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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 371, Mars 2014

Cas no 3033 (Pérou) - Date de la plainte: 06-MARS -13 - Clos

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Allégations: Déclaration par l’autorité administrative de l’illégalité d’une grève, licenciement de six dirigeants syndicaux et entrave de l’entreprise au paiement des cotisations syndicales de trois mois

  1. 744. La plainte figure dans une communication, en date du 6 mars 2013, du Syndicat unique des travailleurs de Casa Grande y Anexos (SUTCGA). L’organisation a adressé de nouvelles allégations dans une communication du 27 août 2013. La Centrale des travailleurs de la révolution péruvienne (CTRP) a appuyé la plainte par des communications en date des 25 avril et 7 mai 2013.
  2. 745. Le gouvernement a adressé ses observations dans des communications en date des 20 septembre et 27 novembre 2013.
  3. 746. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 747. Dans ses communications en date des 6 mars et 27 août 2013, le Syndicat unique des travailleurs de Casa Grande y Anexos (SUTCGA) indique que l’assemblée extraordinaire des délégués avait approuvé, le 9 janvier 2013, la tenue d’une grève le 23 janvier 2013. Toutes les conditions légales avaient été remplies (dont l’obligation d’en informer l’employeur et les autorités dans le délai de cinq jours prévu par la loi, c’est-à-dire avant le 16 janvier). L’objectif de la grève était de faire aboutir plusieurs revendications professionnelles et d’obtenir que l’entreprise cesse d’enfreindre la législation. Le 18 janvier, l’autorité administrative du travail a déclaré illégale la grève qui avait été notifiée, et souligné que la communication n’indiquait pas le nombre de travailleurs affiliés et que n’avaient été fournies ni la communication notifiant la grève à l’employeur ni la liste nominative des travailleurs commis aux services essentiels (l’organisation plaignante affirme cependant que l’entreprise n’avait pas communiqué au début de l’année, comme la loi l’y oblige, la liste des travailleurs chargés des fonctions indispensables en cas de grève). Finalement, le 28 janvier 2013, à la suite d’un recours intenté par le syndicat, l’autorité administrative a déclaré à nouveau injustifiée et illégale la grève du 23 janvier 2013.
  2. 748. L’organisation plaignante affirme par ailleurs que l’entreprise, le 3 mai 2013, a licencié arbitrairement six dirigeants syndicaux en raison de leurs activités syndicales en 2012-13, en particulier les grèves du 23 janvier et de mars 2013. L’organisation plaignante ajoute que ces six dirigeants syndicaux ont porté plainte contre l’entreprise devant le premier tribunal du travail d’Ascope et obtenu une mesure provisoire de réintégration dans leur poste de travail, mesure qui est encore en vigueur. Toutefois, son exécution avait été retardée de plus d’un mois.
  3. 749. Par ailleurs, selon l’organisation plaignante, l’entreprise n’a pas payé les cotisations syndicales de mai, juin et juillet 2013.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 750. Dans ses communications des 20 septembre et 27 novembre 2013, le gouvernement déclare que l’appel à la grève du 23 janvier 2013 que mentionne l’organisation plaignante a été lancé en pleine négociation collective (le gouvernement fournit une liste exhaustive de réunions de l’entreprise et du syndicat ainsi que les procès-verbaux qui ont été signés pendant la négociation). L’entreprise n’a pas pris de sanctions disciplinaires à l’encontre des travailleurs qui ont fait grève.
