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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 360, Juin 2011

Cas no 2757 (Pérou) - Date de la plainte: 16-DÉC. -09 - Clos

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960. La plainte figure dans une communication de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), la Confédération autonome des travailleurs du Pérou (CATP) et la Confédération unitaire des travailleurs (CUT) datée du 17 décembre 2009.

  1. 960. La plainte figure dans une communication de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), la Confédération autonome des travailleurs du Pérou (CATP) et la Confédération unitaire des travailleurs (CUT) datée du 17 décembre 2009.
  2. 961. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication datée du 8 février 2011.
  3. 962. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 963. Dans sa communication en date du 17 décembre 2009, les organisations plaignantes affirment que les conditions nationales qui découlent de l’application de la législation nationale relative au droit d’organisation et de négociation collective, ainsi que l’application, dans la pratique, d’une politique organisée de négation de l’exercice de ces droits, empêchent ou restreignent la négociation collective de leurs conditions d’emploi pour un grand nombre de travailleurs, sans que l’Etat n’adopte aucune mesure visant à modifier cette situation ou à la renverser. Les organisations plaignantes affirment que les cas suivants sont particulièrement préoccupants: les travailleurs assujettis à des contrats temporaires, les travailleurs victimes de la sous-traitance et de l’externalisation, les travailleurs de l’Etat régis par la carrière de la fonction publique et les travailleurs de l’Etat sous le régime de l’activité privée. Dans ces derniers cas, bien que leurs droits d’organisation et de négociation collective aient été reconnus dans la législation, les travailleurs ne peuvent les exercer dans la pratique. Les organisations plaignantes soulignent que la législation et la politique en question ont provoqué une chute drastique du taux d’adhésion aux syndicats ainsi qu’une restriction de la couverture de la négociation collective au niveau national.
    • Non-reconnaissance du droit d’organisation dans la législation et dans la pratique
  2. 964. Travailleurs du secteur informel. Les organisations plaignantes indiquent que le marché du travail se caractérise par la concentration de plus d’un quart de la population dans les microentreprises ou les petites entreprises employant entre un et 20 travailleurs (24,1 pour cent) et un cinquième dans ce qu’on appelle le secteur informel. Un régime particulier distinct bénéficiant de standards de protection inférieurs à ceux visés par le régime général pour le reste des travailleurs est applicable aux petites entreprises et aux microentreprises. La récente réforme de la législation introduite par le décret législatif no 1086 établit que «les travailleurs des petites entreprises exerceront leurs droits collectifs selon les normes du régime de travail de l’activité privée», mais elle ne fait aucunement mention de l’exercice des droits syndicaux des travailleurs du secteur informel pour lesquels il n’existe aucune référence légale en ce qui concerne l’application de leur droit à la liberté syndicale.
  3. 965. Les organisations plaignantes indiquent que, selon la législation, pour constituer un syndicat d’entreprise, il faut 20 travailleurs, ce qui implique que ceux qui travaillent dans des entreprises comptant moins de 20 personnes ne peuvent pas constituer de syndicat de ce type. Cependant, bien que la loi prévoie la constitution de syndicats de branches d’activité qui pourraient rendre possible la négociation collective à ce niveau pour les travailleurs des entreprises comptant moins de 20 travailleurs, il existe à ce jour très peu de syndicats à ce niveau parce que la législation décourage de manière catégorique la création de ce type de syndicat en faisant obstacle à la négociation collective sectorielle. En outre, la loi sur les relations collectives du travail établit que, s’il y a désaccord entre les parties pour déterminer à quel niveau devrait être engagée la première négociation collective, elle le sera au niveau de l’entreprise, ce qui prouve, selon les organisations plaignantes, que la législation favorise le modèle syndical d’entreprise et la négociation collective à ce niveau-là. Il y a par conséquent une situation contradictoire qui vise à empêcher dans la pratique l’accès à la négociation collective pour la majorité des travailleurs de l’économie péruvienne.
  4. 966. Travailleurs sous modalités d’apprentissage. Les organisations plaignantes déclarent que, en dépit du fait que les modalités d’apprentissage comportent la prestation de services personnels et subordonnés, la loi no 28518 n’évoque à aucun moment la possibilité de constituer des syndicats ou de négocier collectivement. Ceci signifie que les travailleurs assujettis à cette loi se voient empêchés de constituer des organisations syndicales et de négocier collectivement et, de fait, dans la pratique, il n’existe aucune organisation syndicale de travailleurs sous modalité d’apprentissage.
