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Rapport définitif - Rapport No. 363, Mars 2012

Cas no 2876 (Uruguay) - Date de la plainte: 16-JUIN -11 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que, en 2010, le pouvoir exécutif a soumis au pouvoir législatif un projet de budget sans l’avoir présenté au préalable à la Confédération des organisations de fonctionnaires de l’Etat (COFE), ni avoir tenu de négociations ou passé d’accord avec celle-ci sur les conditions de travail des fonctionnaires de l’Etat; par ailleurs, l’organisation plaignante allègue que le pouvoir exécutif a promulgué le décret no 319/2010 sans tenir compte des observations formulées à cet égard par la COFE

  1. 1202. La plainte figure dans une communication de l’Assemblée intersyndicale des travailleurs Congrès national des travailleurs (PIT-CNT), datée de juin 2011.
  2. 1203. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date des 6 et 13 octobre 2011.
  3. 1204. L’Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ainsi que la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 1205. Dans sa communication de juin 2011, l’Assemblée intersyndicale des travailleurs-Congrès national des travailleurs (PIT-CNT) indique que l’adoption de la loi no 18508 sur la négociation collective dans le secteur public a marqué un tournant décisif dans l’évolution du système des relations professionnelles du secteur public, en raison de l’effet que ce texte est appelé à produire sur le système. En effet, la loi ouvre un véritable droit aux travailleurs, créant de ce fait une obligation pour l’employeur public. On peut même faire valoir qu’il y est reconnu un droit inhérent de négociation collective de par le renvoi dans l’article 1 de la loi aux conventions internationales nos 87 et 151 de l’OIT.
  2. 1206. La loi définit la teneur ou matière de la négociation collective et, dans ses articles 8 à 14, la structure du système qui comporte trois niveaux de négociation: un premier niveau assuré par le Conseil supérieur de la négociation collective dans le secteur public, composé de huit représentants du gouvernement et de huit représentants des organisations syndicales de fonctionnaires publics les plus représentatives au niveau national et qui s’attachera à parvenir à des accords de la plus grande portée possible; un deuxième niveau, constitué d’une instance de négociation par branche ou secteur (administration centrale, entités autonomes ou services décentralisés), aussi composée de huit représentants du gouvernement et de huit représentants des organisations syndicales les plus représentatives de la branche ou du secteur; et un troisième niveau, à l’échelle du service ou de l’organisme, constitué d’une instance de négociation qui est composée des responsables du service ou de l’organisme et des organisations syndicales de base.
  3. 1207. L’arrivée du nouveau gouvernement au début de 2010 avec l’adoption du budget quinquennal correspondant, et l’annonce d’une prochaine réforme de l’Etat venant s’ajouter aux réclamations, aspirations et revendications diverses exprimées en permanence par les syndicats de fonctionnaires publics, ont poussé les organisations syndicales d’agents de la fonction publique à demander l’ouverture de négociations collectives aux différents niveaux prévus par la loi. Après avoir été engagées et suspendues à plusieurs reprises, les négociations ont eu lieu les derniers jours du mois de juillet et pendant les mois d’août et de septembre 2010.
  4. 1208. La PIT-CNT indique que la série de négociations menées à cette occasion n’avaient rien à voir avec un véritable cadre de négociation collective au sens de la réglementation en vigueur. Durant les sessions, les représentants des fonctionnaires ont exposé leurs arguments devant des représentants du pouvoir exécutif qui n’ont pas manifesté suffisamment d’intérêt pour lancer une dynamique de propositions et de contre-propositions. Plus grave encore, alors que les discussions n’aboutissaient à aucun résultat positif, le pouvoir exécutif élaborait en parallèle son projet de budget quinquennal qui comportait un grand nombre de règles relatives aux conditions de travail des fonctionnaires publics.
  5. 1209. A toutes les réunions sans exception, les représentants des travailleurs ont exigé des représentants du pouvoir exécutif qu’ils donnent des informations sur l’élaboration du budget quinquennal, notamment les données financières permettant un débat sur les salaires et le système d’ajustement de ces derniers. Il n’en a rien été: dans leur réponse, les représentants du pouvoir exécutif n’ont pas fourni l’information qui aurait dû servir de base de discussion et de débat. Durant les sessions, le pouvoir exécutif s’est borné à exprimer sa résolution de ne pas renouveler les contrats arrivant bientôt à échéance ainsi que le montant du salaire minimum sur la base d’un nombre déterminé d’heures de travail, et a indiqué qu’il ne fournirait aucun renseignement sur le budget étant donné que celui-ci n’était pas encore arrêté.
