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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 359, Mars 2011

Cas no 2760 (Thaïlande) - Date de la plainte: 24-NOV. -09 - Clos

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  • la présidente a été agressée physiquement par des personnes non identifiées. L’organisation plaignante allègue en outre que la présidente du syndicat a été licenciée par l’employeur (Body Fashion) pour avoir exprimé son soutien à un dirigeant politique de l’opposition, que l’employeur a licencié par la suite la moitié de ses effectifs (1 959 travailleurs) – dont 13 des 17 membres du comité directeur du syndicat – et qu’une grève organisée par le syndicat, à la suite de ces licenciements, a été violemment dispersée
    1. 1135 La Fédération thaïlandaise des travailleurs de l’habillement et du cuir (TWFT) a présenté une plainte contre le gouvernement de la Thaïlande pour violations des droits syndicaux, dans une communication en date du 24 novembre 2009.
    2. 1136 Le gouvernement a envoyé des observations partielles dans une communication en date du 17 mars 2010. Il a présenté des informations supplémentaires dans une communication en date du 20 septembre 2010.
    3. 1137 La Thaïlande n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 1138. L’organisation plaignante indique que le syndicat des travailleurs de Triumph International (Thaïlande) est membre de la TWFT et que la TWFT est membre de la Fédération internationale des travailleurs du textile, de l’habillement et du cuir (FITTHC). La société concernée dans le présent cas est Body Fashion (Thaïlande) Ltd (une filiale de Triumph International), qui fabrique et distribue des vêtements, de la lingerie, des maillots de bain et des tenues de sport pour femmes. L’organisation plaignante allègue essentiellement de cinq violations des droits syndicaux, à savoir: i) le licenciement de Mme Kotchadej, présidente du syndicat; ii) le licenciement de 1 959 travailleurs, dont 13 membres du comité directeur du syndicat; iii) la dispersion violente d’une grève pacifique; iv) l’arrestation de trois membres syndicaux; et v) l’ingérence dans les activités syndicales.
  2. 1139. Licenciement de Mme Kotchadej, présidente du syndicat. Selon l’organisation plaignante, après le coup d’Etat militaire du 19 septembre 2006, des militaires et des agents des opérations de commandement de la sécurité interne (ISOC) ont pris contact avec la direction de la société, lui demandant de s’occuper du syndicat et, en particulier, de faire en sorte que Mme Jitra Kotchadej, qui se trouvait en congé et était la présidente du syndicat des travailleurs de Triumph International (Thaïlande), se tienne à l’écart de la politique. Les militaires ont établi un poste de contrôle devant l’usine pour surveiller les mouvements du syndicat. Selon l’organisation plaignante, ce contrôle a été mis en place, parce que le syndicat s’était joint à de nombreux groupes de la société civile pour s’opposer au coup d’Etat et faire campagne en vue de demander aux gens de ne pas approuver la Constitution de 2007 lors du référendum. En outre, l’organisation plaignante indique que Mme Kotchadej a fait l’objet d’agressions physiques et qu’aucun des coupables n’a été identifié. Le 29 juillet 2008, Mme Kotchadej a été informée par le directeur des ressources humaines que le directeur général voulait la rencontrer au siège. C’est là qu’elle a été informée que, le 21 juillet 2008, la société avait engagé une procédure auprès du tribunal central du travail de la province de Samut Prakan, demandant au tribunal d’approuver le licenciement de Mme Kotchadej, et que celui-ci avait rendu sa décision par défaut en faveur de la société. L’organisation plaignante précise à cet égard que Mme Kotchadej est membre du Comité des employés et que, par conséquent, toute sanction contre elle doit être approuvée par le tribunal.
  3. 1140. L’organisation plaignante indique en outre que la société a déclaré qu’elle avait dû être licenciée parce qu’elle avait porté préjudice à la réputation de la société. La raison de son licenciement, exposée dans une lettre du directeur général du 30 juillet 2008, communiquée à tous les salariés, est liée au fait que le 24 avril 2008 Mme Kotchadej a été invitée à s’exprimer dans un programme de la télévision publique – Krong Sathanakarr – sur le thème «Grossesse et avortement» diffusé sur la chaîne NBT, dans lequel, selon la société, elle a voulu par son comportement faire croire aux téléspectateurs que la société soutenait sa cause. Pendant ce programme, dans le cadre de la campagne pour la promotion des droits en matière de procréation et du droit d’interrompre légalement une grossesse et dans de bonnes conditions d’hygiène, Mme Kotchadej portait un t-shirt avec l’inscription «Ne pas se lever n’est pas un crime, penser différemment n’est pas un crime». Elle a été accusée ensuite par l’Alliance du peuple pour la démocratie de porter un t-shirt en soutien à M. Chotisak OnSoong, accusé de lèse-majesté pour ne pas s’être levé pendant que l’on jouait un hymne royal, et ils ont déclenché contre elle une campagne de dénigrement.
  4. 1141. Après l’annonce du licenciement, les membres du syndicat ont organisé une grève et un piquet devant l’usine, demandant la réintégration de Mme Kotchadej. La grève a duré quarante-six jours, à l’issue desquels le tribunal a accepté de rejuger l’affaire, le 23 septembre 2008. Mme Kotchadej s’est plainte auprès du tribunal de ne pas avoir été informée, avant qu’il rende sa décision, et de n’avoir ainsi pas pu intervenir au cours de l’audience. Néanmoins, lors de la procédure de réexamen, le tribunal a décidé que Mme Kotchadej avait porté atteinte à «l’esprit national thaï» et ordonné que le licenciement prenne effet immédiatement. Selon l’organisation plaignante, bien que Mme Kotchadej ait demandé à faire appel, le tribunal a rejeté sa demande.
  5. 1142. L’organisation plaignante estime que le licenciement était une tentative de démanteler la direction du syndicat, eu égard au fait que Mme Kotchadej avait été très active dans la mobilisation des membres syndicaux pour différentes manifestations et actions. Elle s’était notamment beaucoup investie dans une campagne organisée par le syndicat en juin 2007, qui a contraint la société à accepter les demandes des travailleurs. Le 12 septembre 2007, un accord a ainsi été conclu entre la société et le syndicat, rappelant à la société qu’elle doit respecter strictement le code de conduite de Triumph International et les conventions de l’OIT.
