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Rapport définitif - Rapport No. 363, Mars 2012

Cas no 2828 (Mexique) - Date de la plainte: 10-SEPT.-10 - Clos

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Allégations: Arrestation de syndicalistes et procédure engagée à l’encontre d’une dirigeante syndicale et expulsion violente par la police des lieux occupés par le syndicat plaignant

  1. 878. La plainte figure dans une communication du Syndicat indépendant des travailleurs et travailleuses du gouvernement de l’Etat de San Luis Potosí (SITTGE), en date du 10 septembre 2010, et a été appuyée par la Fédération syndicale mondiale (FSM) dans une communication en date du 20 décembre 2010.
  2. 879. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications datées du mois de novembre 2011.
  3. 880. Le Mexique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais il n’a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 881. Dans sa communication en date du 20 décembre 2010, le SITTGE allègue que, depuis février 2010, il réclame au gouverneur de l’Etat de San Luis Potosí la réintégration de 12 membres du syndicat qui ont été licenciés ainsi que le respect des accords signés par l’ancien gouverneur. Or, à cette date, le gouverneur actuel et d’autres autorités se refusaient toujours à ouvrir le dialogue avec une délégation du syndicat, malgré l’obligation qui leur est faite d’être au service des citoyens. Le syndicat ajoute que, le 24 mai 2010, Mme Francisca Reséndiz Lara, secrétaire générale de l’organisation, a été arrêtée. Puis, le 1er juin 2010, elle a été retenue pendant six heures par des agents de la sécurité publique après avoir, avec d’autres membres du syndicat, tenté de pénétrer dans le palais du gouverneur de la ville dans le dessein d’être reçue par un représentant quelconque du gouverneur. Elle a été accusée de plusieurs délits (menaces, coups et blessures, outrage à l’autorité publique et rébellion). Le 2 juin 2010, elle a été transférée au Centre de détention préventive et de réadaptation sociale pour être à la disposition de l’autorité judiciaire en tant que responsable présumée des délits de rébellion et d’outrage à l’autorité publique. Le 7 juin 2010, l’autorité judiciaire a relaxé la dirigeante syndicale faute d’éléments incriminant celle-ci. Ces événements démontrent que, à San Luis Potosí, l’on criminalise la contestation syndicale.
  2. 882. Enfin, poursuit le syndicat plaignant, le 28 juillet 2010, au cours d’une opération à laquelle ont participé plus de 50 agents de la police d’Etat, le campement syndical, installé depuis plus de cinq mois devant le palais du gouverneur, a fait l’objet pour la quatrième fois d’une expulsion. Les manifestants ont été poussés avec rudesse et ont reçu des coups de pied, et deux personnes ont été traînées sur la Plaza de Armas par les agents de police qui voulaient les faire monter dans des véhicules de patrouille. Un dispositif de plus de 50 hommes et femmes de la police d’Etat ont attaqué par surprise plusieurs membres du SITTGE. Mónica Ayala Esquivel, María Guadalupe Cervantes Saavedra, Alicia Loredo Macías et Marcelo Alejandro Reséndiz Reséndiz, responsables du campement syndical qui avait été installé devant le siège de l’exécutif pour réclamer la réintégration des 12 travailleurs licenciés de manière injustifiée ont été arrêtés puis détenus. Ces cinq personnes sont restées quelques heures à la Direction de la sécurité publique municipale avant d’être relâchées vers 21 heures et de recevoir immédiatement des soins médicaux, étant donné que trois d’entre elles présentaient des signes physiques de la violence à laquelle elles avaient été soumises pendant l’opération d’expulsion. Mme Guadalupe Cervantes Ávalos portait des ecchymoses au visage et un épanchement de sang à l’œil à la suite du coup de poing qu’elle avait reçu de l’un des agents qui la traînaient.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 883. Dans ses communications du mois de novembre 2011, le gouvernement fait parvenir ses observations sur la plainte présentée par le SITTGE.