  6. 1210. La PIT-CNT considère que, à la lumière des dispositions susmentionnées, l’employeur public, par son attitude, transgresse clairement la loi puisqu’il ne respecte pas l’obligation de négocier. Cela ne signifie pas pour autant qu’il a l’obligation de parvenir à un accord mais, à l’inverse, l’absence d’obligation ne doit pas servir à vider la négociation collective de sa substance ni à lui enlever sa dimension réelle. La négociation trouve son expression matérielle dans l’accomplissement strict de divers actes dont certains portent sur son fond ou son contenu et d’autres constituent ses vecteurs.
  7. 1211. Concrètement, négocier suppose de soumettre à l’examen de l’instance de négociation les divers thèmes qui doivent, en vertu de la loi, faire l’objet de négociations. Quant aux obligations de faire preuve de bonne foi et de fournir des informations, elles constituent des éléments fondamentaux sans lesquels les parties ne peuvent pas agir. Qu’il y ait accord ou pas, il faut que, dans les faits, une unité de lieu et de temps soit respectée aux fins de la discussion d’un thème, sur lequel les participants avancent des propositions et des contre propositions fondées sur des renseignements dûment communiqués, suffisamment à l’avance, pour pouvoir être pris en considération.
  8. 1212. La PIT-CNT estime que la violation la plus grave commise par le pouvoir exécutif est celle du «droit d’information» prévu par l’article 6, lequel dispose notamment que l’Etat doit fournir des renseignements sur l’état d’avancement des projets de budgets, sur la situation économique des organismes et sur les changements éventuels portant sur les conditions de travail. Sans cette information, la négociation est absolument impossible puisque le projet de budget quinquennal aborde toutes les questions devant faire l’objet de négociations en vertu de l’article 4 de la loi, à savoir: conditions de travail, structure de la carrière professionnelle et réforme de la gestion. Tous ces thèmes, développés de manière exhaustive dans le projet de budget, n’ont pas été négociés pour la simple raison que, pendant les négociations menées avant la remise du projet au pouvoir législatif, le pouvoir exécutif n’a présenté à aucun moment ce projet à ses interlocuteurs (la Confédération des organisations de fonctionnaires de l’Etat (COFE)), malgré l’insistance des travailleurs. Le 31 août 2010, le pouvoir exécutif a remis au pouvoir législatif le projet de budget national dont la COFE n’a pris connaissance que lorsque le pouvoir exécutif l’a publié sur son site Web.
  9. 1213. Selon la PIT-CNT, la gravité de cette situation est manifeste si l’on considère la teneur de ce projet. En effet, le gouvernement a défini, de manière unilatérale, la totalité des conditions, par exemple: les critères d’adéquation et d’ajustement des salaires, les critères relatifs à la gestion des données personnelles des fonctionnaires, tant par les services des ressources humaines que par l’Office national de la fonction publique; les critères de répartition des fonctionnaires, les critères pour la déclaration d’effectifs excédentaires, les procédures et critères pour la budgétisation des postes; les critères pour la transformation des emplois portés au budget; les fonctions considérées particulièrement comme des missions de confiance; les critères pour la perception de certaines prestations salariales (exemple, prime de caisse); les critères pour l’établissement des plafonds de salaires; la modification du régime des congés; les critères à appliquer en cas de maladie tout comme la procédure de déclaration d’inaptitude physique; les critères d’entrée dans la fonction publique; les critères et procédures en matière d’avancement; les modalités du recrutement de personnel par l’Etat (réalisation de travaux, contrats artistiques, contrats temporaires de droit public, contrats de travail); et d’autres catégories de contrats d’embauche (boursiers et stagiaires).
  10. 1214. Il s’agit là de quelques-uns des thèmes traités dans la première partie du projet de budget, sous le chapitre «fonctionnaires»; il existe en outre de nombreuses autres dispositions qui se rapportent aux conditions de travail dans les chapitres renvoyant à chacune des rubriques du budget, se rapportant aux ministères ou aux différents services. La PIT-CNT considère que ces thèmes englobent la totalité des conditions de travail des fonctionnaires de l’Etat, que ce soit en matière salariale ou autre. Aucune de ces conditions n’a fait l’objet d’un accord ni d’une négociation avec la COFE, elles ont même été définies et arrêtées de manière unilatérale par le pouvoir exécutif, hors du cadre de la négociation collective.