  5. 967. Travailleurs de l’Etat sous le régime du Contrat administratif de services (CAS). Les organisations plaignantes indiquent que ce nouveau régime de contrat régi par le décret législatif no 1057 est applicable à plus de 60 000 travailleurs de l’administration publique. Ce régime de contrat, à caractère temporaire, ne contient aucune disposition concernant l’exercice du droit de liberté syndicale des travailleurs qui y sont soumis. En outre, cette figure contractuelle peut être renouvelée à discrétion et sans aucune restriction par les employeurs des entités publiques et, selon les organisations plaignantes, le renouvellement des contrats est soumis à la condition que les travailleurs ne puissent constituer d’organisations syndicales ou y adhérer. Dans la pratique, il n’existe pas de syndicats de travailleurs sous le régime CAS enregistrés auprès du ministère.
  6. 968. Travailleurs non enregistrés. Les organisations plaignantes indiquent que, par ailleurs, un fort pourcentage de la population salariée fournit des services sans jouir de la protection conférée par la législation du travail. Selon des sources du ministère du Travail pour l’année 2007, 62,6 pour cent des salariés n’avaient aucun contrat de travail, et plus la taille de l’entreprise est petite, plus le pourcentage de travail non enregistré est grand. Les organisations plaignantes soulignent qu’il existe aussi un fort pourcentage de travail non enregistré dans les entreprises de plus grande taille qui travaillent dans le cadre de l’économie formelle. L’absence de volonté politique de l’Etat pour parvenir à enregistrer les travailleurs a une conséquence directe sur la possibilité pour eux d’exercer leur droit d’organisation syndicale.
    • Travailleurs qui, en dépit du fait que leurs droits d’organisation et de négociation collective ont été reconnus, voient, dans la pratique, ce droit limité
  7. 969. Travailleurs à contrats temporaires. Les organisations plaignantes déclarent que la législation en vigueur encourage la signature de contrats temporaires et elles soulignent une diminution drastique du taux de syndicalisation corrélative à l’augmentation excessive des contrats temporaires, preuve que les travailleurs temporaires se trouvent dans une situation particulièrement vulnérable face à la discrimination antisyndicale à laquelle ils se heurtent. A cette vulnérabilité particulière devrait correspondre, selon les organisations plaignantes, une protection particulière ou renforcée permettant de respecter leur droit d’association.
  8. 970. Travailleurs sous le régime de l’externalisation et de la sous-traitance. Les organisations plaignantes indiquent que le principal effet de l’externalisation et de la sous-traitance dans le contexte de la syndicalisation au niveau de l’entreprise induit par la législation est le morcellement des unités de production et la réduction de la base «susceptible d’adhérer» aux syndicats d’entreprise ainsi que la réduction de la couverture de la négociation collective. Les organisations plaignantes signalent que la législation établit que, s’il n’y a pas de négociation préalable, l’absence d’accord entre les parties pour déterminer à quel niveau doit être engagée la négociation implique que celle-ci soit menée au niveau de l’entreprise; et, s’il existe déjà une négociation préalable au niveau de l’entreprise, ce niveau ne peut être modifié sans l’accord des parties. Ainsi, bien que formellement les travailleurs puissent négocier au niveau de l’entreprise, cette négociation est inopérante puisqu’elle ne permet pas aux travailleurs de participer réellement aux décisions qui déterminent leurs conditions d’emploi.
  9. 971. Travailleurs de l’Etat qui ne peuvent participer au choix de leurs conditions d’emploi. Enfin, les organisations plaignantes soulignent que les travailleurs de l’Etat assujettis à la carrière de la fonction publique et au régime de travail de l’activité privée, même si le droit de constituer des syndicats leur est reconnu, voient leurs possibilités de négocier collectivement restreintes de diverses manières. La loi applicable aux travailleurs de l’Etat soumis à la carrière de la fonction publique établissait une procédure de consultation en vue d’élaborer un projet de modification du régime unique des rémunérations dans la fonction publique. Les dispositions établissant ce mécanisme de participation ont été abrogées, ce qui fait que les organisations syndicales ne disposent plus d’aucun mécanisme permettant leur participation au choix de leurs conditions de rémunération. Il n’est pas possible non plus de négocier des conditions de travail qui n’impliquent pas des budgets supplémentaires.
