Allégations: La Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV) allègue l’assassinat de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans le secteur du bâtiment, l’engagement de poursuites pénales à l’encontre de syndicalistes, le licenciement de travailleurs pour faits de grève et le refus de l’autorité publique de négocier collectivement dans plusieurs secteurs
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1060. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion de juin 2011 et, à cette occasion, il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 360e rapport, paragr. 1166 à 1190, approuvé par le Conseil d’administration à sa 311e session (juin 2011).]
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1061. Le gouvernement a fait parvenir de nouvelles observations dans une communication en date du 18 octobre 2011.
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1062. La République bolivarienne du Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
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1063. Lors de son précédent examen du cas en juin 2011, le comité a formulé les recommandations suivantes sur les questions en suspens [voir 360e rapport, paragr. 1190]:
- a) Le comité exprime sa profonde préoccupation concernant les graves allégations d’assassinats de travailleurs et de dirigeants syndicaux, qu’il déplore profondément.
- b) En ce qui concerne les allégations relatives à l’assassinat de trois dirigeants de l’Union bolivarienne des travailleurs du secteur du bâtiment à El Tigre (MM. Wilfredo Rafael Hernández Avile, secrétaire général, Jesús Argenis Guevara, secrétaire de l’organisation, et Jesús Alberto Hernández, secrétaire à la culture et aux sports) et de deux délégués syndicaux dans la région de Los Anaucos en juin 2009 (MM. Felipe Alejandro Matar Iriarte et Reinaldo José Hernández Berroteran), le comité exprime le ferme espoir que les sentences des juridictions compétentes visant les auteurs matériels de ces actes, leurs commanditaires et leurs complices seront prononcées dans un proche avenir. Il prie à nouveau le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) S’agissant des allégations relatives aux poursuites pénales engagées contre six travailleurs de l’entreprise PDVSA et à l’arrestation ultérieure de ces travailleurs décidée par le parquet au motif qu’ils ont paralysé les activités de l’entreprise dans le cadre d’un mouvement de protestation par lequel ils réclamaient le respect de leurs droits de travailleurs, le comité demande au gouvernement ou aux autorités compétentes de prendre les mesures nécessaires pour annuler ces poursuites pénales et obtenir sans délai la libération des dirigeants syndicaux. Le comité demande également au gouvernement de prendre les mesures nécessaires à la modification de l’article 139 de la loi pour la défense de l’accès des personnes aux biens et services afin qu’il ne s’applique pas aux services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme et qu’en aucun cas une grève pacifique ne puisse entraîner de sanctions pénales. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. Le comité attire l’attention de la commission d’experts sur l’aspect législatif de ce cas.
- d) Le comité regrette que l’organisation plaignante ait omis pour la troisième fois consécutive de communiquer les informations supplémentaires demandées dans ses conclusions et recommandations précédentes et l’informe que, si elle ne le fait pas avant son prochain examen de ce cas, le comité ne sera pas en mesure d’examiner les allégations en question. Pour mémoire, le comité reproduit ci-après lesdites recommandations:
- – pour ce qui est des allégations relatives à l’assassinat par des tueurs à gages de plus de 200 travailleurs et dirigeants du secteur du bâtiment, le comité demande à l’organisation syndicale de fournir sans délai au gouvernement une liste des personnes assassinées et de décrire les circonstances dans lesquelles ces assassinats ont été commis afin que le gouvernement puisse mener au plus vite les enquêtes correspondantes;
- – concernant les allégations relatives à la criminalisation du mouvement de protestation, à l’ouverture de procédures judiciaires dans plusieurs entreprises du secteur du pétrole, du gaz et de la sidérurgie et au licenciement de dirigeants en raison de ce mouvement (selon la CTV, des procédures judiciaires ont été engagées contre 27 travailleurs de la holding publique PDVSA et 25 travailleurs de l’entreprise Siderúrgica del Orinoco «Alfredo Maneiro» pour avoir participé à des mouvements de protestation pour défendre leurs droits en tant que travailleurs, et 10 délégués syndicaux de la raffinerie d’El Palito ont été licenciés après que 600 travailleurs eurent décidé d’arrêter le travail en raison du non respect des engagements prévus dans la convention collective; selon la CTV, les travailleurs des entreprises Gas PetroPiar et Gas Comunal ont également été touchés), le comité demande à nouveau à l’organisation plaignante d’envoyer le texte des accusations dont ces syndicalistes feraient l’objet;
- – concernant la mise en examen de 110 travailleurs en raison de leurs revendications, le comité demande une nouvelle fois à l’organisation plaignante de fournir des informations supplémentaires sur ces allégations, plus précisément les noms des personnes mises en examen et une description de leurs activités présumées, pour que le gouvernement puisse communiquer ses observations à cet égard;
- – le comité invite de nouveau l’organisation plaignante à indiquer si, dans les processus de négociation collective mentionnés par le gouvernement, les droits de négociation collective de ses organisations affiliées ont été respectés.
