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Rapport définitif - Rapport No. 363, Mars 2012

Cas no 2792 (Brésil) - Date de la plainte: 31-MARS -10 - Clos

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent que, à dessein d’entraver et d’empêcher l’exercice du droit de grève des travailleurs du secteur bancaire, les banques membres de la FENABAN saisissent l’autorité judiciaire avant le déclenchement de la grève pour demander des mesures d’interdiction (ainsi que les injonctions d’éloignement qui en découlent), en invoquant la nécessité de se protéger contre cet état de fait; les organisations plaignantes allèguent également que, aux fins de l’exécution des injonctions d’éloignement, la force publique intervient violemment

  1. 362. La plainte figure dans une communication de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), de la Confederação Nacional dos Trabalhadores no Ramo Financeiro (CONTRAF), de la Federação dos Trabalhadores em Empresas de Crédito de São Paulo (FETEC/SP) et du Sindicato dos Empregados em Estabelecimentos Bancários de São Paulo, datée du 31 mars 2010.
  2. 363. Le gouvernement a envoyé des observations partielles dans des communications des 11 octobre et 29 novembre 2010.
  3. 364. Le Brésil n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais a ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 365. Dans leur communication du 31 mars 2010, la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), la Confederação Nacional dos Trabalhadores no Ramo Financeiro (CONTRAF), la Federação dos Trabalhadores em Empresas de Crédito de São Paulo (FETEC/SP) et le Sindicato dos Empregados em Estabelecimentos Bancários de São Paulo indiquent que la négociation collective menée par les organisations syndicales qui représentent les travailleurs du secteur bancaire du Brésil se déroule au niveau national. Un groupe national représentant les travailleurs du secteur et la FENABAN (Fédération nationale des banques) représentant les employeurs examinent les revendications. Les organisations plaignantes indiquent que la CONTRAF/CUT, la FETEC/SP et le Sindicato dos Empregados em Estabelecimentos Bancários de São Paulo font partie, entre autres organisations syndicales, du groupe national des travailleurs du secteur bancaire.
  2. 366. D’après les organisations plaignantes, en l’absence d’un accord entre les parties, les travailleurs exercent leur droit de grève comme moyen de pression sur les employeurs pour parvenir à un accord qui mette fin au conflit. Selon elles, pendant la grève, les travailleurs créent des «commissions de classification» dans le cadre desquelles les travailleurs grévistes du secteur bancaire cherchent de façon organisée et pacifique à communiquer des informations aux employés et aux clients des banques ainsi qu’au grand public sur la paralysie des activités et sur les revendications des travailleurs du secteur.
  3. 367. Les organisations plaignantes allèguent que, dans ce contexte et dans le dessein d’entraver l’exercice du droit de grève, les banques (qui sont membres de la FENABAN et qui sont désignées nominativement dans la plainte) ont recours à la justice pour demander des mesures d’interdiction (ainsi que les injonctions d’éloignement qui en découlent), en invoquant la nécessité de se protéger contre cet état de fait. Les organisations plaignantes indiquent que la mesure d’interdiction est un procédé classique en droit civil dont l’objectif est de protéger la propriété privée contre la dépossession et le trouble, et que les banques y ont systématiquement recours pour légitimer la répression policière ou pour interdire aux travailleurs du secteur bancaire d’exercer leur droit de grève et leur droit de manifester. Les organisations plaignantes ajoutent que cette mesure de protection est demandée aux autorités judiciaires à titre préventif, avant la paralysie des activités, afin d’obtenir des décisions de justice interdisant aux syndicats de mener ces actions. D’après les organisations plaignantes, dans la plupart des cas, les injonctions judiciaires autorisent le concours des forces de police.
