Allégations: Les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement a refusé d’enregistrer le Syndicat des travailleurs migrants (MTU) et s’est engagé dans une campagne de répression ciblée contre ce syndicat, procédant successivement à l’arrestation de ses présidents Anwar Hossain, Kajiman Khapung et Toran Limbu, de ses vice présidents, Raj Kumar Gurung (Raju) et Abdus Sabur et de son secrétaire général Abdul Basher Moniruzzaman (Masum), puis à l’expulsion de la plupart d’entre eux. Les organisations plaignantes ajoutent que tout ceci s’est déroulé dans un climat de discrimination généralisée à l’encontre des travailleurs migrants dans l’intention de créer une main d’œuvre sous-payée et facile à exploiter
-
532. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois quant au fond à sa réunion de novembre 2011, à l’occasion de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 362e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 312e session (2011), paragr. 573-600.]
-
533. La Confédération coréenne des syndicats (KCTU) a présenté des informations supplémentaires dans une communication en date du 11 mai 2012.
-
534. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 24 septembre 2012.
-
535. La République de Corée n’a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
-
536. A sa réunion de novembre 2011, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 362e rapport, paragr. 600]:
- a) Le comité prie instamment le gouvernement de s’abstenir de toute mesure pouvant constituer une grave ingérence dans les activités syndicales et entraîner l’arrestation ou l’expulsion de dirigeants syndicaux pour des motifs liés à leur élection à des fonctions syndicales. Il prie le gouvernement d’exécuter la décision du tribunal administratif annulant toutes les mesures punitives jusqu’à ce qu’un jugement définitif soit rendu, notamment en octroyant à M. Catuira le renouvellement de son permis de résidence conformément au jugement du tribunal. Il prie le gouvernement de lui fournir des renseignements détaillés sur la situation actuelle en ce qui concerne le permis de travail de M. Catuira, en réponse à la communication de l’organisation plaignante du 28 septembre 2011, ainsi que toutes autres informations relatives à ce cas.
- b) Le comité s’attend fermement à ce que le gouvernement procède sans délai à l’enregistrement du MTU et fournisse tous les renseignements utiles sur ce point.
- c) Le comité demande une fois de plus au gouvernement de veiller à ce que les conclusions du comité, en particulier celles ayant trait aux droits syndicaux des travailleurs migrants, soient portées à l’attention de la Cour suprême et de communiquer copie de la décision de la cour dès qu’elle aura été rendue.
- d) Le comité prie de nouveau le gouvernement d’entreprendre un examen approfondi de la situation quant au statut des travailleurs migrants en pleine consultation avec les partenaires sociaux concernés, de façon à garantir et protéger pleinement les droits fondamentaux à la liberté syndicale et à la négociation collective de tous les travailleurs migrants, qu’ils soient en situation régulière ou non, et ce en conformité avec les principes de la liberté syndicale, ainsi qu’à privilégier le dialogue avec les partenaires sociaux concernés afin de trouver des solutions négociées aux difficultés auxquelles ces travailleurs sont confrontés. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des progrès réalisés à cet égard.
B. Informations supplémentaires fournies par l’organisation plaignante
B. Informations supplémentaires fournies par l’organisation plaignante
-
537. Dans sa communication en date du 11 mai 2012, la KCTU a fourni de nouvelles informations concernant la situation de l’ex-président du Syndicat des travailleurs migrants (MTU), M. Michel Catuira. Selon l’organisation plaignante, M. Michel Catuira s’est vu refuser l’entrée en République de Corée le 30 avril 2012 à son retour au pays, qu’il avait quitté pour aller voir sa famille aux Philippines en février 2012. Il avait prévu de retourner en République de Corée pour renouveler son visa G-1, et pour régler des questions en rapport à son procès et à d’autres affaires concernant le MTU. Comme il n’avait pu obtenir son permis de séjour, avant de quitter la République de Corée, il avait demandé et avait obtenu un visa G-1 en novembre 2011, valide jusqu’au 7 mai 2012. Il avait également consulté des agents des services d’immigration pour savoir s’il aurait besoin d’un visa supplémentaire pour pouvoir rentrer en République de Corée, et on lui avait dit que le visa G-1 permettait de faire l’aller retour au départ de la République de Corée.