- e) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
B. Nouvelle réponse du gouvernement
B. Nouvelle réponse du gouvernement
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1064. Dans sa communication en date du 18 octobre 2011, le gouvernement déclare à titre préliminaire qu’il réfute une fois de plus la qualification du cas no 2727 comme ayant un caractère extrêmement grave et urgent eu égard à l’absence d’information persistante de la part de l’organisation plaignante bien que le comité la lui ait demandée à plusieurs reprises sans avoir obtenu de réponse. A cet égard, le gouvernement demande d’en prendre acte et de respecter les dispositions de l’alinéa d) du paragraphe 1190 du rapport no 360 dans lequel le comité, après avoir demandé à trois reprises consécutives une information aux organisations plaignantes sans obtenir de réponse, a averti que, s’il ne recevait pas l’information demandée avant l’examen suivant du cas, c’est-à-dire pour la session du Comité de la liberté syndicale des 3 et 4 novembre 2011, il n’examinerait pas les allégations. Le gouvernement prie instamment le Comité de la liberté syndicale, s’il n’a pas reçu l’information demandée à l’organisation plaignante, de se prononcer à cet égard, de ne pas poursuivre l’examen des allégations en question et de considérer cet examen comme terminé. Le gouvernement annonce qu’il effectue cette demande afin que le Comité de la liberté syndicale maintienne l’égalité, la cohérence et la transparence dans ses considérations concernant tous les cas en suspens contre le gouvernement. Le gouvernement attire l’attention du Comité de la liberté syndicale afin que les cas et les allégations qui ne reposeraient pas sur une base solide nécessaire à un examen objectif et impartial, soient rejetés et classés; en effet des accusations vagues et imprécises ne peuvent être admises: loin de contribuer à la recherche d’une solution à des différends entre les parties et de s’en tenir à la raison d’être de ce comité, elles causent des retards dans les procédures et conduisent à des jugements infondés contre le gouvernement.
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1065. En ce qui concerne le point dans lequel le comité «exprime sa profonde préoccupation concernant les graves allégations d’assassinats de travailleurs et de dirigeants syndicaux, qu’il déplore profondément», le gouvernement a, à maintes reprises, manifesté son regret face à la mort de travailleurs, de dirigeants syndicaux ou de n’importe quelle autre personne du pays. Le gouvernement, les institutions et les organes compétents ont agi avec toute la diligence et la rapidité possibles pour élucider ces faits et ont pleinement respecté leur obligation d’informer le comité sur les avancements des cas et les détails des enquêtes diligentées par le ministère public, manifestant une volonté permanente de fournir toute l’information requise par cet organe de contrôle de l’OIT.
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1066. Pour ce qui est des faits concernant les trois dirigeants de l’Union bolivarienne des travailleurs de l’industrie du bâtiment d’El Tigre (MM. Wilfredo Rafael Hernández Avile, Jesús Argenis Guevara et Jesús Alberto Hernández), le gouvernement déclare que, selon l’information fournie par les services du Procureur général de la République, le 5 octobre 2010, le troisième bureau du tribunal pénal de première instance en fonctions de contrôle de la circonscription judiciaire de l’Etat d’Anzoátegui, extension El Tigre a décrété un non-lieu, conformément aux dispositions de l’article 318, alinéa 3, du Code organique de procédure pénale, lu conjointement avec l’article 48, alinéa 1, du même code; par conséquent, au ministère public, aucune enquête n’est ouverte concernant ces faits et aucune procédure n’est en cours, considérant les informations fournies dans sa réponse précédente, dans laquelle il est expliqué qu’il y a non-lieu suite à l’extinction de l’action du fait du décès du prévenu.
