Allégations: Détention de syndicalistes pour faits de grève dans la municipalité d’Ilopango, expulsion violente de grévistes
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583. La plainte figure dans une communication de la Fédération des associations ou syndicats indépendants d’El Salvador (FEASIES) d’avril 2011. Cette organisation a fourni des informations complémentaires le 14 juin 2011.
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584. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par communication en date du 14 juin 2011.
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585. Le Salvador a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante
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586. Dans ses communications d’avril 2011 et du 14 juin 2011, la Fédération des associations ou syndicats indépendants d’El Salvador (FEASIES) allègue que le Syndicat des travailleuses et travailleurs de la municipalité d’Ilopango (SITTAMI) fait l’objet depuis sa constitution le 5 décembre 2009 d’actes antisyndicaux de la part de la maire de cette commune.
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587. La FEASIES signale qu’en avril 2010 le SITTAMI a présenté un cahier de revendications en vue d’améliorer la sécurité et la santé au travail et d’assurer l’application pleine et entière de la loi sur la carrière administrative et qu’a été constitué avec la mairie un groupe de travail à composition paritaire (cinq membres appartenant au SITTAMI et cinq membres appartenant à l’administration municipale) qui n’a obtenu que de piètres résultats.
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588. La FEASIES allègue qu’en janvier 2011 le conseil municipal d’Ilopango a décidé unilatéralement de faire participer à ce groupe de travail des représentants d’une association (ATRAM) dépendant de l’administration municipale, laquelle prête à cette association des locaux et lui accorde d’autres avantages. Le groupe de travail ne pouvait par conséquent s’occuper correctement des problèmes, c’est pourquoi le SITTAMI a refusé d’y participer.
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589. L’organisation plaignante allègue que, dans ce contexte, le SITTAMI a lancé une grève le 28 mars 2011 dans les locaux de la municipalité. Le lendemain, les travailleurs ont été expulsés par la force publique, à laquelle ils n’ont opposé aucune résistance. Le même jour, la maire a rejeté l’offre de médiation présentée par la FEASIES, faisant valoir qu’il existait déjà une instance de dialogue (à savoir le groupe de travail auquel le syndicat avait refusé de participer pour les raisons susmentionnées).
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590. L’organisation plaignante indique que, le 30 mars 2011, les travailleurs qui se tenaient devant les locaux de la mairie ont reçu des coups et des jets de gaz lacrymogène de la part d’un groupe d’agents d’autres municipalités, et que cinq syndicalistes ont été blessés (entre autres, le secrétaire général du syndicat, la secrétaire chargée du règlement des conflits et le secrétaire chargé de la presse). Les intéressés, qui ont eu chacun de deux à cinq jours d’incapacité de travail, ont saisi au pénal le ministère public de la République. Pour sa part, le 29 mars 2011, la maire a porté plainte au pénal contre les 14 membres du comité exécutif du syndicat et contre d’autres syndicalistes pour trouble à l’ordre public. Le syndicat a saisi le procureur chargé des droits de l’homme pour violation des droits de l’homme, et ce dernier a convoqué la maire et les dirigeants du SITTAMI, ce qui a abouti, le 1er avril 2011, à la signature d’un procès-verbal dans lequel les parties se sont engagées à dialoguer et à chercher l’apaisement; par ailleurs, ce document prévoyait que les grévistes reprendraient le travail et qu’aucune mesure de représailles ne serait prise à leur encontre.
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591. Enfin, le 4 avril 2011, l’administration a empêché 19 syndicalistes (entre autres les membres du comité exécutif) de prendre leur travail à la mairie, et la police nationale les a mis en détention pour participation supposée aux délits de trouble à l’ordre public, exercice violent du droit syndical et atteinte aux biens publics. Les intéressés ont présenté des recours en habeas corpus devant la chambre constitutionnelle pour demander leur libération.