  10. 972. Par ailleurs, bien que le gouvernement affirme fréquemment que le projet de loi générale sur le travail est en cours d’élaboration et qu’il tiendra compte des observations formulées par les organes de contrôle de l’OIT, en réalité l’approbation de ce projet, bien qu’il soit soutenu par 85 pour cent des acteurs sociaux dans un processus de dialogue social, n’est pas encouragée. La loi générale sur le travail se trouve parmi les projets qui doivent être discutés par le Parlement depuis plus de quatre sessions législatives mais n’a jamais été véritablement incluse dans l’agenda des sessions du Congrès.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 973. Dans sa communication datée du 8 février 2011, le gouvernement indique que, dans le but de promouvoir la liberté syndicale, les dispositions suivantes ont été prises par le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi:
    • – le 18 février 2010, le Bureau de consultation pour les organisations syndicales a été instauré. Il a pour fonction: i) de fournir une orientation légale en ce qui concerne les droits collectifs et les procédures administratives qui présentent un intérêt pour cellesci; et ii) de proposer des formats et des modèles de statuts. De février à décembre 2010, il y a eu 499 consultations d’organisations syndicales;
    • – le 1er février 2010, un nouveau système d’enregistrement des organisations syndicales a été mis au point, système qui a réduit la durée des démarches de trois jours à trois heures maximum, depuis le dépôt de la demande au guichet jusqu’à la délivrance du certificat d’enregistrement automatique;
    • – de juillet 2006 à décembre 2010, 458 organisations syndicales ont été enregistrées auprès du Registraire des syndicats;
    • – des réunions mensuelles se tiennent avec les centrales syndicales, les fédérations et les syndicats de travailleurs les plus représentatifs du pays pour aborder leur problématique professionnelle et envisager immédiatement une solution, pour préserver la paix sociale;
    • – les demandes formulées par les organisations de travailleurs et d’employeurs sont par ailleurs traitées de manière opportune par le Conseil national du travail et de la promotion de l’emploi – CNTPE – car celui-ci est par essence l’endroit le plus propice au dialogue socioprofessionnel, vu qu’il est l’organe consultatif tripartite du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi.
  2. 974. Par ailleurs, le gouvernement indique que quatre critères d’interprétation ont été publiés à l’usage des fonctionnaires du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi et de ceux des administrations régionales, dans le but de: i) garantir la négociation collective dans toute relation de droit du travail privé, même lorsque l’employeur est l’Etat et que l’organisation syndicale regroupe des travailleurs assujettis au régime de travail public; ii) respecter l’autonomie syndicale exprimée dans les statuts des organisations syndicales, pour contribuer ainsi à la consolidation de l’organisation syndicale; iii) promouvoir la négociation collective en admettant la possibilité de déléguer la représentation des organisations syndicales en faveur de ceux qu’elles désigneraient librement et expressément pour négocier collectivement en leur nom; et iv) garantir la constitution des organisations syndicales et leur enregistrement.
  3. 975. Le gouvernement ajoute que d’autres mécanismes ont été créés: i) un système d’alerte rapide des conflits collectifs au niveau national afin de les traiter, les prévenir et envisager leur solution; ii) un mécanisme alternatif de solution de conflits «non réglementé» appelé «réunions extraprocédurales». Ledit mécanisme est conçu comme un effort supplémentaire pour trouver une solution concertée au conflit. Il s’agit d’un mécanisme pensé plus en termes d’équité et d’harmonie sociale qu’en termes de stricte application de la loi; iii) la Direction générale aux droits fondamentaux, à la sécurité et à la santé au travail, institution responsable de formuler les politiques publiques et de développer des fonctions de promotion des droits fondamentaux au travail, droits parmi lesquels se trouvent la liberté syndicale et la négociation collective; et iv) les mécanismes de solution de conflits par la conciliation et les réunions extraprocédurales sont mis en œuvre à partir de la formation des fonctionnaires chargés de leur mise en place et l’établissement de lignes de conduite.
    • Non-reconnaissance du droit d’organisation dans la législation et dans la pratique
  4. 976. Travailleurs du secteur informel. Le gouvernement indique que le décret législatif no 1086 reconnaît dans son article 3 le droit des travailleurs à constituer des syndicats; il s’engage également à ne pas intervenir dans le droit des travailleurs d’élire ou non leurs représentants et de s’affilier ou non à des organisations légalement constituées. Par conséquent, tous les travailleurs assujettis à ce régime ont toute latitude pour exercer leur droit d’organisation, selon les dispositions du texte unique codifié de la loi sur les relations collectives et le règlement correspondant. Le gouvernement précise également qu’il n’est pas juste d’affirmer que le nombre de travailleurs de ces entreprises constitue un obstacle pour qu’ils puissent exercer leur droit d’organisation, étant donné que la législation prévoit que les entreprises dont le nombre de travailleurs n’atteindrait pas le nombre requis pour constituer un syndicat pourront élire deux délégués auprès de leur employeur et auprès de l’autorité du travail.