-
538. Lorsqu’il a tenté de passer le contrôle de l’immigration, il a été envoyé au bureau du Service d’immigration de l’aéroport où, après l’avoir fait attendre plusieurs heures, on l’a interrogé au sujet de la validité de son visa, de ses plans pour son séjour en République de Corée et on lui a demandé s’il avait acheté son billet de retour. Alors qu’il était au bureau de l’immigration, un agent lui a dit que son nom figurait sur une liste d’individus frappés d’une interdiction d’entrée depuis février 2011 et que l’entrée en République de Corée lui était interdite pendant cinq ans. Il a maintenu qu’on lui avait accordé un visa G-1, qui devrait invalider une telle interdiction. Plusieurs heures après, on l’a informé qu’il serait renvoyé aux Philippines, très probablement le lendemain matin. A plusieurs reprises, il a exprimé le souhait de faire appel de l’interdiction d’entrée en République de Corée. Il a ensuite été escorté jusqu’à une aire d’attente réservée aux étrangers devant être rapatriés. Dans la cellule de détention, il a obtenu le droit d’utiliser un téléphone et de contacter un ami. Cet ami a pu contacter des personnes ayant des liens avec le MTU qui a par la suite prévenu la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) et son avocat. Il a à nouveau exprimé le souhait de faire appel. On lui a dit que lui-même ou son avocat devrait appeler le ministère de la Justice, mais on ne l’a pas autorisé à utiliser le téléphone. Un agent lui a indiqué plus tard qu’il avait le droit de refuser de quitter la cellule de détention, mais qu’il pourrait en résulter une intervention de la police. Plus tard, on lui a permis d’appeler une personne du MTU qui s’est portée volontaire pour appeler l’aire de détention, et on lui a dit qu’il serait fort probablement déporté à 7 h 30. Peu après, plusieurs policiers, agents de l’immigration et employés de l’aéroport l’ont escorté jusqu’à la porte d’embarquement. Selon M. Catuira, il a été victime d’intimidation et de harcèlement verbal pendant ces événements. Les agents lui ont dit qu’ils se moquaient de ses droits et que, comme il n’était pas Coréen, il devrait quitter le pays sans faire appel. Les agents de l’immigration ont remis son passeport aux agents de bord. A son arrivée à Manille à 13 heures, il a été emmené au bureau de l’immigration des Philippines. Son passeport ne lui avait toujours pas été rendu. Au Bureau, on l’a interrogé brièvement et on lui a demandé de faire une déclaration écrite au sujet de l’incident. Après avoir rempli un formulaire et rédigé une déclaration, son passeport lui a été rendu.
-
539. Une plainte a été déposée devant la CNDH par des défenseurs des droits des migrants en Corée du Sud le 1er mai 2012, et les avocats de M. Catuira et les défenseurs coréens des droits des migrants sont en train de discuter d’autres actions à entreprendre. Monsieur Catuira a déposé une plainte formelle contre le représentant de Cebu Pacific qui l’a harcelé dans l’aire de détention. Il a également porté plainte auprès de l’ambassade de la Corée du Sud aux Philippines et du ministère des Affaires étrangères des Philippines. Il a pris contact avec des organisations de défense des droits des migrants aux Philippines, qui sont en train de discuter d’autres actions à entreprendre.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement
-
540. Dans sa communication en date du 24 septembre 2012, le gouvernement indique que Michel Catuira, ex-président du MTU, a quitté la République de Corée en février 2012 avec en sa possession un visa G-1 (visa délivré aux étrangers qui ne rentrent pas dans d’autres catégories de visas et qui comptent venir en République de Corée pour recevoir un traitement médical ou pour régler un litige) mais s’est vu refuser l’entrée à l’aéroport international Incheon lorsqu’il a tenté de revenir en République de Corée le 30 avril 2012 et a été déporté par le Service de l’immigration le 1er mai 2012. Le gouvernement conteste l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle les mesures prises par le gouvernement visaient à nuire aux activités syndicales du MTU.
-
541. Le gouvernement rappelle que M. Catuira est entré pour la première fois en République de Corée en février 2009 muni d’un visa E-9 (visa délivré aux étrangers qui ont un emploi non professionnel et qui satisfont aux exigences relatives au travail en République de Corée aux termes de la loi sur l’emploi, des travailleurs étrangers) et qu’il a travaillé dans une société pendant environ un an. En mars 2010, il a présenté une demande de changement de lieu de travail et de prolongation de séjour car il commençait un nouveau contrat de travail avec M. Park, le propriétaire d’une société appelée «Dream». Toutefois, le Service de l’immigration a annulé son permis de séjour en février 2011 et ordonné son expulsion, jugeant que sa demande falsifiait les faits étant donné que la société baptisée «Dream» n’existait pas au moment de la demande en mars 2010 et qu’il ne s’engageait de fait dans aucune activité de travail.