  2. 751. Par ailleurs, en ce qui concerne le prétendu licenciement de MM. Armengol Saucedo Castillo, Jorge Luis Gil Verde, Olegario Rodríguez Reaño, Mauro Lezcano Pajares, Víctor Rubio Olvida et Jaime Noriega Sánchez, le gouvernement souligne que, en leur qualité de dirigeants syndicaux, ils avaient convoqué et présidé le 5 mars 2013 l’assemblée extraordinaire des délégués syndicaux, comme il ressort du procès-verbal de l’assemblée dont l’ordre du jour spécifique était un «accord en vue de la déclaration d’une grève de 48 heures qui aurait lieu les 14 et 15 mars 2013 au motif que l’entreprise n’aurait pas respecté ses obligations professionnelles». L’accord a été approuvé à l’unanimité, étant entendu qu’il devait l’être aussi par la base, c’est-à-dire la majorité des travailleurs affiliés au syndicat. Ainsi, le 6 mars 2013 (le lendemain de l’assemblée extraordinaire), les ex-dirigeants ont présenté, à l’entreprise et à la Direction régionale du travail de La Liberté, le document portant communication d’une grève de 48 heures. La grève a eu lieu les 14 et 15 mars 2013. A cette fin, les ex-dirigeants avaient joint les documents suivants:
    • – liste des affiliés au syndicat;
    • – arrêté sous-directorial no 145 pris par la Direction régionale du travail qui indique que la composition du conseil de direction du syndicat a été communiquée;
    • – copie certifiée conforme du procès-verbal de l’assemblée extraordinaire des délégués;
    • – copie du procès-verbal du vote;
    • – procès-verbal de l’approbation de l’accord conclu lors de l’assemblée extraordinaire des délégués, et liste des travailleurs affiliés au Syndicat unique des travailleurs de Casa Grande y Anexos qui avaient souscrit à la décision prise par l’assemblée des délégués pour déclarer une grève de 48 heures, avec leurs noms, signatures et numéros de carte nationale d’identité respectifs;
    • – déclarations sous serment des membres du conseil de direction dans lesquelles ils affirment que la décision de déclarer la grève de 48 heures a été prise conformément aux conditions prévues par la loi et qui portent la mention suivante: «j’assumerai la responsabilité correspondante si je manque au devoir de vérité»;
    • – copie des procès-verbaux de contact direct entre le syndicat et l’entreprise; et
    • – copie des frais de la demande soumise à la Direction régionale du travail pour obtenir de l’entreprise des informations sur la communication relative aux services essentiels.
  3. 752. Après examen de ces documents, le rapport no 003-2013-SRH a été établi en faisant état d’irrégularités: la liste des travailleurs affiliés au syndicat qui auraient souscrit à la décision prise par l’assemblée des délégués en vue de la déclaration d’une grève de 48 heures, liste qui mentionne leurs noms, signatures et numéros de carte nationale d’identité, contenait des informations erronées:
    • – les travailleurs Constante Sagástegui Álvarez, Walter Correa Quiroz et Erasmo Wilmar Obando Sevillano, qui étaient certes affiliés au syndicat, ont déclaré néanmoins ne pas avoir signé en mars 2013 un document portant approbation de la grève des 14 et 15 mars 2013;
    • – à la date de la prétendue signature du document (le 6 mars 2013), plusieurs personnes dont les signatures apparaissaient dans la liste susmentionnée n’avaient pas de relation de travail avec l’entreprise puisqu’elles avaient été licenciées; et
    • – la liste contenait la signature de M. Carlos Alberto Llanos Salazar qui, malheureusement, ne travaillait plus puisqu’il était décédé le 18 juillet 2012.
  4. 753. Par conséquent, les ex-dirigeants syndicaux n’ont pas été licenciés pour des motifs antisyndicaux mais à cause de fautes graves: non-accomplissement d’obligations professionnelles, d’où une rupture de la bonne foi de la relation de travail, inobservation du règlement intérieur du travail et communication d’informations fausses à l’employeur dans l’intention de lui porter préjudice ou d’obtenir un avantage. Selon les informations fournies par l’entreprise elle-même, on constate que les ex-dirigeants étaient responsables des faits mentionnés; il convient de souligner que ces fautes ont été constituées non seulement par la présentation d’un procès-verbal dont la teneur avait été falsifiée, mais aussi par le fait qu’il a été utilisé pour satisfaire à une condition requise par la loi qui a permis de réaliser la grève.