  4. 368. Les organisations plaignantes indiquent que les mesures d’interdiction demandées par les banques font interdiction aux dirigeants syndicaux de s’approcher à moins de 100 mètres des établissements bancaires, outre l’interdiction d’utiliser des pancartes, des porte banderoles et des véhicules équipés de haut-parleurs susceptibles d’occasionner des nuisances sonores. D’après les organisations plaignantes, du fait de ces interdictions, il n’est pas possible de convaincre les travailleurs par des moyens pacifiques et ni d’exercer le droit de grève.
  5. 369. Les organisations syndicales affirment qu’il devient concrètement impossible d’organiser des manifestations devant les établissements bancaires, lorsque l’Etat intervient par l’intermédiaire des forces de police avec l’autorisation préalable de la justice. A diverses occasions, les forces de police ont privé de leur liberté des dirigeants syndicaux ou des travailleurs grévistes du secteur bancaire durant quelques heures, ce qui a suffi pour démanteler l’organisation syndicale pendant la grève. Les organisations plaignantes indiquent que l’intervention des forces de police se caractérise par des excès de violence et par l’irrespect du droit des travailleurs du secteur bancaire de manifester pacifiquement.
  6. 370. Les organisations plaignantes ajoutent qu’il est important de souligner que l’année dernière les membres du secteur de la sécurité bancaire de la Federação Brasileira de Bancos, dont la FENABAN fait partie, se sont réunis avec les membres de la direction de la police militaire de l’Etat de São Paulo en vue de planifier des interventions communes contre les grèves en cours. Le gouvernement de l’Etat de São Paulo tolère les interventions qui rendent impossible l’exercice du droit de grève par les travailleurs du secteur bancaire. En outre, les organisations syndicales indiquent qu’à la répression violente exercée par la police contre les grévistes s’ajoutent des décisions judiciaires imposant des amendes journalières qui vont de 5 à 100 000 reals et qui portent préjudice aux organisations syndicales du secteur. Dans la pratique, ces amendes paralysent les organisations syndicales et les mettent dans l’impossibilité de survivre financièrement. En conclusion, les organisations plaignantes indiquent que ces mesures d’interdiction privent les travailleurs de la possibilité d’exercer leur droit de grève par des actions pacifiques.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 371. Dans sa communication du 11 octobre 2010, le gouvernement informe qu’une réunion de médiation a eu lieu le 13 septembre 2010. Des représentants du gouvernement et des organisations syndicales y ont participé; en revanche les représentants des employeurs n’y ont pas assisté. A cette occasion, une date a été arrêtée en vue de la tenue d’une nouvelle audition en octobre. Dans sa communication du 29 novembre 2010, le gouvernement indique que le Secrétaire d’Etat au Travail a réuni une nouvelle fois les parties dans le cadre de la médiation, le 19 octobre 2010, sans qu’aucune avancée ne se dessine. A cette réunion, le représentant des employeurs a demandé une compilation des réponses des banques et la CUT a également demandé une compilation des documents pertinents. Le gouvernement ajoute qu’une communication a été adressée au gouvernement de l’Etat de São Paulo et à la juridiction du travail pour les informer de la date de la médiation, mais qu’aucune réponse n’a été reçue sur les questions qui font l’objet de la discussion.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 372. Le comité prend note que, dans le présent cas, les organisations plaignantes allèguent que, dans le dessein d’entraver et d’empêcher l’exercice du droit de grève des travailleurs du secteur bancaire, les banques membres de la FENABAN saisissent l’autorité judiciaire avant le déclenchement de la grève pour demander des mesures d’interdiction (ainsi que les injonctions d’éloignement qui en découlent), en invoquant la nécessité de se protéger contre la dépossession de biens. Les organisations plaignantes ajoutent que les injonctions d’éloignement prononcées en vertu des mesures d’interdiction font interdiction aux dirigeants syndicaux de s’approcher à moins de 100 mètres des établissements bancaires, outre l’interdiction d’utiliser des pancartes, des porte banderoles et des véhicules équipés de haut-parleurs susceptibles d’occasionner des nuisances sonores, et qu’elles autorisent l’intervention de la force publique, laquelle se caractérise fréquemment par des excès de violence; selon les allégations, les mesures précitées sont complétées par des décisions judiciaires imposant de lourdes amendes aux organisations syndicales.
