Allégations: L’organisation plaignante dénonce le déni des droits syndicaux dans le secteur public, notamment dans le secteur de l’éducation
- 465. La plainte figure dans une communication de la Ligue des professeurs de l’enseignement secondaire public du Liban (LPESPL) en date du 5 juin 2012. L’Internationale de l’éducation s’est associée à la plainte le 6 mars 2013.
- 466. Le gouvernement a répondu à ces allégations dans une communication en date du 11 octobre 2012.
- 467. Le Liban n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 468. Dans une communication en date du 5 juin 2012, l’organisation plaignante allègue le déni des droits syndicaux dans le secteur public, notamment dans le secteur de l’éducation. Elle dénonce la violation par le gouvernement des normes internationales du travail, notamment de la convention no 87 en ce qui concerne le droit accordé aux employés du secteur public, tels les fonctionnaires, les professeurs et les enseignants, toutes catégories confondues, de constituer des syndicats indépendants, de transformer leurs associations actuelles en syndicats indépendants et d’entamer des négociations sur leurs conditions de travail et la défense de leurs intérêts légitimes.
- 469. L’organisation plaignante indique que les difficultés socio-économiques croissantes auxquelles sont confrontés les travailleurs et les employés au Liban, le fait que le gouvernement insiste sur l’exclusion d’une importante catégorie de travailleurs salariés (les fonctionnaires, notamment les enseignants) de la protection syndicale et les restrictions légales permanentes imposées à d’autres catégories (travailleurs du secteur privé ainsi que travailleurs exclus du champ d’application du Code du travail) ont conduit à une sérieuse distorsion de la représentativité et de la structure du mouvement syndical libanais ainsi que de sa capacité à défendre les intérêts des travailleurs et des employés du secteur public au Liban. Cela a eu pour effet d’affaiblir considérablement la capacité du mouvement syndical d’engager, en tant que partenaire social, un dialogue social efficace et constructif et de parvenir à ses fins, à savoir renforcer et défendre les intérêts de ses membres.
- 470. Eu égard à l’importance tenue par la législation dans la consécration des droits définis dans les pactes et conventions internationaux relatifs aux droits de l’homme (et parmi eux les normes internationales du travail), et compte tenu du fait que la législation libanaise régissant les relations de travail dans le secteur public et le secteur privé enfreint sous maints rapports les normes internationales du travail, que le Liban fait partie des Etats Membres qui ont approuvé la Constitution et les principes de l’OIT et que l’objet de la plainte relève de la compétence de l’OIT, l’organisation plaignante déclare qu’elle dépose plainte auprès du comité et qu’elle demande à l’OIT d’intervenir activement auprès du gouvernement pour que ce dernier mette fin à ces violations et parvienne à une application pleine et entière des principes et droits fondamentaux au travail.
- 471. L’organisation plaignante indique que la Constitution libanaise contient un préambule qui a été ajouté par la loi constitutionnelle no 18 du 21 septembre 1991. Dans la section C du préambule, il est déclaré que «Le Liban est une République démocratique, parlementaire, fondée sur le respect des libertés publiques et en premier lieu la liberté d’opinion et de conscience, sur la justice sociale et l’égalité dans les droits et obligations entre tous les citoyens sans distinction ni préférence». Ce principe fondateur met en exergue le caractère démocratique du système libanais, lequel implique de garantir aux citoyens la possibilité de jouir des droits liés à ce système, notamment ceux explicitement «garantis dans les limites fixées par la loi» par la Constitution, à savoir notamment le droit à la liberté d’expression écrite et orale, le droit d’association et le droit de constituer des associations.
- 472. L’organisation plaignante ajoute que la loi sur les associations a été adoptée en 1909 sous l’administration ottomane, avant la promulgation de la Constitution libanaise en 1926, et qu’elle est aujourd’hui toujours en vigueur au Liban. Bien qu’elle ait été adoptée il y a un siècle, cette loi est encore considérée comme une des lois les plus démocratiques permettant d’exercer l’une des libertés les plus fondamentales sans aucune restriction, si ce n’est celles qu’imposent le respect des principes sociaux les plus élevés et celui des exigences liées à la sécurité nationale, au maintien de l’ordre et à la moralité publique. L’article 2 de cette loi dispose que la constitution d’une association n’est pas soumise à une autorisation préalable et qu’il est suffisant de déposer la déclaration de constitution et ses annexes auprès de l’administration pour obtenir de cette dernière une attestation certifiant qu’elle est informée de l’existence de l’association en question et qu’elle en a pris note. Après de longues discussions sur la manière de mettre en œuvre ce mécanisme pourtant simple, le Conseil d’Etat a réglé la question dans le cadre d’une décision initiale confirmant la liberté de constituer des associations conformément à ce qu’énoncent les statuts de ces dernières. Le gouvernement s’est engagé dans cette voie et l’a entérinée dans une de ses déclarations ministérielles.
