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Rapport définitif - Rapport No. 359, Mars 2011

Cas no 2776 (Argentine) - Date de la plainte: 23-AVR. -10 - Clos

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  1. 264. La plainte figure dans une communication de la Fédération judiciaire argentine (FJA) et de l’Association syndicale des employés et fonctionnaires du Pouvoir judiciaire de la province de Mendoza en date du 23 avril 2010. Par communication du 6 août 2010, les organisations plaignantes ont adressé de nouvelles allégations.
  2. 265. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par une communication de septembre 2010.
  3. 266. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 267. Dans leur communication en date du 23 avril 2010, la Fédération judiciaire argentine (FJA) et l’Association syndicale des employés et fonctionnaires du Pouvoir judiciaire de la province de Mendoza contestent la décision no 2062/2010 du Sous-secrétariat du travail et de la sécurité sociale relevant du Pouvoir exécutif de la province de Mendoza et demandent qu’il soit déclaré que le sous-secrétariat en question n’est pas un organe impartial et indépendant et ne jouit pas de la confiance de toutes les parties aux fins de régler le conflit décrit dans la plainte. De même, elles considèrent comme une violation de la liberté syndicale la menace, brandie le 23 avril 2010 par le sous-secrétariat, qui relève du pouvoir exécutif local, de déclarer illégal le recours à la force. Les organisations plaignantes indiquent que depuis août 2009, dans le cadre de la négociation collective, les travailleurs des services de justice de Mendoza sont en conflit avec l’Etat provincial au sujet d’une augmentation de salaire, sans qu’aucune solution n’ait été trouvée à ce jour. Le principal obstacle à un accord tient à ce que l’employeur ne propose pas d’augmentation de salaire appropriée, ainsi qu’aux autres entraves mises par ce même employeur, à savoir le pouvoir exécutif provincial et la Cour suprême de la province.
  2. 268. Les organisations plaignantes déclarent que, parmi ces entraves, outre le défaut de proposition appropriée en matière salariale, une suspension de la négociation paritaire décidée par le Sous-secrétariat du travail a eu des conséquences graves. Cette suspension a été décidée au mois de novembre de l’année précédente et a pratiquement paralysé les négociations. Aujourd’hui, il s’agit d’un fait nouveau dont le protagoniste principal est le sous-secrétariat susmentionné, qui relève du pouvoir exécutif provincial. C’est ce fait que la plainte dénonce.
  3. 269. Le 21 avril 2010, le Sous-secrétariat du travail et de la sécurité sociale relevant du Pouvoir exécutif de la province de Mendoza, Etat membre fédéré de la République argentine, a pris la décision no 2062/2010, qui est libellée ainsi:
  4. Article 1. Est déclarée ouverte la procédure de conciliation obligatoire prévue par les lois nationales nos 24185 et 14786, la loi provinciale no 4974, une autre loi et le décret provincial no 955/04, entre les parties au présent conflit, à savoir le pouvoir exécutif provincial, la Cour suprême de justice de la province de Mendoza et l’Association syndicale des employés et fonctionnaires du Pouvoir judiciaire de la province de Mendoza, l’audience étant fixée au 26 avril 2010 à 18 heures.
  5. Article 2. A partir de la date de la notification de la présente, les parties au conflit devront s’abstenir, durant le délai légal de recourir à des mesures d’action directe, étant entendu que la situation antérieure au conflit doit être rétablie, que le travail doit reprendre immédiatement et que les droits syndicaux doivent être garantis, le tout sous mise en demeure légale.
  6. Article 3. Les décisions adoptées sont enregistrées, notifiées et archivées. Signé par M. Javier G. Castrillejo, Service des affaires juridiques et techniques, ministère du Gouvernement, de la Justice et des Droits de l’homme, gouvernement de Mendoza.