  2. 884. En ce qui concerne la détention administrative alléguée de Mme Francisca Reséndiz Lara, le gouvernement indique que, le 24 mai 2010, la police municipale de l’Etat de San Luis Potosí a appréhendé cette personne, pour trouble de l’ordre public, dans le bureau du gouverneur de l’Etat. Cette détention n’a été à aucun moment motivée par de quelconques activités syndicales contrairement à ce que prétend à tort la plaignante. Par la note no CR/3889/10 du 24 mai 2010, l’officier de police, M. Anselmo Márquez Sánchez, du poste de commandement de la région du centre à la Direction générale de la sécurité publique de l’Etat, a fait savoir que, le même jour dans l’après-midi, Mme Francisca Reséndiz Lara s’est introduite dans le bureau du Secrétaire général du gouverneur de l’Etat, en exigeant à grands cris de voir celui-ci. N’obtenant pas ce qu’elle voulait, elle a refusé de quitter le bureau et a porté ainsi atteinte à l’ordre public.
  3. 885. Attendu que cette personne a enfreint, par son comportement, l’article 17.VII de l’arrêté de police et de bonne gouvernance de la municipalité de San Luis Potosí («Constituent des atteintes à l’intégrité morale de l’individu et de la famille, qu’ils soient considérés ou non comme des délits, les actes suivants: […] VII. Ne pas témoigner le respect ou la considération qui est dû à quiconque.»), elle a été conduite devant le juge de paix («Juez Calificado»).
  4. 886. Ce juge est compétent pour connaître des contraventions et infractions administratives en vertu de l’arrêté de police et de bonne gouvernance qui sont commises par les citoyens. Il est responsable de la prison municipale et impose des sanctions, allant de l’avertissement verbal à l’amende, qui peuvent être commuées en une détention pouvant durer jusqu’à 36 heures. Dans le cas d’espèce, le juge a simplement donné un avertissement à Mme Francisca Reséndiz Lara qui a été relâchée quelques heures après son arrestation.
  5. 887. Pour ce qui est de la détention alléguée de Mme Francisca Reséndiz Lara, le 1er juin 2010, le gouvernement indique qu’elle est la conséquence des agressions dont ont fait l’objet les policiers en faction devant l’entrée du palais du gouverneur. Ces agressions ont consisté en des coups et des insultes, au moment où plusieurs membres du SITTGE et Mme Francisca Reséndiz Lara ont tenté de s’introduire dans le palais avec des chaises pliantes et des bancs en plastique. Invités à laisser ces objets à l’extérieur du bâtiment par les fonctionnaires de police, les intéressés ont répondu par la violence à ces restrictions en jetant les objets en question sur les policiers et en lançant des invectives contre le gouverneur de l’Etat et d’autres autorités. C’est en raison de ces comportements, dont on peut présumer qu’ils sont constitutifs de délits, notamment de coups et blessures et d’outrages à l’autorité, que Mme Francisca Reséndiz Lara et d’autres manifestants violents ont été déférés à l’autorité judiciaire pour permettre au ministère public de déterminer l’existence, ou non, d’éléments constitutifs de délits suffisants, ainsi que la responsabilité probable des prévenus. Ainsi, en vertu de la note no H-009/2010 du 1er juin 2010, les fonctionnaires de police affectés à la Direction générale de la sécurité publique de l’Etat ont remis Mme Francisca Reséndiz Lara à l’agent du ministère public en tant qu’auteure présumée, notamment, de délits de coups et blessures et d’outrages à l’autorité. Le gouvernement a joint la note no P.I. H4120/10 ainsi que les certificats médicaux des policiers blessés.
  6. 888. Par la suite, une enquête préliminaire a été ouverte (bureau des détenus mesa de detenidos relevant de la Direction générale des enquêtes préliminaires) à la suite de la plainte déposée pour coups et blessures, rébellion et outrages à l’autorité publique, aux institutions de l’Etat et aux insignes publics, en application des dispositions des articles 115.I, 249 et 256 du Code pénal de l’Etat de San Luis Potosí:
    • Article 115. Se rend coupable du délit de coups et blessures celui qui provoque une altération ou un dommage à la santé imputable à une cause externe. Ce délit sera sanctionné des peines suivantes: I. Quiconque inflige une blessure, qui ne met pas en danger la vie de la victime et guérit en moins de quinze jours, sera puni d’une peine d’emprisonnement de un à trois mois ou d’une sanction pécuniaire équivalant à un montant de cinq à quinze jours de salaire minimum…
    • Article 256. Commet un délit d’outrage à l’autorité, aux institutions de l’Etat et aux insignes publics celui qui s’exprime, directement ou indirectement, ou accomplit des actes dans le dessein de dénigrer, calomnier ou offenser une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice de ses fonctions ou en rapport avec celles-ci, ou les insignes de l’Etat ou d’une municipalité, ou l’une quelconque de ses institutions.