  11. 1215. Il s’est produit un cas semblable de violation grave du droit, lorsque le pouvoir exécutif a adopté le décret no 319/2010 relatif à la réorganisation des horaires des bureaux et du personnel de l’administration centrale. Lors d’une session de négociation organisée en présence du Directeur national du travail lui-même, les autorités ont présenté le projet de décret à la COFE qui s’est déclarée extrêmement inquiète du fait que ce texte autorisait l’application de sanctions, pouvant aller jusqu’à cent quatre-vingt jours, sans obligation d’enquête préalable, ce qui constituait un retour en arrière en matière de respect de la légalité et du système de garanties. Elle a indiqué en outre que la modification des horaires des professionnels et des techniciens, qui voyaient leur journée de travail s’allonger sans recevoir la contrepartie salariale correspondante, pouvait être contraire aux principes constitutionnels de protection du salaire. Le pouvoir exécutif a dit qu’il étudierait les observations de la COFE et qu’il convoquerait une nouvelle réunion pour lui communiquer ses réponses. Selon la PIT-CNT, il n’en a rien fait. La seule communication que la COFE a reçue lui annonçait que le décret allait être adopté tel qu’il avait été proposé.
  12. 1216. La PIT-CNT affirme que tous ces faits constituent une atteinte à l’esprit, à la logique et à la forme de la loi no 18508 et des conventions de l’OIT nos 98, 151 et 154. Le gouvernement n’a pas satisfait à son obligation de négocier, et on ne peut même pas affirmer qu’il a respecté les modalités minimales de participation des travailleurs, à savoir la consultation et l’information.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1217. Dans ses communications des 6 et 13 octobre 2011, le gouvernement regrette de ne pas partager la vision des faits de l’organisation des travailleurs de l’Etat qui, selon lui, n’est pas conforme à la réalité. Notamment, il est reconnu dans différents passages de la demande l’existence d’une multitude de niveaux de réunion et d’accord. Le gouvernement indique que, avant la mise en place du dispositif actuel de négociation collective dans le secteur public, différents partenaires sociaux avaient souligné le besoin de disposer, pour la négociation relative à ce type d’activité, d’un cadre réglementaire qui rendrait celle-ci plus sûre et servirait à améliorer la situation. Ainsi, en application des dispositions de la convention no 151, le pouvoir exécutif a convié, le 7 mars 2005 par le décret no 104/005, les organisations représentatives des fonctionnaires publics à une table de négociation bipartite afin de créer un cadre réglementaire permettant la négociation collective dans le secteur public. Puis il a été établi, par le décret no 113/005 du 15 mars 2005, des critères d’intégration et de fonctionnement des différents groupes de travail, en principe au nombre de trois. Enfin, le 22 juillet 2005, la signature de l’accord-cadre de négociation collective dans le secteur public a officialisé le cadre de négociation des relations professionnelles avec les fonctionnaires de l’Etat par la création du Conseil supérieur de la négociation collective dans le secteur public, chargé de développer la négociation collective de niveau supérieur. En outre, eu égard à la nécessité de disposer d’une loi sur la négociation collective dans le secteur public, il s’est avéré nécessaire d’élaborer un projet de loi sur la négociation collective au sein de l’Etat, définissant les critères de son application, eu égard aux pouvoirs autonomes et aux pouvoirs de l’Etat comme au plein exercice des droits syndicaux.
  2. 1218. Cet accord a immédiatement précédé la promulgation de la loi no 18508 du 26 juin 2009 qui réglemente la négociation collective dans le secteur public. Cette loi, ajoutée à la loi no 18566 sur la négociation collective dans le secteur privé et à la loi no 17940 sur la liberté syndicale, a constitué une véritable innovation dans le droit collectif national, habituellement considéré comme abstentionniste ou non réglementé et s’inscrit dans le cadre du modèle de protection et de garantie instauré à partir de 2005 dans le pays. A partir de mars 2005 jusqu’à l’adoption de la loi no 18508, environ une soixantaine d’actes d’accords ont été signés: accords-cadres par branche, conventions salariales, et même accords particuliers pour certains organismes.
  3. 1219. Quant au nouveau système de négociation collective, il obéit aux principes énoncés au chapitre I de la loi no 18508 susmentionnée (participation, consultation et collaboration, droit de négociation collective, obligation de négocier de bonne foi, droit d’information et formation pour la négociation) et respecte les droits fondamentaux au travail reconnus sur le plan international (articles 57, 65, 72 et 332 de la Constitution). La négociation collective dans le secteur public fonctionne selon deux grands modules: premier module – négociation collective au sein du pouvoir exécutif et dans les entités autonomes et les services décentralisés du secteur industriel et commercial de l’Etat. Ce premier module comporte trois niveaux: a) général ou supérieur – Conseil supérieur de la négociation collective dans le secteur public; b) sectoriel ou par branche – instances de négociation établies en fonction des spécialités ou des pouvoirs autonomes; et c) par service ou organisme – instances de négociation établies entre les organisations syndicales représentatives de base et les organismes respectifs.