  6. 1143. Licenciement de 1 959 travailleurs. L’organisation plaignante indique en outre que, le 29 juin 2009, la direction de la société qui comptait 4 200 travailleurs a décidé d’en licencier 1 959. Treize des 17 membres du comité directeur du syndicat faisaient partie du personnel licencié. Seuls quatre membres du comité ont pu continuer à travailler dans l’usine. Le directeur général en Suisse a informé les travailleurs que cette vaste restructuration était nécessaire pour la société. Tous les travailleurs qui étaient membres du syndicat et travaillaient à la chaîne de production des maillots de bain ont été licenciés; quelques travailleurs occupant des fonctions importantes ont toutefois été maintenus à leur poste pour assurer la poursuite de la production. Tous les travailleurs de cette chaîne de production avaient participé activement aux activités syndicales et s’étaient joints à la grève de quarante-six jours, en 2008, pour protester contre le licenciement de Mme Kotchadej. L’organisation plaignante ajoute que les décisions de licenciement ne s’appliquaient pas aux travailleurs d’une autre usine située dans la province de Nakhon Sawan, où la société avait délocalisé auparavant une partie de sa production, étant donné que dans cette usine les travailleurs n’avaient pas commencé à s’organiser en syndicat.
  7. 1144. En outre, l’organisation plaignante estime que le licenciement des 1 959 travailleurs est contraire à la convention conclue entre le syndicat et la société, le 6 août 1999. Le premier paragraphe de l’article 6 de cette convention relatif au licenciement des travailleurs prévoit que, si la société doit restructurer ses effectifs et mécaniser sa production ou augmenter la mécanisation et si elle doit licencier des travailleurs, elle convient d’agir conformément à ce qui suit: a) la décision de licenciement doit être prise sur la base d’un accord collectif entre la société et le syndicat pour assurer l’équité et l’égalité; et b) si les licenciements sont fondés sur les motifs susmentionnés, la société convient d’accorder une indemnité spéciale, en sus des indemnités légales prévues par l’article 118 de la loi de 1998 sur la protection des travailleurs, aux salariés qui ont travaillé pendant plus de six années consécutives. L’indemnité supplémentaire équivaudra à 20 jours de salaire, en se basant sur le taux de la dernière rémunération, mais le montant total de l’indemnité spéciale n’excédera pas l’équivalent de 360 jours de salaire cumulés. Tous les travailleurs licenciés, sauf ceux qui ont été licenciés pour des motifs disciplinaires, pourront bénéficier de l’indemnité spéciale. Selon l’organisation plaignante, le licenciement des 1 959 travailleurs a eu lieu sans qu’aucune décision préalable n’ait été prise collectivement et sans consultation. En outre, après l’annonce du licenciement, les médias officiels et les responsables gouvernementaux ont déclaré que la société avait accordé toutes les indemnités aux travailleurs, conformément à la loi, et la société a invoqué ce fait comme motif pour refuser de rencontrer le syndicat et de négocier avec lui.
  8. 1145. Violente dispersion d’une grève pacifique. Le 27 août 2009, le syndicat des travailleurs de Triumph International (Thaïlande) s’est mobilisé pour s’informer des progrès réalisés par le gouvernement, suite à la requête qu’il avait présentée le 6 août au gouvernement, dans laquelle il lui demandait d’intervenir auprès de la société pour que celle-ci verse toutes les indemnités adéquates aux travailleurs licenciés. Plus de 400 d’entre eux se sont rassemblés pacifiquement et sans armes devant le palais du gouvernement et le Parlement. Selon l’organisation plaignante, la manifestation ne constituait que l’exercice du droit de se rassembler pacifiquement, garanti par la Constitution. Les travailleurs ont tenté de collaborer avec les fonctionnaires à l’intérieur du palais du gouvernement, leur demandant l’autorisation d’organiser la manifestation dans ce lieu. L’organisation plaignante assure que, le jour de la manifestation, les autorités ont utilisé un dispositif à ondes acoustiques de longue portée (LRAD) pour perturber la manifestation et annoncé, par voie médiatique à la télévision officielle, que l’expérimentation de ce dispositif était un succès. Selon l’organisation plaignante, l’utilisation de ce dispositif, qui émet des sons stridents, a causé chez de nombreux travailleurs des douleurs auriculaires, des nausées, une perturbation du rythme cardiaque, des maux de tête, de la fatigue et des infections de l’oreille moyenne, attestés par des examens médicaux.
  9. 1146. Arrestation de trois membres syndicaux. Selon l’organisation plaignante, dans le cadre de la grève susmentionnée, des mandats d’arrêt ont été délivrés contre trois membres syndicaux, Mme Boonrod Saiwong, secrétaire exécutive du syndicat des travailleurs de Triumph International (Thaïlande), Mme Jitra Kotchadej et Mme Sunthorn Boonyod. Ces mandats
    • – nos 2494/2009 et 2495/2009 du 27 août 2009 – ont été émis en vertu des articles 215 et 216 du Code pénal pour organisation de rassemblements de plus de dix personnes, incitation aux troubles dans la ville et refus de cesser des actions de protestation causant des perturbations, à la demande de la police. Les avocats ont demandé une copie des mandats d’arrêt, mais le tribunal de première instance a refusé de leur en fournir, en déclarant que «la délivrance du mandat d’arrêt fait partie de la procédure d’enquête et qu’il n’y a aucune raison de répondre à la demande des avocats». Ceux-ci ont déposé un recours auprès de la cour d’appel contre la décision du tribunal.