  5. 977. Travailleurs sous modalités d’apprentissage. Le gouvernement déclare que les modalités d’apprentissage sont des conventions particulières qui relient l’apprentissage théorique avec l’apprentissage pratique par l’exécution de tâches programmées d’apprentissage et de formation professionnelle. Selon la loi spécifique sur les modalités d’apprentissage, n’importe laquelle des cinq conventions relatives à ces modalités peut être signée, chacune d’entre elles ayant une durée déterminée, et les parties doivent respecter des conditions spécifiques exigées par chacune des modalités, telles que les plans et les programmes correspondant à chaque type d’apprentissage. Le gouvernement souligne que ces conventions ne sont pas assujetties aux normes du travail en vigueur mais aux dispositions spécifiques liées à la promotion et à la formation professionnelle; ceci est d’autant plus déterminant que lesdites modalités ne constituent pas une relation de travail. Enfin, le gouvernement indique que les modalités d’apprentissage ne génèrent pas de bénéfices professionnels puisqu’il n’y a pas de relation de travail, excepté si elles relèvent des motifs de révision établis par la loi elle-même.
  6. 978. Travailleurs de l’Etat sous le régime du Contrat administratif de services (CAS). Le gouvernement affirme que les contrats administratifs de services constituent une modalité particulière propre au droit administratif de l’Etat. La liberté syndicale pour les personnes régies par les CAS a été reconnue par la Cour constitutionnelle, par un jugement ayant pleine autorité du 31 août 2010 (dossier no 00002-2010-PI/TC) et la mise au point du 11 octobre 2010, dans laquelle il est établi que la réglementation nécessaire pour que les travailleurs du régime CAS puissent exercer leur droit d’organisation et leur droit de grève régi par l’article 28 de la Constitution doit être établie. Selon le gouvernement, le jugement indique que l’article 1 du décret législatif no 1057 doit être interprété de manière à ce que le régime CAS soit entendu comme un régime «spécifique» de contrat de travail pour le secteur public.
  7. 979. Travailleurs non enregistrés. Le gouvernement fait savoir que le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi, en vue de réduire le taux d’emploi informel, a mené des campagnes d’inspection, organisées dans le cadre du Plan d’enregistrement des travailleurs (plan Reto), qui a pour objectifs: i) l’extension de la couverture de l’inspection du travail aux secteurs sociaux qui ne jouissent d’aucune reconnaissance de leurs droits du travail et n’ont pas non plus accès à la sécurité sociale; et ii) le renforcement des politiques continuelles d’orientation et d’inspection des différents secteurs économiques, pour parvenir à intégrer massivement les travailleurs dans les bases de données électroniques et faire diminuer ainsi le taux d’emploi informel dans le pays. Le gouvernement souligne que, entre décembre 2008 et décembre 2010, grâce au plan Reto, plus de 34 000 entreprises ont été inspectées, ce qui a permis d’intégrer dans les bases de données quelque 41 000 travailleurs.
  8. 980. Travailleurs précaires et vulnérables. Le gouvernement fait savoir que la nouvelle loi de procédure au travail a été approuvée (loi no 29497); elle a été publiée le 15 janvier 2010 et constitue la réforme majeure en la matière. Son principe fondamental est la procédure orale, ce qui permettra d’accélérer les procédures judiciaires en les réduisant à six mois. La nouvelle loi de procédure du travail, en matière de liberté syndicale et de négociation collective, introduit les mécanismes suivants: i) les syndicats peuvent comparaître pour se défendre eux-mêmes, pour défendre leurs droits collectifs et pour défendre leurs dirigeants et leurs membres; ii) les syndicats peuvent défendre leurs dirigeants et leurs membres sans qu’il soit nécessaire qu’ils disposent d’un pouvoir spécial de représentation; cependant, dans la demande ou la réponse, chacun des membres doit être identifié individuellement avec ses prétentions respectives; iii) les prétentions consécutives à une atteinte au droit à la non-discrimination pour l’accès à l’emploi ou à une infraction concernant les interdictions du travail forcé et du travail des enfants peuvent être formulées par une organisation syndicale; et iv) lorsqu’il sera porté atteinte aux droits de liberté syndicale, de négociation collective, de grève, de sécurité, de santé au travail et, en général, lorsqu’un droit correspondant à un groupe ou une catégorie de prestataires de services sera lésé, les syndicats, les représentants des travailleurs, ou n’importe quel travailleur ou prestataire de services du secteur pourront être demandeurs. Le gouvernement ajoute que, à partir de janvier 2010, le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi a mis en application un programme de diffusion des contenus de la nouvelle loi au niveau national et a coordonné des formations pour les dirigeants syndicaux. Actuellement, la nouvelle loi de procédure du travail commence à être mise en application progressivement dans les districts judiciaires du pays et reçoit une réponse positive de la part des parties intervenantes.
