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Allégations: L’organisation plaignante allègue des actes de discrimination antisyndicale à l’encontre de ses dirigeants syndicaux dans différents Etats du Brésil
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262. La plainte figure dans une communication de la Fédération nationale des policiers fédéraux (FENAPEF) datée du 2 mars 2011. La FENAPEF a envoyé des informations complémentaires dans des communications en date des 12 juillet et 11 août 2011.
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263. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications datées des 26 juin, 26 août, 7 octobre 2011 et du 5 juin 2012.
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264. Le Brésil n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante
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265. Dans ses communications des 2 mars, 12 juillet et 11 août 2011, la FENAPEF indique qu’elle regroupe 27 syndicats d’Etat et représente plus de 15 000 travailleurs à tous les niveaux de la police fédérale. La FENAPEF allègue que de hauts responsables de l’institution commettent des actes de persécution qui visent à limiter le droit des représentants des fonctionnaires de la police fédérale d’exercer une activité syndicale.
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266. Concrètement, la FENAPEF allègue que des procédures administratives disciplinaires ont été entamées et une enquête policière ouverte à l’encontre du directeur de la communication de l’organisation, M. Josias Fernandes Alves, agent de la police fédérale. L’organisation plaignante précise que le dirigeant en question exerce ses fonctions depuis près de quinze ans, et qu’il n’a jamais été l’objet d’une sanction disciplinaire.
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267. La FENAPEF allègue que, à la fin de 2010, une procédure disciplinaire a pour la première fois été engagée à l’encontre du dirigeant syndical susmentionné en raison de la publication sur le site Web de l’organisation d’un article comportant des critiques à l’égard du processus de sélection d’un concours de l’Académie nationale de police (le dirigeant syndical a été sanctionné de deux jours de suspension, sanction qu’il a exécutée les 8 et 9 août 2011). L’organisation plaignante ajoute qu’il a en outre été décidé, parallèlement, d’ouvrir une enquête policière au motif que le dirigeant syndical aurait commis un «délit d’injure et de diffamation», ainsi qu’une action en justice pour préjudices moraux (l’organisation plaignante fait savoir que ces deux actions ont été déclarées irrecevables par le deuxième tribunal civil spécial de Brasilia). L’organisation plaignante indique que par décision du directeur régional de la police fédérale de Minas Gerais une autre procédure disciplinaire a été entamée contre ce même dirigeant syndical au début de 2011, au motif qu’il aurait participé à une réunion de l’organisation syndicale à Brasilia.
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268. La FENAPEF indique que, dans les procédures disciplinaires mentionnées, des dispositions de la loi no 4878/65 de 1965 relative au statut juridique des policiers fédéraux et civils du district fédéral sont invoquées. Selon l’organisation plaignante, cette loi a été utilisée aux seules fins de satisfaire les caprices personnels des administrateurs, dans le but manifeste de limiter l’exercice de la liberté syndicale et de la liberté d’expression. Elle aurait été adoptée au cours de la dernière dictature et plusieurs de ses dispositions seraient contraires à la Constitution.
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269. La FENAPEF ajoute que la présidente du Syndicat des policiers fédéraux de l’Etat de Bahia, Mme Rejane Peres Teixeira, a elle aussi été victime de persécutions antisyndicales, et qu’en l’espèce la direction régionale de la police fédérale de Bahia a engagé trois procédures administratives disciplinaires à son encontre en raison d’une entrevue avec la presse au cours de laquelle elle a mentionné des anomalies concernant l’armement acquis par l’institution. Elle est en outre accusée de ne pas avoir exécuté un ordre de mission policière et de s’être absentée du travail pour participer à des activités syndicales sans autorisation de la direction. Sur ce point, la FENAPEF affirme qu’il faut bien que les dirigeants, dans l’exercice de leurs activités syndicales, puissent participer à des réunions se tenant dans d’autres villes où travaillent des policiers syndiqués, mais que Mme Peres Texeira a toujours demandé l’autorisation de s’absenter à son supérieur hiérarchique et a fait savoir qu’elle était disposée à compenser ses absences au travail (l’organisation plaignante indique que ces faits ont été signalés au Ministère public fédéral et qu’un recours en habeas corpus a été présenté devant la Justice fédérale de Bahia).
