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Rapport intérimaire - Rapport No. 362, Novembre 2011

Cas no 2817 (Argentine) - Date de la plainte: 08-OCT. -10 - Clos

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277. La plainte figure dans une communication de l’Association du personnel de direction des Chemins de fer argentins, de l’Administration générale des ports et des Ports argentins (APDFA) du 8 octobre 2010.

  1. 277. La plainte figure dans une communication de l’Association du personnel de direction des Chemins de fer argentins, de l’Administration générale des ports et des Ports argentins (APDFA) du 8 octobre 2010.
  2. 278. Le gouvernement a adressé ses observations dans une communication de mai 2011.
  3. 279. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 280. Dans sa communication du 8 octobre 2010, l’Association du personnel de direction des Chemins de fer argentins, de l’Administration générale des ports et des Ports argentins (APDFA) déclare que, conformément à la législation nationale en vigueur, l’APDFA est un syndicat de premier degré jouissant du statut syndical spécial personería gremial, comme il ressort de l’arrêté no 364 du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale. Par conséquent, l’APDFA a toute légitimité pour saisir le comité. L’APDFA indique qu’elle formule la présente plainte contre l’Etat argentin en raison de multiples atteintes à la liberté syndicale et aux droits des organisations et des représentants des travailleurs tels que garantis par les conventions nos 87, 98 et 135 ainsi que par la recommandation no 143. L’organisation cite à cet égard des actes de discrimination antisyndicale, le harcèlement de délégués et de militants syndicaux et le refus d’entamer des négociations collectives, entre autres violations graves, au sein des entreprises suivantes: Ferrosur S.A., Roca S.A., All Central y All Mesopotámica S.A., Nuevo Central Argentino S.A., Ferroexpreso Pampeano S.A., Belgrano Cargas S.A., Ferrovías S.A. et Ugofe S.A. L’organisation indique en outre qu’elle expose en détail dans sa plainte certaines des atteintes graves à la liberté syndicale commises par trois de ces entreprises (Ferrosur S.A., All Central y All Mesopotámica S.A. et Ferrovías S.A.) avec la complicité du ministère du Travail.
  2. 281. L’APDFA indique qu’elle organise et représente les salariés du secteur ferroviaire employés comme cadres administratifs, techniques ou professionnels, les universitaires diplômés exerçant de telles fonctions, les coordinateurs et supérieurs hiérarchiques et tous les agents exerçant des tâches de direction, de contrôle ou de surveillance, qu’ils aient du personnel sous leur responsabilité ou non, quel que soit leur statut administratif et indépendamment de leur catégorie professionnelle, s’ils assument ces fonctions dans une relation de subordination par rapport à un employeur du secteur. Cet employeur peut être une entreprise ou une société de l’Etat central ou d’une administration locale, une entreprise publique, privée ou mixte ayant pour activité l’exploitation de services ferroviaires ou une entité de l’administration publique centralisée ou décentralisée spécialisée dans des tâches liées à l’activité ferroviaire. Il peut s’agir ainsi d’entreprises ou entités spécialisées dans la réparation ou l’entretien du matériel ferroviaire, le contrôle ou l’exploitation de biens mobiliers ou immobiliers anciennement propriété des Chemins de fer argentins qui demeurent rattachés à l’Etat ou encore dans le contrôle ou le suivi de la gestion et du fonctionnement des entreprises de services ferroviaires. Sont concernées aussi les entreprises qui collaborent avec de telles entreprises, leur sont liées par des contrats ou effectuent pour elles du travail en sous-traitance en vue de l’exploitation, la commercialisation ou la réalisation de tâches liées directement ou indirectement à l’activité ferroviaire, de sociétés ayant pour activité principale la production ou la réparation de matériel ferroviaire ou encore d’entreprises prêtant des services destinés à l’activité ferroviaire. L’organisation représente aussi les cadres et personnels de direction employés dans des ports argentins, et elle est habilitée à déployer ses activités sur la totalité du territoire.