  9. 981. Travailleurs sous contrats temporaires. Le gouvernement affirme, en ce qui concerne les contrats dans le secteur de l’exportation non traditionnelle, mis en question par les centrales syndicales parce qu’il s’agit d’une des modalités de contrat temporaire qui porte atteinte au droit d’organisation syndicale, que le décret-loi no 22342, loi sur la promotion des exportations non traditionnelles, a été conçu dans le cadre d’une politique d’encouragement des exportations non traditionnelles et de création d’entreprises. Pour ce faire, un régime de travail spécifique a été établi: il permet que les entreprises puissent embaucher du personnel occasionnel, autant qu’il leur est nécessaire, pour traiter les demandes d’exportation non traditionnelle, à condition que le volume d’exportation atteigne au minimum 40 pour cent de leur production. Pour pouvoir signer ce type de contrat, des conditions requises spécifiques établies dans la loi correspondante doivent être respectées. Cependant, afin que les champs d’application établis par la loi soient respectés et que cela ne génère pas d’abus de la part des entreprises exportatrices, en 2008, le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi a formulé les lignes directrices no 002-2008-MTPE/2/11.4 concernant le «Cadre opérationnel de l’inspection du travail dans les entreprises du secteur du textile», dans le but d’empêcher un mauvais usage des contrats par les entreprises du secteur du textile, et pour que ces entreprises respectent les obligations socioprofessionnelles, de sécurité et de santé au travail dans ce secteur.
  10. 982. Le gouvernement ajoute que, par ailleurs, la Cour constitutionnelle, dans le jugement repris dans le dossier no 01148-2010-PA/TC, a apporté quelques précisions quant à la constitutionnalité du régime de travail spécifique pour l’exportation de produits non traditionnels prévu dans le décret-loi no 22342, ainsi que sur les cas où les contrats de travail à durée déterminée relevant de ce régime de travail spécifique seront considérés comme non valables. C’est ainsi que la Cour constitutionnelle a précisé que: i) il est constitutionnel que les travailleurs d’une entreprise exportatrice de produits non traditionnels soient assujettis au régime de travail spécifique établi par le décret-loi no 22342; et ii) un contrat de travail temporaire conclu sous le régime de travail spécifique du décret-loi no 22342 sera considéré comme non valable lorsque la cause objective déterminant l’embauche n’y sera pas explicitement précisée, cause qui peut être un contrat d’exportation, un ordre d’achat ou un programme de production à l’exportation. Le gouvernement précise qu’actuellement ce régime est examiné au Congrès de la République, étant donné que deux initiatives législatives ayant pour objet l’abrogation dudit régime ont été présentées. Les avis sur les projets de loi ayant un caractère prioritaire doivent être débattus en séance plénière au Congrès. La Commission du travail a émis un avis favorable tandis que la Commission au commerce extérieur a émis un avis contraire. Le gouvernement conclut en déclarant que la législation nationale garantit que les travailleurs assujettis à des contrats temporaires et les travailleurs assujettis au régime d’exportation non traditionnelle auront les mêmes droits que les travailleurs sous contrats à durée indéterminée; parmi ces droits se trouvent ceux d’organisation et de négociation collective et le droit de grève.
