la Société publique d’organisation du trafic aérien respecte la législation du travail, et que le ministère de la Santé et du Développement social a rencontré la direction de l’entreprise.
- 1147. En ce qui concerne la question du local situé à Leningradsky prospect 37/7, bureau 254, où le FPAD de Russie et l’une de ses 15 organisations syndicales de base avaient leur bureau central, il était prévu qu’en vertu du point 1.1 de ses statuts le FPAD de Russie est une association publique au niveau national. Conformément à l’article 377 du Code du travail et au point 9.4.3 de la convention collective conclue avec l’entreprise, l’employeur n’est tenu d’assurer des locaux qu’à l’organe syndical élu des organisations syndicales de base représentant les employés. Le gouvernement explique que, si le 25 octobre 2009 l’employeur a suspendu le droit d’accéder à l’immeuble et au bureau du FPAD de Russie, il a attribué un local approprié à l’usage de l’organe syndical élu de l’organisation syndicale de base du FPAD de Russie, et que les représentants de l’organisation syndicale de base peuvent accéder sans restriction au local de l’entreprise.
- 1148. Sur la base des constatations de l’Inspection publique du travail de Moscou, le directeur exécutif de l’entreprise a reçu l’instruction formelle de veiller à ce que des mesures soient prises pour remédier aux violations de la législation du travail. En vertu de cette instruction, l’entreprise a été invitée à procéder à l’indexation des salaires des travailleurs, conformément à l’article 134 du Code du travail, et à faire en sorte que les membres de l’organisation syndicale de base des travailleurs employés par l’entreprise puissent accéder librement au local mis à la disposition du syndicat. L’entreprise a été invitée à informer l’Inspection publique du travail de Moscou de toutes mesures prises conformément à cette instruction dans un délai d’un mois (le 25 février 2010 au plus tard). Aux termes de l’article 19 du Code des infractions administratives, le défaut d’exécution de l’instruction est passible d’une amende et, en cas de manquement grave, l’affaire peut être portée devant le tribunal.
- 1149. Le gouvernement indique qu’avant que cette instruction n’ait été édictée, le 20 novembre 2009, le tribunal du district de Savelov de Moscou a examiné un recours formé contre l’entreprise par des travailleurs membres du FPAD, tendant à faire constater l’illégalité du comportement de l’employeur en ce qui concerne l’indexation des salaires et à obtenir une indemnisation pour dommages moraux. Le tribunal a constaté que, au moment où le recours avait été formé, le syndicat en question était en train de mener des négociations avec l’employeur portant sur la modification de la convention collective et l’indexation des salaires, conformément à la procédure prévue dans la convention collective. Etant donné que les négociations se poursuivaient toujours au moment où le tribunal examinait l’affaire et vu que la procédure concernant la modification de la convention collective n’avait pas été approuvée, le tribunal n’a pas examiné le recours des représentants du syndicat en vertu de l’article 222, alinéa 1, du Code de procédure civile, car les parties n’avaient pas recouru à la procédure de règlement extrajudiciaire des litiges prévue par la convention collective.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1150. Le comité note que le présent cas porte sur les questions des facilités devant être accordées aux représentants des travailleurs. Il note en particulier que l’organisation plaignante, en l’espèce le FTU/R, allègue que les agents du FPAD, une organisation affiliée, se voient refuser l’accès au lieu de travail par la Société publique d’organisation du trafic aérien de Russie et que, en violation de l’accord existant, l’employeur a ordonné le transfert du bureau du FPAD de Russie et de son organisation de base dans un autre local, de plus petites dimensions. Le comité prend note des observations présentées par le gouvernement.
- 1151. En ce qui concerne la question du local du syndicat, le comité note que tant le bureau du syndicat national du FPAD de Russie que celui de son organisation de base des travailleurs de l’entreprise étaient situés dans le bâtiment principal de celle-ci, conformément à l’accord du 25 mai 2007 conclu entre l’entreprise et le FPAD de Russie. Le bureau avait été mis à la disposition des deux entités syndicales à titre gratuit et pour une durée illimitée. Néanmoins, comme il ressort de l’échange de communications entre le FPAD de Russie et l’entreprise, pendant la période de septembre et octobre 2009, en invoquant les besoins économiques de l’entreprise, la direction a invité le FPAD de Russie et son syndicat de base à quitter le bureau situé dans le bâtiment principal et à s’installer dans un bureau qu’elle avait mis à la disposition de l’organisation syndicale de base dans un autre bâtiment. Le bureau de l’organisation syndicale de base du FPAD est actuellement situé dans le nouveau local attribué. Le comité note à cet égard l’indication du gouvernement selon laquelle le nouveau bureau a été attribué conformément à l’article 9.4.3 de la convention collective pour la période 2007-2010 et à l’article 377 du Code du travail, qui prévoit une obligation générale à la charge de l’employeur d’offrir un local de bureau à l’organisation syndicale de base de l’entreprise.
