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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 368, Juin 2013

Cas no 2933 (Colombie) - Date de la plainte: 06-MARS -12 - Clos

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent des pratiques et des licenciements antisyndicaux dans l’Entreprise des télécommunications de Bogota S.A. E.S.P.

  1. 262. La plainte figure dans une communication en date du 6 mars 2012 présentée par le Syndicat des travailleurs de l’Entreprise des téléphones de Bogota (SINTRATELEFONOS) et appuyée par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT). Le SINTRATELEFONOS a présenté des informations supplémentaires par une communication en date du 8 juillet 2012.
  2. 263. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication de décembre 2012.
  3. 264. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 265. Les organisations plaignantes allèguent qu’à partir de 2008 l’Entreprise des télécommunications de Bogota S.A. E.S.P. a entamé un processus de capitalisation de l’entreprise, par le biais d’un lien avec un partenaire stratégique, afin d’ouvrir la voie à la privatisation de cette entreprise publique. Le comité directeur du SINTRATELEFONOS a exprimé un rejet total de ce processus en organisant des défilés et des manifestations. Les organisations plaignantes affirment qu’en manière de représailles et d’intimidation l’entreprise s’est mise à licencier, entre le 6 octobre 2008 et le 30 mai 2011, sans motif légitime et avec indemnisation, 27 travailleurs affiliés au syndicat et dont les noms figurent ci-après: Danilo Henrique Hernández R., Hernando Canencio Benavides, Adel Fabian Ruales Alvear, Óscar Aldana Mejía, Luz Nidia Regalado González, Waldemiro Padilla Madrid, Jorge Eliecer Solorzano Morales, Julio Ediberto Pérez Yañez, Álvaro Henry Jimenez Vasquez, Norma Constanza Villanueva S., Héctor Mauricio Mantilla Alba, Mauricio Puerto Rangel, Sandra Yaneth Castelblanco C., Martha Sulay Valcarcel M., Arnulfo Alfredo Mejía Ortiz, Jhon Bairon Martínez Rodríguez, José Alonso Gualtera Silva, Raúl Enrique Camargo Susa, Adriana Marcela Acosta, Mauricio Arturo Suárez León, Luis Orlando Guevara Ruiz, Yamel Antonio Santana Millán, Dolly Chávez Quiroz, Nirza Pantevis, Isabel González Serrano, José Andres Moreu Pineda, Ylbey Mora Morales.
  2. 266. Les organisations plaignantes indiquent que le SINTRATELEFONOS a introduit une série de recours en protection à l’encontre de l’entreprise pour obtenir la réintégration des travailleurs licenciés, alléguant la nature antisyndicale du comportement de l’entreprise. Le dix-huitième juge au pénal du circuit de Bogota a ordonné en deuxième instance la réintégration de 15 travailleurs licenciés par une décision rendue le 12 février 2010. Dans une autre décision, cette fois en première instance, le tribunal pénal municipal no 36 de Bogota a ordonné, aux termes d’une décision qu’il a rendue le 26 mai 2010, la réintégration de trois autres travailleurs.
  3. 267. Les organisations plaignantes indiquent que la décision du dix-huitième juge au pénal du circuit de Bogota a été révoquée par la Cour constitutionnelle dans son jugement T-660 de 2010 au motif que, dans ce cas, le mécanisme du recours en protection ne s’appliquait pas. Elles ajoutent que la décision du tribunal pénal municipal de Bogota no 36 a été partiellement révoquée en deuxième instance par une décision du 12 juillet 2010 du tribunal pénal no 50 du circuit. Ces deux jugements ont entraîné un nouveau renvoi des travailleurs qui avaient été réintégrés. Treize travailleurs, dont plusieurs sont concernés par la révocation des décisions relatives au recours en protection, ont entamé une action ordinaire auprès des juges du travail de la ville de Bogota, afin d’obtenir leur réintégration.