  11. 983. Travailleurs sous le régime de l’externalisation et de la sous-traitance. Le gouvernement indique que les contrats comprenant un transfert de travailleurs vers les unités de production ou les services de l’entreprise principale n’ont pas pour objet d’affecter les droits des travailleurs. Les travailleurs transférés dans le cadre d’une externalisation de services, quel que soit le type de contrat utilisé, jouissent du droit de libre organisation, de négociation collective et du droit de grève. Le gouvernement indique que la législation interdit que l’externalisation soit utilisée dans le but d’entraver la liberté syndicale, le droit de négociation collective, l’activité des organisations syndicales, les travailleurs en grève ou de leur porter atteinte ainsi que de nuire à la situation professionnelle des dirigeants protégés par l’immunité syndicale. Le gouvernement souligne en outre que la loi prévoit que la sous-traitance sera déclarée nulle de plein droit lorsqu’elle aura pour but de porter atteinte à l’exercice des droits collectifs des travailleurs ou de les entraver; par conséquent, la protection de l’exercice des droits collectifs est garantie pour les travailleurs assujettis à ce régime. Le gouvernement conclut en indiquant que, dans ces deux régimes, les droits d’organisation, de négociation collective et le droit de grève sont reconnus, que l’exercice démocratique de ces droits est protégé et que le respect des droits fondamentaux des travailleurs est garanti.
  12. 984. Travailleurs de la fonction publique. Le gouvernement souligne que la législation garantit le droit d’association et de négociation collective aux travailleurs du secteur public. L’article 42 de la Constitution politique reconnaît le droit d’organisation et le droit de grève aux fonctionnaires publics mais ne s’applique pas aux fonctionnaires de l’Etat ayant un pouvoir de décision ou occupant des postes de confiance ni aux membres des forces armées ou de la police nationale. L’exercice du droit de négociation collective des fonctionnaires publics présente une double réglementation; cela dépend du régime de travail auquel ils appartiennent, privé ou public. Le gouvernement déclare que les travailleurs des entités et/ou des entreprises de l’Etat régis par le régime de l’activité privée sont inclus dans les normes prévues par le Texte unique codifié de la loi sur les relations collectives de travail (TUO de la LRCT), approuvé par le décret suprême no 010-2003-TR. Cependant, l’exercice de ces droits par les fonctionnaires publics ne doit pas s’opposer aux normes spécifiques qui pourraient les restreindre, conformément aux dispositions de l’article 1 du TUO de la LRCT. Il ajoute, en ce qui concerne les fonctionnaires publics, les employés et les ouvriers régis par le régime de la carrière administrative (décret législatif no 276), qu’ils peuvent négocier tout ce qui n’a pas trait aux rémunérations, étant donné que la négociation en matière de rémunération est soumise à des restrictions établies par les lois budgétaires correspondantes.
  13. 985. Encouragement de la négociation collective et modifications législatives. A cet égard, le gouvernement déclare que le projet de loi générale sur le travail se trouve en attente d’approbation au Congrès de la République. Plusieurs modifications législatives ont été proposées en particulier en ce qui concerne la loi sur les relations collectives de travail et le niveau de la négociation collective. Le gouvernement indique que le choix du niveau de négociation des syndicats est une question qui a donné lieu à des discussions devant le Conseil national du travail et de la promotion de l’emploi lorsque le projet de loi générale sur le travail a été débattu; cependant, il n’y a pas eu consensus. La proposition faite par le gouvernement à ce moment-là laisse le choix du niveau de négociation aux parties, mais la Commission du travail du Congrès de la République a émis un avis s’appuyant sur un autre texte qui est dans l’attente d’un débat en séance plénière au Congrès, texte dans lequel il est indiqué que, au cas où on ne parviendrait pas à un accord, la négociation serait menée au niveau de l’entreprise.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 986. Le comité observe que, dans le présent cas, les organisations plaignantes allèguent des restrictions légales et des entraves mises dans la pratique à l’exercice des droits d’organisation et de négociation collective en ce qui concerne certaines catégories de travailleurs, ce qui donne lieu à une diminution des taux d’affiliation et des travailleurs couverts par des conventions collectives.
  2. 987. Le comité prend note de ce que, selon les organisations plaignantes: 1) pour une part très importante des travailleurs, les droits d’organisation et de négociation collective ne sont pas reconnus expressément (les travailleurs du secteur informel, les travailleurs sous le régime de contrats d’apprentissage, les travailleurs de l’Etat sous le régime de «contrats administratifs de services» et les travailleurs non enregistrés); 2) de nombreux travailleurs ne peuvent exercer ces droits à cause de difficultés existant dans la pratique, de lacunes dans la législation ou de restrictions légales (travailleurs sous contrats temporaires, travailleurs sous le régime de la sous-traitance et de l’externalisation, travailleurs non enregistrés et travailleurs de l’Etat sous le régime de l’activité privée).