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1067. En ce qui concerne les allégations relatives à l’engagement de poursuites pénales à l’encontre de six travailleurs de l’entreprise PDVSA par les services du procureur et à leur arrestation, au motif qu’ils ont, dans le cadre d’un mouvement de protestation, paralysé les activités de l’entreprise, le gouvernement attire de nouveau respectueusement l’attention du Comité de la liberté syndicale sur ces mises en demeure, et demande expressément que les informations fournies soient analysées en totale objectivité. Le gouvernement ne peut répondre à une demande du comité «d’annuler» des mesures et des procédures judiciaires qui ont été engagées conformément à la législation interne en la matière et dans le strict respect des règles fondamentales de procédure et autres principes. Le gouvernement ajoute que le Comité de la liberté syndicale n’a aucune compétence pour demander l’abandon de mesures légales et la suspension de procédures judiciaires concernant la commission de délits considérés dans la législation, qui donnent lieu à des sanctions et pour lesquels des procédures légales sont établies. Par ces recommandations, le comité demande au gouvernement national de ne pas respecter la législation interne et de ne pas appliquer les procédures établies visant à infliger des sanctions dans le cas de délits qualifiés, ce qui entraînerait une situation d’impunité. Le gouvernement et les organes correspondants des pouvoirs de l’Etat vénézuélien respectent et appliquent les principes de la Constitution et de la législation nationale, et les principes de séparation et d’autonomie des pouvoirs publics sont pleinement en vigueur dans l’Etat; c’est la raison pour laquelle le gouvernement n’appliquera pas des recommandations qui n’ont aucune base solide, ne sont pas de la compétence du comité et vont à l’encontre des principes constitutionnels et de la législation qui régit l’Etat. D’autre part, le comité prie également le gouvernement de modifier l’article 139 de la loi pour la défense des personnes et l’accès aux biens et services. Le gouvernement indique que ladite loi a été amplement débattue, a fait l’objet de consultations et a été adoptée à l’Assemblée nationale du Venezuela, c’est-à-dire par le pouvoir législatif national. Elle a été adoptée pour défendre, protéger et préserver les droits et les intérêts des personnes dans leur accès aux biens et aux services pour la satisfaction de leurs besoins. L’article en question concerne les sanctions encourues par les personnes qui entraveraient la production, la fabrication, l’importation, l’approvisionnement, le transport, la distribution et la commercialisation des biens déclarés de première nécessité pour la population.
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1068. A cet égard, le gouvernement tient à signaler qu’il se voit une fois de plus contraint d’expliquer au comité que toutes les activités en relation avec le processus de production, de distribution et de commercialisation du gaz constituent, dans la République bolivarienne du Venezuela, un service essentiel et de première nécessité pour la population et, pour que le comité reconnaisse la nécessité et la priorité que revêt ce service dans le pays et en prenne note, voici l’information suivante:
- ■ Selon l’Institut national de statistiques (INE) de la République bolivarienne du Venezuela, pour l’année 2011, il y a environ 5 855 547 familles au Venezuela. Parmi celles-ci, 5 094 326 familles utilisent le gaz de pétrole liquéfié (GPL) et 761 221 d’autres formes d’énergie.
- ■ Actuellement, 87 pour cent de la population vénézuélienne a besoin, pour faire cuire ses aliments ainsi que pour d’autres usages, du gaz de pétrole liquéfié (GPL) qui est considéré dans le pays comme un service public essentiel et d’intérêt public et social.
- ■ Chaque jour, plus de 150 000 unités cylindriques de gaz sont distribuées dans le pays. La paralysie d’une seule journée de la distribution de gaz porterait préjudice à plus de 93 000 familles vénézuéliennes.
- ■ Outre son utilisation pour la cuisson des aliments, le gaz de pétrole liquéfié (GPL) est également utilisé au Venezuela pour les systèmes de chauffage et de climatisation, entre autres.
- ■ Outre les foyers vénézuéliens, les centres de formation du pays utilisent le gaz de pétrole liquéfié (GPL) pour cuire les aliments.
- ■ De même, les centres de soins tels que les hôpitaux, les cliniques, les centres de santé utilisent le gaz de pétrole liquéfié (GPL) pour la cuisson des aliments, les systèmes de chauffage et de climatisation ainsi que comme combustible pour les chaudières à vapeur servant à la stérilisation des instruments chirurgicaux.
- ■ Le gaz de pétrole liquéfié (GPL) est également distribué et utilisé dans le pays pour le secteur commercial et industriel par les boulangeries, les restaurants, les raffineries, l’industrie pétrochimique, entre autres.
- ■ L’approvisionnement, le stockage et l’utilisation tant du gaz naturel que du gaz produit en association avec le pétrole et d’autres énergies fossiles, le traitement, l’industrialisation, le transport, la distribution, le commerce intérieur et extérieur desdits gaz sont régis par la loi organique sur les hydrocarbures gazeux, publiée dans la Gaceta oficial no 36793 de la République bolivarienne du Venezuela le 23 septembre 1999.