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270. La FENAPEF dénonce également les actes de discrimination antisyndicale suivants:
- – l’ouverture, par les autorités de la police fédérale de Brasilia, d’une procédure administrative disciplinaire à l’encontre de M. Julio Gomes de Carvalho Junio, conseiller du Syndicat des policiers fédéraux du district fédéral (SINDIPOL/DF), en 2010, pour la publication d’un article comportant des critiques sur la gestion du Centre de coordination de l’aviation opérationnelle de l’institution;
- – l’ouverture, par la direction régionale du département de la police fédérale de Paraiba, d’une procédure administrative disciplinaire à l’encontre de M. Francisco Leodecio Neves, vice-directeur du Syndicat des policiers fédéraux de Paraiba, en 2011, pour avoir écrit un article critiquant les méthodes d’investigation au Brésil;
- – l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre de M. Paulo Pimenta, vice président du Syndicat des policiers fédéraux d’Acre, en 2009, pour avoir écrit un article sur le site Web de la FENAPEF (ce dirigeant a démissionné après l’ouverture de la procédure administrative, victime du harcèlement dont il était l’objet);
- – l’ouverture d’une procédure disciplinaire sanctionnée par le licenciement de M. José Pereira Orihuela, président du Syndicat des policiers fédéraux de Roraima, en 2004, au motif qu’il aurait demandé le retrait de matériel explosif stocké de façon illégale dans des locaux de la direction du département de la police fédérale de Roraima (la FENAPEF fait savoir qu’une procédure judiciaire en vue de sa réintégration a été engagée il y a sept ans).
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271. La FENAPEF indique qu’il est regrettable de constater que les dirigeants syndicaux font encore l’objet de persécutions politiques de la part des autorités de la police fédérale, en violation de la convention no 151 ratifiée par le Brésil et de la «Portaría» (directive) relative aux principes directeurs nationaux de promotion et de défense des droits de l’homme des professionnels de la sécurité publique. Selon l’organisation plaignante, la démocratisation de la police fédérale est nécessaire pour que ses fonctionnaires puissent exercer pleinement leurs droits de citoyens, ce qui n’est malheureusement toujours pas le cas.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
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272. Dans sa communication du 26 juin 2011, le gouvernement indique qu’un avant-projet de loi sur les actes antisyndicaux est en cours d’élaboration et que son texte est examiné par l’équipe du ministère du Travail et de l’Emploi et la Direction des centres de lutte contre les pratiques antisyndicales instituée par les centrales syndicales pour lutter contre les pratiques antisyndicales dans les secteurs public et privé. Ce texte juridique permettra de prévenir les actes portant atteinte à l’exercice de la liberté syndicale et de lutter contre de tels actes.
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273. En ce qui concerne l’adéquation de la loi no 4878/65 de 1965, le gouvernement signale que, étant donné qu’il s’agit d’une question relevant de la compétence du ministère de la Justice, elle a été transmise audit ministère pour observations s’il l’estime opportun. De son côté, le ministère du Travail et de l’Emploi (MTE) est disposé à collaborer à la réalisation d’études concernant les dispositions qui pourraient ne pas être en conformité avec le nouvel ordre constitutionnel. Le gouvernement ajoute que le MTE offre, par l’intermédiaire du Secrétariat aux relations professionnelles, des services de médiation lors de conflits du travail.