  3. 988. Le comité prend note également des observations détaillées fournies par le gouvernement parmi lesquelles, notamment, les informations suivantes: 1) toutes les catégories de travailleurs mentionnées par les organisations plaignantes jouissent, de par la loi, du droit d’association et de négociation collective; 2) en ce qui concerne la négociation collective et les modifications demandées dans la loi sur les relations collectives au travail, plusieurs propositions ont été faites; et 3) le projet de loi générale sur le travail est actuellement au Congrès de la République, dans l’attente d’une approbation.
    • Non-reconnaissance du droit d’organisation dans la législation et dans la pratique
  4. 989. Travailleurs du secteur informel. Le comité prend note que, selon les organisations plaignantes, la récente réforme de la législation introduite par le décret législatif no 1086 dispose que «les travailleurs des petites entreprises exerceront leurs droits collectifs conformément aux lois régissant le régime de l’activité privée», mais elle ne mentionne aucunement l’exercice des droits syndicaux des travailleurs du secteur informel pour lesquels il n’existe aucune référence légale concernant l’exercice de leurs droits d’association. Le comité prend note que, selon le gouvernement, le décret législatif no 1086 reconnaît dans son article 3 le droit des travailleurs à constituer des syndicats et s’engage à ne pas interférer dans le droit des travailleurs à élire ou non des représentants et à s’affilier ou non à des organisations légalement constituées. Par conséquent, tous les travailleurs soumis à ce régime ont toute latitude pour exercer leur droit d’organisation, conformément aux dispositions du Texte unique codifié de la loi sur les relations collectives de travail et le règlement correspondant. Le comité prend note en particulier que les organisations plaignantes allèguent que la loi prévoit la constitution de syndicats de branches d’activité qui pourraient rendre possible la négociation collective à ce niveau pour les travailleurs des entreprises comptant moins de 20 travailleurs, mais qu’actuellement il existe très peu de syndicats à ce niveau parce que la législation décourage de manière catégorique la création de ce type de syndicat en empêchant la négociation collective sectorielle. Ces microentreprises n’ont aucune représentativité pour négocier au niveau de l’entreprise à cause du nombre insuffisant d’adhérents et affrontent des obstacles au niveau sectoriel. Le comité souligne que le gouvernement indique que le choix du niveau de négociation des syndicats est une question qui a été discutée devant le Congrès national du travail et de la promotion de l’emploi lorsque le projet de loi générale sur le travail a été débattu; cependant il n’y a pas eu consensus, raison pour laquelle le gouvernement a proposé de modifier les dispositions légales. Le comité observe que le texte qui sera débattu en séance plénière du Congrès limite de nouveau la négociation au niveau de l’entreprise au cas où aucun accord ne serait obtenu en ce qui concerne le niveau de la négociation collective, ce que la proposition du gouvernement n’envisageait pas. Le comité rappelle que la question du niveau de négociation collective a déjà été examinée antérieurement dans un cas relatif au Pérou (cas no 2375); il a constaté à cette occasion que le niveau de la négociation collective pouvait être soumis à l’autorité judiciaire, par conséquent le principe selon lequel le choix du niveau de négociation collective devait être laissé aux parties concernées serait respecté si cette possibilité existait. [Voir 338e rapport, novembre 2005, paragr. 1222.] Le comité attend du gouvernement qu’il prenne les mesures qui s’imposent pour assurer que le choix du niveau de négociation collective soit laissé aux parties concernées.
  5. 990. Travailleurs sous contrats d’apprentissage. Le comité prend note de ce que, selon les organisations plaignantes, la loi no 28518 ne contient aucune référence à la possibilité de constituer des syndicats ou de négocier collectivement. Ceci implique que les travailleurs régis par cette norme se voient empêchés de constituer des organisations syndicales et de négocier collectivement. Le comité prend note de ce que, selon le gouvernement, les conventions signées (contrats d’apprentissage) ne sont pas soumises aux lois sur le travail en vigueur mais aux dispositions spécifiques liées à la promotion et à la formation professionnelle; ceci est d’autant plus déterminant que lesdites modalités ne constituent pas une relation de travail. Le comité souligne que cette question a déjà été traitée dans le cadre de l’examen du cas no 1796 et signale à l’attention du gouvernement que, aux termes de l’article 2 de la convention no 87 ratifiée par le Pérou, tous les travailleurs – à la seule exception des membres des forces armées et de la police – devraient avoir le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier. Le critère à retenir pour définir les personnes couvertes par ce droit n’est donc pas la relation d’emploi avec un employeur; cette relation est en effet souvent absente comme pour les travailleurs de l’agriculture ou les travailleurs indépendants en général, qui doivent pourtant tous jouir du droit syndical. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 254.] Selon le comité, les personnes engagées dans les conditions de conventions de formation devraient jouir du droit syndical, et le statut avec lequel les travailleurs sont embauchés, comme apprentis ou à un autre titre, ne doit avoir aucune incidence sur leur droit d’adhérer à des organisations syndicales et de participer à leurs activités. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 258 et 259.] Le comité prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que ce droit soit garanti aux travailleurs concernés tant dans la législation que dans la pratique.