- 473. L’organisation plaignante ajoute que le Code du travail accorde aux employeurs, d’une part, et aux travailleurs, d’autre part, le droit de constituer un syndicat dans chaque catégorie de professions, indique les fins que doivent poursuivre les syndicats, interdit à ces derniers «toute activité politique et toute participation à toute réunion ou manifestation à caractère politique» et définit les modalités de leur formation et de leur administration ainsi que celles relatives à l’adhésion de leurs membres (art. 83 à 106).
- 474. En ce qui concerne le Code des fonctionnaires (décret législatif no 112/1959), celui-ci interdit explicitement aux fonctionnaires d’adhérer à des syndicats et organisations professionnels (art. 15(2)), de faire grève ou d’inciter à la grève (art. 15(3)) et de présenter des requêtes collectives concernant leur travail ou de participer à leur élaboration pour quelque raison que ce soit (art. 15(9)). Selon l’organisation plaignante, il s’agit là d’une violation flagrante de la convention no 87. Bien que le Code des fonctionnaires ait été considérablement modifié par la loi no 144 du 6 mai 1992, laquelle élargit les droits politiques des fonctionnaires, celui-ci n’a fait l’objet d’aucune modification ayant pour effet d’accorder des droits syndicaux à ces derniers.
- 475. L’organisation plaignante renvoie également aux instruments suivants pour appuyer sa plainte:
- i) la Constitution libanaise telle qu’amendée qui dispose que Le Liban «est membre fondateur et actif de l’Organisation des Nations Unies, engagé par ses pactes et par la Déclaration universelle des droits de l’homme» et que «L’Etat concrétise ces principes dans tous les champs et domaines sans exception» (préambule, section B). Elle énonce également que «Tous les Libanais sont égaux devant la loi, jouissent également des droits civils et politiques et sont également assujettis aux charges et devoirs publics, sans distinction aucune» (art. 7) et que «la liberté d’exprimer sa pensée par la parole ou par la plume, la liberté de la presse, la liberté de réunion et la liberté d’association sont garanties dans les limites fixées par la loi» (art. 13);
- ii) la Déclaration universelle des droits de l’homme qui consacre les droits et libertés de la personne, y compris le droit de fonder des syndicats et de s’affilier à des syndicats (art. 23(4));
- iii) le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le Liban en 1972, qui comporte des dispositions analogues dans son article 22 et énonce que l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d’autrui;
- iv) le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, également ratifié par le Liban en 1972, qui garantit pareillement le droit de former des syndicats et de s’affilier à des syndicats en vue de favoriser ses intérêts économiques et sociaux ainsi que le droit de grève, conformément aux lois de chaque pays (art. 8);
- v) la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail de 1998, selon laquelle l’ensemble des Membres, même lorsqu’ils n’ont pas ratifié les conventions fondamentales, ont l’obligation, du seul fait de leur appartenance à l’Organisation, de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à la Constitution, les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l’objet desdites conventions, à savoir, notamment, la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective;
- vi) la convention de l’OIT (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, qui confère aux fonctionnaires une indépendance totale par rapport aux autorités; et
- vii) la convention de l’OIT (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui lie chaque Etat Membre, dont le Liban, du fait de la Déclaration de 1998 qui consacre le principe de non-discrimination et le droit de constituer des syndicats sans autorisation préalable.
- 476. Selon l’organisation plaignante, le fait que le gouvernement insiste à ne pas amender le Code des fonctionnaires et le Code du travail, notamment les articles relatifs aux syndicats, conformément aux normes internationales du travail, constitue une violation flagrante des droits syndicaux dans la mesure où la loi sur les associations de 1909 a levé les restrictions antérieures limitant la constitution d’associations. D’après l’organisation plaignante, le Liban a refusé de ratifier la convention no 87 parce qu’elle concède aux travailleurs le droit de créer des syndicats sans distinction d’aucune sorte et sans autorisation préalable du ministre du Travail. L’organisation plaignante allègue que la pratique de l’autorisation préalable a conduit à une délivrance arbitraire des autorisations et s’est traduite par l’afflux au sein du mouvement syndical de pseudo-syndicats liés aux autorités. Les conséquences de cette situation, par ailleurs confirmées par les rapports de la commission d’experts, sont apparues pleinement lors de la négociation sur le réajustement des salaires et la fixation des salaires minima. La catégorie de fonctionnaires la plus importante et la plus concernée par ces négociations n’y était pas représentée alors que ses conditions de travail ont besoin d’être améliorées et qu’elle a justement besoin de se faire entendre à cet égard.