  3. 282. A l’origine, l’interlocuteur de l’APDFA était l’Etat en sa qualité de propriétaire des Chemins de fer argentins, entreprise chargée d’assurer le service ferroviaire sur les différentes ramifications du réseau. Dans les années quatre-vingt-dix, cependant, le gouvernement a lancé une politique de privatisation qui a débouché sur le démantèlement de l’organisation ferroviaire. La concession des activités ferroviaires a été confiée à différentes entreprises privées, auxquelles les travailleurs représentés par le syndicat ont désormais été rattachés. L’APDFA souligne que la politique menée en Argentine dans les années quatre-vingt-dix a abouti à la privatisation de la quasi-totalité des entreprises de service public auparavant détenues par l’Etat. L’APDFA a contesté la politique de privatisation du gouvernement et lancé une campagne publique visant à informer la société des conséquences particulièrement néfastes de la réforme. A titre de représailles, le patronat, qui agissait avec la complaisance de l’Etat, a nié la représentativité de l’APDFA et subordonné le transfert vers les sociétés concessionnaires, c’est-à-dire le maintien dans l’emploi, à la renonciation à l’affiliation syndicale. De telles représailles, qui constituent une violation de la liberté syndicale, ont été constatées au sein de toutes les entreprises visées par la plainte, soit Ferrosur S.A., Roca S.A., All Central y All Mesopotámica S.A., Nuevo Central Argentino S.A., Ferroexpreso Pampeano S.A., Belgrano Cargas S.A., Ferrovías S.A. et Ugofe S.A.
  4. 283. Par la suite, l’APDFA a été empêchée de faire usage du droit de négociation, malgré différentes démarches en ce sens, et ce malgré un recours administratif présenté au ministère du Travail, conformément à la loi, pour demander la constitution d’une cellule de négociation avec l’ensemble des sociétés concessionnaires. Les obstacles à la négociation collective ont créé une situation – voulue par les concessionnaires – dans laquelle les travailleurs précédemment couverts par les différentes conventions collectives applicables, lorsque le service ferroviaire était encore assuré par l’Etat, ont été privés de la protection de ces instruments par les concessionnaires privés assurant désormais l’exploitation des différentes ramifications du réseau ferré. Toutes les entreprises ont alors compté des travailleurs «hors convention» – une figure non prévue par la loi, à savoir les personnels en principe représentés par l’APDFA en vertu du statut syndical de l’organisation. A partir de 2001, alors que le pays faisait face à une crise socio-économique et politique majeure, les cadres ferroviaires des différentes sociétés concessionnaires ont commencé à s’organiser et à adhérer à l’APDFA, revendiquant le rétablissement des conditions de travail précédentes ainsi que la reconnaissance de la représentativité du syndicat, conformément à son statut légal et constitutionnel.
  5. 284. L’organisation plaignante indique que les dispositions appliquées lors de l’adjudication de la concession des différentes ramifications du réseau ferré prévoyaient explicitement que les concessionnaires devraient respecter la situation existante en ce qui concerne les associations professionnelles, les syndicats déclarés aptes à représenter les travailleurs visés et les conditions de travail. L’article 42 de la loi no 23696 sur la réforme de l’Etat dispose ainsi que, à l’issue «des processus de privatisation mis en œuvre conformément aux dispositions de la présente loi selon l’une ou l’autre des modalités et procédures prévues aux articles 17 et 18, le travailleur continuera de jouir de la protection découlant des différentes institutions juridiques, conventionnelles ou administratives du droit du travail». L’article 43 de la même loi contient de son côté les dispositions suivantes: «Représentation syndicale: Le processus de privatisation restera sans conséquence sur la situation, la représentation et l’affiliation en matière syndicale des travailleurs de l’entité soumise à privatisation à moins que l’autorité compétente n’en décide autrement.»
  6. 285. Malgré les dispositions légales, les cadres et personnels de direction représentés par l’APDFA ont été exclus illégalement de la couverture de la convention collective, alors que les demandes de négociation présentées parallèlement étaient systématiquement rejetées. L’organisation plaignante rappelle que la loi no 14250, qui traite des conventions de travail, prévoit en son article 8 que les «dispositions des conventions collectives enregistrées sont d’application impérative et ne pourront être modifiées par les contrats de travail individuels d’une façon qui porterait atteinte aux intérêts des travailleurs…». L’article 17 du même texte prévoit que «la représentation des travailleurs aux fins de la négociation de la convention collective sera assurée par le syndicat jouissant du statut syndical spécial personería gremial…». La loi sur la procédure en matière de négociation collective indique en son article 2 que «les représentants des employeurs et des travailleurs souhaitant entamer des négociations collectives devront en informer l’autre partie par écrit par une communication dont ils adresseront copie à l’administration du travail et qui devra mentionner: a) la représentation assurée; b) les catégories et régions devant être couvertes par la convention collective demandée; c) les sujets devant être traités lors des négociations». L’article 3 de la même loi prévoit ainsi que «les destinataires de la notification mentionnée dans l’article précédent seront tenus d’y répondre et de désigner les personnes devant les représenter au sein de la commission constituée en conséquence». La lecture conjointe des différents textes nationaux relatifs à la négociation collective montre clairement que l’entreprise a l’obligation de négocier avec le syndicat détenant le statut syndical spécial personería gremial – l’APDFA en l’occurrence –, obligation impérative qui ne se prête à aucune interprétation.