  4. 1220. Le second module consiste en la négociation collective au sein du pouvoir législatif, du pouvoir judiciaire, du Tribunal du contentieux administratif, du Tribunal électoral, de la Cour des comptes, des entités autonomes de l’éducation publique et des gouvernements départementaux. Pour la négociation dans le cadre de ce module, il est créé des instances de négociation concernant les particularités prévues dans la Constitution de la République.
  5. 1221. Le gouvernement indique que, avant d’entamer l’analyse sur le fond de la plainte, il estime de son devoir de donner quelques précisions sur le plan conceptuel. En effet, si la plainte émane de la centrale de travailleurs PIT-CNT et de son département chargé des questions étatiques et municipales, l’objet de la demande concerne presque exclusivement les fonctionnaires relevant de l’administration centrale (fonctionnaires du pouvoir exécutif qui remplissent des fonctions dans les différents ministères) et de quelques services décentralisés non commerciaux comme l’Institut uruguayen de l’enfant et de l’adolescent (INAU). Ces travailleurs sont affiliés à la COFE, et c’est à eux que s’appliquent les règles établies dans le projet de budget qui sont contestées. La même observation peut être formulée au sujet du décret no 319/2010. Cela signifie que, dans les faits, la plainte vise une catégorie de travailleurs du secteur public et non la totalité de ce dernier.
  6. 1222. Par conséquent, les points à prendre en considération se rapporteront uniquement à cette unité de négociation. Sans préjudice de ce qui précède, le gouvernement donne des informations sur les différentes négociations menées dans d’autres secteurs de l’emploi public, comme celui des employés des entreprises publiques, des établissements d’enseignement, d’autres pouvoirs de l’Etat, des organismes de contrôle et des gouvernements départementaux. Par ailleurs, il mentionne les négociations menées au premier niveau dans différentes services ou organismes.
  7. 1223. En ce qui concerne les règles budgétaires, les particularités constitutionnelles qui président à la sanction de la loi budgétaire nationale appellent un commentaire spécifique qui permettra de comprendre en toute connaissance de cause le problème de fond et l’absence de fondement de la plainte: d’un point de vue formel, le budget national doit être approuvé par une loi, évidemment examinée et adoptée par le Parlement national; ce n’est donc en définitive pas le pouvoir exécutif mais le législateur qui doit approuver cette loi en son âme et conscience. Il s’agit là de l’une des particularités, et non des moindres, de la négociation collective dans le secteur public. Cela n’est pas non plus la sanction d’un instrument législatif ordinaire puisque sa procédure d’adoption est prévue de manière expresse et distincte dans la Constitution de la République: par exemple, l’initiative appartient au pouvoir exécutif et les délais d’adoption sont impératifs.
  8. 1224. Ce qui ne fait pas le moindre doute, c’est que la teneur de la loi budgétaire ne se limite pas au projet communiqué par le pouvoir exécutif, lequel subit une multitude de modifications, de suppressions et d’ajouts au cours de la procédure parlementaire qui s’achève par l’adoption du texte final à l’issue d’innombrables négociations. Cela s’inscrit dans le cadre d’un processus politique dynamique prévoyant des échanges permanents entre le législateur et le pouvoir exécutif, ainsi qu’avec les différentes organisations sociales.
  9. 1225. Selon le gouvernement, une lecture attentive de la plainte permet de constater, dans plusieurs passages, l’admission expresse de l’existence d’instances de négociation collective dans le secteur public. Par exemple, il est reconnu que plusieurs sessions de négociation ont eu lieu dans le secteur public et que le pouvoir exécutif a avancé des propositions concernant le montant du salaire minimum des fonctionnaires, et il est fait référence à l’invitation de la COFE à une session de négociation concernant le projet de décret no 319/2010. Par conséquent, une vision aussi négative et grave de la conduite du gouvernement n’est pas cohérente étant donné que la plainte elle-même fait état de la multitude des invitations à négocier et des instances de négociation.