- 477. L’organisation plaignante estime qu’autoriser les syndicats dans le secteur privé et dans le secteur public permettrait de renforcer la stabilité sociale et contribuerait à promouvoir la justice sociale dans la mesure où le syndicalisme est lié aux libertés civiles et très étroitement à la notion de société civile. Au vu des raisons constitutionnelles, juridiques, historiques, logiques et factuelles exposées ci-dessus, et afin de mettre un terme à l’injustice dont les fonctionnaires sont victimes au Liban et de respecter le principe d’égalité entre tous les citoyens, l’organisation plaignante prie l’OIT de transmettre sa plainte au comité et de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que le gouvernement respecte les conventions internationales du travail, notamment les conventions nos 87 et 98, crée les conditions nécessaires à la participation des véritables représentants des travailleurs libanais dans le comité tripartite et annule toutes les décisions résultant des violations des conventions ratifiées.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 478. Dans une communication en date du 11 octobre 2012, le gouvernement prend connaissance de la plainte introduite par la LPESPL relative à la «violation des normes internationales du travail par le gouvernement du Liban, notamment la convention no 87, en ce qui concerne le droit accordé aux employés du secteur public, tels les fonctionnaires, les professeurs et les enseignants, toutes catégories confondues, de constituer des syndicats indépendants, de transformer leurs associations actuelles en syndicats indépendants et d’entamer des négociations sur leur conditions de travail et la défense de leurs intérêts légitimes».
- 479. Le gouvernement réaffirme son respect des normes internationales du travail, respect illustré par la ratification par le Liban de 50 conventions internationales du travail dont sept des huit conventions fondamentales. La huitième convention fondamentale est la convention no 87 au sujet de laquelle un projet de loi a été adopté en vue de permettre au gouvernement de la ratifier.
- 480. Le gouvernement déclare que cette plainte, quant au fond, ne correspond pas à la réalité des faits et que, si la LPESPL avait pris connaissance des lois et décrets publiés, elle aurait constaté que les partenaires tripartites sont bien représentés dans les conseils et comités concernés. Les exemples ne manquent pas sur la participation des représentants de travailleurs et d’employeurs, que ce soit dans les conseils d’arbitrage du travail (justice du travail), le Comité d’arbitrage statuant sur les conflits collectifs du travail, la Commission sur l’indice du coût de la vie ou dans beaucoup d’autres commissions ou comités de nature tripartite.
- 481. D’après le gouvernement, la plainte en question démontre également que la LPESPL n’a pas pris connaissance du projet de loi visant à permettre au gouvernement de ratifier la convention no 87. A cet égard, le gouvernement joint à sa réponse une copie de la correspondance échangée à ce sujet, le projet de loi autorisant le gouvernement à ratifier la convention no 87 et sa raison d’être, ainsi que l’arrêté du Conseil des ministres no 81 du 12 juin 2012 portant approbation du projet de loi et d’un projet de décret concernant sa présentation au Parlement.
- 482. Le gouvernement conclut que les arguments avancés par la LPESPL dans la plainte concernant le texte de la Constitution et des lois nationales relatives aux droits et libertés montrent uniquement que le Liban demeure un pays qui respecte la liberté syndicale et garantit le libre exercice des droits syndicaux, ce dont témoigne par ailleurs la pratique des associations de fonctionnaires au sein de l’administration publique.
- 483. Le gouvernement prie donc le comité de classer la plainte pour non-conformité à la réalité, laquelle est évidente au vu des mesures législatives prises pour promouvoir les droits syndicaux au Liban.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 484. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante dénonce le déni des droits syndicaux dans le secteur public, notamment dans le secteur de l’éducation.