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1069. Cette loi, dans son article 4, stipule que «les activités auxquelles se réfère cette loi, ainsi que les travaux que leur mise en service génère, sont déclarés d’utilité publique»; et l’article 5 indique que «les activités en relation directe ou indirecte avec le transport et la distribution des gaz d’hydrocarbures destinés à la consommation collective, constituent un service public».
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1070. La loi qui réserve à l’Etat l’exploitation du marché interne des produits dérivés des hydrocarbures, déclare également comme activité d’utilité publique, et ce pour convenance nationale, l’exploitation du marché interne des produits dérivés des hydrocarbures suivants: combustibles, gaz de pétrole liquéfié, entre autres; elle stipule en outre que le service d’intérêt public réservé à l’Etat par ladite loi comprend les activités d’importation, de transport, d’approvisionnement, de stockage, de distribution et de commercialisation des produits en question sur le territoire national. Elle déclare également le gaz de pétrole liquéfié (GPL) comme article de première nécessité. C’est ainsi que le gaz de pétrole liquéfié (GPL) constitue dans le pays un service public, essentiel et de première nécessité vu que l’interruption ou la paralysie des activités relatives au processus de production, de distribution et de commercialisation du gaz affecteraient la grande majorité des foyers vénézuéliens ainsi que les centres de formation, les centres de soins, le secteur commercial et industriel. C’est la raison pour laquelle l’Etat vénézuélien ne permet pas et ne permettra pas d’actions ni d’omissions qui pourraient affecter la production ou la distribution du gaz, étant donné que cela porterait atteinte et préjudice au droit à l’alimentation, à la santé et à la vie de sa population.
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1071. Le gouvernement s’attend à ce que le comité prenne bonne note de toute cette information et ne fasse plus d’insinuations ni de requêtes qui portent atteinte aux principes de l’Etat et à la législation interne.
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1072. Enfin, le gouvernement se voit une fois de plus contraint de rappeler au Comité de la liberté syndicale les dispositions de l’alinéa 1 de l’article 8 de la convention no 87, qu’il indique observer et respecter pleinement: Article 8(1) «Dans l’exercice des droits qui leur sont reconnus par la présente convention, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus, à l’instar des autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité.»
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
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1073. En ce qui concerne la recommandation a) du précédent examen du cas et la déclaration préliminaire du gouvernement dans sa réponse, par laquelle il exprime son désaccord quant à la décision du comité de qualifier le présent cas comme ayant un caractère extrêmement grave et urgent, eu égard à l’absence persistante de l’information demandée à l’organisation plaignante, le comité souhaite souligner que, dans ses recommandations b) et c) de son précédent examen du cas, il se réfère à des questions ayant trait à l’assassinat de trois dirigeants syndicaux et de deux délégués syndicaux, à des poursuites pénales engagées à l’encontre de six travailleurs du secteur du pétrole et à leur arrestation au motif qu’ils ont paralysé les activités de l’entreprise d’Etat PDVSA. A cet égard, le comité souhaite indiquer que le fait de considérer un cas comme extrêmement grave et urgent est décidé au vu du degré de gravité des questions soulevées et des informations fournies par le gouvernement. Le comité souhaite souligner que l’assassinat de dirigeants syndicaux revêt toujours, au sein de l’OIT, un caractère grave et que, dans ses règles de procédure (voir règle 55), il est expressément établi que, parmi les cas graves et urgents, sont classés «les cas où il s’agit de la vie ou de la liberté des personnes…»
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1074. En ce qui concerne la recommandation b) du précédent examen du cas, qui a trait précisément à l’assassinat de trois dirigeants syndicaux et de deux délégués syndicaux, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles: 1) concernant le point dans lequel «le comité exprime sa profonde préoccupation concernant les graves allégations d’assassinats de travailleurs et de dirigeants syndicaux, qu’il déplore profondément», le gouvernement, les institutions et les organes compétents ont agi avec toute la diligence et la rapidité possibles en vue de l’élucidation des faits et ont pleinement respecté leur obligation d’informer le comité sur les avancements des cas et les détails des enquêtes menées par le ministère public, manifestant la volonté permanente de fournir toute l’information requise; 2) en ce qui concerne les faits (assassinats) des trois dirigeants de l’Union bolivarienne des travailleurs de l’industrie du bâtiment d’El Tigre (MM. Wilfredo Rafael Hernández Avile, Jesús Argenis Guevara et Jesús Alberto Hernández), selon l’information fournie par les services du Procureur général de la République, le 5 octobre 2010, le troisième bureau du tribunal pénal de première instance en fonctions de contrôle de la circonscription judiciaire de l’Etat d’Anzoátegui, extension El Tigre, a décrété un non-lieu, conformément aux dispositions de l’article 318, alinéa 3, du Code organique de procédure pénale, lu conjointement avec l’article 48, alinéa 1, du même code; par conséquent, au ministère public, aucune enquête n’est ouverte concernant ces faits et aucune procédure n’est en cours, considérant les informations fournies dans sa réponse précédente, dans laquelle il est expliqué qu’il y a non-lieu suite à l’extinction de l’action du fait du décès de l’accusé.