  4. 268. Les organisations plaignantes dénoncent aussi le fait qu’à la suite de ces licenciements le syndicat enregistre constamment des démissions, dues à la crainte de représailles de l’employeur. En outre, la mise en pratique de mécanismes de départs volontaires affaiblirait l’organisation syndicale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 269. Par une communication de décembre 2012, le gouvernement communique la réponse de l’Entreprise des télécommunications de Bogota (ETB) concernant les allégations de l’organisation plaignante. Cette entreprise estime que l’organisation plaignante n’a pas prouvé qu’il y ait eu des actes de discrimination antisyndicale, ou des licenciements répétés et systématiques, non plus qu’elle n’a prouvé que l’entreprise a porté atteinte à la capacité d’expression, de manifestation et de lutte de l’organisation syndicale. L’entreprise ajoute que la rupture d’un contrat sans motif légitime assortie du versement de l’indemnité légale ou conventionnelle prévue est une option juridique qui s’offre à l’entreprise lorsqu’il existe des critères d’objectivité raisonnables. Elle souligne que les 27 licenciements mentionnés par l’organisation plaignante se sont produits sur une durée de deux ans et demi alors que le personnel de l’entreprise comptait plus de 3 000 travailleurs en 2009 et en 2010 et 2 702 en mai 2011, dont 2 304 étaient bénéficiaires de la convention collective. L’entreprise affirme que ces chiffres démontrent que les 27 licenciements n’ont été en aucun cas l’expression d’une politique antisyndicale de sa part. Elle indique en outre que le juge constitutionnel s’est déjà prononcé et qu’il n’a pas jugé qu’il y ait eu atteinte au droit d’association syndicale. Elle indique enfin que le plan de départs volontaires proposé par l’entreprise en 2010 est valable légalement, que plus de 700 travailleurs y ont souscrit volontairement et qu’il n’a donné lieu à aucune discrimination fondée sur l’affiliation syndicale.
  2. 270. Dans cette même communication, le gouvernement de la Colombie fait référence aux éléments développés par l’entreprise et estime que les faits allégués ne constituent pas des actes de discrimination antisyndicale. Le gouvernement réitère que la Cour constitutionnelle, dans son jugement T-660 de 2010, a déterminé que l’entreprise n’avait pas eu recours à des pratiques antisyndicales et estimé que le fait de mettre fin à un contrat de travail ne constituait pas, en soi, une violation du droit d’association.
  3. 271. Le gouvernement indique en outre que les faits mentionnés dans la plainte ont donné lieu à une autre plainte déposée auprès de l’inspection du travail le 9 mai 2011, qui n’a pas encore rendu sa décision. Il indique enfin que, dans le but de rapprocher les parties et de dégager un consensus sur les allégations présentées, la Commission spéciale de traitement des conflits déférés à l’OIT (CETCOIT) a traité de ce cas lors de sa réunion du 30 novembre 2012, ce qui a permis la conclusion d’un accord partiel.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 272. Le comité observe que le présent cas fait référence à des allégations relatives au licenciement de 27 travailleurs syndiqués de l’entreprise ETB, dans un contexte de changement de la capitalisation de l’entreprise qui faisait l’objet des critiques de l’organisation syndicale.
  2. 273. Le comité note les observations du gouvernement et celles de l’entreprise qui concordent et indiquent que:
    • – l’entreprise n’a fait qu’exercer son autorité légale de licenciement sans motif légitime assorti du versement d’une indemnisation légale;
    • – les 27 licenciements, qui ont été menés à bien dans un délai de deux ans et demi dans une entreprise comptant plus de 3 000 travailleurs, dont plus de 2 000 étaient syndiqués, ne constituaient pas l’expression d’une politique antisyndicale de la part de l’entreprise;
    • – la Cour constitutionnelle a estimé que les faits allégués par le syndicat ne constituaient pas une atteinte à la liberté syndicale.
  3. 274. Le comité rappelle qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur la question de la rupture du contrat de travail par congédiement, sauf dans le cas où le régime de congédiement implique une discrimination antisyndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 779.] A cet égard, le comité observe que, dans le cadre de la présente plainte, les organisations plaignantes allèguent que le licenciement de 27 travailleurs syndiqués par l’entreprise entre le 6 octobre 2008 et le 30 mai 2011 constituait une mesure de représailles motivée par la campagne menée à bien par le SINTRATELEFONOS à l’encontre du processus de capitalisation de l’entreprise.
  4. 275. Le comité observe que le syndicat a présenté divers recours en protection pour violation de la liberté syndicale, que le dix-huitième juge au pénal du circuit de Bogota a ordonné en deuxième instance la réintégration de 15 travailleurs licenciés par une décision rendue le 12 février 2010 aux termes de laquelle il a estimé que les licenciements répondaient à une persécution antisyndicale évidente visant à encourager les travailleurs à démissionner du syndicat; le comité note qu’un autre jugement, cette fois en première instance, rendu par le tribunal pénal municipal no 36 de Bogota, a ordonné, aux termes d’une décision rendue le 26 mai 2010, la réintégration de trois autres travailleurs.