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274. Dans ses communications des 26 août et 7 octobre 2011 et du 5 juin 2012, le gouvernement indique qu’il est important de signaler en premier lieu que la Constitution fédérale garantit, en son article 8, la liberté d’association professionnelle ou syndicale, et que cette liberté couvre non seulement le droit de constituer des syndicats, de s’y affilier ou de les quitter, mais aussi l’exercice d’activités syndicales au sens large. Dans ce contexte, afin de garantir le bon déroulement des activités syndicales, le système juridique s’est efforcé de protéger ces activités par la création de mécanismes interdisant les comportements antisyndicaux (le gouvernement répète ce qu’il a indiqué dans sa communication antérieure concernant les débats en cours en vue de l’adoption d’une législation spécifique en la matière). En ce qui concerne le secteur public, l’article 37, VI, de la Constitution fédérale garantit la liberté d’association syndicale dans ce secteur. Les garanties accordées aux dirigeants syndicaux du secteur public diffèrent de celles qui s’appliquent dans le secteur privé et sont régies par des règlements différents. Le gouvernement affirme que c’est pour réduire les différences entre le secteur public et le secteur privé que la convention no 151, que le Brésil a ratifiée, a été adoptée. A la suite de la ratification, des mesures ont été prises, et les débats au sein du pouvoir exécutif se sont accrus en vue d’élaborer des projets de loi pour réglementer la question. Par exemple, les discussions portent sur l’organisation syndicale dans le secteur, les congés syndicaux et la lutte contre les actes antisyndicaux.
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275. Le gouvernement affirme que, même s’il n’existe pas d’instrument juridique traitant la question de manière détaillée, la Constitution fédérale a établi des mécanismes qui visent à protéger les travailleurs et les organisations syndicales et reposent en particulier sur le principe de non-ingérence de l’Etat dans l’organisation syndicale. Ainsi, les actes visant à entraver le libre exercice de l’activité syndicale doivent faire l’objet d’une enquête et être sanctionnés par des institutions publiques telles que le ministère public du Travail et le pouvoir judiciaire.
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276. Le gouvernement indique que, en ce qui concerne les faits dénoncés, il existe des voies de recours juridiques au niveau national pour traiter les irrégularités alléguées. Il explique que, dans les procédures administratives disciplinaires, les principes de la légalité sont respectés, que les décisions n’ont pas l’autorité de la chose jugée, de sorte qu’il est possible de présenter un recours en appel devant l’autorité judiciaire. Il souligne qu’il considère tout acte antisyndical comme néfaste et passible de sanctions, raison pour laquelle il s’attache à élaborer, dans le cadre d’un débat tripartite, une législation qui établisse quels sont les actes antisyndicaux passibles de sanctions.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
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277. Le comité observe que, dans le présent cas, la Fédération nationale des policiers fédéraux (FENAPEF) allègue que, dans le cadre de l’exercice d’activités syndicales, plusieurs de ses dirigeants ont été victimes d’actes de discrimination antisyndicale de la part des autorités policières. Concrètement, la FENAPEF allègue: 1) l’ouverture de procédures administratives disciplinaires (consistant en une sanction de deux jours de suspension) et l’ouverture d’une enquête policière à l’encontre du directeur de la communication de l’organisation, M. Josias Fernandes Alves, au motif qu’il aurait commis un délit d’injure et de diffamation; 2) l’ouverture de trois procédures administratives disciplinaires à l’encontre de la présidente du Syndicat des policiers fédéraux de l’Etat de Bahia, Mme Rejane Peres Teixeira (selon la FENAPEF, un recours en habeas corpus a été présenté en rapport avec cette affaire); 3) l’ouverture d’une procédure administrative disciplinaire à l’encontre de M. Julio Gomes de Carvalho Junio, conseiller du Syndicat des policiers fédéraux du district fédéral (SINDIPOL/DF), en 2010; 4) l’ouverture d’une procédure administrative disciplinaire à l’encontre de M. Francisco Leodecio Neves, vice-directeur du Syndicat des policiers fédéraux de Paraiba, en 2011; 5) l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre de M. Paulo Pimenta, vice-président du Syndicat des policiers fédéraux d’Acre, en 2009; et 6) l’ouverture d’une procédure disciplinaire sanctionnée par le licenciement de M. José Pereira Orihuela, président du Syndicat des policiers fédéraux de Roraima, en 2004 (selon la FENAPEF, une procédure judiciaire en vue de sa réintégration a été engagée il y a sept ans).