  10. 1226. Le gouvernement ajoute que, la première réunion du Conseil supérieur de la négociation collective dans le secteur public ayant eu lieu le 8 juin 2010, il est erroné de soutenir que les cadres généraux prévus dans la loi no 18508 sont entrés en application à la fin du mois de juillet. A cette occasion, le gouvernement, principalement par l’intermédiaire du ministère de l’Economie et des Finances, a exposé dans ses grandes lignes le projet de budget qui en était au stade d’ébauche. Par la suite, des réunions se sont tenues durant le mois de juillet 2010. Le gouvernement a communiqué aux travailleurs un document de travail sur «Les axes et instruments du Renforcement institutionnel de l’Etat», examiné en Conseil des ministres. Ce document contenait différentes propositions comme la simplification des relations professionnelles avec l’Etat et l’adoption d’un horaire minimum pour les fonctionnaires. Pour leur part, les travailleurs ont établi leur plate-forme revendicative et ont soumis également par écrit leurs observations sur le document susmentionné.
  11. 1227. Après plusieurs réunions au cours desquelles de multiples échanges ont eu lieu, il a été décidé d’ouvrir la négociation pour les différentes «branches d’activité», à savoir l’administration centrale, les entreprises publiques, les établissements d’enseignement, etc. A tel point que, dès juillet 2010, les discussions ont débuté en ce qui concerne l’administration centrale et les entités non commerciales. Le 6 août 2010, par une note communiquée aux représentants du pouvoir exécutif, la COFE a soumis sa proposition concernant les salaires dans laquelle elle demandait une rétribution minimale de 14 427 pesos uruguayens pour les fonctionnaires publics. Lors des réunions suivantes, le gouvernement a indiqué qu’il réfléchissait à l’instauration d’un salaire minimum pour les travailleurs de l’administration centrale équivalent au même montant pour quarante heures de travail hebdomadaires. Comme on peut le constater, il s’est fondé sur la proposition qui a été avancée au moment opportun par les travailleurs et dont il est fait mention ci-dessus. Pour finir, c’est l’article 754 de la loi budgétaire nationale (no 18719 du 27 décembre 2010) qui prévoit le salaire minimum en question.
  12. 1228. Les négociations se sont poursuivies jusqu’au moment précédant la soumission du projet de budget, alors qu’une convention allait être signée sur les jetons de présence. Pendant la discussion parlementaire de la loi susmentionnée, il y a eu également des négociations qui n’ont pas été menées en vain dans la mesure où, par la suite, une convention collective qui régit la totalité de la période de gouvernement a été effectivement signée. En ce qui concerne les nouvelles dispositions contractuelles, elles tendaient à la simplification des relations professionnelles qui avait été proposée auparavant par le gouvernement. De toute façon, ces règles ont clairement pour but de mettre en place des conditions de recrutement plus stables et rigoureuses pour les fonctionnaires.
  13. 1229. Comme le reconnaissent les travailleurs, l’obligation de négocier ne suppose pas l’obligation de parvenir à un accord, ce qui ressort explicitement du dernier alinéa de l’article 4 de la loi no 18508. Comme cela a été établi, des solutions ont été trouvées dans l’ensemble sur certains points alors que, dans d’autres domaines, cela n’a pas été possible, ce qui est le propre de toute négociation. La loi budgétaire nationale a été finalement adoptée sous le no 18719, en date du 27 décembre 2010. Dans celle-ci, il est fait expressément mention d’instances de négociation collective dans le secteur public.
  14. 1230. Le gouvernement déclare que des négociations entre les travailleurs et le gouvernement national ont été menées en parallèle avec l’adoption de la loi budgétaire et après celle-ci, dans le cadre desquelles une convention collective a été notamment conclue avec la COFE, ce qui réduit à néant les accusations portées dans la présente plainte. Une vision moderne des relations professionnelles intègre la négociation en tant que processus dynamique, comme le révèle le cours des événements de 2010 et 2011, d’autant plus que le nouveau gouvernement n’est en place que depuis peu et qu’il existe de multiples forums et cadres de dialogue à instaurer avec les travailleurs. A cet égard, depuis le mois de décembre 2010, l’instance de négociation de l’administration centrale a tenu différentes réunions pour examiner la nouvelle convention salariale et échanger des vues sur les questions liées au nouveau programme de renforcement des institutions, dont le pouvoir exécutif a présenté le 8 décembre 2010 les grandes lignes: 1) structure organisationnelle, 2) nouvelle carrière administrative et 3) modernisation des structures et des procédures. A cette occasion, il a été décidé que, une fois définies les caractéristiques générales de la nouvelle carrière administrative, celle-ci ferait l’objet de négociations dans le cadre de l’instance.