  10. 1147. Allégations d’ingérence dans les activités syndicales. Enfin, l’organisation plaignante allègue d’actes d’ingérence de la part des autorités dans ses activités syndicales. Après le licenciement des dirigeants syndicaux, les membres du syndicat ont décidé de convoquer une réunion spéciale pour voter une motion de défiance contre la présidente du syndicat, Mme Wanphen Wongsombat, et ils ont élu Mme Suchitra Choikhunthod comme nouvelle présidente. L’organisation plaignante indique que, dans sa lettre (réf. Ror Ngor 0509/009712) du 17 novembre 2009 adressée à la société, le Département de l’emploi et de la protection sociale a insisté sur le fait que la société devait continuer de s’adresser au syndicat par l’intermédiaire de Mme Wanphen Wongsombat, malgré l’information communiquée par le syndicat à la société et aux autorités concernant les représentants syndicaux nouvellement élus.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1148. Dans ses communications des 17 mars et 20 septembre 2010, le gouvernement indique que la décision de l’employeur, Body Fashion (Thaïlande) Ltd, de licencier Mme Kotchadej a été prise conformément à la décision du tribunal central du travail (province de Samut Prakan) du 8 juillet 2008. Il ajoute que, le 27 novembre 2008, le tribunal central du travail (province de Samut Prakan) a confirmé sa décision autorisant l’employeur à licencier Mme Kotchadej et que celle-ci n’a pas, à ce jour, interjeté appel de cette décision devant la Cour suprême.
  2. 1149. Selon le gouvernement, la législation du travail prévoit une protection contre les licenciements déraisonnables. En particulier, la loi sur les relations professionnelles B.E.2518 (1975) contient des dispositions qui protègent les employés participant à des processus de négociation et les syndicats contre des actes de discrimination et un licenciement inéquitable. Il ajoute que les employés qui font l’objet d’un traitement inéquitable peuvent déposer des plaintes auprès de la Commission des relations professionnelles, qui peut émettre une ordonnance spéciale pour protéger le plaignant. Quant à ceux qui sont membres du comité des employés, l’employeur ne peut pas les sanctionner ni les licencier sans l’autorisation d’un organe judiciaire. Enfin, le gouvernement indique que la fédération plaignante n’est pas une partie engagée dans le présent cas et qu’elle ne peut donc pas comprendre tous les détails des affaires examinées par le tribunal.
  3. 1150. Quant aux allégations relatives au licenciement des 1 959 travailleurs, le gouvernement indique que les salariés qui auraient été victimes de violations de leurs droits peuvent déposer une plainte auprès du Département de l’emploi et de la protection sociale, mais que les salariés concernés dans le présent cas ne l’ont pas fait. En ce qui concerne le licenciement des membres du comité directeur, le gouvernement déclare que le tribunal central du travail (province de Samut Prakan) a décidé d’autoriser l’employeur à les licencier, mais ils ont interjeté appel contre la décision et l’affaire est aujourd’hui devant la Cour suprême. S’agissant de la négociation collective conclue entre le syndicat et la société, le 6 août 1999, le gouvernement indique que les indications de la partie plaignante sont fausses et qu’il n’existe aucune clause, dans la négociation collective, stipulant que le licenciement d’employés doit être fondé sur un accord mutuel. Il ajoute que, le 17 décembre 2009, le tribunal du travail a rendu une décision établissant que l’employeur n’était pas responsable de l’indemnité de départ spéciale puisque le licenciement des 250 salariés, dans ce cas, n’entrait pas dans le champ d’application de la clause de la convention collective relative aux indemnités de départ. Le gouvernement ajoute que, en fait, les salariés avaient déjà reçu le montant intégral des indemnités de départ et que le gouvernement ne pouvait donc pas ordonner à l’employeur de les réintégrer. Il indique également que le Département de l’emploi et de la protection sociale a informé les salariés qu’ils ont le droit de déposer une plainte auprès de la Commission des relations professionnelles, mais qu’ils ne l’ont pas fait. Par conséquent, l’autorité administrative n’a pas pu enquêter sur cette affaire. Enfin, selon le gouvernement, l’autorité administrative a organisé plusieurs réunions avec l’employeur et les salariés, et l’employeur a accepté d’apporter aux salariés un soutien financier d’un montant de 55 millions de baht (environ 1,7 million de dollars E.-U.).
  4. 1151. En ce qui concerne l’intervention des autorités gouvernementales pendant la grève, le gouvernement estime que l’indication de la partie plaignante, selon laquelle la grève a été menée pacifiquement dans le but de demander l’aide du gouvernement, est fausse. Selon le gouvernement, les grèves menées par les salariés n’étaient pas pacifiques, puisque les grévistes ont obstrué les routes publiques sans autorisation, ce qui constitue un acte illicite qui porte atteinte aux droits de la personne. Les autorités ont demandé aux grévistes de cesser d’interrompre les transports publics, mais ceux-ci n’ont pas répondu à leur demande. Selon le gouvernement, l’application de la loi était la seule manière de mettre fin à cette action illicite.
  5. 1152. Enfin, le gouvernement indique que le ministère du Travail n’a pas engagé de poursuites contre les grévistes mais que, au contraire, il a soutenu les salariés en leur fournissant 250 machines à coudre, comme ils l’avaient demandé. Le gouvernement ajoute que Mme Kotchadej, qui était à la tête des grévistes, et le ministère du Travail ont conclu un mémorandum d’accord le 19 février 2010 – joint à la présente communication – qui a conduit au règlement de cette affaire, et tous les grévistes ont accepté de quitter le ministère du Travail.
  6. 1153. Quant aux mandats d’arrêt délivrés contre trois membres de la TWFT, Mme Boonrod Saiwong, Mme Jitra Kotchadej et Mme Sunthorn Boonyod, le gouvernement indique qu’une procédure est en cours pour cette affaire. Il ajoute cependant que tous les manifestants s’étaient dispersés pacifiquement avant que le tribunal délivre les trois mandats d’arrêt, sans que la police ne soit intervenue.