-
542. Le gouvernement rappelle en outre que, en février 2011, M. Catuira a porté l’affaire devant le tribunal administratif de Séoul en contestant l’annulation de son permis de séjour ainsi que l’ordonnance d’expulsion émise par le Service de l’immigration de Séoul. Monsieur Catuira a obtenu gain de cause en première instance. Le tribunal administratif a statué en septembre 2011 ordonnant l’annulation des mesures prises par le Service de l’immigration de Séoul. Le tribunal a jugé qu’il n’existait aucune raison valable de croire que M. Catuira avait obtenu le permis de manière fallacieuse ou illégale puisque, au moment où M. Catuira a reçu l’autorisation de changement de lieu de travail pour obtenir un permis de séjour en mars 2010, la société concernée était en activité. Toutefois, le Service de l’immigration de Séoul a fait appel de la décision du tribunal, et la Haute Cour de Séoul a annulé le jugement du tribunal de première instance le 24 mai 2012. La cour d’appel a reconnu que M. Catuira a rejeté environ 150 propositions d’emploi faites par le centre d’emploi, dans l’intention de signer un contrat avec M. Park, un dirigeant syndical de la KCTU dans le district de Séoul. Elle a estimé par ailleurs que les déclarations de M. Park et de M. Catuira ne suffisaient pas à elles seules à légitimer l’affirmation selon laquelle, lorsque M. Park a conclu un contrat d’emploi avec M. Catuira, le 5 mars 2010, la société de M. Park était en activité et a fermé plus tard en mai 2010. La cour a établi que M. Catuira n’avait signé un contrat papier que pour maintenir la validité de son visa et continuer de travailler comme président du MTU. La cour a affirmé en outre que, sur la foi de la déposition de plusieurs témoins et des éléments de preuve présentés, il est difficile de croire que la société «Dream» était effectivement opérationnelle et que M. Catuira y travaillait. En conséquence, la cour a statué que la révocation du permis de séjour de M. Catuira était légitime parce que M. Catuira avait obtenu la permission «de manière fallacieuse ou illégale» aux termes de l’article 89(1) no 2 de la loi sur le contrôle de l’immigration. Monsieur Catuira n’a pas accepté ce jugement et a fait appel auprès de la Cour suprême où le cas est actuellement en instance.
-
543. Quant aux motifs invoqués pour refuser l’entrée en République de Corée à M. Catuira, le gouvernement indique que le Service de l’immigration de Séoul lui a refusé l’entrée conformément à l’article 11(1), nos 3 et 4, de la loi sur le contrôle de l’immigration. Il est un principe de droit international établi selon lequel un pays peut interdire ou refuser à un étranger l’entrée sur son territoire lorsque son entrée est jugée comme allant à l’encontre de ses intérêts nationaux. D’après le gouvernement, cela signifie que l’interdiction ou le refus d’entrée est une question de souveraineté qui est fonction de la situation nationale ou de l’environnement social. En conséquence, aux termes de l’article 11 de la loi sur le contrôle de l’immigration, le ministère de la Justice peut interdire l’entrée d’une personne jugée très susceptible de commettre un acte préjudiciable aux intérêts de la République de Corée ou à la sécurité publique, ou d’une personne jugée susceptible de commettre un acte préjudiciable à l’ordre économique ou social ou aux bonnes mœurs. Cette disposition vaut pour les migrants légaux et illégaux. En février 2011, le Service de l’immigration de Séoul a annulé le permis de séjour de M. Catuira et ordonné son expulsion conformément à l’article 89(1), nos 2 et 4, de la loi sur le contrôle de l’immigration, aux motifs que M. Catuira avait présenté en mars 2010 une demande de prolongation de permis de séjour contenant de fausses informations selon lesquelles il travaillait dans un établissement qui avait en fait fermé ses portes, ce qui constitue un acte préjudiciable à l’ordre économique ou social. C’est pourquoi, selon le gouvernement, l’interdiction d’entrée imposée à M. Catuira en vertu de l’article 11 de la loi sur le contrôle de l’immigration est une mesure légitime qui a été prise par le gouvernement indépendamment de ses activités syndicales.