  15. 1231. Ensuite, des réunions consacrées à la négociation d’un nouvel accord sur les salaires ont eu lieu au siège du ministère du Travail et de la Sécurité sociale et du ministère de l’Economie et des Finances les 20, 23, 27, 29 et 30 décembre 2010, la convention ayant été finalement signée à cette dernière date. Celle-ci, valable cinq ans, établit les lignes directrices qui seront appliquées pour ajuster les salaires dans l’administration centrale et fixe les procédures et mécanismes qui orienteront la discussion sur les questions salariales entre les parties. Outre les ajustements salariaux généraux, la convention prévoit qu’il pourra y avoir des ajustements de rémunérations de caractère non général pour progresser dans l’implantation propre à chaque échelon du barème des salaires, établi dans le cadre du nouveau système des professions et rétributions de l’administration centrale. Pour déterminer ces ajustements, la convention prévoit que les 1er et 31 mai de chaque année, il sera constitué un groupe de travail chargé d’évaluer quels cas doivent être examinés. Le groupe aurait pour objectif d’évaluer la viabilité de l’incitation prévue à l’article 754 de la loi budgétaire 2010-2014 compte tenu des conditions fixées dans ce dernier.
  16. 1232. Une fois la convention signée, le syndicat a demandé une entrevue pour discuter notamment du décret réglementant le salaire minimum dans l’administration centrale. Avant la réunion, le pouvoir exécutif a demandé au syndicat de lui envoyer la liste des éléments qui, à son avis, ne devaient pas être pris en considération dans le calcul du salaire minimum. Puis, les 25 février et 4 mars, ont eu lieu des réunions lors desquelles le syndicat a soulevé plusieurs points relatifs à la mise en œuvre des nouveaux contrats prévus dans la loi budgétaire et a évoqué la possibilité d’exclure d’autres éléments que ceux qui figuraient sur sa liste. Le pouvoir exécutif a examiné les arguments de l’organisation syndicale et a exclu du calcul du minimum salarial une grande partie des éléments mentionnés par l’organisation. Enfin, le 15 mai 2011, une nouvelle réunion s’est tenue avec la COFE.
  17. 1233. Pour finir, le gouvernement indique que les instances de négociation ont été nombreuses à tous les niveaux de négociation du secteur public, ce qui démontre qu’il a été satisfait à l’obligation en matière de participation, consultation et collaboration, prévue à l’article 2 de la loi no 18508. Toutes les instances ont constitué des cadres de négociation réels auxquels ont participé les délégués représentatifs de chacun des secteurs (travailleurs et gouvernement) et qui ont permis la formulation de propositions et contre-propositions ayant abouti à des accords dans la majorité des cas. Le nombre des réunions tenues et les accords conclus témoignent de l’intérêt du pouvoir exécutif et de sa volonté d’engager une négociation collective sur toutes les questions relatives aux conditions de travail dans le secteur public et, contrairement à ce que prétend l’organisation plaignante, d’imposer des règles de manière unilatérale. Sans l’ombre d’un doute, il a été satisfait à l’obligation de dialogue et d’échange d’informations prévue à l’article 3 de la loi no 18508 et, à tout moment, l’Etat a favorisé et garanti ce droit en convoquant toutes les instances de négociation demandées par les agents de la fonction publique, que ce soit pour traiter les questions liées aux conditions de travail ou pour résoudre des situations de conflit, veillant ainsi à la pleine application des dispositions juridiques en vigueur.
  18. 1234. Pour ce qui est du décret no 319/2010, le gouvernement signale que le projet de texte a été présenté aux syndicats dans un document qui portait notamment sur la réglementation des horaires minimaux de présence pour les fonctionnaires n’accomplissant pas six heures de travail par jour à la date d’application de la loi. Plusieurs mois auparavant, la question avait déjà été soumise par le gouvernement aux syndicats qui avaient estimé que celui-ci ne faisait que rassembler dans un nouveau document des dispositions qui se trouvaient déjà en vigueur, rien n’étant nouveau sur le fond. D’après le gouvernement, l’organisation plaignante reconnaît que la loi lui a été soumise avant d’être adoptée. Un examen attentif du décret permet de constater précisément que ce texte a réorganisé une série de règles qui existaient déjà sur ces aspects de la relation de travail, mais qui étaient dispersées dans des lois et décrets anciens. Ce nouvel instrument n’apporte aucune innovation substantielle. Quant aux sanctions prévues, elles visent uniquement les absences injustifiées des fonctionnaires. Par ailleurs, l’argument selon lequel ce texte offre des garanties moindres ne tient pas. En effet, conformément à ce que dispose l’article 18 du décret susmentionné, une fois la faute constatée, il est donné la possibilité au fonctionnaire visé de présenter les éléments à sa décharge, et c’est après l’évaluation de ceux-ci et de ses antécédents professionnels qu’il sera décidé d’une sanction. Il peut être fait appel de la décision par les voies administratives applicables et celle-ci peut être annulée ensuite par le Tribunal du contentieux administratif. Enfin, le gouvernement indique que les fonctionnaires de l’Etat ont formé devant la justice un recours en amparo contre ce décret du pouvoir exécutif, recours qui a été rejeté (en première tout comme en seconde instance).