  5. 276. Le comité observe également que la décision du dix-huitième juge au pénal du circuit de Bogota a été révoquée par la Cour constitutionnelle par la sentence T-660 de 2010 selon laquelle le mécanisme de recours en protection ne s’appliquait pas dans ce cas, et que la décision du tribunal pénal municipal no 36 de Bogota a été partiellement révoquée en deuxième instance par une décision rendue le 12 juillet 2010 par le tribunal pénal no 50 du circuit, et que ces deux jugements ont entraîné un nouveau renvoi des travailleurs qui avaient été réintégrés au motif d’un licenciement antisyndical.
  6. 277. Le comité observe que, dans la sentence à laquelle il est fait référence, la Cour constitutionnelle a rappelé sa jurisprudence selon laquelle, lorsqu’il existe un doute raisonnable quant à la nature antisyndicale d’un licenciement, l’employeur doit faire la preuve des motifs objectifs sur lesquels se fonde la rupture du contrat de travail; cependant, elle a estimé que, dans ce cas particulier, il n’existait pas suffisamment d’éléments pour soulever un doute raisonnable quant à l’existence d’une éventuelle persécution antisyndicale. Le comité constate que la Cour a pris en considération, entre autres, les faits suivants: la relation entre le nombre des licenciements qui ont fait l’objet du recours en protection, le nombre total des membres du syndicat (plus de 2 000) et le laps de temps pendant lequel se sont produits ces licenciements; le fait que, pendant la période considérée, les licenciements aient concerné tant des travailleurs membres du syndicat que des travailleurs qui ne l’étaient pas; l’absence d’éléments indiquant que les travailleurs affiliés qui ont été licenciés étaient des dirigeants ou des militants; l’absence d’éléments démontrant avec certitude l’impact que les licenciements auraient eu sur les autres travailleurs syndiqués.
  7. 278. Le comité constate qu’en déclarant le recours en protection irrecevable compte tenu du manque d’éléments de preuve la Cour constitutionnelle a estimé qu’il revenait au juge ordinaire de déterminer, après avoir évalué les éléments de preuve, s’il existe véritablement dans ce cas une atteinte à la liberté syndicale. Constatant que l’organisation plaignante fait savoir que divers travailleurs ont entamé des poursuites judiciaires ordinaires auprès des juges du travail pour obtenir leur réintégration, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de ces poursuites. Le comité prie également le gouvernement de le tenir informé de la décision que rendra l’inspection du travail en ce qui concerne la plainte dont elle est saisie concernant ce cas.
  8. 279. Enfin, le comité note que le gouvernement fait savoir que la CETCOIT a traité de cette affaire lors de sa réunion du 30 novembre 2012, qui s’est conclue par un accord partiel. Le comité rappelle que la CETCOIT est un organe tripartite national de résolution des conflits en matière de liberté syndicale et de négociation collective. Le mécanisme de la CETCOIT est de caractère volontaire et permet d’examiner des plaintes en instance devant le Comité de la liberté syndicale ainsi que des conflits n’ayant pas encore été soumis à l’OIT. Il a pour but de faciliter la conclusion d’accords entre les parties, basés, entre autres, sur les conventions de l’OIT en matière de liberté syndicale et de négociation collective et sur les principes du comité. Le comité observe que le texte de l’accord signé au sein de la CETCOIT le 30 novembre 2012 indique que le point sur lequel porte cet accord fait référence à une autre question qui ne figurait pas dans le cas no 2933. Le procès-verbal mentionne en outre que, si les parties à l’avenir concluent un accord semblable concernant la plainte qui fait l’objet du cas no 2933, cette plainte sera retirée. Le comité accueille favorablement le processus visant à résoudre ces questions au niveau national à travers le dialogue entre les partenaires sociaux et prie l’organisation plaignante et le gouvernement de le tenir informé des accords éventuels qui pourraient être conclus auprès de la CETCOIT concernant le présent cas.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 280. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des résultats des actions judiciaires en réintégration qui ont été entamées auprès des tribunaux du travail par divers travailleurs de l’entreprise ainsi que de la décision qui sera rendue par l’inspection du travail à propos de la plainte dont elle est saisie concernant ce cas.
    • b) Accueillant favorablement le processus visant à résoudre ces questions au niveau national à travers le dialogue entre les partenaires sociaux, le comité prie l’organisation plaignante et le gouvernement de le tenir informé des accords éventuels qui pourraient être conclus auprès de la CETCOIT concernant le présent cas.
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