  7. 270. Les organisations plaignantes considèrent que la simple lecture de cette décision révèle de manière symptomatique que l’employeur s’arroge le droit d’engager une procédure de conciliation obligatoire, après avoir suspendu à plusieurs reprises la négociation paritaire. Le sceau du signataire montre que celui-ci appartient au gouvernement de Mendoza, c’est-à-dire au pouvoir exécutif local, dont l’une des composantes est l’employeur, et qui est l’instance décisionnaire en matière salariale. L’Association syndicale des employés et fonctionnaires du Pouvoir judiciaire de la province de Mendoza, tout comme la Fédération judiciaire argentine à laquelle elle est affiliée, n’a cessé de contester la compétence du sous-secrétariat, qui relève du pouvoir exécutif provincial, et a fermement rejeté l’idée que cet organe, qui dépend organiquement et fonctionnellement du gouverneur de ladite province, puisse intervenir de manière impartiale dans le règlement d’un différend, question qui, en l’espèce, se pose de manière dramatique et urgente compte tenu du conflit qui oppose les travailleurs des services de justice et l’Etat employeur.
  8. 271. Les organisations plaignantes ajoutent que, au moment où la présente plainte a été déposée, le conflit salarial était entré dans une phase aiguë, avec recours notamment à des actions de grève décidées par l’assemblée des travailleurs et suivies par la totalité de ces derniers, qui restent cependant ouverts à une négociation sans autre condition que le respect de la liberté syndicale. Néanmoins, le pouvoir exécutif provincial, au lieu d’opter pour un processus de revalorisation des salaires ou de négociation de bonne foi, a choisi de violer la liberté syndicale et le droit de grève en se faisant passer pour un organe compétent, impartial et indépendant.
  9. 272. Les organisations plaignantes affirment que, depuis longtemps, les travailleurs des services de justice de la province de Mendoza organisent des réunions, des assemblées et des grèves sans que l’employeur, c’est-à-dire l’Etat provincial (qui inclut naturellement le pouvoir judiciaire local et le pouvoir exécutif), n’y trouve rien à redire. En outre, au cours de la dernière réunion paritaire du vendredi 16 avril 2010, le pouvoir exécutif a confirmé sa déclaration unilatérale de respecter le droit de grève dans le cadre du différend en cours. Cependant, cette déclaration unilatérale, qui crée naturellement un précédent positif, est maintenant contredite par cette ingérence patronale par le biais du sous-secrétariat en question. D’après les organisations plaignantes, le Sous-secrétariat du travail et de la sécurité sociale de la province de Mendoza ne saurait imposer des règles et intervenir en tant qu’organe impartial et/ou indépendant alors qu’il ne l’est pas dès lors qu’il relève du pouvoir exécutif local et que le sous-secrétaire dépend hiérarchiquement du gouverneur; par ailleurs, le sous-secrétariat ne mérite pas la confiance des travailleurs dans le cadre de ce conflit, ce qui lui interdit formellement de prétendre à l’impartialité.
  10. 273. Selon les organisations plaignantes, il résulte de ce qui précède que la décision du Sous-secrétariat du travail de la province est illégale, car elle fragilise non seulement les principes en matière de liberté syndicale et d’impartialité, mais aussi les principes relatifs à la forme républicaine de gouvernement et à la séparation des pouvoirs, dans la mesure où elle est contraire aux règles de fonctionnement du système fédéral de gouvernement, car elle porte sur des questions déléguées au Congrès de la nation argentine et qui relèvent de la seule compétence du pouvoir exécutif national (articles 5, 121, 126, 99, alinéa 2, et 75, alinéa 12, de la Constitution nationale); où le pouvoir exécutif provincial a manifestement outrepassé ses compétences constitutionnelles en s’acquittant d’attributions dévolues à d’autres pouvoirs et en modifiant et restreignant par voie d’exception réglementaire le régime établi par la loi no 25551; où le principe de légalité a été violé (articles 28 et 75, alinéa 22, de la Constitution nationale); et où le principe de la liberté syndicale a été transgressé du fait des restrictions apportées au principe de légalité (article 75, alinéa 22, de la Constitution nationale, articles 16 et 30 du Pacte de San José de Costa Rica, et articles 5 et 8 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels).