  7. 286. L’APDFA indique qu’elle est le seul syndicat ferroviaire à être empêché de négocier avec les différents concessionnaires assurant désormais l’exploitation ferroviaire, et que les autres organisations syndicales qui négocient régulièrement pour leur part avec les entreprises du secteur, celles-là même qui refusent ce droit à l’APDFA, ne devraient pas tolérer cette décision arbitraire. Les entreprises qui se soustraient ainsi à leur devoir de négocier collectivement avec l’APDFA et opèrent une discrimination entre ce syndicat et les autres organisations du secteur sont citées dans la plainte. L’APDFA mentionne des faits survenus au sein de certains des concessionnaires, faits qui ont débouché, souvent avec la connivence de l’autorité compétente, sur des atteintes graves à la liberté syndicale, qui ont entraîné la présentation de la présente plainte.
    • Allégations relatives à des atteintes à la liberté syndicale au sein de l’entreprise Ferrosur S.A.
  8. 287. L’APDFA allègue qu’en 2005 les cadres et personnels de direction de l’entreprise ont souhaité adhérer à un syndicat, espérant parvenir par l’action collective à améliorer des conditions de travail difficiles (durée journalière de travail supérieure au maximum légal, retard dans le versement des salaires, stress dû à des pressions constantes, harcèlement au travail, etc.). Lors de cet afflux massif de membres, l’APDFA a demandé l’ouverture de négociations collectives en vue d’améliorer la situation des travailleurs de l’entreprise relevant de la catégorie dont elle est habilitée à assurer la représentation, conformément aux facultés que lui confèrent la loi no 14250 sur la négociation collective et la loi no 23551 sur les organisations syndicales, ainsi que le décret d’application no 467/88 relatif à ce dernier texte. L’entreprise Ferrosur S.A. a d’abord cherché à faire pression sur les travailleurs, les menaçant de licenciements massifs, avant de s’engager à apporter les améliorations demandées, sous réserve cependant que les intéressés renoncent à leur affiliation syndicale. Ces menaces ne sont malheureusement pas restées sans effet et les travailleurs visés ont tous décidé de quitter le syndicat.
  9. 288. Parallèlement, l’entreprise a multiplié les recours devant le ministère du Travail dans le seul but de retarder, voire empêcher, la négociation avec l’APDFA. Il convient de souligner que le régime légal applicable à la négociation collective en Argentine réserve le droit de négocier collectivement aux syndicats auxquels le ministère du Travail a octroyé la personería gremial (l’APDFA figure parmi de tels syndicats), et cela même si les travailleurs relevant de la catégorie que le syndicat est habilité à représenter selon l’autorité administrative ne sont pas syndiqués. Parmi les moyens utilisés par l’entreprise pour empêcher l’ouverture de négociations, on citera des manœuvres et ruses procédurales dans le cadre du recours administratif engagé afin d’obtenir du ministère l’ouverture de négociations. Dans ces circonstances, l’APDFA n’a plus eu d’autres solutions que de poursuivre la voie administrative pour obtenir de l’autorité compétente qu’elle enjoigne à l’entreprise, dans le cadre de ses attributions, de négocier collectivement avec le syndicat. L’entreprise a donc ouvert une procédure en révision subsidiaire devant la hiérarchie de l’autorité responsable de la décision contre l’arrêt ministériel ordonnant l’ouverture de négociations. En même temps, l’APDFA a fait savoir son point de vue à l’instance administrative saisie du recours engagé par l’entreprise auprès des instances administratives.