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1235. Dans le présent cas, le comité observe que, selon les allégations de l’organisation plaignante, malgré le fait que l’adoption de la loi no 18508 sur la négociation collective dans le secteur public a marqué un tournant décisif dans l’évolution du système des relations professionnelles du secteur public, le pouvoir exécutif a soumis au pouvoir législatif, en 2010, un projet de budget sans l’avoir présenté au préalable à la Confédération des organisations de fonctionnaires de l’Etat (COFE), ni avoir tenu de négociations ou passé d’accord avec celle-ci sur les conditions de travail des fonctionnaires de l’Etat, et sans avoir fourni des renseignements sur l’état d’avancement du projet de budget quinquennal; selon les allégations, le projet a été transmis au pouvoir législatif sans avoir été présenté au préalable à l’organisation (l’organisation plaignante reconnaît toutefois que des réunions et des sessions se sont tenues avec les représentants du pouvoir exécutif). Par ailleurs, l’organisation plaignante allègue que le pouvoir exécutif a adopté le décret no 319/2010, portant sur la réorganisation des horaires du personnel de l’administration centrale et prévoyant l’autorisation d’appliquer des sanctions sans obligation d’enquête préalable, sans tenir compte des observations formulées à cet égard par la COFE.
  2. 1236. Pour ce qui est des allégations selon lesquelles, en 2010, le pouvoir exécutif a soumis au pouvoir législatif un projet de budget sans que les conditions de travail des fonctionnaires de l’Etat n’aient fait l’objet d’une négociation ni d’un accord avec la COFE et sans avoir fourni des renseignements sur l’état d’avancement du projet de budget quinquennal, et concernant les allégations selon lesquelles le projet a été transmis au pouvoir législatif sans avoir été présenté au préalable à l’organisation, le comité prend note du fait que le gouvernement signale en premier lieu que: 1) l’objet de la plainte concerne presque exclusivement les fonctionnaires relevant de l’administration centrale (fonctionnaires du pouvoir exécutif qui remplissent des fonctions dans les différents ministères) et de quelques services décentralisés non commerciaux; 2) ces fonctionnaires sont affiliés à la COFE et c’est à eux que s’appliquent les règles budgétaires contestées; et 3) cela signifie que, dans les faits, la plainte vise une catégorie de travailleurs du secteur public et non la totalité de ce dernier (le gouvernement donne des informations sur les négociations menées dans la sphère publique dans d’autres secteurs d’emploi des fonctionnaires, comme les entreprises publiques, les établissements d’enseignement, etc.).
  3. 1237. Concrètement, en rapport avec les allégations, le comité prend note du fait que le gouvernement déclare que: 1) d’un point de vue formel, le budget national doit être approuvé par une loi adoptée par le Parlement national et qu’il s’agit là de l’une des particularités, et non des moindres, de la négociation collective dans le secteur public; 2) cela n’est pas non plus la sanction d’un instrument législatif ordinaire puisque sa procédure d’adoption est prévue de manière expresse et distincte dans la Constitution de la République et, par exemple, l’initiative appartient au pouvoir exécutif et les délais d’adoption sont impératifs; 3) toute la teneur de la loi budgétaire ne se limite pas au projet communiqué par le pouvoir exécutif, lequel subit une multitude de modifications, de suppressions et d’ajouts au cours de la procédure parlementaire; 4) l’organisation plaignante admet que plusieurs sessions de négociation dans le secteur public ont eu lieu; 5) la première réunion du Conseil supérieur de la négociation collective dans le secteur public s’est tenue le 8 juin 2010 et, à cette occasion, le gouvernement, principalement par l’intermédiaire du ministère de l’Economie et des Finances, a exposé dans ses grandes lignes le projet de budget qui en était au stade d’ébauche; 6) par la suite, des réunions se sont tenues durant le mois de juillet 2010; le gouvernement a communiqué aux travailleurs un document de travail sur «Les axes et instruments du Renforcement institutionnel de l’Etat» qui contenait différentes propositions comme la simplification des relations professionnelles avec l’Etat et l’adoption d’un horaire minimum pour les fonctionnaires; 7) pour leur part, les travailleurs ont établi leur plate-forme revendicative et ont soumis également par écrit leurs observations sur le document susmentionné; 8) après plusieurs réunions au cours desquelles de multiples échanges ont eu lieu, il a été décidé d’ouvrir la négociation pour les différentes «branches d’activité», à savoir l’administration centrale, les entreprises publiques, les