-
544. Concernant les affirmations de l’organisation plaignante selon lesquelles le gouvernement a privé M. Catuira de la possibilité de faire appel de l’interdiction d’entrée en rejetant sa demande de sursis à l’exécution de l’ordonnance d’expulsion, qui avait prévu de revenir en République de Corée pour régler des questions en rapport à son procès, le gouvernement déclare que M. Catuira avait déjà fait des déclarations suffisantes en première et seconde instance avant son départ de République de Corée en février 2012 et, lorsqu’il s’est vu refuser l’entrée, deux avocats le représentaient devant les tribunaux, et la procédure en seconde instance (le procès en appel) était déjà terminée, seul le verdict restant à rendre. De l’avis du gouvernement, il n’était donc pas nécessaire de lui donner la possibilité de faire appel de l’interdiction d’entrée.
-
545. Concernant l’expulsion de M. Catuira, le gouvernement invoque l’article 76 de la loi sur le contrôle de l’immigration, qui prévoit que «le chef de bord ou le transitaire» expulsera un étranger qui a été à bord et dont l’entrée lui a été interdite ou refusée. En conséquence, le bureau de l’immigration de l’aéroport international Incheon a délivré l’interdiction d’entrée, a ordonné au personnel de la compagnie aérienne de rapatrier M. Catuira et a remis son passeport à la compagnie aérienne. Dès cet instant, le passeport et d’autres documents connexes sont placés sous la responsabilité et le contrôle de la compagnie aérienne. Après la délivrance de l’interdiction d’entrée, M. Catuira a non seulement refusé de partir de son plein gré mais a également refusé à plusieurs reprises de se conformer à la procédure de rapatriement, et deux agents de l’immigration de sexe féminin ont dû le soulever mais ne l’ont pas traîné de force ni n’ont pris aucune autre mesure coercitive. Monsieur Catuira a commencé à se conformer à la procédure de rapatriement par la suite mais a continué de dénoncer la décision et les mesures prises par le bureau de l’immigration.
-
546. Le gouvernement conclut que les mesures prises à l’endroit de M. Catuira sont toutes conformes aux lois pertinentes. Le gouvernement confirme qu’il communiquera le jugement de la Cour suprême au comité dès qu’il sera prononcé, et qu’il informera également le comité de l’arrêt de la Cour suprême sur un autre cas concernant le statut du MTU que le comité lui a demandé dans ses recommandations et qui n’a pas encore été rendu.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité
-
547. Le comité rappelle que le présent cas concerne des allégations selon lesquelles, dans un climat de discrimination généralisée à l’encontre des travailleurs migrants dans l’intention de créer une main-d’œuvre sous-payée et facile à exploiter, le gouvernement a refusé d’enregistrer le Syndicat des travailleurs migrants (MTU) et s’est engagé dans une campagne de répression ciblée contre ce syndicat, procédant successivement à l’arrestation de ses dirigeants, puis à l’expulsion de la plupart d’entre eux.
-
548. Le comité rappelle en outre que, la dernière fois qu’il a examiné ce cas, il a noté avec préoccupation les allégations selon lesquelles le Service de l’immigration de Séoul a refusé de renouveler le permis de séjour de M. Catuira, président du MTU, le 16 septembre 2011 malgré le jugement du tribunal. A cette occasion, le comité a demandé au gouvernement d’exécuter la décision du tribunal administratif, annulant toutes les mesures punitives jusqu’à ce qu’un jugement définitif soit rendu, notamment en octroyant à M. Catuira le renouvellement de son permis de séjour conformément à la demande du tribunal.
-
549. Le comité note néanmoins d’après les allégations récentes que, comme M. Catuira n’avait pu obtenir le renouvellement de son permis de séjour malgré le jugement du tribunal administratif, avant de quitter la République de Corée, il avait demandé et avait obtenu un visa G-1 en novembre 2011, valide jusqu’au 7 mai 2012. Il avait également consulté des agents des services d’immigration pour savoir s’il aurait besoin d’un visa supplémentaire pour pouvoir rentrer en République de Corée, et on lui avait dit que le visa G-1 permettait de faire l’aller retour au départ de la République de Corée. Le comité note avec une profonde préoccupation les nouvelles allégations graves présentées dans la dernière communication de l’organisation plaignante selon lesquelles M. Michel Catuira s’est vu refuser l’entrée en République de Corée le 30 avril 2012 à son retour au pays qu’il avait quitté pour être avec sa famille aux Philippines en février 2012, et a été renvoyé aux Philippines le lendemain matin, le 1er mai 2012, sans avoir pu faire appel de cette décision, malgré de nombreuses demandes à cet effet. Le comité note par ailleurs que, selon M. Catuira, il a été victime d’intimidation et de harcèlement verbal pendant ces événements.