  10. 289. Le recours administratif (no 1148853/05) est donc parvenu à la direction du cabinet du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale le 21 août 2007. Le 29 juillet 2008, alors qu’un an s’était écoulé sans que le ministère ne se prononce, le syndicat a envoyé, conformément à l’article 25 de la loi sur la procédure administrative, une communication spéciale invitant de façon expresse le ministère à mettre un terme à ce retard indu et ordonner le début des négociations collectives réclamées depuis 2005. Fin 2010, l’APDFA était toujours empêchée de faire usage dans les faits du droit de négociation et privée par conséquent de la jouissance des autres droits associés à cette composante essentielle de la liberté syndicale. Le temps a passé sans que rien ne vienne modifier cette situation fâcheuse, et les travailleurs de l’entreprise, empêchés de faire usage de leurs droits syndicaux et de leur droit de négociation collective, ont constaté que leurs conditions de travail, loin de s’améliorer, s’étaient encore détériorées.
  11. 290. Le 3 novembre 2009, l’APDFA a adressé un nouveau courrier à la direction du cabinet du ministère du Travail, indiquant que les représentants du syndicat au sein de l’entreprise avaient élu un délégué. Le syndicat répondait ainsi à la demande – dénuée de fondement légal – de l’entreprise, qui avait exigé la présence de délégués du personnel à la table de négociations. Au jour où la présente plainte a été présentée, l’APDFA n’avait reçu de l’autorité administrative aucune notification l’informant de l’acceptation ou du refus de cette demande. Cette fois encore, le silence du ministère du Travail conforte Ferrosur S.A. dans sa position contraire à la législation nationale et aux conventions nos 87 et 98. En janvier 2010, pour éviter une paralysie du recours administratif demandant l’ouverture de négociations collectives, l’APDFA a engagé une nouvelle procédure administrative, qui a malheureusement subi le même sort que la précédente. Cette fois encore, en effet, l’entreprise s’est soustraite à son obligation de négocier avec le syndicat, s’employant par toutes sortes de ruses à empêcher ne serait-ce que la constitution de la cellule de négociation.
  12. 291. L’APDFA ajoute qu’en 2004, après l’élection des délégués, l’entreprise s’est employée par différents moyens à convaincre les délégués, voire les simples membres, à renoncer au syndicat. Au fil des ans, la détérioration de la situation salariale et des autres conditions de travail a entraîné un nouveau mouvement massif d’adhésion parmi les travailleurs de l’entreprise ainsi que l’élection de délégués du personnel. Cependant, l’entreprise a contesté la légitimité de l’élection et nié la représentativité des délégués, avec qui elle a dès lors refusé tout dialogue.
  13. 292. Le 8 juillet 2010, l’entreprise a adressé un courrier au ministère du Travail dans lequel elle conteste la convocation de l’APDFA à des élections devant avoir lieu le 22 juillet. L’entreprise ajoute que, «si l’élection devait cependant avoir lieu, nous contestons d’ores et déjà ses résultats éventuels et estimons que les délégués ainsi désignés ne jouiront d’aucune protection ni garantie». L’entreprise déclare aussi, ce qui revient quasiment à reconnaître le caractère antisyndical de son attitude, qu’en ce qui concerne «les salariés actuels de FSR [il s’agit de l’entreprise Ferrosur S.A.] les effectifs comprennent 912 travailleurs, dont 460 sont couverts par la convention collective signée avec l’Unión Ferroviaria (UF) et 279 par celle qui a été conclue avec La Fraternidad (LF), alors que les 173 salariés restants – dont le directeur général – sont du personnel hors couverture, exclu de la portée de la convention collective». L’entreprise reconnaît ainsi avoir exclu de la couverture, de façon arbitraire et illégale, un pourcentage important des salariés – des cadres et des personnels de direction pour la plupart, catégorie en principe représentée par l’APDFA, en créant pour eux la figure du salarié «hors convention».
  14. 293. Une fois informé de la position de l’APDFA, le ministère du Travail a adopté une décision ambiguë dans laquelle il indique qu’il n’est «ni opportun ni adéquat de se prononcer dans ces circonstances sur la situation des différents travailleurs hors convention». Parmi les pratiques antisyndicales de Ferrosur S.A., il convient de citer non seulement le refus de reconnaître la représentativité des délégués élus et d’accorder la protection prévue par la loi aux représentants syndicaux au sein de l’entreprise, mais aussi le refus de mettre un panneau d’affichage à la disposition de l’organisation, l’interdiction de tenir des assemblées sur le lieu de travail et le refus d’octroyer des congés syndicaux.