- 485. Le comité note que l’organisation plaignante allègue: i) le déni du droit des employés du secteur public, tels les fonctionnaires, les professeurs et les enseignants, toutes catégories confondues, de constituer des syndicats indépendants, de transformer leurs associations actuelles en syndicats indépendants et d’entamer des négociations sur leurs conditions de travail et la défense de leurs intérêts légitimes; ii) que l’exclusion d’importantes catégories de travailleurs salariés (par exemple les fonctionnaires, et notamment les enseignants) de la protection syndicale a conduit à une sérieuse distorsion de la représentativité et de la structure du mouvement syndical libanais et a diminué sa capacité à défendre les intérêts des travailleurs et des employés du secteur public au Liban; iii) qu’en violation du droit d’association consacré par la Constitution du Liban le Code des fonctionnaires interdit explicitement aux fonctionnaires d’adhérer à des syndicats et à des organisations professionnels (art. 15(2)), de faire grève ou d’inciter à la grève (art. 15(3)) et de présenter des requêtes collectives concernant le lieu de travail ou de participer à leur élaboration pour quelque raison que ce soit (art. 15(9)); iv) qu’en violation de la loi sur les associations, qui dispose qu’aucune autorisation n’est nécessaire pour constituer une association, la constitution d’associations aux termes du Code du travail requiert l’autorisation préalable du ministère du Travail; v) que cette pratique a conduit à une délivrance arbitraire des autorisations et s’est traduite par l’afflux au sein du mouvement syndical de pseudo-syndicats liés aux autorités; et vi) que le Liban a refusé de ratifier la convention no 87 du fait que l’article 2 accorde aux travailleurs le droit de créer des syndicats sans distinction d’aucune sorte et sans autorisation préalable du ministre du Travail.
- 486. Le comité note les informations suivantes du gouvernement: i) les partenaires tripartites sont bien représentés dans les conseils et comités concernés, comme en témoigne la participation des travailleurs et des employeurs dans les conseils d’arbitrage (justice du travail), le Comité d’arbitrage statuant sur les conflits collectifs du travail, la Commission sur l’indice du coût de la vie et beaucoup d’autres commissions ou comités de nature tripartite; ii) le 12 juin 2012, le Conseil des ministres a décidé d’approuver le projet de loi autorisant le gouvernement à ratifier la convention no 87 et d’émettre le projet de décret relatif à sa présentation au Parlement; et iii) d’après le gouvernement, la plainte devrait être classée dans la mesure où elle ne correspond pas à la réalité, comme en témoignent les mesures législatives prises pour promouvoir les droits syndicaux au Liban et la pratique des associations de fonctionnaires au sein de l’administration publique.
- 487. Le comité observe qu’il a récemment examiné des allégations de même nature présentées par une autre organisation plaignante. [Voir 367e rapport, cas no 2952 (Liban), paragr. 863-880.] Tout en se félicitant des informations fournies par le gouvernement selon lesquelles le projet de loi autorisant le gouvernement à ratifier la convention no 87 (présentée par le ministère du Travail) a récemment été approuvé par le Conseil des ministres de même que le décret relatif à sa présentation au Parlement, le comité note que, conformément à la décision du Conseil des ministres pertinente, le projet de loi a été approuvé avec une réserve quant à l’article 2 de la convention no 87 (décision no 81 du 12 juin 2012). Le comité rappelle que, en raison de la nature tripartite du processus d’élaboration des conventions internationales du travail, toute limitation autre que celles expressément prévues dans la convention concernant les obligations (par exemple une réserve) rendra impossible l’enregistrement de l’instrument de ratification. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau concernant l’état d’avancement du processus de ratification.