  7. 1154. Enfin, en ce qui concerne les allégations d’ingérence dans les activités syndicales, le gouvernement indique que le Département de l’emploi et de la protection sociale (DLPW) joue un rôle important de sensibilisation, en ce qui concerne les activités syndicales, et que l’établissement d’un syndicat nécessite l’autorisation des autorités administratives et l’enregistrement auprès de celles-ci. Selon le gouvernement, bien que l’élection d’un comité syndical soit une affaire interne, le dirigeant ou le représentant du syndicat qui devra interagir avec des tiers doit être la personne la mieux appropriée, et le DLPW doit donner des avis juridiquement non contraignants sur la légitimité de la désignation du dirigeant syndical. Ces avis visent à maintenir de bonnes relations entre les tiers et le syndicat, ce qui apporte des avantages au syndicat. Il ajoute que ce problème a été réglé et que le DLPW a déjà informé le syndicat des résultats de l’enquête.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1155. Le comité note que le présent cas concerne cinq allégations de violations des principes de la liberté syndicale et des droits syndicaux: i) le licenciement individuel d’une dirigeante du syndicat des travailleurs de Triumph International (Thaïlande) en violation du principe fondamental de la liberté d’expression, suite à une procédure judiciaire qui a eu lieu en violation des droits de la défense; ii) le licenciement collectif de 1 959 travailleurs, dont 13 membres du comité syndical, dans le cadre d’un processus de restructuration, un licenciement qui aurait eu lieu en violation d’une convention collective en vigueur; iii) l’utilisation par les autorités d’appareils émettant des sons qui sont dangereux, pour disperser les grévistes qui s’étaient rassemblés à la suite du licenciement collectif; iv) l’arrestation de trois dirigeantes syndicales dans le cadre d’une grève, sur la base d’accusations pénales infondées; et v) l’ingérence des autorités dans les élections du syndicat.
  2. 1156. En ce qui concerne le licenciement de Mme Kotchadej, présidente du syndicat des travailleurs de Triumph International (Thaïlande), le comité note que, selon l’organisation plaignante, le 29 juillet 2008, Mme Kotchadej a été informée par le directeur général que la société avait engagé une procédure auprès du tribunal central du travail de la province de Samut Prakan, demandant au tribunal d’approuver son licenciement, et que le tribunal avait rendu sa décision par défaut en faveur de la société. L’organisation plaignante précise à cet égard que, étant donné que Mme Kotchadej est membre du comité des employés, toute sanction contre elle doit être approuvée par le tribunal. L’organisation plaignante indique que la raison de son licenciement, exposée dans une lettre du directeur général du 30 juillet 2008, communiquée à tous les employés, est liée au fait qu’elle a causé des torts à la réputation de la société, étant donné que, le 24 avril 2008, elle a participé à un programme télévisé public dans lequel, d’après l’organisation plaignante, elle a voulu par son comportement, selon la société, faire croire aux téléspectateurs que la société soutenait sa cause. Pendant ce programme, Mme Kotchadej portait un tee-shirt avec l’inscription «Ne pas se lever n’est pas un crime, penser différemment n’est pas un crime», ce que l’Alliance du peuple pour la démocratie a considéré comme un soutien au militant politique, M. Chotisak On-Soong, accusé de lèse-majesté pour ne pas s’être levé pendant que l’on jouait un hymne royal. Selon l’organisation plaignante, après l’annonce du licenciement, les membres du syndicat ont organisé une grève et un piquet, qui ont duré quarante-six jours à l’issue desquels le tribunal a accepté de rejuger l’affaire, le 23 septembre 2008. Selon l’organisation plaignante, Mme Kotchadej s’est plainte auprès du tribunal de n’avoir pas été informée avant qu’il rende sa décision, et de n’avoir ainsi pas pu intervenir au cours de l’audience. Néanmoins, lors de la procédure de réexamen, le tribunal a décidé que Mme Kotchadej avait porté atteinte à «l’esprit national thaï» et ordonné que le licenciement prenne effet immédiatement. Selon l’organisation plaignante, bien que Mme Kotchadej ait demandé à faire appel, le tribunal a rejeté sa demande. Enfin, le comité note que l’organisation plaignante considère le licenciement comme une tentative de démantèlement de la direction du syndicat, étant donné que Mme Kotchadej avait été très active dans la mobilisation des membres syndicaux pour différentes manifestations et actions, en particulier lors d’une campagne de juin 2007 qui avait abouti à la conclusion, le 12 septembre 2007, d’un accord entre la société et le syndicat, rappelant à la société qu’elle doit respecter strictement le code de conduite de Triumph International et les conventions de l’OIT.
  3. 1157. Le comité note que le gouvernement indique à cet égard que la décision de l’employeur, Body Fashion (Thaïlande) Ltd, de licencier Mme Kotchadej a été prise conformément à la décision du tribunal central du travail (province de Samut Prakan) de juillet 2008. Il ajoute que, le 27 novembre 2008, le tribunal central du travail (province de Samut Prakan) a confirmé sa décision autorisant l’employeur à licencier Mme Kotchadej et que Mme Kotchadej n’a pas, à ce jour, interjeté appel de cette décision devant la Cour suprême. En outre, selon le gouvernement, la législation du travail prévoit une protection contre les licenciements déraisonnables. En particulier, la loi sur les relations professionnelles B.E.2518 (1975) contient des dispositions qui protègent les employés participant à des processus de négociation et les syndicats contre des actes de discrimination et un licenciement inéquitable. Il ajoute que les employés qui font l’objet d’un traitement inéquitable peuvent déposer des plaintes auprès de la Commission des relations professionnelles, qui peut émettre une ordonnance spéciale pour protéger le plaignant.
  4. 1158. Tout en notant les indications susmentionnées pour ce qui est des droits et des recours en justice concernant des licenciements déraisonnables, le comité note que, selon l’organisation plaignante, la procédure judiciaire qui a conduit au licenciement de Mme Kotchadej a été marquée par diverses atteintes aux droits de la défense. Il note en particulier que l’organisation plaignante indique que Mme Kotchadej n’a pas été informée en temps opportun de la demande de licenciement déposée par la société auprès du tribunal central de la province de Samut Prakan, ce qui lui aurait permis de préparer sa défense ou de recevoir une assistance juridique. Selon l’organisation plaignante, elle a été informée uniquement de la décision du tribunal, sans avoir été entendue au cours de l’audience. Le comité observe que ces allégations ne sont pas réfutées par le gouvernement. Alors que le gouvernement a indiqué que Mme Kotchadej n’a pas interjeté appel contre la décision de réexamen, le comité observe que la partie plaignante a indiqué que Mme Kotchadej avait demandé à faire appel, mais que le tribunal a rejeté sa demande.