    • Allégations relatives à des actes de persécution antisyndicale, à un refus d’entamer des négociations collectives et à des entraves à l’affiliation syndicale au sein des entreprises América Latina Logística Central S.A. et América Latina Logística Mesopotámica S.A. (All)
  15. 294. A peu de choses près, ces entreprises ont procédé de la même façon que l’entreprise mentionnée dans le paragraphe précédent pour empêcher l’exercice des droits syndicaux. La similitude est si frappante qu’elle prouve quasiment que les entreprises ont défini une stratégie commune en s’abritant derrière l’inertie fonctionnelle du ministère du Travail. En 2007, en effet, à l’occasion de l’élection des délégués du personnel convoquée par l’APDFA conformément aux articles 40 à 46 de la loi no 23551, l’entreprise a contesté la légalité du vote et la représentativité des délégués élus. L’entreprise a intensifié ensuite la pression antisyndicale. Ainsi, le 9 février 2008, l’entreprise (All) a licencié M. Ramón Darío Alcaraz, délégué suppléant, qu’elle avait déjà suspendu sans motif valable en 2007, sans respecter lors de cette décision, pas plus que lors de la précédente, les dispositions de la loi no 23551 sur les organisations professionnelles qui régissent la levée de la protection octroyée aux représentants syndicaux.
  16. 295. L’APDFA ajoute que, face à l’illégalité manifeste de ce licenciement antisyndical, la cinquième Chambre du Tribunal national du travail a ordonné la réintégration du délégué licencié en date du 13 mai 2009. De même, et face aux pressions et aux actes de harcèlement aux dépens de ses membres, le syndicat a adressé une réclamation à l’entreprise dans un courrier envoyé la même année, dans lequel il dénonce:
    • … des pratiques antisyndicales et des pratiques contraires à la liberté syndicale, aux dépens de l’Association du personnel de direction des Chemins de fer argentins, de l’Administration générale des ports et des Ports argentins (APDFA) et des membres de ce syndicat employés par l’entreprise. Ces pratiques comprennent des manœuvres récurrentes visant à inciter nos membres à renoncer à leur affiliation ou décourager les autres travailleurs de la catégorie que nous représentons d’adhérer au syndicat. C’est dans ce cadre qu’il faut replacer des faits récents particulièrement graves, soit la décision de l’entreprise, agissant dans un esprit de coercition et au mépris de la bonne foi qui doit régir les relations individuelles et collectives au travail, de subordonner la promotion méritée – les critères requis étant réunis – de plusieurs de nos membres à la renonciation à leur affiliation syndicale. Je vous invite à mettre fin sans délai à ces agissements, qui constituent une pratique déloyale aux termes des alinéas b), c) et j) de l’article 53 de la loi no 23551 et portent atteinte aux garanties prévues par la Constitution (articles 14 bis et 75, paragraphe 22) et par les conventions nos 87, 98 et 111. Si la situation perdure, nous saisirons les instances nationales et internationales compétentes et demanderons devant la justice la protection de notre droit de jouir librement et sans restriction de la liberté syndicale, ce dont nous vous tenons pour avertis.
  17. 296. L’APDFA indique que l’entreprise All a eu recours à toutes sortes de ruses pour se soustraire à son devoir de négocier avec l’APDFA. Après avoir exclu l’ensemble des cadres et des personnels de direction de la couverture de la convention collective pendant les années quatre-vingt-dix, alors que la périodicité des cycles de négociation était rétablie dans le pays, l’entreprise All a contesté la représentativité du syndicat, reconnaissant cependant celle d’autres syndicats de travailleurs ferroviaires avec lesquels elle a négocié sans faire la moindre difficulté. Ce comportement a poussé l’APDFA à lancer plusieurs actions revendicatives, espérant venir à bout ainsi de la résistance de l’entreprise.