-
550. Le comité note également l’indication de l’organisation plaignante selon laquelle une plainte a été déposée auprès de la CNDH par des défenseurs des droits des migrants en Corée du Sud le 1er mai 2012, que M. Catuira a déposé une plainte formelle contre le représentant de Cebu Pacific qui l’a harcelé dans l’aire de détention, qu’il a également porté plainte auprès de l’ambassade de la Corée du Sud aux Philippines et du ministère des Affaires étrangères des Philippines, qu’il a pris contact avec des organisations de défense des droits des migrants aux Philippines, qui sont en train de discuter d’autres actions à entreprendre. Le comité note que l’organisation plaignante croit que, vu les mesures prises par le Service de l’immigration contre M. Catuira et d’autres dirigeants du MTU, l’interdiction d’entrée en République de Corée imposée à M. Catuira fait partie d’une tentative délibérée de nuire aux activités syndicales du MTU et en violation des recommandations antérieures du comité.
-
551. Le comité note les indications du gouvernement selon lesquelles: i) Michel Catuira a quitté la République de Corée en février 2012 avec en sa possession un visa G-1 (visa délivré aux étrangers qui ne rentrent pas dans d’autres catégories de visas et qui comptent venir en République de Corée pour recevoir un traitement médical ou pour régler un litige); ii) le Service de l’immigration de Séoul a refusé à M. Catuira l’entrée en République de Corée le 30 avril 2012, conformément à l’article 11(1), nos 3 et 4, de la loi sur le contrôle de l’immigration, qui dispose que le ministère de la Justice peut interdire l’entrée d’une personne jugée très susceptible de commettre un acte préjudiciable aux intérêts de la République de Corée ou à la sécurité publique, ou à l’ordre économique ou social ou aux bonnes mœurs; le Service de l’immigration de Séoul avait antérieurement annulé le permis de séjour de M. Catuira et ordonné son expulsion, aux motifs qu’il avait présenté une demande de prolongation de permis de séjour contenant de fausses informations aux termes de l’article 89(1) no 2 de la loi sur le contrôle de l’immigration, ce qui constitue un acte préjudiciable à l’ordre économique ou social; c’est pourquoi, selon le gouvernement, l’interdiction d’entrée est une mesure légitime prise indépendamment des activités syndicales de M. Catuira; en outre, il est un principe de droit international établi selon lequel un pays peut interdire ou refuser à un étranger l’entrée sur son territoire lorsque celle-ci est jugée comme allant à l’encontre de ses intérêts nationaux (question de souveraineté); iii) lors de la procédure de rapatriement, M. Catuira a refusé à plusieurs reprises de coopérer avec les membres du personnel de la compagnie aérienne qui ont dû le soulever sans prendre aucune autre mesure coercitive; le passeport a été placé sous la responsabilité de la compagnie aérienne; et iv) il n’a pas été nécessaire de donner à M. Catuira la possibilité de faire appel de l’interdiction d’entrée, puisque deux avocats s’occupaient de son cas, la procédure d’appel était terminée, seul le verdict restant à rendre, et il avait déjà fait des déclarations suffisantes en première et seconde instance.
-
552. S’agissant de la procédure judiciaire en instance, le comité note que le gouvernement indique que la Haute Cour de Séoul a annulé le jugement du tribunal administratif le 24 mai 2012, estimant que les déclarations de M. Park et de M. Catuira ne suffisaient pas à elles seules à légitimer l’affirmation selon laquelle, à la conclusion du contrat d’emploi avec M. Catuira, le 5 mars 2010, la société de M. Park était en activité et a fermé plus tard en mai 2010 et que, sur la foi de la déposition de plusieurs témoins et d’éléments de preuve, il était difficile de croire que la société «Dream» était effectivement opérationnelle et que M. Catuira y travaillait; la cour d’appel a alors établi que M. Catuira n’a signé un contrat que pour maintenir la validité de son visa et continuer de travailler comme président du MTU, et a statué en conséquence que la révocation de son permis de séjour était légitime parce qu’il avait obtenu la permission «de manière fallacieuse ou illégale» aux termes de l’article 89(1) no 2 de la loi sur le contrôle de l’immigration. Monsieur Catuira a fait appel de ce jugement auprès de la Cour suprême où le cas est actuellement en instance. De l’avis du gouvernement, les mesures prises à l’endroit de M. Catuira sont toutes conformes aux lois pertinentes. Il assure que les deux arrêts de la Cour suprême seront communiqués au comité dès qu’ils seront rendus.