  5. 1159. Le comité rappelle que l’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables –, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux. L’une des manières d’assurer la protection des délégués syndicaux est de prévoir que ces délégués ne peuvent être licenciés ni dans l’exercice de leurs fonctions ni pendant un certain laps de temps suivant la fin de leur mandat, sauf évidemment en cas de faute grave. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 799 et 804.] Le comité souhaite aussi souligner l’importance qu’il attache au respect des libertés publiques fondamentales des syndicalistes et des organisations d’employeurs, notamment à la liberté d’expression, qui sont essentielles au plein exercice de la liberté syndicale.
  6. 1160. A cet égard, le comité tient à souligner que le gouvernement: i) n’a fourni aucune information sur les motifs juridiques et les faits invoqués sur lesquels le tribunal s’est fondé pour autoriser le licenciement, lors de la première audience et pendant la procédure de réexamen; ii) n’a pas rejeté les allégations d’atteintes aux principes de garantie d’une procédure régulière, exposées par la partie plaignante; iii) n’a fait aucune observation sur le caractère antisyndical du licenciement, allégué par l’organisation plaignante; et iv) n’a pas rejeté l’affirmation de l’organisation plaignante selon laquelle le motif du licenciement invoqué par le tribunal était une atteinte à «l’esprit national thaï». Sur la base des éléments dont il dispose, le comité ne peut pas conclure que le licenciement de Mme Kotchadej n’a été aucunement influencé par ses activités de présidente du syndicat et que, si la déclaration sur son t-shirt peut avoir été considérée comme outrageante par certains, il a des difficultés à comprendre la relation entre cet événement et son emploi, et se dit profondément préoccupé par le fait que cela a donné lieu au licenciement d’une dirigeante syndicale, ayant aussi une incidence sur la défense des intérêts des travailleurs dans l’entreprise. Compte tenu des considérations qui précèdent, le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour chercher à réintégrer Mme Kotchadej à son poste avec le versement rétroactif de l’intégralité de son salaire et prie le gouvernement de le tenir informé à ce sujet sans délai. S’il s’avère que sa réintégration n’est pas possible pour des raisons objectives et impérieuses, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que Mme Kotchadej reçoive des indemnités adéquates qui constitueraient une sanction suffisamment dissuasive contre les licenciements antisyndicaux. Le comité demande à être tenu informé de l’issue finale des procédures judiciaires et de toutes les mesures de compensation qui auront été prises.
  7. 1161. En outre, le comité note que l’organisation plaignante allègue que Mme Kotchadej a fait l’objet d’agressions physiques et qu’aucun coupable n’a été identifié. Le comité note que le gouvernement ne donne pas d’informations dans ses communications à cet égard. Le comité demande à l’organisation plaignante de fournir des informations détaillées sur la date et les circonstances de ces agressions et demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour enquêter sur ces allégations et de lui communiquer des informations sur les résultats.
  8. 1162. Le comité note que l’organisation plaignante allègue en outre que, le 29 juin 2009, la direction de la société qui comptait 4 200 travailleurs a décidé d’en licencier 1 959, au motif que cette vaste restructuration était nécessaire pour la société. Treize des 17 membres du comité syndical faisaient partie du personnel licencié. Seuls quatre membres du comité ont pu continuer à travailler dans l’usine. Tous les travailleurs qui étaient membres du syndicat et travaillaient à la chaîne de production de maillots de bain ont été licenciés; toutefois, quelques travailleurs occupant des fonctions importantes ont été maintenus à leur poste pour assurer la poursuite de la production. Le comité note l’indication de l’organisation plaignante selon laquelle tous les travailleurs de cette chaîne de production avaient participé activement aux activités syndicales et s’étaient joints à la grève de quarante-six jours, en 2008, pour protester contre le licenciement de Mme Kotchadej. Le comité note également que, selon l’organisation plaignante, les décisions de licenciement ne s’appliquaient pas aux travailleurs d’une autre usine située dans la province de Nakhon Sawan, où la société avait délocalisé auparavant une partie de sa production, étant donné que dans cette usine, les travailleurs n’avaient pas commencé à s’organiser en syndicat. En outre, selon l’organisation plaignante, le licenciement des 1 959 travailleurs était contraire à la convention conclue entre le syndicat et la société le 6 août 1999. Le premier paragraphe de l’article 6 de cette convention prévoit que, si la société doit restructurer ses effectifs et mécaniser sa production ou augmenter la mécanisation et si elle doit licencier des travailleurs, elle convient d’agir conformément à ce qui suit: a) la décision de licenciement doit être prise sur la base d’un accord collectif entre la société et le syndicat pour assurer l’équité et l’égalité; et b) si les licenciements sont fondés sur les motifs susmentionnés, la société convient d’accorder une indemnité spéciale, en sus des indemnités légales prévues par l’article 118 de la loi de 1998 sur la protection des travailleurs, aux salariés qui ont travaillé pendant plus de six années consécutives. L’indemnité supplémentaire équivaudra à vingt jours de salaire, en se basant sur le taux de la dernière rémunération, mais le montant total de l’indemnité spéciale n’excédera pas l’équivalent de 360 jours cumulés. Tous les travailleurs licenciés, sauf ceux qui ont été licenciés pour des motifs disciplinaires, pourront bénéficier de l’indemnité spéciale. Selon l’organisation plaignante, le licenciement des 1 959 travailleurs a eu lieu sans qu’aucune décision préalable n’ait été prise collectivement et sans consultation. En outre, après l’annonce du licenciement, les médias officiels et les responsables gouvernementaux ont déclaré que la société avait accordé toutes les indemnités aux travailleurs, conformément à la loi, et la société a invoqué ce fait comme motif pour refuser de rencontrer le syndicat et de négocier avec lui.