  11. 274. En outre, d’après les organisations plaignantes, la décision en question est irrégulière et contraire à la liberté syndicale dès lors qu’elle contrevient à la hiérarchie des normes en transgressant le principe de suprématie des lois posé à l’article 31 de la Constitution nationale, en contrevenant au principe d’égalité (article 16 de la Constitution nationale), en étant manifestement discriminatoire (article 75, alinéa 22, de la Constitution nationale, articles 1er, 2 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, article 1er du Pacte de San José de Costa Rica, article 1er de la loi no 23592), en violant les droits syndicaux garantis par l’article 14 bis de la Constitution nationale et les normes et conventions internationales de l’OIT susmentionnées, et en empêchant le fonctionnement normal des syndicats. De plus, il ressort clairement de l’article 8 de la convention no 151 que l’OIT prévoit des procédures alternatives pour la fixation des normes régissant les conditions de travail. L’une d’elles consiste à soumettre le différend à un organisme indépendant et impartial.
  12. 275. Les organisations plaignantes signalent que les traités internationaux qui «ont valeur constitutionnelle» (article 75, alinéa 22, de la Constitution nationale) consacrent le principe de la «liberté syndicale», qui comprend le droit des associations d’organiser des réunions ou des assemblées et le droit de grève. Conformément aux conditions évoquées, il faudrait garantir le droit à la négociation collective et, le cas échéant, à des procédures indépendantes et impartiales pour le règlement des différends qui naissent à l’occasion de négociations ou dans d’autres situations, par exemple dans le cadre de l’exercice des droits syndicaux en général et, par conséquent, s’opposer à ce que le sous-secrétariat intervienne dans le conflit. Ainsi, il faut mettre fin aux prétendues «compétences» que s’arrogent les Etats provinciaux pour intervenir dans les conflits collectifs de travail impliquant des agents de l’administration, imposer une procédure de conciliation obligatoire dans ce cadre et qualifier les moyens d’action légitimes adoptés par les organisations syndicales.
  13. 276. Les organisations plaignantes indiquent qu’elles soutiennent par conséquent la thèse selon laquelle les Etats provinciaux ne sont pas compétents, en vertu de la Constitution nationale, pour intervenir dans les conflits collectifs de travail impliquant les travailleurs des services de justice, imposer une procédure de conciliation et qualifier les mesures dans l’intérêt de l’Etat employeur, et ce sous couvert d’exercice de la puissance publique, tous ces actes étant contraires aux règles d’équité dans le règlement de tels différends et constituant une ingérence indue dans l’autonomie collective des organisations syndicales qui est interdite par l’article 6 de la loi sur les associations syndicales.
  14. 277. Dans leur communication en date du 16 août 2010, les organisations plaignantes rappellent que les travailleurs des services de justice de Mendoza sont en conflit avec l’Etat provincial pour obtenir des augmentations de salaires, sans qu’aucune solution n’ait été trouvée à ce jour. Elles ajoutent que, le 16 juillet 2010, l’Association des employés et fonctionnaires du Pouvoir judiciaire de la province de Mendoza a reçu un procès-verbal d’infraction lui infligeant une très lourde amende pour défaut de comparution à la procédure de «conciliation obligatoire» engagée par le Sous-secrétariat du travail de la province de Mendoza, qui dépend du pouvoir exécutif. Outre qu’elle n’est pas fondée, cette amende est d’un montant tel qu’elle signifie purement et simplement la disparition de l’organisation plaignante.