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1075. Le comité souhaite rappeler ses conclusions précédentes sur ces allégations [voir 360e rapport, paragr. 1181 à 1185]:
- En ce qui concerne les allégations relatives à l’assassinat de trois dirigeants de l’Union bolivarienne des travailleurs du secteur du bâtiment d’El Tigre (MM. Wilfredo Rafael Hernández Avile, secrétaire général, Jesús Argenis Guevara, secrétaire de l’organisation, et Jesús Alberto Hernández, secrétaire à la culture et aux sports) et de deux délégués syndicaux dans la région de Los Anaucos en juin 2009 (MM. Felipe Alejandro Matar Iriarte et Reinaldo José Hernández Berroteran), le comité tient à rappeler qu’il a demandé au gouvernement d’intensifier les procédures judiciaires et investigations menées par le ministère public afin que les responsabilités soient déterminées et que les auteurs matériels et les commanditaires de ces actes ainsi que leurs complices soient sévèrement punis, et qu’il avait demandé au gouvernement de le tenir informé de l’état d’avancement des procédures, espérant qu’elles donneraient des résultats rapidement.
- Le comité note que le gouvernement rappelle que cette plainte a été déposée en juin 2009, puis a été portée à la connaissance du gouvernement, qui y a répondu au mois d’octobre de la même année, soit quelques mois seulement après son dépôt. Dans cette première réponse, le gouvernement a donné des informations sur les enquêtes menées dans ces affaires à la demande du ministère public, indiquant quels étaient les procureurs qui en étaient chargés ainsi que le détail des actions menées par le corps d’investigations scientifiques, pénales et criminelles. Par la suite, en mars et en mai 2010, le gouvernement a communiqué de nouvelles réponses, continuant ainsi de satisfaire à son obligation d’informer le comité sur les progrès accomplis. A travers ces réponses, le comité a eu connaissance du nom des personnes présumées coupables des faits signalés, des accusations présentées par les procureurs, des délits imputés et de l’état d’avancement des procédures et audiences.
- Le comité note que, plus spécifiquement, le gouvernement expose que: 1) en ce qui concerne les meurtres de Wilfredo Rafael Hernández, Jesús Argenis Guevara et Jesús Alberto Hernández survenus le 24 juin 2009 dans l’Etat d’Anzoátegui, le ministère public a demandé le 25 novembre 2009 le désistement des poursuites, en application de l’alinéa 3 de l’article 318 du Code organique de procédure pénale et vu l’alinéa 1 de l’article 48 du même code, puisque le décès du prévenu Pedro Guillermo Rondón, survenu à l’occasion de la commission d’un délit de droit commun, éteint l’action pénale; et 2) en ce qui concerne les meurtres de David Alexander Zambrano et Freddy Antonio Miranda Avendaño dans le secteur de Los Anaucos, Etat de Miranda, le ministère public a déposé le 17 décembre 2009 un acte d’accusation pour port illicite d’arme à feu et homicide qualifié contre Richard David Castillo et Jorge Mizael López, et que le procès est actuellement en cours, l’audience étant fixée au 13 avril 2011.