  18. 297. L’APDFA déclare que la loi no 14786 régit l’exercice du droit de grève, garanti par la Constitution. Cette loi prévoit que, face à un conflit d’intérêts, le ministère du Travail pourra ordonner le recours à la conciliation obligatoire et la convocation d’audiences devant permettre aux parties de parvenir à un accord. Pendant la conciliation obligatoire, les parties doivent remettre les choses dans l’état où elles se trouvaient avant le conflit et suspendre par conséquent toute action revendicative éventuelle. La loi précise le délai pendant lequel l’autorité administrative peut procéder à la conciliation obligatoire (quinze jours pouvant être prorogés de cinq jours supplémentaires), période pendant laquelle les parties doivent s’abstenir de toute action revendicative. Cependant, pour que cette restriction ne se transforme pas en interdiction, la loi prévoit qu’à l’échéance du délai susmentionné le ministère du Travail ne peut plus requérir cette procédure pour le même conflit.
  19. 298. L’organisation plaignante allègue que, dans le conflit l’opposant à l’entreprise du fait du refus systématique de celle-ci de négocier, l’autorité administrative a ordonné le recours à la conciliation obligatoire au mois de juin 2010, que les délais prévus pour une telle conciliation sont échus sans que l’entreprise ne revienne sur sa position et que les parties ont été libérées alors de leur obligation de renoncer à l’exercice du droit de grève. Par conséquent, l’APDFA a lancé une nouvelle action revendicative pour le 8 octobre 2010, appelant à la cessation des activités et à l’organisation d’une manifestation devant le ministère du Travail. L’APDFA indique que, alors qu’il s’agissait du même conflit, le ministère du Travail a ordonné, de façon tout à fait arbitraire et illégale, une nouvelle procédure de conciliation obligatoire. Qui plus est, cette mesure a été communiquée le 7 octobre en fin de journée ou le 8 octobre au matin par un avis affiché sur la porte du syndicat, alors que ce local était vide et que personne ne pouvait prendre connaissance de cette information. Ces différents éléments attestent du caractère illégal des procédés du ministère du Travail, dont les décisions reviennent dans les faits à interdire aux travailleurs regroupés au sein de l’APDFA de faire usage du droit de grève.
    • Allégations relatives à l’entreprise Ferrovías S.A.
  20. 299. L’APDFA déclare qu’au moment d’assumer l’exploitation du réseau «Ferrocarril General Belgrano», et comme dans les cas mentionnés précédemment, l’entreprise a déclaré que les conventions collectives ne s’appliqueraient plus aux cadres et aux personnels de direction et elle a fait pression sur les membres du syndicat dans l’intention manifeste de les écarter de l’entreprise. Malgré des démarches et demandes formelles nombreuses, l’entreprise continue à ce jour de refuser à l’organisation le droit de négocier et conclure une convention collective. Comme les autres entreprises mises en cause, l’entreprise a demandé aux membres de l’APDFA de renoncer à leur affiliation sous peine de licenciement, souvent avec succès. L’APDFA ajoute qu’une plainte pour pratique déloyale a été déposée pour ce motif ainsi que pour la sanction prononcée contre M. Darío Corbalán, délégué syndical, ce qui a entraîné l’ouverture d’une procédure pour pratique déloyale devant les tribunaux du travail.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 300. Dans sa communication de mai 2011, le gouvernement déclare que la direction du Cabinet du ministre a été interrogée sur le cas à l’examen et que le bureau du conseiller juridique a répondu, en s’appuyant sur des documents fournis en annexe, qu’il ne faisait pas de doute que le ministère du Travail avait fait preuve d’un esprit de collaboration, fixant une série d’audiences devant permettre d’informer chacune des entreprises impliquées du souhait de l’organisation de conclure une convention de travail. Il ressort du compte rendu de ces audiences que le problème est dû principalement à un conflit non résolu quant au syndicat devant être déclaré apte à représenter la catégorie, conflit qui peut donner lieu à l’ouverture d’une procédure judiciaire pour pratique déloyale.