  7. 889. Selon le gouvernement, après avoir estimé qu’il existait des motifs valables de présumer que les prévenus étaient responsables des délits commis, le ministère public les a déférés devant le Premier tribunal pénal qui, après examen des résultats de l’enquête préliminaire no AP/D/XII/1149/2010, dossier pénal no 133/2010, a jugé que les conditions nécessaires à l’ouverture d’une procédure pénale n’étaient pas réunies et a prononcé, le 7 juin, la relaxe de Mme Reséndiz Lara, faute d’éléments probants.
  8. 890. Selon le gouvernement, il peut être conclu de ce qui précède que les périodes de détention de Mme Reséndiz Lara n’ont eu, à aucun moment, de rapport quelconque avec ses activités syndicales. A cet égard, il est rappelé que, d’après le Comité de la liberté syndicale: «Si le fait d’exercer une activité syndicale ou de détenir un mandat syndical n’implique aucune immunité vis-à-vis du droit pénal ordinaire, la détention prolongée de syndicalistes sans les faire passer en jugement peut constituer une sérieuse entrave à l’exercice des droits syndicaux.»
  9. 891. Quant à l’expulsion du campement du SITTGE devant le palais du gouverneur de San Luis Potosí, qui a eu lieu le 28 juillet 2010, le gouvernement indique que, afin de replacer les faits dans leur contexte, à cette date, cela faisait cinq mois qu’un groupe de manifestants du syndicat étaient installés sur la voie publique, obstruant le passage des piétons et émettant de fortes nuisances sonores. Il convient de signaler que l’organisation plaignante elle même reconnaît ce fait. Ces actes ont causé des désagréments aux citoyens puisque le passage devant le palais du gouverneur et l’accès à cet édifice étaient gênés, alors qu’il s’agit d’un lieu extrêmement fréquenté de par sa nature de bâtiment public. Cette situation est considérée comme une atteinte à la sécurité publique, passible d’une sanction en vertu de l’article 12.VI de l’arrêté de police et de bonne gouvernance de la municipalité de San Luis Potosí, selon lequel:
    • Sont considérés comme des atteintes à la sécurité publique, qu’ils soient qualifiés ou non de délits, les actes suivants:
    • […]
    • VI. Causer des nuisances à autrui dans les lieux publics, ou à proximité immédiate du domicile d’autrui. Empêcher ou mettre en péril le libre passage des véhicules et des personnes en occupant la voie publique avec des jeux ou des divertissements sans l’autorisation des autorités.
  10. 892. C’est parce qu’ils ont troublé l’ordre public, et afin de rétablir le libre passage des personnes, que l’autorité municipale a procédé à l’expulsion des manifestants. Il a été nécessaire de les arrêter et de les déférer immédiatement devant le juge de paix qui, après avoir pris connaissance de la situation et n’ayant pas constaté l’existence de faits constitutifs de délits, a relaxé les intéressés quelques heures seulement après leur arrestation.
  11. 893. En ce qui concerne les allégations de licenciements injustifiés, le gouvernement indique que, le 14 septembre 2010, le gouvernement de l’Etat de San Luis Potosí et le SITTGE, en la personne de sa secrétaire générale, Mme Francisca Reséndiz Lara, ont signé un accord visant à mettre un terme au conflit du travail porté devant le tribunal de conciliation et d’arbitrage (dossier no 99/2010/E-4), lequel prévoit la réintégration dans le gouvernement de l’Etat des personnes qui y sont nommées ainsi que le versement à celles-ci de divers montants correspondant aux salaires non perçus en raison du licenciement. Le gouvernement a joint à sa communication l’accord en question dans lequel figurent les noms des fonctionnaires réintégrés. Dans cet accord, il est indiqué que «les deux parties ont convenu que cette négociation met fin au conflit du travail».