-
553. D’une manière générale, le comité rappelle, comme il l’a déjà fait lors de l’examen antérieur du cas [voir 362e rapport, paragr. 595], que l’article 2 de la convention no 87 entend consacrer le principe de non-discrimination en matière syndicale, et la formule «sans distinction d’aucune sorte» contenue dans cet article signifie que la liberté syndicale est reconnue sans discrimination d’aucune sorte tenant à l’occupation, au sexe, à la couleur, à la race, aux croyances, à la nationalité, aux opinions politiques, etc. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 209.] Le comité a interprété ce droit comme étant applicable, incluant le droit syndical des travailleurs migrants en situation irrégulière. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 214.]
-
554. Le comité rappelle que les nouvelles allégations et informations précitées dans le présent cas surviennent alors que, dans un climat allégué de discrimination généralisée, animé par la volonté de cantonner les travailleurs migrants dans le rôle d’une main-d’œuvre sous payée et facile à exploiter, le gouvernement a refusé d’enregistrer le Syndicat des travailleurs migrants (MTU) et s’est livré à une répression ciblée contre ce syndicat en procédant successivement à l’arrestation de ses présidents Anwar Hossain, Kajiman Khapung et Toran Limbu, de ses vice-présidents Raj Kumar Gurung (Raju) et Abdus Sabur, et de son secrétaire général Abul Basher Moniruzzaman (Masum), puis à l’expulsion de la plupart d’entre eux. [Voir 358e rapport, paragr. 455.] Le comité rappelle également que, lors de l’examen antérieur du cas, il a réaffirmé que les mesures d’expulsion de dirigeants syndicaux lorsque des recours judiciaires sont en cours peuvent comporter un risque de grave ingérence dans les activités syndicales. [Voir 362e rapport, paragr. 594.]
-
555. A cet égard, le comité note avec préoccupation que, du fait du refus du Service de l’immigration de renouveler son permis de séjour malgré le jugement du tribunal administratif, et par suite de sa demande de visa ultérieure, M. Catuira s’est vu accorder un visa G-1 valide jusqu’au 7 mai 2012, s’est vu assurer par les agents de l’immigration que ce visa permettait de faire l’aller retour au départ de la République de Corée, a obtenu l’autorisation de quitter la République de Corée sur la base du visa G-1 en février 2012, mais s’est vu refuser l’entrée le 30 avril 2012 pour être ensuite déporté bien qu’il soit en possession de ce visa. Tout en notant que la Haute Cour de Séoul a annulé le jugement rendu en première instance, estimant que la révocation de son permis de séjour était légitime parce qu’il l’avait obtenu en fournissant de fausses informations, le comité ne peut que regretter profondément que le gouvernement ait eu recours à ces mesures près d’un mois avant le prononcé du jugement de la cour d’appel, le 24 mai 2012. A cet égard, le comité se dit préoccupé en particulier de la raison avancée par le gouvernement pour justifier les mesures prises, c’est-à-dire la présentation antérieure par M. Catuira d’une demande de permis de séjour censée contenir de fausses informations (qui constitue, de l’avis du gouvernement, un acte préjudiciable à l’ordre économique ou social aux termes de l’article 11 de la loi sur le contrôle de l’immigration), ce qui est précisément l’allégation contre M. Catuira qu’a rejetée le tribunal administratif et qui était encore à l’étude à la Haute Cour de Séoul lors de la procédure d’appel alors en cours. Dans ces conditions, le comité doit prier à nouveau instamment le gouvernement de s’abstenir de toute mesure pouvant constituer une grave ingérence dans les activités syndicales et entraîner l’arrestation ou l’expulsion de dirigeants syndicaux pour des motifs liés à leur élection à des fonctions syndicales.