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592. L’organisation plaignante souligne que les faits allégués s’inscrivent dans le cadre de l’exercice pacifique, démocratique et légal du droit de grève et qu’il y a eu violation du procès-verbal signé par les parties, dans lequel l’administration municipale s’était engagée à ne pas prendre de mesures de représailles.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
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593. Dans sa communication en date du 15 février 2012, le gouvernement déclare qu’après enquête il est confirmé que, le 4 avril 2011, il a été procédé à la mise en détention provisoire de 19 personnes (José Walter Salas Rodríguez, Nubia Antonia Espinoza Posada, Rafael Humberto Placidón, Edgardo Evenor Aguilar, Juan Pablo Gallardo Salazar, Jorge Alberto García Flores, Rubén Antonio Araujo Guzmán, Teresa del Carmen Avilés Morán, Carlos Antonio Fuentes Menjívar, José Ricardo Moreno, José Gil Inglés, Sonia Aracely Calderón Rivera, Christian Alexander Cruz Cruz, René Galdámez Escobar, Hugo Alfredo Callejas de la Cruz, Arnulfo Federico Meléndez Cruz, José Roberto Hernández, Juan Bautista Castillo Martínez et Edwin Alberto Contreras Campos). Cette mise en détention résulte d’une plainte de Mme Alba Elizabeth Márquez, maire d’Ilopango, présentée devant le ministère public de la République. Le 1er avril 2011 a été émise l’ordonnance de mise en détention provisoire des 19 personnes accusées des délits de trouble à l’ordre public (art. 348 du Code pénal), d’exercice violent du droit au préjudice de l’administration de la justice (art. 319 du Code pénal), d’atteinte aux biens publics au préjudice de la municipalité d’Ilopango (art. 221 du Code pénal) et d’appropriation ou de rétention indue au préjudice du patrimoine de la municipalité d’Ilopango (art. 217 du Code pénal).
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594. Le gouvernement ajoute que, après saisine du juge de paix d’Ilopango, la première audience, dont la date avait été fixée au 7 avril 2011, a débouché sur l’adoption de mesures conservatoires de substitution à l’encontre des 19 accusés, dont l’une était l’interdiction de quitter le pays sans autorisation judiciaire.
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595. Nonobstant ce qui précède, et conformément aux informations fournies par la Direction générale du travail et la Direction générale de l’inspection du travail, il n’apparaît pas que ces travailleurs aient à aucun moment demandé l’intervention du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale; toutefois, on sait que le Syndicat des travailleuses et travailleurs de la municipalité d’Ilopango (SITTAMI) a saisi la chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice d’El Salvador d’un recours en habeas corpus qui est toujours en instance et dont l’issue sera portée à la connaissance du comité.
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596. Enfin, il importe de signaler que la municipalité d’Ilopango a été priée de remettre un rapport sur les relations d’emploi des 19 travailleurs avec ladite municipalité, ce à quoi la maire d’Ilopango a répondu qu’à l’heure actuelle ces personnes travaillaient normalement.
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597. Compte tenu de ce qui précède, et conformément aux dispositions de l’article 8 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui fait obligation aux travailleurs, aux employeurs et à leurs organisations respectives de respecter la légalité, et attendu que les faits allégués par l’organisation plaignante ne constituent pas une violation des droits syndicaux, le gouvernement demande que la plainte présentée par la Fédération des associations ou syndicats indépendants d’El Salvador (FEASIES) soit classée.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
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598. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue la détention et la poursuite pénale de 19 syndicalistes (dont les membres du comité exécutif du SITTAMI, qui est implanté dans la mairie d’Ilopango) qui ont exercé pacifiquement et légalement le droit de grève ainsi que l’expulsion des grévistes par la force publique le 29 mars 2011 et, le 30 mars, l’expulsion violente (coups et usage de gaz lacrymogène) des grévistes par des agents d’autres municipalités qui se trouvaient devant l’entrée des bureaux de la mairie, ayant entraîné des lésions corporelles chez trois dirigeants et deux syndicalistes et des incapacités de travail d’une durée comprise entre deux et cinq jours. Selon les allégations, la maire n’aurait pas tenu la promesse qu’elle avait faite au syndicat, en présence du procureur chargé des droits de l’homme, de ne pas prendre de mesures de représailles, dans la mesure où elle a présenté une plainte au pénal contre 19 syndicalistes (parmi lesquels les membres du comité exécutif du syndicat) qui ont exercé leur droit de grève, d’après l’organisation plaignante, de manière légale et pacifique; suite à cette plainte, les 19 syndicalistes ont été arrêtés et traduits en justice, décisions contre lesquelles ils ont formé un recours en habeas corpus. Selon l’organisation plaignante, les causes du conflit sont des revendications qui n’ont pas été satisfaites (sécurité et santé au travail, respect de la loi sur la carrière administrative) et la décision de la municipalité de faire participer à l’instance de dialogue des représentants d’une association patronale (sur ce point, toutefois, l’organisation plaignante fournit peu de détails).