  15. 278. Les organisations plaignantes ajoutent qu’elles ont toujours contesté le droit du sous-secrétariat provincial d’intervenir en tant qu’organe impartial dans la résolution d’un conflit, question qui, en l’espèce, se pose de manière dramatique et urgente compte tenu du conflit qui oppose les travailleurs des services de justice et l’Etat employeur. C’est pour cette raison que l’association a d’emblée contesté la mise en œuvre de la procédure de «conciliation obligatoire». Dans le document qu’elle a soumis au Sous-secrétariat du travail, l’association dit textuellement qu’elle rejette formellement la décision no 2062/2010 du Sous-secrétariat du travail, «attendu que ce sous-secrétariat n’est pas un organe impartial et indépendant et ne jouit pas de la confiance de toutes les parties aux fins de régler le conflit décrit ci-après».
  16. 279. Les organisations plaignantes indiquent que malgré ce profond désaccord et alors que, au cours de la même semaine, l’association a refusé de participer à la conciliation obligatoire et le pouvoir exécutif a considéré que cette dernière courait à l’échec, les négociations ont abouti à un accord salarial paritaire qui a mis fin au conflit. Dans cet accord, en date du 29 avril 2010, il est dit textuellement qu’«en ce qui concerne les observations de l’association relatives aux sanctions et mutations de travailleurs entraînées par le conflit, le pouvoir exécutif estime qu’elles ne doivent pas être appliquées...» Au-delà du contenu de l’accord paritaire, par lequel le pouvoir exécutif provincial s’engage à ne pas appliquer de sanctions, il est normal que, lorsqu’un conflit aboutit à un accord salarial, le conflit soit clos à tous égards.
  17. 280. Les organisations plaignantes allèguent que le pouvoir exécutif, cependant, ne respectera pas ses engagements et agira en violation des normes en vigueur. Comme le conflit était clos et que l’accord stipulait qu’aucune sanction ne serait prise, l’employeur, à savoir l’Etat provincial, a infligé à l’association une sanction pécuniaire d’un montant plusieurs fois supérieur à son patrimoine, comme le montre le procès-verbal d’infraction établi le 16 juillet 2010. En effet, en reconduisant un procès-verbal qui avait perdu tout objet en vertu de la clôture du conflit, de la signature de l’accord paritaire et de l’engagement pris, entre autres, de n’imposer aucune sanction, le sous-secrétariat déclare répondre à la contestation, formulée pendant le conflit salarial, de la «conciliation obligatoire», et il a sanctionné l’association pour défaut de présence à cette conciliation.
  18. 281. Les organisations plaignantes affirment que, après diverses considérations dénuées de tout fondement juridique, la décision en date du 12 juillet 2010, qui approuve la violation de la liberté syndicale, stipule qu’«il convient de sanctionner l’Association syndicale des employés et fonctionnaires du Pouvoir judiciaire de Mendoza pour ce motif, en tenant compte, aux fins du calcul de l’amende, du nombre de travailleurs des services de justice représentés (affiliés ou non) par l’organisation syndicale». Les motifs allégués, par conséquent, sont la non-comparution à une conciliation obligatoire qui n’avait d’obligatoire que le nom, étant entendu que, si l’association avait eu affaire à un organe indépendant et impartial comme l’exige l’OIT, elle aurait comparu. Or un organe patronal n’est ni indépendant ni impartial.
  19. 282. D’après les organisations plaignantes, l’allégation formulée par l’Etat provincial – pouvoir exécutif et pouvoir judiciaire – est absurde dès lors que, dans la décision infligeant l’amende, celui-ci précise qu’il n’examinera pas la question de la procédure de conciliation obligatoire dans la mesure où, le conflit ayant été clos à l’issue d’une négociation paritaire, la procédure était devenue sans objet. Mais, s’il la considère sans objet, pourquoi l’Etat tire-t-il argument de la non-comparution de l’association pour lui infliger une sanction et une amende?