  9. 1163. Quant au licenciement des membres du comité syndical, le comité note que le gouvernement déclare que le tribunal central du travail (province de Samut Prakan) a décidé d’autoriser ces licenciements, mais ils ont interjeté appel contre la décision et l’affaire est aujourd’hui devant la Cour suprême. En ce qui concerne la négociation collective conclue entre le syndicat et la société le 6 août 1999, le comité note que le gouvernement déclare que les indications de l’organisation plaignante sont fausses et qu’il n’existe aucune clause, dans la convention collective, stipulant que le licenciement d’employés doit être fondé sur un accord mutuel. Il ajoute que, le 17 décembre 2009, le tribunal du travail a rendu une décision établissant que l’employeur n’était pas responsable de l’indemnité spéciale, puisque le licenciement des 250 (sic) salariés, dans ce cas, n’entrait pas dans le champ d’application de la clause de la convention collective relative aux indemnités de départ. Le comité note que le gouvernement ajoute que, en fait, les salariés avaient déjà reçu le montant intégral des indemnités de départ et que le gouvernement ne pouvait donc pas ordonner à l’employeur de les réintégrer. Il indique également que le Département de l’emploi et de la protection sociale (DLPW) a informé les salariés qu’ils ont le droit de déposer une plainte auprès de la Commission des relations professionnelles, mais qu’ils ne l’ont pas fait. Par conséquent, l’autorité administrative n’a pas pu enquêter sur cette affaire. Enfin, le comité note que, selon le gouvernement, l’autorité administrative a organisé plusieurs réunions avec l’employeur et les salariés, et l’employeur a accepté d’apporter un soutien financier aux salariés d’un montant de 55 millions de baht (environ 1,7 million de dollars E.-U.).
  10. 1164. Tout en observant que le gouvernement conteste l’existence d’une clause dans la négociation collective de 1999, stipulant que, dans le cadre d’un processus de restructuration, la décision concernant le licenciement doit être prise sur la base d’un accord collectif entre la société et le syndicat, le comité note par ailleurs que le gouvernement n’a pas répondu aux allégations concernant l’application par la société de critères antisyndicaux lors de la désignation des travailleurs à licencier. Enfin, le comité note qu’il n’a pas reçu d’informations du gouvernement sur la question de savoir si des consultations ont effectivement eu lieu entre les travailleurs et l’employeur dans le présent cas.
  11. 1165. Le comité rappelle aussi que le gouvernement a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale et doit veiller à ce que les plaintes pour des pratiques discriminatoires de cette nature soient examinées dans le cadre d’une procédure qui doit être prompte, impartiale et considérée comme telle par les parties intéressées. Si les travailleurs qui sont membres des organisations syndicales ne sont pas à l’abri de l’impact de programmes généraux de restructuration d’une entreprise, l’application des programmes de réduction de personnel ne doit pas être utilisée pour procéder à des actes de discrimination antisyndicale et la restructuration d’une entreprise ne doit pas menacer directement ou indirectement les travailleurs syndiqués et leurs organisations. Il rappelle également qu’en cas de réduction du personnel il a rappelé le principe énoncé dans la recommandation no 143 sur la protection et les facilités qui devraient être accordées aux représentants des travailleurs dans l’entreprise, qui propose parmi les mesures spécifiques de protection la «reconnaissance d’une priorité à accorder au maintien en emploi des représentants des travailleurs en cas de réduction du personnel» (paragraphe 6 (2) f)). [Voir Recueil, op. cit., paragr. 796, 797, 817 et 832.]
  12. 1166. Le comité rappelle qu’il ne peut se prononcer sur les allégations concernant les programmes et les mesures de restructuration ou de rationalisation économiques, que dans la mesure où ils ont donné lieu à des actes de discrimination ou d’ingérence antisyndicaux. Le comité rappelle en outre que, lorsqu’on applique de nouveaux programmes de réduction de personnel, il demande qu’on procède à des négociations ou consultations entre l’entreprise concernée et les organisations syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1079 et 1082.] Compte tenu des allégations présentées dans le présent cas, le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête afin de déterminer si des critères antisyndicaux ont été appliqués lors de la désignation des employés à licencier. Le comité demande également au gouvernement de lui fournir une copie de la décision de la Cour suprême sur l’appel interjeté par les membres du comité syndical qui ont été licenciés, dès qu’elle aura été rendue, ainsi qu’une copie de toute autre décision judiciaire pertinente. Le comité demande aussi à l’organisation plaignante de lui fournir une copie des dispositions pertinentes de la convention collective, notamment de l’article 6 qui stipulerait que, si la société doit restructurer ses effectifs, la décision concernant un licenciement doit être prise collectivement.
  13. 1167. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, le 27 août 2009, le syndicat des travailleurs de Triumph International (Thaïlande) s’est mobilisé pour s’informer des progrès réalisés par le gouvernement au sujet de sa requête du 6 août, dans laquelle il demandait au gouvernement de négocier avec la société pour qu’elle verse toutes les indemnités adéquates aux travailleurs licenciés. Plus de 400 travailleurs licenciés se sont rassemblés pacifiquement et sans armes devant le palais du gouvernement et le Parlement. Selon l’organisation plaignante, la manifestation ne constituait que l’exercice du droit de se rassembler pacifiquement, garanti par la Constitution. Les travailleurs avaient tenté de collaborer avec les fonctionnaires à l’intérieur du palais du gouvernement, leur demandant l’autorisation d’organiser la manifestation dans ce lieu. L’organisation plaignante indique que, le jour de la manifestation, les autorités ont utilisé un dispositif à ondes acoustiques de longue portée (LRAD) pour perturber la manifestation. L’organisation plaignante indique que le gouvernement a annoncé par voie médiatique à la télévision officielle que l’expérimentation de ce dispositif était un succès. L’utilisation de ce dispositif, qui émet des sons stridents, a causé chez de nombreux travailleurs des douleurs auriculaires, des nausées, une perturbation du rythme cardiaque, des maux de tête, de la fatigue et des infections de l’oreille moyenne, attestés par des examens médicaux.
  14. 1168. Le comité note que le gouvernement conteste l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle la grève a été conduite pacifiquement dans le but de demander de l’aide au gouvernement. Selon le gouvernement, les grèves menées par les salariés n’étaient pas pacifiques, puisque les grévistes ont obstrué les routes publiques sans autorisation, ce qui constitue un acte illicite qui porte atteinte aux droits de la personne. Les autorités ont demandé aux grévistes de cesser d’interrompre les transports publics, mais ceux-ci n’ont pas répondu à la demande. Selon le gouvernement, l’application de la loi était le seul moyen de mettre un terme à cette action illicite. Le gouvernement ajoute que tous les manifestants se sont dispersés pacifiquement, sans intervention de la police.