- Le comité note que le gouvernement se déclare surpris des déclarations du comité selon lesquelles le gouvernement devrait agir avec «diligence et célérité afin de faire la lumière sur les assassinats…», «… faire en sorte que les procédures judiciaires et les enquêtes ordonnées par le ministère public s’intensifient…» et que «les auteurs matériels et les commanditaires de ces actes ainsi que leurs complices soient sévèrement punis», alors que le gouvernement, ses institutions et leurs organes compétents ont agi avec diligence et avec la plus grande célérité que ces affaires exigeaient, sans autre objectif que de faire la lumière sur les faits, diligentant les enquêtes appropriées et mettant en œuvre à l’égard des prévenus les procédures judiciaires qui s’imposaient, afin que ceux-ci soient punis par la juridiction compétente conformément à ce que prévoit la législation nationale pour la commission de tels délits. Le comité signale à l’attention du gouvernement que ses recommandations visaient, en l’espèce, à ce que les auteurs d’assassinats de syndicalistes soient condamnés par les juridictions compétentes et que ce n’est que récemment que le gouvernement a mentionné que les audiences dans le cadre du procès relatif à l’assassinat de ces deux syndicalistes ont été fixées au 13 avril 2011.
- Le comité exprime le ferme espoir que les sentences des juridictions compétentes visant les auteurs matériels de ces actes, leurs commanditaires et leurs complices seront prononcées dans un proche avenir. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
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1076. A cet égard, le comité souligne, en ce qui concerne l’assassinat des dirigeants syndicaux Wilfredo Rafael Hernández Avile, Jesús Argenis Guevara et Jesús Alberto Hernández que, dans ses conclusions et ses recommandations précédentes (dans la mesure où le gouvernement avait annoncé que l’auteur des assassinats était décédé en commettant un délit de droit commun), il avait demandé que les procédures judiciaires soient intensifiées ainsi que les enquêtes diligentées par les services du procureur pour que les commanditaires et les complices (s’il y en a évidemment, ce qui demande une enquête que le comité souhaiterait que les autorités diligentent) soient sanctionnés. Le comité prie instamment le gouvernement de soutenir l’ouverture d’enquêtes afin d’identifier et de sanctionner tout commanditaire ou tout complice éventuel de l’assassinat de ces dirigeants syndicaux dont l’auteur matériel, selon les enquêtes, serait décédé en commettant un délit de droit commun.
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1077. En ce qui concerne l’assassinat des délégués syndicaux, MM. Felipe Alejandro Matas Iriarte et Reinaldo José Hernández Berroteran, le comité avait pris note, dans son examen précédent du cas de ce que Richard David Castillo et Jorge Mizael López avaient été accusés d’homicide qualifié et de port d’arme illicite, et que l’audience avait été fixée par l’autorité judiciaire au 13 avril 2011. Le comité regrette que, dans sa réponse, le gouvernement ne fournisse pas d’information quant à l’évolution des procédures judiciaires et des enquêtes sur l’homicide qualifié des deux délégués syndicaux en question et quant à l’arrestation ou non des deux accusés; à nouveau, le comité s’attend fermement à ce que les autorités judiciaires prononcent des jugements contre les auteurs matériels dont la culpabilité aura été constatée et, si c’est le cas, contre les commanditaires et les complices. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
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1078. En ce qui concerne la recommandation c) de l’examen précédent du cas, le comité juge bon de rappeler le contenu de cette recommandation:
- … s’agissant des allégations relatives aux poursuites pénales engagées contre six travailleurs de l’entreprise PDVSA et à l’arrestation ultérieure de ces travailleurs décidée par le parquet au motif qu’ils ont paralysé les activités de l’entreprise dans le cadre d’un mouvement de protestation par lequel ils réclamaient le respect de leurs droits de travailleurs, le comité demande au gouvernement ou aux autorités compétentes de prendre les mesures nécessaires pour annuler ces poursuites pénales et obtenir sans délai la libération des dirigeants syndicaux. Le comité demande également au gouvernement de prendre les mesures nécessaires à la modification de l’article 139 de la loi pour la défense de l’accès des personnes aux biens et services afin qu’il ne s’applique pas aux services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme et qu’en aucun cas une grève pacifique ne puisse entraîner de sanctions pénales. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. Le comité attire l’attention de la commission d’experts sur l’aspect législatif de ce cas.