établissements d’enseignement, etc., et c’est ainsi que, dès juillet 2010, les discussions ont débuté en ce qui concerne l’administration centrale et les entités non commerciales; 9) le 6 août 2010, par une note communiquée aux représentants du pouvoir exécutif, la COFE a soumis sa proposition concernant les salaires dans laquelle elle demandait une rétribution minimale de 14 427 pesos uruguayens pour les fonctionnaires publics (le gouvernement a proposé l’instauration d’un salaire minimum du même montant et, pour finir, c’est l’article 754 de la loi budgétaire nationale no 18719 du 27 décembre 2010 qui prévoit le salaire minimum en question); 10) les négociations se sont poursuivies jusqu’au moment précédant la soumission du projet de budget; 11) en ce qui concerne les nouvelles dispositions contractuelles, elles tendaient à la simplification des relations professionnelles qui avait été proposée auparavant par le gouvernement; 12) comme le reconnaissent les travailleurs, l’obligation de négocier ne suppose pas l’obligation de parvenir à un accord; des solutions ont été trouvées dans l’ensemble sur certains points alors que, dans d’autres domaines, cela n’a pas été possible, ce qui est le propre de toute négociation; et 13) les instances de négociation ont été nombreuses à tous les niveaux de négociation du secteur public, et toutes ces instances ont constitué des cadres de négociation réels auxquels ont participé les délégués représentatifs de chacun des secteurs (travailleurs et gouvernement), il y a eu des échanges d’information et il a été avancé des propositions et contre-propositions qui ont abouti à des accords dans la majorité des cas.
  4. 1238. A cet égard, tout en observant que la version des faits de l’organisation plaignante et celle du gouvernement sur l’échange d’informations dans le processus de négociation du projet de budget sont contradictoires (pour l’organisation plaignante, l’information transmise a été très limitée et, dans les faits, elle n’a pas eu connaissance du projet avant que celui-ci ne soit transmis au pouvoir législatif alors que le gouvernement fait valoir que les informations ont été communiquées en fonction de l’évolution de la situation et que les organisations syndicales ont établi leur propre plate-forme revendicative), le comité prend note du fait que le gouvernement fait état de l’existence d’instances de négociation avec la COFE antérieures et postérieures à l’adoption de la loi budgétaire, lesquelles ont permis la conclusion d’accords entre les parties en matière salariale et la tenue de plusieurs réunions ultérieures avec la COFE en rapport avec d’autres questions. Compte tenu de toutes ces informations, le comité ne peut conclure qu’il n’y a pas eu de véritables négociations, même s’il estime que, à l’avenir, il conviendrait que les règles prévues par le projet de budget quinquennal, qui ont une incidence sur les intérêts des partenaires sociaux, soient portées à la connaissance des parties à la négociation.
  5. 1239. Quant aux allégations relatives à la promulgation du décret no 319/2010 sans qu’il soit tenu compte des observations de la COFE, le comité prend note du fait que le gouvernement fait savoir que: 1) le projet de décret a été présenté aux syndicats dans un document qui portait notamment sur la réglementation des horaires minimaux de présence pour les fonctionnaires n’accomplissant pas six heures de travail par jour à la date d’application de la loi; 2) plusieurs mois auparavant, la question avait déjà été soumise par le gouvernement aux syndicats qui avaient estimé que celui-ci ne faisait que rassembler dans un nouveau document des dispositions qui se trouvaient déjà en vigueur, rien n’étant nouveau sur le fond; 3) l’organisation plaignante reconnaît que la loi lui a été soumise avant d’être adoptée; 4) il s’agissait avec ce décret de réorganiser une série de règles qui existaient déjà sur ces aspects de la relation de travail mais qui étaient dispersées dans des lois et décrets anciens; 5) quant aux sanctions prévues, elles visent uniquement les absences injustifiées des fonctionnaires (il peut être à présent formé un recours administratif contre une décision rendue en la matière, laquelle peut être annulée par le Tribunal du contentieux administratif); et 6) les fonctionnaires de l’Etat ont formé devant la justice un recours en amparo contre ce décret, recours qui a été rejeté en première et en seconde instance. Eu égard aux informations et au jugement qui précèdent, le comité ne poursuivra pas l’examen de ces allégations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1240. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à décider que le présent cas n’appelle pas d’examen plus approfondi.
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