- 488. En premier lieu, concernant le refus d’accorder des droits syndicaux aux employés du secteur public, notamment aux enseignants, le comité rappelle que les normes figurant dans la convention no 87 s’appliquent à tous les travailleurs «sans distinction d’aucune sorte», et qu’elles sont donc applicables aux fonctionnaires de l’Etat. Il a semblé en effet inéquitable d’établir une discrimination dans le domaine syndical entre les travailleurs du secteur privé et les agents de la fonction publique qui doivent, les uns comme les autres, être en mesure de s’organiser pour la défense de leurs intérêts. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 218.] En conséquence, le comité prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires afin de lever l’interdiction faite aux employés du secteur public, notamment aux enseignants, de constituer des organisations de leur choix et de s’affilier à ces organisations, et de leur permettre d’exercer pleinement leurs droits syndicaux. Il prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
- 489. En deuxième lieu, concernant la loi et la pratique relatives à l’obtention d’une autorisation préalable du ministère du Travail pour la constitution d’un syndicat, le comité rappelle que le principe de la liberté syndicale risquerait très souvent de rester lettre morte si les travailleurs et les employeurs devaient, pour pouvoir constituer une organisation, obtenir une autorisation quelconque. Il peut s’agir soit d’une autorisation visant directement la création de l’organisation syndicale elle-même, soit de la nécessité d’obtenir l’approbation discrétionnaire des statuts ou du règlement administratif, soit encore d’une autorisation dont l’obtention est nécessaire avant la création de cette organisation. Il n’en reste pas moins que les fondateurs d’un syndicat doivent observer les prescriptions de publicité et les autres dispositions analogues qui peuvent être en vigueur en vertu d’une législation déterminée. Toutefois, ces prescriptions ne doivent pas équivaloir en pratique à une autorisation préalable ni s’opposer à la création d’une organisation au point de constituer en fait une interdiction pure et simple. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 272.] Le comité prie donc instamment le gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour modifier les dispositions pertinentes du Code du travail concernant la constitution de syndicats afin de garantir le respect du principe selon lequel, en droit et dans la pratique, les travailleurs ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix et de s’affilier à ces organisations. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- 490. En troisième lieu, le comité exprime sa préoccupation quant à l’allégation selon laquelle la pratique précitée a conduit à la délivrance arbitraire d’autorisations et s’est traduite par l’afflux au sein du mouvement syndical de pseudo-syndicats liés aux autorités, et observe que le gouvernement n’a ni contesté cette allégation ni explicité sa position sur le sujet. Le comité doit rappeler qu’en défavorisant une organisation donnée par rapport aux autres un gouvernement pourra influencer le choix des travailleurs en ce qui concerne l’organisation à laquelle ils entendent appartenir. Un gouvernement qui agirait ainsi de manière délibérée enfreindrait de surcroît le principe contenu dans la convention no 87 selon lequel les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter les droits conférés par cet instrument ou à en entraver l’exercice légal, ainsi que, plus indirectement, le principe qui prévoit que la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la convention. Dans des cas précédents, le comité a souligné l’importance qu’il convient d’attribuer à la résolution de 1952 concernant l’indépendance du mouvement syndical et a instamment prié le gouvernement de s’abstenir de faire preuve de favoritisme ou, au contraire, de discrimination à l’égard d’un syndicat donné, et d’adopter une attitude neutre. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 340 et 341.] Le comité s’attend donc fermement à ce que le gouvernement maintienne une attitude de complète neutralité lorsqu’il traite avec toutes les organisations de travailleurs et garantisse l’impartialité du processus de reconnaissance et d’autorisation administrative de tous les syndicats.
- 491. En dernier lieu, le comité souligne l’importance d’aligner la législation et la pratique nationales sur les principes de la liberté syndicale ainsi que sur les dispositions de la convention no 87, eu égard à l’intention du gouvernement de ratifier cet instrument, et rappelle au gouvernement qu’il peut, s’il le souhaite, solliciter l’assistance technique du Bureau à cet égard.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 492. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau concernant l’état d’avancement du processus de ratification de la convention no 87.
- b) Pour ce qui est du refus d’accorder des droits syndicaux aux employés du secteur public, notamment aux enseignants, le comité prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires afin de lever l’interdiction faite aux employés du secteur public, notamment les enseignants, de constituer des organisations de leur choix et de s’affilier à ces organisations, et de leur permettre d’exercer pleinement leurs droits syndicaux. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
- c) Pour ce qui est des allégations relatives à la législation et à la pratique concernant la nécessaire obtention d’une autorisation préalable du ministère du Travail pour la constitution d’un syndicat, le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour amender les dispositions pertinentes du Code du travail concernant la constitution de syndicats afin de garantir le respect des principes énoncés dans ses conclusions. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- d) Exprimant sa préoccupation concernant l’allégation selon laquelle les autorisations sont arbitrairement délivrées aux syndicats et que cette pratique s’est traduite par un afflux au sein du mouvement syndical de pseudo-syndicats liés aux autorités, et observant que le gouvernement n’a ni contesté cette allégation ni explicité sa position sur le sujet, le comité s’attend fermement à ce que le gouvernement maintienne une attitude de complète neutralité lorsqu’il traite avec toutes les organisations de travailleurs et garantisse l’impartialité du processus de reconnaissance et d’autorisation administrative de tous les syndicats.
- e) Soulignant l’importance d’aligner la législation et la pratique nationales sur les principes de la liberté d’association ainsi que sur les dispositions de la convention no 87 eu égard à l’intention du gouvernement de ratifier cet instrument, le comité rappelle au gouvernement qu’il peut, s’il le souhaite, solliciter l’assistance technique du Bureau à cet égard.