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1079. Le comité prend note que le gouvernement déclare que: 1) il ne peut appliquer une demande du comité d’«annuler» des mesures et des procédures judiciaires qui sont en tous points conformes à la législation interne en la matière et respectent strictement et entièrement les règles fondamentales de procédure et autres principes; 2) le Comité de la liberté syndicale n’a aucune compétence pour demander l’abandon de mesures légales et la suspension de procédures judiciaires pour la commission de délits considérés dans la législation, qui donnent lieu à des sanctions, et pour lesquels des procédures légales sont établies; 3) par ces recommandations, le comité demande au gouvernement national de ne pas respecter la législation interne et de ne pas appliquer les procédures établies visant à infliger des sanctions pour la commission de délits qualifiés, ce qui entraînerait une situation d’impunité; 4) le gouvernement et les organes correspondants des pouvoirs de l’Etat vénézuélien respectent et appliquent les principes de la Constitution et de la législation nationale, et les principes de séparation et d’autonomie des pouvoirs publics sont pleinement en vigueur dans l’Etat; c’est la raison pour laquelle le gouvernement n’appliquera pas des recommandations qui n’ont aucune base solide, ne sont pas de la compétence du comité et vont à l’encontre des principes constitutionnels et de la législation qui régit l’Etat. Le comité formule ses conclusions sur ces questions plus loin mais il souhaite dès à présent souligner qu’il lui revient d’examiner, en vertu de son mandat, la conformité de la législation et de la pratique nationales avec les conventions nos 87 et 98 et les principes de la liberté syndicale et qu’il est courant que, sur la base de ces principes, il prie les gouvernements de prendre des mesures pour modifier la législation ou pour lever des poursuites judiciaires.
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1080. En ce qui concerne la recommandation du comité dans laquelle il demande la modification de l’article 139 de la loi pour la défense des personnes et l’accès aux biens et services, le gouvernement déclare que: 1) cette loi a été amplement débattue, a fait l’objet de consultations et a été adoptée à l’Assemblée nationale, c’est-à-dire par le pouvoir législatif national; elle a été adoptée pour défendre, protéger et préserver les droits et les intérêts des personnes dans leur accès aux biens et aux services pour la satisfaction de leurs besoins; 2) l’article en question concerne les sanctions encourues par les personnes qui entraveraient la production, la fabrication, l’importation, l’approvisionnement, le transport, la distribution et la commercialisation des biens de première nécessité pour la population; 3) toutes les activités relatives au processus de production, de distribution et de commercialisation du gaz constituent, dans le pays, un service essentiel et de première nécessité pour la population; des millions de familles utilisent le gaz de pétrole liquéfié (GPL) et 761 221 familles utilisent d’autres sources d’énergie; actuellement, 87 pour cent de la population vénézuélienne a besoin du gaz de pétrole liquéfié (GPL) pour cuire ses aliments ainsi que pour d’autres usages, ce gaz est considéré dans le pays comme un service public essentiel et d’intérêt public et social; le GPL est également utilisé pour les systèmes de chauffage et de climatisation; les centres de formation et les centres de soins tels que les hôpitaux, les cliniques, les centres de santé utilisent le gaz de pétrole liquéfié pour la cuisson des aliments, les systèmes de chauffage et de climatisation et comme combustible pour des chaudières à vapeur pour la stérilisation des instruments chirurgicaux; il est également distribué et utilisé par le secteur commercial et industriel, par les boulangeries, les restaurants, les raffineries, les industries pétrochimiques, entre autres; enfin, en vertu de la législation, le gaz de pétrole liquéfié constitue dans le pays un service public, essentiel et de première nécessité vu que l’interruption ou la paralysie des activités en relation avec le processus de production, de distribution et de commercialisation du gaz affecteraient la grande majorité des foyers vénézuéliens ainsi que les centres de formation, les centres de soins, le secteur commercial et industriel; c’est la raison pour laquelle l’Etat vénézuélien ne permet pas et ne permettra pas des actions ou des omissions affectant la production ou la distribution du gaz car ainsi, il serait porté atteinte et préjudice au droit à l’alimentation, à la santé et à la vie de la population; 4) le gouvernement rappelle l’alinéa 1 de l’article 8 de la convention no 87 qui dispose que: «Dans l’exercice des droits qui leur sont reconnus par la présente convention, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus, à l’instar des autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité.»
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1081. Concernant cette dernière déclaration du gouvernement, le comité souhaite porter à l’attention du gouvernement que le paragraphe 2 de l’article 8 de la convention no 87 établit également: «La législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention.»