  2. 373. Le comité note que le gouvernement indique que: 1) le 13 septembre 2010, une réunion de médiation s’est tenue avec la participation des représentants du gouvernement et des organisations syndicales, mais que les représentants des employeurs n’y ont pas assisté; 2) à cette occasion, une date a été fixée en vue d’une nouvelle audition en octobre et que le Secrétaire d’Etat au Travail a réuni une seconde fois les parties dans le cadre de la médiation le 19 octobre 2010, sans qu’aucune avancée ne se dessine; 3) à cette réunion, le représentant des employeurs a demandé une compilation des réponses des banques et la CUT a également demandé une compilation des documents pertinents; et 4) une communication du gouvernement national a été adressée au gouvernement de l’Etat de São Paulo et à la juridiction du travail pour les informer de la date de la médiation, mais aucune réponse n’a été reçue sur les questions qui font l’objet de la discussion.
  3. 374. A cet égard, le comité observe que, selon les allégations, les mesures d’interdiction et les injonctions d’éloignement qui en découlent empêchent l’organisation de piquets de grève devant les établissements bancaires pendant les grèves dans le secteur. Le comité rappelle avoir souligné à de nombreuses occasions que les piquets de grève organisés dans le respect de la loi ne doivent pas voir leur action entravée par les autorités publiques et que le seul fait de participer à un piquet de grève et d’inciter fermement, mais pacifiquement, les autres salariés à ne pas rejoindre leur poste de travail ne peut être considéré comme une action illégitime. Il en va toutefois autrement lorsque le piquet de grève s’accompagne de violences ou d’entraves à la liberté du travail par contrainte exercée sur les non-grévistes. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 648 et 651.] Par conséquent, l’exercice pacifique du droit d’organiser des piquets de grève conformément aux principes susmentionnés ne devrait pas faire l’objet d’injonctions d’éloignement ni de sanctions. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de veiller au respect de ces principes concernant l’organisation des piquets de grève et de les porter à l’attention des parties concernées du secteur bancaire et du pouvoir judiciaire.
  4. 375. Par ailleurs, en ce qui concerne l’intervention alléguée des forces de police destinée à faire exécuter les injonctions d’éloignement en faisant souvent usage d’une violence excessive – ce que le gouvernement ne réfute pas dans sa réponse –, le comité observe que, selon ce qui se dégage des allégations, l’intervention de la force publique est possible même si les piquets de grève ont un caractère pacifique. A cet égard, le comité rappelle que «les autorités ne devraient recourir à la force publique en cas de grève que si l’ordre public est réellement menacé. L’intervention de la force publique devrait être proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue de supprimer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public.» [Voir Recueil, op. cit., paragr. 647.] Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de veiller au respect de ce principe.
  5. 376. De façon plus générale, alors qu’il prend note que les partenaires sociaux procèdent actuellement à la compilation des informations et des documents sur les questions en instance dans le cadre d’une médiation, le comité souligne qu’il est important que les questions visées par la plainte fassent l’objet de négociations entre les parties et il invite le gouvernement à continuer de prendre des mesures dans ce sens.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 377. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de veiller au respect des principes en matière d’organisation des piquets de grève énoncés dans les conclusions et de les porter à l’attention des parties au conflit et du pouvoir judiciaire.
    • b) De façon plus générale, alors qu’il prend note que les partenaires sociaux procèdent actuellement à la compilation des informations et des documents sur les questions en instance dans le cadre d’une médiation, le comité souligne qu’il est important que les questions visées par la plainte fassent l’objet de négociations entre les parties et il invite le gouvernement à continuer de prendre des mesures dans ce sens.
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