  15. 1169. Le comité rappelle que les autorités ne devraient recourir à la force publique en cas de grève que si l’ordre public est réellement menacé, et que l’intervention de la force publique devrait être proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler. Il rappelle également que les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue de supprimer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 647.] Notant que l’organisation plaignante a fourni des images de l’utilisation du LRAD pendant la manifestation et que le gouvernement ne conteste pas son utilisation pour disperser les grévistes pendant la manifestation du 27 août 2009, le comité demande instamment au gouvernement de diligenter les enquêtes appropriées sur cette affaire, notamment en ce qui concerne les effets de l’utilisation du LRAD sur les travailleurs grévistes, et de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les forces de police ou d’autres autorités gouvernementales n’interviennent pas dans les manifestations en faisant un usage injustifié et excessif de la force et d’une manière susceptible de causer des blessures aux travailleurs grévistes. Il demande par ailleurs au gouvernement de veiller au strict respect des garanties d’une procédure régulière dans le contexte d’opérations de surveillance des activités des travailleurs menées par l’armée, afin de garantir que les droits légitimes des organisations de travailleurs puissent s’exercer dans un climat exempt de toutes formes de violence, de pressions ou de menaces contre leurs dirigeants et leurs membres. Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  16. 1170. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle Mme Kotchadej, qui était à la tête des grévistes, et le ministère du Travail ont conclu un mémorandum d’accord, le 19 février 2010, mettant fin au conflit.
  17. 1171. Le comité note que l’organisation plaignante indique que, dans le cadre de la grève susmentionnée, des mandats d’arrêt ont été délivrés contre trois membres du syndicat des travailleurs de Triumph International (Thaïlande), Mme Boonrod Saiwong (secrétaire exécutive), Mme Jitra Kotchadej et Mme Sunthorn Boonyod. Ces mandats – nos 2494/2009 et 2495/2009 du 27 août 2009 – ont été émis en vertu des articles 215 et 216 du Code pénal pour organisation de rassemblements de plus de dix personnes, incitation aux troubles dans la ville et refus de cesser des actions de protestation causant des perturbations, à la demande de la police. En outre, le comité note les allégations de la partie plaignante selon lesquelles le tribunal de première instance a refusé de fournir aux avocats une copie des mandats, en déclarant que «la délivrance du mandat d’arrêt fait partie de la procédure d’enquête et qu’il n’y a aucune raison de répondre à la demande des avocats». Les avocats ont déposé un recours devant la cour d’appel contre la décision du tribunal. Le comité note que le gouvernement indique à cet égard qu’une procédure est en cours pour cette affaire.
  18. 1172. Rappelant que la détention de syndicalistes pour des raisons syndicales constitue une grave entrave à l’exercice des droits syndicaux et que les autorités ne devraient pas recourir aux mesures d’arrestation et d’emprisonnement en cas d’organisation ou de participation à une grève pacifique, étant donné que de telles mesures comportent de graves risques d’abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale [voir Recueil, op. cit., paragr. 66 et 671], le comité exprime sa profonde préoccupation au sujet de l’arrestation des trois dirigeantes syndicales, en particulier eu égard au fait que les articles 215 et 216 du Code pénal, qui ont été cités, pourraient aussi inclure des activités syndicales légitimes. Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des informations mises à jour sur leur situation actuelle, notamment sur les accusations spécifiques portées contre elles. Si ces accusations sont liées à leurs activités syndicales légitimes et en ayant à l’esprit le mémorandum d’accord qui met fin au conflit, il prie instamment le gouvernement de veiller à ce que les accusations soient immédiatement abandonnées. Le comité demande aussi au gouvernement de veiller à ce que leurs avocats puissent disposer pleinement des mandats d’arrêt, ainsi que de toute autre information pertinente, pour assurer leur défense de manière appropriée. Enfin, il demande au gouvernement de lui fournir une copie de toute décision judiciaire pertinente à cet égard, en particulier une copie de la décision contre laquelle un appel a été interjeté, suite à la demande faite par les avocats de recevoir une copie des mandats d’arrêt.
  19. 1173. Le comité note que l’organisation plaignante allègue des actes d’ingérence de la part des autorités dans ses activités syndicales. Plus particulièrement, selon l’organisation plaignante, après le licenciement des dirigeants syndicaux dans le cadre du processus de restructuration, les membres du syndicat ont décidé de convoquer une réunion spéciale pour voter une motion de défiance contre la présidente du syndicat, Mme Wanphen Wongsombat, et ils ont élu Mme Suchitra Choikhunthod comme nouvelle présidente. L’organisation plaignante allègue que, dans sa lettre adressée à la société en date du 17 novembre 2009, le Département de l’emploi et de la protection sociale (DLPW) a insisté sur le fait que la société devait continuer de s’adresser au syndicat par l’intermédiaire de Mme Wanphen Wongsombat, malgré l’information communiquée par le syndicat à la société et aux autorités concernant les représentants syndicaux nouvellement élus.
  20. 1174. Le comité note que le gouvernement indique à cet égard que le DLPW joue un rôle essentiel de sensibilisation en ce qui concerne les activités syndicales, et que l’établissement d’un syndicat nécessite l’autorisation des autorités administratives et son enregistrement auprès de celles-ci. Selon le gouvernement, bien que l’élection d’un comité syndical soit une affaire interne, le dirigeant ou le représentant du syndicat qui devra interagir avec des tiers doit être la personne la plus appropriée, et le DLPW doit donner des avis juridiquement non contraignants sur la légitimité de la désignation du dirigeant syndical. Selon le gouvernement, ces avis visent à maintenir de bonnes relations entre les tiers et le syndicat, ce qui apporte des avantages au syndicat.