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1082. Le comité souhaite souligner que PDVSA est l’entreprise (d’Etat) la plus importante du pays et que ses activités dans le secteur du pétrole se réfèrent non seulement au gaz de pétrole liquéfié, mais couvrent également de très importantes activités de prospection, de raffinement et d’exportation de pétrole et de dérivés, c’est-à-dire des activités de production et de commerce dont l’interruption ne mettrait nullement en péril la vie, la sécurité ou la santé de la population. Observant que la législation à laquelle le gouvernement se réfère impose une interdiction totale de la grève dans le secteur du pétrole, le comité rappelle qu’il a estimé antérieurement à plusieurs reprises que les secteurs du pétrole et ceux de la production, du transport et de la distribution de combustibles ne constituaient pas des services essentiels au sens strict du terme. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 587.] Cependant, le comité a également estimé que des services minima peuvent être imposés en cas de grève dans les «services publics d’importance primordiale» [voir Recueil, op. cit., paragr. 606], tel que le secteur du pétrole dans la République bolivarienne du Venezuela. Le comité signale à cet égard que, dans le secteur du pétrole, un service minimum peut être imposé, de sorte que les préoccupations exprimées par le gouvernement concernant l’approvisionnement en gaz liquéfié pour les centres de formation et les centres médicaux puissent être apaisées.
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1083. Par conséquent, le comité maintient la recommandation formulée dans l’examen précédent du cas sur la nécessité de modifier la législation et porte de nouveau à l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations l’aspect législatif du cas. D’autre part, en ce qui concerne l’arrestation de six travailleurs grévistes de l’entreprise PDVSA et les poursuites pénales qui ont été engagées à leur encontre, le comité rappelle le principe selon lequel les autorités ne devraient pas recourir aux mesures d’arrestation et d’emprisonnement en cas d’organisation ou de participation à une grève pacifique, et de telles mesures comportent de graves risques d’abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale [voir Recueil, op. cit., paragr. 671], ainsi que le principe selon lequel nul ne devrait pouvoir être privé de liberté ni faire l’objet de sanctions pénales pour le simple fait d’avoir organisé une grève pacifique ou d’y avoir participé. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 672.] Dans ces conditions, le comité maintient sa recommandation précédente et prie instamment le gouvernement et les autorités compétentes de prendre des mesures pour que les poursuites pénales engagées par les services du procureur contre six travailleurs de l’entreprise PDVSA pour la paralysie des activités de l’entreprise soient annulées et qu’ils soient remis en liberté.
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1084. En ce qui concerne la recommandation d) de l’examen précédent du cas, le comité note que l’organisation plaignante n’a pas communiqué les informations complémentaires demandées pour la quatrième fois consécutive et, par conséquent, malgré la gravité des allégations, le comité n’est pas en mesure d’examiner ces questions pour le moment. Le comité s’attend fermement à ce que les actes présumés fassent l’objet d’une enquête indépendante.
Recommandations du comité
Recommandations du comité
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1085. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) En ce qui concerne les allégations relatives à l’assassinat de trois dirigeants de l’Union bolivarienne des travailleurs de l’industrie du bâtiment d’El Tigre (MM. Wilfredo Rafael Hernández Avile, secrétaire général, Jesús Argenis Guevara, secrétaire de l’organisation, Jesús Alberto Hernández, secrétaire à la culture et aux sports), le comité prie instamment le gouvernement d’encourager l’ouverture d’enquêtes en vue d’identifier et de sanctionner tout commanditaire ou complice éventuel de l’assassinat de ces dirigeants syndicaux dont l’auteur matériel, selon les enquêtes, serait décédé en commettant un délit de droit commun.
- b) En ce qui concerne l’assassinat des délégués syndicaux MM. Felipe Alejandro Matas Iriarte et Reinaldo José Hernández Berroteran, le comité regrette que, dans sa réponse, le gouvernement ne fournisse pas d’informations quant à l’avancement des procédures judiciaires et des enquêtes sur l’homicide qualifié des deux délégués syndicaux en question et quant à l’arrestation ou non des deux accusés; de nouveau, le comité s’attend fermement à ce que les autorités judiciaires prononcent un jugement à l’encontre des auteurs matériels dont la culpabilité serait constatée et, si c’est le cas, à l’encontre des commanditaires et des complices. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) En ce qui concerne les allégations relatives à des poursuites pénales engagées par les services du procureur contre six travailleurs de l’entreprise PDVSA et leur arrestation, au motif que, dans le cadre d’un mouvement de protestation visant à revendiquer leurs droits sociaux, ils ont paralysé les activités de l’entreprise, le comité prie instamment le gouvernement et les autorités compétentes de prendre les mesures qui s’imposent pour annuler lesdites poursuites pénales et remettre sans délai les dirigeants syndicaux en liberté. Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures qui s’imposent pour modifier l’article 139 de la loi pour la défense des personnes de sorte qu’il ne s’applique pas aux services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme et qu’en aucun cas des sanctions pénales soient infligées en cas de grève pacifique. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- d) Le comité porte à l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations l’aspect législatif du présent cas.
- e) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.