- 1152. En ce qui concerne la mise à la disposition du syndicat d’un local à usage de bureau par l’entreprise, le comité rappelle le paragraphe 9 de la recommandation (nº 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, selon lequel:
- 1) Des facilités devraient être accordées, dans l’entreprise, aux représentants des travailleurs, de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions.
- 2) A cet égard, il devrait être tenu compte des caractéristiques du système de relations professionnelles prévalant dans le pays ainsi que des besoins, de l’importance et des possibilités de l’entreprise intéressée.
- 3) L’octroi de telles facilités ne devrait pas entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise intéressée.
- 1153. Ce texte souligne la nécessité d’assurer l’équilibre entre deux éléments: i) les facilités dans l’entreprise doivent être de nature à permettre aux syndicats de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions; et ii) leur octroi ne devrait pas entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise intéressée. [Voir cas no 2642 concernant la Fédération de Russie, 355e rapport, paragr. 1171 et 1172.] Le comité estime en conséquence que les actes de l’entreprise n’ont pas porté atteinte au principe susmentionné de la liberté syndicale.
- 1154. En ce qui concerne l’accès des membres du syndicat aux lieux de travail, le comité note que, d’après l’organisation plaignante, des représentants du FPAD du Russie et de son syndicat de base se voient refuser l’accès au bâtiment de l’entreprise où travaillent ses 70 membres syndicaux et où sont conservés la documentation et les cachets du syndicat, etc. Or, d’après le gouvernement, les représentants de l’organisation syndicale de base disposent d’un accès illimité aux locaux de l’entreprise. Le comité prend également note de l’indication du gouvernement selon laquelle, suite à un contrôle effectué par l’Inspection du travail de l’Etat, le directeur exécutif de l’entreprise a reçu formellement l’instruction de faire en sorte que les membres de l’organisation syndicale de base des travailleurs employés par l’entreprise puissent librement accéder au local attribué au syndicat. Le comité note également que la direction de l’entreprise se réfère à l’article 4 de la loi sur la sécurité des transports, en vertu duquel l’accès à l’entreprise est subordonné à la délivrance de cartes d’accès spéciales.
- 1155. Le comité rappelle que les représentants des travailleurs devraient avoir accès à tous les lieux de travail dans l’entreprise lorsque leur accès à ces lieux est nécessaire pour leur permettre de remplir leurs fonctions de représentation et que les représentants syndicaux qui ne sont pas employés eux-mêmes dans une entreprise, mais dont le syndicat compte des membres dans le personnel de celle-ci, devraient avoir accès à celle-ci. L’octroi de telles facilités ne devrait pas entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise intéressée. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1104 et 1105.]
- 1156. Au vu des documents présentés par l’organisation plaignante, le comité croit comprendre que M. Kovalev est le président du FPAD de Russie et en même temps le président de l’organisation de base du FPAD de Russie. Le comité estime en conséquence que ce dernier et d’autres représentants déterminés de l’organisation syndicale de base devraient pouvoir accéder aux travailleurs dans l’entreprise, dans le respect des droits de propriété et de gestion, afin d’être en mesure de remplir leurs fonctions de représentation. Le comité prie en conséquence le gouvernement de réunir les parties, à savoir la direction de l’entreprise et le FPAD de Russie, afin de faciliter la réalisation d’un accord concernant l’accès devant être accordé aux représentants du FPAD de Russie et de son organisation syndicale de base, en tenant compte des principes ci-dessus. Il demande également au gouvernement de s’assurer que le FPAD de Russie a effectivement récupéré ses documents, cachets et autres biens du bureau qu’il avait précédemment occupé. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 1157. En ce qui concerne la question de l’indexation des salaires prévue dans la convention collective, le comité note, au vu de la réponse du gouvernement, que l’Inspection publique du travail de Moscou a donné à l’entreprise l’instruction de procéder à l’indexation des salaires des travailleurs conformément à l’article 134 du Code du travail et de présenter un rapport sur les mesures prises à cet égard le 25 février 2010 au plus tard. Le comité note que, conformément à l’article 134 du Code du travail, les entreprises autres que celles financées par le budget de l’Etat procèdent à l’indexation des salaires conformément à la convention collective en vigueur. En rappelant que les conventions collectives devraient lier les parties [voir Recueil, op. cit., paragr. 939], le comité s’attend à ce que l’entreprise se soit conformée à l’instruction de l’inspection et prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1158. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement de réunir les parties, à savoir la direction de l’entreprise et le FPAD de Russie, afin de faciliter la réalisation d’un accord entre elles au sujet de l’accès devant être assuré aux représentants du FPAD de Russie et de son organisation syndicale de base, ainsi que de le tenir informé à cet égard.
- b) Le comité prie également le gouvernement de s’assurer que le FPAD de Russie a récupéré ses documents, cachets et autres biens du bureau qu’il avait précédemment occupé. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Le comité s’attend à ce que la Société publique d’organisation du trafic aérien de Russie se soit conformée à l’instruction de l’inspection de procéder à l’indexation des salaires des travailleurs conformément à la convention collective et prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.