  20. B. Réponse du gouvernement
  21. 283. Dans une communication de septembre 2010, le gouvernement indique que, après consultation du Sous-secrétariat du travail de la province de Mendoza, celui-ci a présenté les réponses suivantes: 1) le cadre normatif des négociations est constitué par la loi no 24185, le décret provincial no 955/2004, la loi provinciale no 4974 émanant du Sous-secrétariat du travail de la province et l’accord du 17 juin 2005 passé entre les services de justice parties à la négociation paritaire; 2) la négociation salariale menée entre l’association, la Cour suprême de justice de la province et le pouvoir exécutif provincial s’est poursuivie en 2010; 3) les dates des réunions ont été fixées d’un commun accord entre les parties, ou conformément au calendrier de la négociation paritaire, qui indiquait la tenue de deux réunions mensuelles; le 26 mars 2010, le syndicat a commencé à mener des actions directes (grèves du personnel du pouvoir judiciaire); 4) malgré ces actions, la négociation paritaire s’est poursuivie par le biais de réunions dans le cadre desquelles les parties ont échangé des propositions et ont arrêté leur position sur la question des salaires et sur d’autres questions qui étaient examinées dans le cadre de ladite négociation; 5) la province de Mendoza étant confrontée à une paralysie quasi totale des services de justice dès lors que la grève s’est étendue à la sphère pénale, et compte tenu du préjudice que cette situation causait à l’ensemble des citoyens, la Cour suprême de justice de Mendoza a demandé au gouverneur de la province, par ordonnance no 22681 en date du 21 avril 2010, d’engager une procédure de conciliation obligatoire; 6) avant que la Cour ne formule sa demande, des démonstrations de force avaient eu lieu les 26, 30 et 31 mars et les 5, 6, 7, 8, 9, 12, 13, 14, 15, 16, 19 et 20 avril 2010; 7) le 21 avril 2010, le Sous-secrétariat du travail a pris la décision no 2061 imposant la conciliation obligatoire; 8) cette décision dispose en son deuxième article que les parties au conflit devaient s’abstenir pendant toute la durée de celui-ci de toute action directe et reprendre immédiatement leur service. Cette décision fut notifiée aux parties, mais n’a pas été respectée par l’association, qui a continué à mener des actions directes; dans l’intervalle, les négociations paritaires s’étaient poursuivies et avaient abouti à un accord salarial en date du 29 avril 2010; et 9) les objections soulevées par l’association à propos de la procédure de conciliation obligatoire étaient fondées principalement sur l’allégation selon laquelle le Sous-secrétariat du travail n’était pas compétent pour prendre la décision en question et pour mener la négociation paritaire, ainsi que sur les traités internationaux en vigueur qui, selon l’association, empêcheraient l’Etat d’imposer une procédure de conciliation dans le cadre d’une négociation paritaire étatique.
  22. 284. L’autorité administrative provinciale ajoute que, par ailleurs, il convient de noter que, avant que l’association conteste le droit du sous-secrétariat de participer à la négociation paritaire et les compétences conférées à l’autorité administrative par la loi no 24185 et le décret no 955/2004 en matière de négociation paritaire, et à la demande des autres parties intervenant dans cette négociation, la décision no 8819/09 en date du 9 novembre 2009 avait défini expressément les compétences de l’administration en matière de négociation paritaire; cette décision avait été notifiée à l’Association syndicale des employés et fonctionnaires du pouvoir judiciaire, qui ne l’avait nullement contestée.