  6. 991. Travailleurs de l’Etat sous le régime du Contrat administratif de services (CAS). Le comité prend note que, selon les organisations plaignantes, ce régime de contrat, régi par le décret législatif no 1057, à caractère temporaire, ne contient pas de dispositions faisant référence à l’exercice du droit d’association des travailleurs qui y sont assujettis. Le comité prend note également – tout comme l’a fait la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations lors de sa session de novembre - décembre 2010, en ce qui concerne l’application de la convention no 87 – que le droit d’association pour les personnes régies par le régime CAS a été reconnu par la Cour constitutionnelle, par le jugement de pleine juridiction du 31 août 2010 (dossier no 00002-2010-PI/TC) et la mise au point du 11 octobre 2010, dans laquelle il a été établi qu’il était nécessaire d’imposer une réglementation pour que les travailleurs soumis au régime CAS puissent exercer leur droit d’association et le droit de grève prévu dans l’article 28 de la Constitution. Le comité prie le gouvernement de lui indiquer si la réglementation en question a été prise conformément au jugement de la Cour constitutionnelle et, si tel n’était pas le cas, de prendre les mesures nécessaires pour qu’elle soit adoptée dans les délais les plus brefs.
    • Travailleurs qui, bien que leurs droits d’organisation et de négociation collective soient reconnus, voient, dans la pratique, l’exercice de ces droits entravé
  7. 992. Le comité prend note que, selon les organisations plaignantes, ces difficultés rencontrées dans la pratique concernent trois catégories de travailleurs, à savoir: 1) les travailleurs sous contrats temporaires; 2) les travailleurs sous le régime de l’externalisation et de la sous-traitance; et 3) les travailleurs de la fonction publique. Le comité prend note également que le gouvernement indique que, dans le but de promouvoir la liberté syndicale, des réunions mensuelles se tiennent avec les centrales syndicales, les fédérations et les syndicats de travailleurs les plus représentatifs du pays, pour traiter de leur problématique du travail et décider d’une solution immédiate, dans le but de préserver la paix sociale. Le comité prie le gouvernement d’inclure ces difficultés dans les points à discuter dans les réunions avec les organisations d’employeurs et de travailleurs concernées. En outre, le comité note que le gouvernement a indiqué que le projet de loi générale sur le travail se trouve au Congrès de la République dans l’attente d’une approbation. Plusieurs modifications de la loi sur les relations collectives au travail et son règlement ont été proposées. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des réformes législatives en cours et s’attend à ce que les conclusions et les recommandations du comité soient prises en compte au moment de modifier les dispositions mises en cause par les organisations plaignantes, dans le but d’améliorer l’exercice des droits d’association et de négociation collective dans la pratique.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 993. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne les niveaux de négociation, le comité espère que le gouvernement prendra les mesures qui s’imposent pour assurer que le choix du niveau de négociation soit laissé aux parties concernées.
    • b) Le comité attend du gouvernement qu’il prenne les mesures nécessaires pour que le droit d’organisation soit garanti aux personnes engagées sous les conditions des conventions de formation.
    • c) Le comité prie le gouvernement de lui faire savoir si la réglementation nécessaire pour que les travailleurs de l’Etat sous le régime du Contrat administratif de services (CAS) puissent exercer leurs droits d’organisation et leur droit de grève a été prise – conformément au jugement de la Cour constitutionnelle – et, si tel n’était pas le cas, de prendre les mesures nécessaires pour qu’elle soit adoptée dans les délais les plus brefs.
    • d) En ce qui concerne les difficultés rencontrées dans la pratique, le comité prie le gouvernement d’inclure ces difficultés dans les questions à discuter et d’admettre dans les réunions les organisations d’employeurs et de travailleurs concernées.
    • e) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des réformes législatives en cours et s’attend à ce que les conclusions et les recommandations du comité soient prises en compte au moment de modifier les dispositions mises en cause par les organisations plaignantes, dans le but d’améliorer l’exercice des droits d’association et de négociation collective dans la pratique.
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