-
556. Constatant que le cas de M. Catuira est actuellement devant la Cour suprême, le comité s’attend à ce que la procédure judiciaire engagée aboutisse rapidement et demande au gouvernement de communiquer le jugement dès qu’il sera rendu. En particulier, le comité considère nécessaire que la Cour suprême se prononce expressément sur la question de savoir si les mesures d’expulsion de M. Catuira – tant en février 2011 qu’en avril 2012 – ont été prises en raison de ses activités syndicales et fonctions syndicales légitimes. A cet égard, le comité estime que la situation actuelle illustre de façon éloquente combien il est important, après plus de cinq ans maintenant, que la Cour suprême se prononce sur le statut du MTU, de manière à faire en sorte que ses futurs dirigeants soient protégés comme il convient.
-
557. Le comité s’attend fermement à ce que ce jugement soit rendu sans délai supplémentaire et prie à nouveau le gouvernement de veiller à ce que les conclusions du comité, en particulier celles ayant trait aux droits syndicaux des travailleurs migrants, soient portées à l’attention de la Cour suprême et de lui fournir une copie de l’arrêt de cette cour concernant le statut du MTU dès qu’il aura été rendu. Le comité s’attend fermement à ce que le gouvernement procède sans délai à l’enregistrement du MTU et fournisse tous les renseignements utiles sur ce point. Notant qu’une plainte a été déposée auprès de la CNDH par des défenseurs des droits des migrants le 1er mai 2012, le comité demande par ailleurs au gouvernement et à l’organisation plaignante de le tenir informé de tout fait nouveau en la matière et de lui communiquer toute autre information se rapportant au présent cas.
-
558. Enfin, le comité prie de nouveau le gouvernement d’entreprendre un examen approfondi de la situation quant au statut des travailleurs migrants, en pleine consultation avec les partenaires sociaux concernés, de façon à garantir et protéger pleinement les droits fondamentaux à la liberté syndicale et à la négociation collective de tous les travailleurs migrants, qu’ils soient en situation régulière ou non, et ce en conformité avec les principes de la liberté syndicale, ainsi qu’à privilégier le dialogue avec les partenaires sociaux concernés afin de trouver des solutions négociées aux difficultés auxquelles ces travailleurs sont confrontés. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des progrès réalisés à cet égard.
Recommandations du comité
Recommandations du comité
-
559. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de s’abstenir de toute mesure pouvant constituer une grave ingérence dans les activités syndicales et entraîner l’arrestation ou l’expulsion de dirigeants syndicaux pour des motifs liés à leur élection à des fonctions syndicales.
- b) Le comité s’attend à ce que les délibérations de la Cour suprême relatives au cas de M. Catuira aboutissent rapidement et demande au gouvernement de lui communiquer le jugement dès qu’il sera rendu. En particulier, le comité considère nécessaire que la Cour suprême se prononce expressément sur la question de savoir si les mesures d’expulsion de M. Catuira – tant en février 2011 qu’en avril 2012 – ont été prises en raison de ses activités syndicales et fonctions syndicales légitimes. Notant par ailleurs qu’une plainte a été déposée en la matière auprès de la CNDH par des défenseurs des droits des migrants le 1er mai 2012, le comité demande au gouvernement et à l’organisation plaignante de le tenir informé de tout fait nouveau en la matière et de lui communiquer toute autre information se rapportant au présent cas.
- c) Le comité s’attend fermement à ce que le gouvernement procède sans délai à l’enregistrement du MTU et fournisse tous les renseignements utiles sur ce point.
- d) Le comité s’attend fermement à ce que le jugement concernant le statut du MTU soit rendu sans délai supplémentaire et prie à nouveau le gouvernement de veiller à ce que les conclusions du comité, en particulier celles ayant trait aux droits syndicaux des travailleurs migrants, soient portées à l’attention de la Cour suprême et de lui fournir une copie de l’arrêt de cette cour concernant le statut du MTU dès qu’il aura été rendu.
- e) Le comité prie de nouveau le gouvernement d’entreprendre un examen approfondi de la situation quant au statut des travailleurs migrants, en pleine consultation avec les partenaires sociaux concernés, de façon à garantir et protéger pleinement les droits fondamentaux à la liberté syndicale et à la négociation collective de tous les travailleurs migrants, qu’ils soient en situation régulière ou non, et ce en conformité avec les principes de la liberté syndicale, ainsi qu’à privilégier le dialogue avec les partenaires sociaux concernés afin de trouver des solutions négociées aux difficultés auxquelles ces travailleurs sont confrontés. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des progrès réalisés à cet égard.