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278. Le comité prend note que le gouvernement indique ce qui suit: 1) la Constitution fédérale garantit en son article 8 la liberté d’association professionnelle ou syndicale et cette liberté couvre non seulement le droit de constituer des syndicats, de s’y affilier ou de les quitter, mais aussi l’exercice d’activités syndicales au sens large; 2) afin de garantir le bon déroulement des activités syndicales, le système juridique s’est efforcé de protéger ces activités par la création de mécanismes interdisant les comportements antisyndicaux; 3) en ce qui concerne le secteur public, l’article 37, VI, de la Constitution fédérale garantit la liberté d’association syndicale dans ce secteur; 4) un avant-projet de loi sur les actes antisyndicaux est en cours d’élaboration, et le texte est examiné par l’équipe du ministère du Travail et de l’Emploi et la Direction des centres de lutte contre les pratiques antisyndicales instituée par les centrales syndicales, dont l’objectif est de lutter contre les actes antisyndicaux dans les secteurs public et privé. Le texte en question permettra de prévenir les actes qui portent atteinte à l’exercice de la liberté syndicale et de lutter contre de tels actes; 5) la Constitution fédérale établit des mécanismes, qui visent à protéger les travailleurs et les organisations syndicales et reposent en particulier sur le principe de non ingérence de l’Etat dans l’organisation syndicale, de sorte que les actes visant à entraver le libre exercice de l’activité syndicale doivent faire l’objet d’une enquête et être sanctionnés par des institutions publiques telles que le ministère public du Travail et le pouvoir judiciaire; 6) en ce qui concerne les faits dénoncés, il existe des voies de recours juridiques au niveau national pour traiter les irrégularités alléguées; 7) le gouvernement explique que, dans les procédures administratives disciplinaires, les principes de la légalité sont respectés, et que les décisions prises dans ce contexte n’ont pas l’autorité de la chose jugée, de sorte qu’il est possible de présenter un recours en appel devant l’autorité judiciaire; et 8) le gouvernement souligne qu’il considère tout acte antisyndical comme néfaste et passible de sanctions, raison pour laquelle il s’attache à élaborer, dans le cadre d’un débat tripartite, une législation qui établisse quels sont les actes antisyndicaux passibles de sanctions.
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279. De manière liminaire, tout en prenant bonne note du fait que le gouvernement se propose d’élaborer de manière tripartite un projet de loi visant à prévenir, enquêter sur et lutter contre les actes antisyndicaux, le comité exprime l’espoir que le projet de loi en question sera soumis très prochainement au pouvoir législatif et il rappelle que ce dernier, s’il le souhaite, peut se prévaloir de l’assistance technique du BIT à cet égard. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard. Le comité invite le gouvernement à tenir compte du principe selon lequel le droit d’exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement est l’un des éléments essentiels des droits syndicaux. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 155.]
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280. En ce qui concerne les allégations d’actes de discrimination antisyndicale perpétrés à l’encontre de six dirigeants syndicaux, le comité regrette que le gouvernement se soit contenté de déclarer que les procédures administratives disciplinaires peuvent faire l’objet d’un recours judiciaire et respectent les principes de la légalité. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue des procédures administratives disciplinaires concernant cinq dirigeants syndicaux et d’indiquer si des recours judiciaires ont été engagés à cet égard. Par ailleurs, le comité regrette que la procédure judiciaire engagée il y a sept ans en vue de la réintégration du dirigeant syndical, M. José Pereira Orihuela, président du Syndicat des policiers fédéraux de Roraima, n’ait pas encore abouti, et il prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de cette procédure judiciaire.
Recommandations du comité
Recommandations du comité
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281. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité exprime l’espoir que le projet de loi relatif à la discrimination syndicale sera soumis très prochainement au pouvoir législatif et il rappelle que ce dernier, s’il le souhaite, peut se prévaloir de l’assistance technique du BIT à cet égard. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- b) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue des procédures administratives disciplinaires concernant cinq dirigeants syndicaux et d’indiquer si des recours judiciaires ont été engagés à cet égard. Par ailleurs, le comité regrette que la procédure judiciaire engagée il y a sept ans en vue de la réintégration du dirigeant syndical, M. José Pereira Orihuela, président du Syndicat des policiers fédéraux de Roraima, n’ait pas encore abouti, et il prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de cette procédure judiciaire.