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599. Le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles: 1) la mise en détention des 19 salariés résulte d’une plainte de la maire d’Ilopango présentée le 1er avril 2011 devant le ministère public général de la République, plainte qui a abouti à la mise en détention provisoire de 19 personnes pour les délits de trouble à l’ordre public, d’exercice violent du droit, d’atteinte aux biens publics et d’appropriation ou de rétention indues au préjudice de la municipalité; 2) il n’a pas été demandé au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale d’intervenir dans le conflit auquel se réfère la plainte; 3) la chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice est saisie d’un recours en habeas corpus formé par le SITTAMI, dont l’issue sera portée à la connaissance du comité; 4) les 19 salariés concernés ont repris leur travail normalement; 5) les faits allégués ne constituent pas une violation des droits syndicaux dans la mesure où la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, dispose en son article 8 que les organisations syndicales doivent exercer leurs droits dans le respect de la légalité.
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600. Le comité note que les versions de l’organisation plaignante et du gouvernement divergent quant au caractère pacifique et légal de la grève menée par le syndicat (que le gouvernement conteste). Le comité constate que le gouvernement n’a pas répondu à l’allégation selon laquelle la municipalité aurait violé un accord conclu le 1er avril 2011 avec le syndicat devant le procureur chargé des droits de l’homme dans lequel elle s’était engagée à ne pas prendre de mesures de représailles (l’organisation plaignante joint l’acte du procureur). Le comité demande au gouvernement d’envoyer ses observations sur ce point et sur les lésions corporelles qu’auraient subies trois dirigeants syndicaux et deux syndicalistes, en indiquant si le syndicat a engagé des procédures judiciaires à cet égard.
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601. Tenant compte de la contradiction existant entre les allégations et la réponse du gouvernement sur le caractère pacifique et légal de la grève et constatant que la mesure de détention provisoire des 19 syndicalistes a pris fin (bien que les intéressés soient toujours poursuivis), le comité demande au gouvernement de transmettre copie des décisions qui seront rendues sur le recours en habeas corpus présenté par le syndicat et sur la décision relative à la plainte au pénal déposée par la maire d’Ilopango contre 19 syndicalistes pour atteinte à la propriété, trouble à l’ordre public et autres délits. Tenant compte de la situation globale et de la promesse faite par la maire – selon les allégations – de ne pas prendre de mesures de représailles, le comité suggère au gouvernement de prendre des mesures pour faciliter un règlement négocié du présent conflit.
Recommandations du comité
Recommandations du comité
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602. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le gouvernement à approuver les recommandations suivantes:
- a) Notant que le gouvernement n’a pas répondu à l’allégation selon laquelle la municipalité aurait violé un accord conclu le 1er avril 2011 avec le syndicat devant le procureur chargé des droits de l’homme dans lequel elle s’était engagée à ne pas prendre de mesures de représailles (l’organisation plaignante joint l’acte du procureur), le comité demande au gouvernement de faire parvenir ses observations sur ce point et sur les lésions corporelles qu’auraient subies trois dirigeants syndicaux et deux syndicalistes, en indiquant si le syndicat a engagé des procédures judiciaires à cet égard.
- b) Tenant compte de la contradiction existant entre les allégations et la réponse du gouvernement sur le caractère pacifique et légal de la grève et notant que la mesure de détention provisoire des 19 syndicalistes a pris fin (bien que les intéressés soient toujours poursuivis), le comité, afin de pouvoir formuler des conclusions en toute connaissance de cause, demande au gouvernement de transmettre copie de toutes décisions qui seront rendues sur le recours en habeas corpus présenté par le syndicat et sur la plainte au pénal déposée par la maire d’Ilopango contre 19 syndicalistes pour atteinte à la propriété, trouble à l’ordre public et autres délits.
- c) Tenant compte de la situation globale, le comité suggère au gouvernement de prendre des mesures pour faciliter un règlement négocié du présent conflit.