  23. 285. Le gouvernement indique qu’il faut tenir compte de l’article 8 de la convention no 151 qui indique expressément que la conciliation est un moyen de négociation valable et du fait que l’organisation plaignante a participé à une négociation qui a abouti à un accord. Le gouvernement signale que les allégations présentées ne permettent pas de considérer que le Sous-secrétariat du travail a violé la liberté syndicale, bien au contraire. Selon le gouvernement, la règle appliquée est appropriée et connue des parties au différend; la mesure prise a été notifiée à l’association sans qu’à aucun moment l’autorité administrative provinciale n’ait eu connaissance d’une quelconque opposition de sa part jusqu’au dépôt de la présente plainte.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 286. Le comité observe que, dans le présent cas, les organisations plaignantes: 1) contestent la décision du Sous-secrétariat du travail et de la sécurité sociale du pouvoir exécutif de la province de Mendoza par laquelle, dans le cadre d’un conflit salarial, a été déclarée ouverte la procédure de conciliation obligatoire entre les organisations plaignantes, le pouvoir exécutif provincial et la Cour suprême de justice de la province de Mendoza (les organisations plaignantes indiquent qu’elles se sont toujours opposées à ce que le sous-secrétariat en question intervienne en tant qu’organe impartial aux fins de la résolution d’un conflit); 2) allèguent que, s’il est vrai que, le 29 avril 2010, il a été mis fin au conflit et un accord a été signé en vertu duquel le pouvoir exécutif provincial s’était engagé à ne pas appliquer de sanctions, l’autorité en question n’a pas respecté l’accord et a infligé aux organisations syndicales une sanction pécuniaire d’un montant plusieurs fois supérieur à leur patrimoine au motif qu’elles ne s’étaient pas présentées à la procédure de conciliation obligatoire.
  2. 287. En ce qui concerne la procédure de conciliation obligatoire engagée par le Sous-secrétariat du travail et de la sécurité sociale du Pouvoir exécutif de la province de Mendoza dans le cadre d’un conflit salarial, le comité note que le gouvernement indique qu’il a consulté le sous-secrétariat et que celui-ci a répondu ce qui suit: 1) le cadre normatif des négociations était constitué par la loi no 24185, le décret provincial no 955/2004, la loi provinciale no 4974 émanant du Sous-secrétariat du travail de la province et l’accord du 17 juin 2005 passé entre les services de justice parties à la négociation collective; 2) la négociation salariale menée entre l’association, la Cour suprême de justice de la province et le pouvoir exécutif provincial s’est poursuivie en 2010 et les dates des réunions ont été fixées d’un commun accord entre les parties ou conformément au calendrier de la négociation paritaire, qui indiquait la tenue de deux réunions mensuelles; 3) le 26 mars 2010, le syndicat a commencé à mener des actions directes consistant en grèves du personnel du pouvoir judiciaire et, malgré ces actions, la négociation paritaire s’est poursuivie par le biais de réunions dans le cadre desquelles les parties ont échangé des propositions et ont arrêté leur position sur la question des salaires et sur d’autres questions qui étaient examinées dans le cadre de ladite négociation; 4) la province de Mendoza étant confrontée à une paralysie quasi totale des services de justice dès lors que la grève s’était étendue à la sphère pénale, et compte tenu du préjudice que cette situation causait à l’ensemble des citoyens, la Cour suprême de justice de Mendoza a demandé au gouverneur de la province, par ordonnance no 22681 en date du 21 avril 2010, d’engager une procédure de conciliation obligatoire; avant que la Cour suprême ne formule sa demande, des démonstrations de force avaient eu lieu les 26, 30 et 31 mars et les 5, 6, 7, 8, 9, 12, 13, 14, 15, 16, 19 et 20 avril 2010; 5) le 21 avril 2010, le Sous-secrétariat du travail a pris la décision no 2061 imposant la conciliation obligatoire. Cette décision prévoit en son deuxième article que les parties au conflit, pendant toute la durée de ce dernier, doivent s’abstenir de toute action directe et reprendre immédiatement leur service. Cette décision a été notifiée aux parties mais n’a pas été respectée par l’association, qui a continué à mener des actions directes; dans l’intervalle, la négociation paritaire s’était poursuivie et avait abouti à un accord salarial en date du 29 avril 2010; 6) il convient de noter que, dans la mesure où l’association s’est opposée à ce que le sous-secrétariat intervienne dans la négociation paritaire et a contesté les facultés accordées à l’autorité administrative par la loi no 24185 et le décret no 955/2004 aux fins de la négociation, et à la demande des autres parties intervenant dans cette dernière, la décision no 8819/09 en date du 9 novembre 2009 a fixé expressément la compétence de l’organisme en question aux fins de la négociation paritaire; cette décision a été notifiée à l’Association syndicale des employés et fonctionnaires du pouvoir judiciaire, sans que celle-ci ne la conteste. Selon le gouvernement, la règle appliquée est appropriée et connue de toutes les parties au conflit, et elle a été notifiée à l’association sans qu’à aucun moment l’autorité administrative n’ait eu connaissance de l’opposition de l’intéressée, jusqu’à la présentation de la présente plainte.