  21. 1175. Le comité souligne que toute considération des autorités sur la validité ou l’adéquation d’un candidat ou d’un représentant élu d’un syndicat constitue une violation directe du principe de non-ingérence dans les activités syndicales, garanti par l’article 3 de la convention no 87. Par conséquent, il note que l’ingérence du DLPW dans l’élection de la présidente du syndicat des travailleurs de Triumph International (Thaïlande) est directement contraire aux principes de la liberté syndicale. Tout en notant que le gouvernement déclare que ce problème a été réglé et que le DLPW a déjà informé le syndicat des résultats de l’enquête, le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller, si ce n’est pas déjà le cas, à ce que la nouvelle présidente élue soit reconnue par les autorités et par l’employeur pour que le droit des travailleurs d’élire librement leurs représentants soit pleinement garanti. Il demande en outre au gouvernement de prendre des mesures pour que, à l’avenir, les autorités s’abstiennent de toute ingérence dans l’exercice du droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants, garanti par la convention no 87. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. Le comité espère que le gouvernement mettra tout en œuvre pour fournir les informations demandées, notamment en cherchant à obtenir des informations auprès de l’employeur par l’intermédiaire des organisations d’employeurs compétentes qui sont concernées.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1176. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne le licenciement de Mme Kotchadej, présidente du syndicat des travailleurs de Triumph International (Thaïlande), le comité:
    • i) conclut que le licenciement de Mme Kotchadej peut effectivement avoir été lié à l’exercice d’activités syndicales légitimes; et
    • ii) prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que Mme Kotchadej soit immédiatement réintégrée à son poste avec le versement rétroactif de l’intégrité de son salaire. S’il s’avère que sa réintégration n’est pas possible pour des raisons objectives et impérieuses, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que Mme Kotchadej reçoive des indemnités adéquates qui constitueraient une sanction suffisamment dissuasive contre des licenciements antisyndicaux. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard sans délai.
    • b) Le comité prie en outre le gouvernement:
    • i) de le tenir informé de l’issue finale de la procédure judiciaire et de toutes les mesures de compensation qui auront été prises;
    • ii) de fournir copie des deux décisions judiciaires autorisant le licenciement de Mme Kotchadej et de prendre les mesures nécessaires pour que ces décisions soient réexaminées prochainement dans le cadre d’une procédure qui garantira pleinement sa participation aux audiences, son droit à une procédure régulière et le respect de son droit de défense;
    • iii) et l’organisation plaignante de fournir des informations supplémentaires sur l’appel interjeté par Mme Kotchadej contre la décision du tribunal du 27 novembre 2008 confirmant son licenciement (allégué par l’organisation plaignante, mais contesté par le gouvernement).
    • c) Quant au licenciement des 1 959 travailleurs, le comité:
    • i) prie le gouvernement de diligenter une enquête pour déterminer si des critères antisyndicaux ont été appliqués lors de la désignation des employés à licencier;
    • ii) prie le gouvernement de fournir une copie de la décision de la Cour suprême sur l’appel interjeté par les membres du comité syndical qui ont été licenciés, dès qu’elle aura été rendue, ainsi que de toutes autres décisions judiciaires pertinentes;
    • iii) demande à l’organisation plaignante de fournir une copie des dispositions pertinentes de la convention collective, notamment de l’article 6 qui stipulerait que, si la société doit restructurer ses effectifs, la décision relative à un licenciement doit être prise collectivement.
    • d) En ce qui concerne la dispersion de la manifestation qui a eu lieu le 27 août 2009, notant que le gouvernement ne conteste pas l’utilisation du LRAD pour disperser les manifestants, le comité:
    • i) prie instamment le gouvernement de diligenter des enquêtes appropriées sur cette affaire, notamment en ce qui concerne les effets de l’utilisation du LRAD sur les travailleurs grévistes, et de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les forces de police ou d’autres autorités gouvernementales n’interviennent pas dans les manifestations en faisant un usage excessif de la force et d’une manière susceptible de causer des blessures aux travailleurs grévistes;
    • ii) demande en outre au gouvernement de veiller au strict respect des garanties d’une procédure régulière dans le contexte d’opérations de surveillance des activités des travailleurs menées par l’armée, afin de garantir que les droits légitimes des organisations de travailleurs peuvent s’exercer dans un climat exempt de toutes formes de violence, de pressions et de menaces contre leurs dirigeants et leurs membres. Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • e) Le comité exprime sa préoccupation au sujet de l’arrestation des trois dirigeantes syndicales, en particulier eu égard au fait que les articles 215 et 216 du Code pénal qui ont été cités pourraient aussi inclure des activités syndicales légitimes. En outre, le comité:
    • i) prie instamment le gouvernement de fournir des informations mises à jour sur leur situation actuelle, notamment sur les accusations spécifiques portées contre elles. Si ces accusations se rapportent à leurs activités syndicales légitimes et, en ayant à l’esprit le mémorandum d’accord qui met fin au conflit, il prie instamment le gouvernement de veiller à ce que les accusations soient immédiatement abandonnées;
    • ii) prie le gouvernement de veiller à ce que leurs avocats puissent disposer pleinement des mandats d’arrêt ainsi que de toute autre information pertinente pour assurer leur défense de manière adéquate;
    • iii) prie instamment le gouvernement de fournir copie de toute décision juridique pertinente à cet égard, en particulier une copie de la décision contre laquelle un appel a été interjeté, suite à la demande des avocats de recevoir une copie des mandats d’arrêt.
    • f) Notant que l’ingérence du Département de l’emploi et de la protection sociale dans les élections de la présidente du syndicat des travailleurs de Triumph International (Thaïlande) est directement contraire aux principes de la liberté syndicale, le comité:
    • i) prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller, si ce n’est pas déjà le cas, à ce que la présidente nouvellement élue soit reconnue par les autorités et par l’employeur pour que le droit des travailleurs d’élire librement leurs représentants soit pleinement garanti;
    • ii) prie le gouvernement de prendre les mesures pour que, à l’avenir, les autorités s’abstiennent de toute ingérence dans l’exercice du droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants, garanti par la convention no 87;
    • iii) prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • g) Le comité espère que le gouvernement mettra tout en œuvre pour fournir les informations demandées, notamment en cherchant à obtenir des informations auprès de l’employeur par l’intermédiaire des organisations d’employeurs compétentes concernées.
    • h) Enfin, s’agissant des allégations d’agressions contre Mme Kotchadej, le comité demande à l’organisation plaignante de fournir des informations détaillées sur la date et les circonstances de ces agressions et, dès que ces informations auront été communiquées, prie le gouvernement de prendre les mesures appropriées pour enquêter sur ces allégations et de fournir des informations sur les résultats.
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