  12. 894. Le gouvernement conclut en indiquant que les faits allégués ne sont pas constitutifs d’un manque de respect quelconque de la part du gouvernement mexicain du principe de la liberté syndicale énoncé dans la convention no 87 de l’OIT, étant donné que la loi a été appliquée uniquement en raison du comportement des personnes mentionnées dans sa communication. Par conséquent, il demande que ce cas soit considéré comme classé.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 895. Le comité observe que, dans le présent cas, le syndicat plaignant (SITTGE) allègue des mesures de détention et/ou une procédure visant des syndicalistes, y compris la secrétaire générale, en réponse à des actions syndicales menées en vue de la réintégration de 12 travailleurs licenciés de manière injustifiée, ainsi que l’expulsion par la violence d’un campement syndical, installé pour réclamer la réintégration desdits travailleurs, par des agents de la sécurité publique (occasionnant des dommages corporels); ces arrestations se sont produites le 24 mai 2010 (la secrétaire générale), le 1er juin (la secrétaire générale et d’autres manifestants) et le 28 juillet (plusieurs syndicalistes en raison de l’expulsion du campement syndical). Le syndicat plaignant indique que ces allégations sont le résultat d’un contexte d’absence de dialogue avec les autorités et de refus répétés de recevoir une délégation syndicale pour discuter, d’une part, de la réintégration des 12 travailleurs licenciés et, d’autre part, du respect de plusieurs accords signés avec l’ancien gouverneur de San Luis Potosí.
  2. 896. Le comité prend note du fait que le gouvernement nie que les mesures prises en rapport avec les allégations aient été motivées par des activités syndicales et qu’il qualifie les faits allégués, selon les cas, de troubles à l’ordre public (refus de quitter un local officiel et cris, agressions avec lancement d’objets et insultes à policiers) ou – s’agissant de l’expulsion du campement syndical – obstruction du passage des piétons, obstruction de l’accès au palais du gouverneur et fortes nuisances sonores. Le comité observe que, selon le gouvernement, la secrétaire générale du syndicat a fait l’objet d’un avertissement de la part de l’autorité judiciaire. Cependant, l’organisation plaignante et le gouvernement signalent que, après le dépôt de plaintes par la police, l’autorité judiciaire a relaxé les syndicalistes détenus (la secrétaire générale une seconde fois – avec d’autres manifestants – et quatre syndicalistes à une autre occasion, lors de l’expulsion du campement syndical), faute d’éléments probants, et qu’aucune procédure judiciaire n’est en cours. Selon le gouvernement, plusieurs policiers ont été blessés.
  3. 897. Tout en notant que les propos de l’organisation plaignante et ceux du gouvernement divergent en ce qui concerne les circonstances qui ont provoqué les détentions, le comité rappelle cependant que l’arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels aucun chef d’inculpation n’est relevé ultérieurement peut entraîner des restrictions à la liberté syndicale [voir, par exemple, 217e rapport, cas no 1031, paragr. 120]; les mesures de ce type peuvent créer un climat d’intimidation qui empêche le déroulement normal des activités syndicales. Toutefois, le comité prend note avec intérêt du fait que le gouvernement de l’Etat de San Luis Potosí et le syndicat plaignant ont signé ultérieurement, le 14 septembre 2010, un accord (joint à la communication du gouvernement), en vertu duquel les travailleurs licenciés ont été réintégrés et ont reçu le paiement des salaires non perçus et dans lequel il est indiqué que «les deux parties ont convenu que cette négociation met fin au conflit du travail». Le comité constate que l’un des principaux problèmes à l’origine du présent cas, à savoir l’absence de dialogue entre les autorités de San Luis Potosí et le syndicat plaignant, a été surmonté.
  4. 898. Dans ces conditions, compte tenu du fait que le conflit collectif a été résolu par l’accord susmentionné, le comité considère qu’il n’y a pas lieu de poursuivre l’examen de ce cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 899. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à décider que ce cas ne nécessite pas d’examen plus approfondi.
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