  2. 301. Par ailleurs, en ce qui concerne les allégations relatives à des actes de persécution à l’encontre de dirigeants syndicaux, et comme il ressort du texte de la plainte de l’organisation plaignante, des procédures ont été engagées sur ces questions devant les tribunaux du travail. Le gouvernement en conclut que la protection des dirigeants a été assurée conformément aux modalités prévues par la législation nationale.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 302. Le comité observe que, dans le cas à l’examen, l’organisation plaignante allègue que, alors même qu’elle jouit de la personería gremial (statut spécial qui octroie des droits exclusifs, comme le droit de conclure des conventions collectives, le droit des dirigeants à une protection spéciale, le droit à la retenue des cotisations syndicales par l’employeur, le droit de créer et gérer des programmes sociaux, etc.), plusieurs entreprises du secteur ferroviaire (citées nommément dans la plainte) se refusent à entamer des négociations collectives et que l’autorité administrative n’a pas pourvu à l’ouverture de telles négociations, malgré les recours engagés par l’organisation plaignante. Le comité observe également que l’organisation plaignante dénonce des actes de harcèlement et de persécution contre ses dirigeants et membres (pour l’entreprise Ferrosur S.A., l’organisation allègue des pressions visant à convaincre les membres de renoncer à leur affiliation syndicale, la non-reconnaissance de l’élection des délégués et le refus de dialoguer avec les délégués élus, le refus de mettre un panneau d’affichage à la disposition de l’organisation, l’interdiction des assemblées syndicales et le refus d’accorder des congés syndicaux; pour les entreprises América Latina Logística Central S.A. et América Latina Logística Mesopotámica, elle allègue la contestation de la légalité du vote organisé par le syndicat et la non-reconnaissance des délégués élus ainsi que le licenciement, le 9 février 2008, de M. Ramón Darío Alcaraz, délégué suppléant, dont la réintégration a été ordonnée par la justice le 13 mai 2009, et, pour l’entreprise Ferrovías S.A., elle allègue des menaces de licenciement ayant visé les membres du syndicat et une sanction prononcée contre M. Darío Corbalán, délégué syndical).
  2. 303. En ce qui concerne le refus allégué de plusieurs entreprises du secteur ferroviaire de négocier collectivement avec l’APDFA, pourtant au bénéfice de la personería gremial, le comité prend note des informations du gouvernement, qui indique que le ministère du Travail a fait preuve d’un esprit de collaboration, fixant une série d’audiences devant permettre d’informer chacune des entreprises impliquées du souhait de l’organisation de conclure une convention de travail et qu’il ressort du compte rendu de ces audiences que le problème est dû principalement à un conflit non résolu quant au syndicat devant être déclaré apte à représenter la catégorie, conflit qui peut donner lieu à l’ouverture d’une procédure judiciaire pour pratique déloyale. A cet égard, le comité note que le gouvernement annexe à sa réponse copie du compte rendu d’une réunion entre l’APDFA et plusieurs des entreprises du secteur, dont il ressort que les parties acceptent les audiences proposées par l’autorité administrative en vue de faire connaître le souhait de conclure une convention collective, ainsi que le compte rendu d’audiences postérieures tenues en avril 2011, dont il ressort qu’une entreprise (Ferrovías S.A.) a engagé une procédure devant permettre de déterminer le syndicat apte à représenter les travailleurs visés, qui doit déboucher sur l’ouverture de négociations, et qu’une autre entreprise (Ferrosur S.A.) a fixé un calendrier en vue de l’ouverture de négociations.
  3. 304. Le comité regrette que l’APDFA, qui jouit de la personería gremial, ne soit pas encore parvenue à conclure une convention collective avec les entreprises du secteur, malgré le temps écoulé depuis que l’organisation a exprimé le souhait d’entamer des négociations. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de prendre rapidement toutes les mesures à sa portée pour encourager l’APDFA et les entreprises concernées à promouvoir et utiliser pleinement des procédures de négociation volontaire en vue de réglementer les conditions de travail au moyen de conventions collectives. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  4. 305. En ce qui concerne les allégations relatives à des actes de harcèlement et de persécution contre des dirigeants et des membres de l’APDFA (pour l’entreprise Ferrosur S.A., l’organisation allègue des pressions visant à convaincre les membres de renoncer à leur affiliation syndicale, la non-reconnaissance de l’élection des délégués et le refus de dialoguer avec les délégués élus, le refus de mettre un panneau d’affichage à la disposition de l’organisation, l’interdiction des assemblées syndicales et le refus d’accorder des congés syndicaux; pour les entreprises América Latina Logística Central et América Latina Logística Mesopotámica, elle allègue la contestation de la légalité du vote organisé par le syndicat et la non-reconnaissance des délégués élus ainsi que le licenciement, le 9 février 2008, de M. Ramón Darío Alcaraz, délégué suppléant, dont la réintégration a été ordonnée par la justice le 13 mai 2009, et, pour l’entreprise Ferrovías S.A., elle allègue des menaces de licenciement ayant visé les membres du syndicat et une sanction prononcée contre M. Darío Corbalán, délégué syndical), le comité prend note des déclarations du gouvernement, qui renvoie aux informations fournies par l’organisation plaignante, à savoir que des procédures ont été engagées devant les tribunaux du travail pour ces faits, et conclut par conséquent que la protection des dirigeants a été assurée conformément aux modalités prévues par la législation nationale.