  3. 288. En ce qui concerne l’allégation relative à la conciliation obligatoire, le comité observe que le conflit salarial qui a donné lieu à la grève et à l’engagement de la procédure de conciliation obligatoire est né au sein du Pouvoir judiciaire de la province de Mendoza après seize jours de grève, et il rappelle qu’il a signalé à de nombreuses reprises que les fonctionnaires de l’administration publique et du pouvoir judiciaire sont des fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, et leur droit de recourir à la grève peut donc faire l’objet de restriction, voire d’interdiction. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 578.] De même, le comité a signalé par le passé que l’on ne saurait considérer comme attentatoire à la liberté syndicale une législation prévoyant le recours aux procédures de conciliation et d’arbitrage (volontaire) dans les conflits collectifs en tant que condition préalable à une déclaration de grève et que, «en règle générale, une décision de suspendre une grève pour une période raisonnable de façon à permettre aux parties de rechercher une solution négociée grâce à des efforts de médiation ou de conciliation ne constitue pas une violation des principes de la liberté syndicale». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 549 et 550.] Dans ces conditions, et compte tenu des principes susmentionnés, le comité ne poursuivra pas l’examen de ces allégations.
  4. 289. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle le pouvoir exécutif provincial n’aurait pas respecté l’accord ayant mis fin au conflit salarial en infligeant aux organisations syndicales une sanction pécuniaire d’un montant plusieurs fois supérieur à leur patrimoine au motif qu’elles n’avaient pas comparu à la procédure de conciliation obligatoire en dépit du fait que, comme le font valoir les organisations plaignantes, le pouvoir exécutif provincial s’était engagé à ne pas appliquer de sanctions, le comité observe que le gouvernement n’a pas communiqué ses observations à ce sujet. A cet égard, le comité observe que les organisations plaignantes ne précisent pas le montant de l’amende infligée. Dans ces conditions, tout en observant que la documentation envoyée par ces dernières comprend un procès-verbal d’infraction (à la loi no 25212, selon laquelle constitue une infraction très grave la violation par l’une quelconque des parties des décisions prises dans le cadre d’une procédure de conciliation obligatoire) qui demande aux organisations plaignantes de présenter leurs moyens de défense, le comité rappelle que les accords doivent être obligatoires pour les parties et qu’il importe qu’employeurs et syndicats participent aux négociations de bonne foi et déploient tous leurs efforts pour aboutir à un accord, des négociations véritables et constructives étant nécessaires pour établir et maintenir une relation de confiance entre les parties [voir Recueil, op. cit., paragr. 935 et 939], et demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire respecter l’accord en question et, si l’accord exprime effectivement ce qui est allégué par les organisations plaignantes, d’annuler les sanctions auxquelles se réfèrent les organisations plaignantes.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 290. Au vu des conclusions qui précèdent, le Comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • En ce qui concerne l’allégation selon laquelle le Pouvoir exécutif de la province de Mendoza n’aurait pas respecté l’accord qui a mis fin à un conflit salarial en infligeant aux organisations syndicales une sanction pécuniaire d’un montant plusieurs fois supérieur à leur patrimoine au motif qu’elles n’avaient pas comparu à la procédure de conciliation obligatoire en dépit du fait que, comme le font valoir les organisations plaignantes, le pouvoir exécutif provincial s’était engagé à ne pas appliquer de sanctions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire respecter l’accord en question et, si l’accord exprime effectivement ce qui est allégué par les organisations plaignantes, d’annuler les sanctions auxquelles se réfèrent les organisations plaignantes.
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