  5. 306. Le comité observe que, selon l’organisation plaignante, la justice a été saisie de plaintes pour pratique déloyale en relation avec les menaces de licenciement ayant visé les membres du syndicat et avec la sanction prononcée par l’entreprise Ferrovías S.A. contre M. Darío Corbalán, délégué syndical. A cet égard, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue définitive de ces procédures judiciaires. De même, le comité note que, selon l’APDFA, la cinquième Chambre du Tribunal national du travail a ordonné la réintégration de M. Ramón Darío Alcaraz, délégué syndical, qui avait été licencié par l’entreprise All sans que soient respectées les dispositions légales relatives à la protection des syndicalistes. Le comité prie le gouvernement d’indiquer si ce délégué syndical a bien été réintégré dans son poste de travail sans perte de salaire.
  6. 307. En ce qui concerne les autres actes de discrimination antisyndicale allégués (pressions visant à convaincre les membres de renoncer à leur affiliation syndicale, nonreconnaissance de l’élection des délégués syndicaux et refus de dialoguer avec les délégués élus, refus de mettre un panneau d’affichage à la disposition de l’organisation, interdiction des assemblées syndicales et refus d’accorder des congés syndicaux dans le cas de l’entreprise Ferrosur S.A.; contestation de la légalité des élections syndicales et non-reconnaissance des délégués élus dans le cas des entreprises América Latina Logística Central et América Latina Logística Mesopotámica; et menaces de licenciement ayant visé des membres du syndicat dans le cas de l’entreprise Ferrovías S.A.), le comité regrette le long laps de temps pris par le gouvernement pour répondre et le prie instamment de diligenter une enquête sur ces questions et de l’informer des conclusions rendues.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 308. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre rapidement toutes les mesures à sa portée pour encourager l’Association du personnel de direction des Chemins de fer argentins, de l’Administration générale des ports et des Ports argentins (APDFA) et les entreprises concernées du secteur à promouvoir et utiliser pleinement les procédures de négociation volontaire en vue de réglementer les conditions de travail au moyen de conventions collectives. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • b) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue définitive des procédures judiciaires pour pratique déloyale relatives aux menaces de licenciement ayant visé les membres de l’APDFA et à la sanction prononcée par l’entreprise Ferrovías S.A. contre M. Darío Corbalán, délégué syndical.
    • c) Le comité prie le gouvernement d’indiquer si M. Ramón Darío Alcaraz, délégué syndical, qui a été licencié par l’entreprise All sans que soient respectées les dispositions légales relatives à la protection des syndicalistes, a bien été réintégré dans son poste de travail sans perte de salaire conformément à la décision de l’autorité judiciaire.
    • d) Le comité regrette le long laps de temps pris par le gouvernement pour répondre et le prie instamment de diligenter une enquête sur les allégations de discrimination antisyndicale suivantes: 1) les pressions exercées sur les membres de l’organisation pour les inciter à renoncer à leur affiliation syndicale; la non-reconnaissance de l’élection des délégués syndicaux et le refus de dialoguer avec les délégués élus, le refus de mettre un panneau d’affichage à la disposition de l’organisation, l’interdiction des assemblées syndicales et le refus d’accorder des congés syndicaux dans le cas de l’entreprise Ferrosur S.A.; 2) la contestation de la légalité des élections syndicales et la non-reconnaissance des délégués élus dans le cas des entreprises América Latina Logística Central et América Latina Logística Mesopotámica; et 3) les menaces de licenciement ayant visé les membres du syndicat dans le cas de l’entreprise Ferrovías S.A. Le comité prie le gouvernement de l’informer des conclusions de cette enquête.
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