  5. 754. Selon les informations présentées par l’entreprise Casa Grande, celle-ci a respecté la loi et assuré aux ex-dirigeants toutes les garanties d’une procédure régulière: i) une lettre de préavis de licenciement leur a été remise, avec les documents nécessaires, pour porter à leur connaissance les fautes graves qui leur étaient reprochées; ii) il leur a été accordé un délai de six jours calendaires pour qu’ils puissent se défendre par écrit contre les accusations qui les visaient; iii) dans une seconde lettre notariée, des précisions leur ont été apportées sur des points qu’ils avaient déclarés inexacts dans leur défense; iv) ils ont pu répondre à la seconde lettre notariée; v) il a été procédé à nouveau à un examen et à une évaluation des faits et des éléments présentés par les ex-dirigeants pour se défendre; et vi) une fois terminée l’évaluation et l’examen, leur ont été adressées le 3 mai 2013 les lettres de licenciement qui indiquent précisément le motif et la date d’effet du licenciement.
  6. 755. Il ressort de ce qui précède que, pour licencier les ex-dirigeants, toutes les garanties d’une procédure régulière ont été observées, par exemple le respect des droits de la défense et du principe d’une action rapide et raisonnable, comme l’exige la législation au moment d’entamer une procédure de licenciement.
  7. 756. Par ailleurs, le gouvernement confirme qu’est en cours une procédure judiciaire qui vise à contester le licenciement des six dirigeants syndicaux, procédure dont a été chargé le premier tribunal du travail d’Ascope, lequel sera finalement l’organe compétent pour se prononcer sur le bien-fondé ou non du licenciement. Le gouvernement indique aussi que l’entreprise a respecté la mesure provisoire de réintégration dans le poste de travail.
  8. 757. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les cotisations syndicales n’ont pas été versées, le gouvernement indique que, selon l’entreprise, les trois dernières cotisations mentionnées dans les allégations ont été versées et que, en temps opportun, elles ont été l’objet d’une consignation judiciaire, cette procédure ayant été choisie pour les motifs suivants:
    • – la personne qui encaissait chaque mois le chèque correspondant à la cotisation syndicale était M. Mauro Lezcano Pajares (ex-secrétaire à l’économie), qui a été licencié le 3 mai par l’entreprise Casa Grande. Conformément aux statuts du syndicat, l’entreprise a adressé une lettre notariée à M. Segundo Saúl Cabrera Urbina, sous secrétaire, à qui incombait cette fonction et qui a répondu qu’il n’occupait plus la fonction de sous-secrétaire puisqu’il avait donné sa démission irrévocable de cette fonction. Par conséquent, dans un souci de sécurité juridique, l’entreprise a procédé à la consignation judiciaire de la cotisation syndicale afin que le représentant syndical dûment autorisé puisse se présenter devant le juge et percevoir la cotisation;
    • – en vertu de l’arrêté no 145-2001-GR-LL-GG/GRTPE-DPSC-SDNCRG, pris le 22 juillet 2011 par la Sous-direction des négociations collectives et des registres généraux, le conseil de direction qui avait été élu pour 2011-2013 a cessé d’être représentatif le 21 juillet 2013; et
    • – l’entreprise Casa Grande avait été informée des conflits qui existaient au sein du syndicat et qui étaient pleinement connus par la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi de La Liberté; ainsi, avaient été constitués deux comités électoraux, lesquels avaient reconnu alors deux conseils de direction afin de sauvegarder le montant des cotisations de tous les travailleurs syndiqués. Ces cotisations syndicales ont fait l’objet d’une consignation judiciaire au tribunal de paix de Chocope, afin que la justice puisse s’assurer de la légitimité du représentant du syndicat et que celui-ci puisse percevoir les cotisations syndicales.
  9. 758. Au vu de ce qui précède, le gouvernement demande au comité de ne pas donner suite à la plainte et de déclarer clos le présent cas.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 759. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante affirme, d’une part, que l’autorité administrative a déclaré injustifiée et illégale une grève (qui s’est tenue le 23 janvier 2013) alors qu’elle satisfaisait à toutes les conditions prévues par la loi et, de l’autre, que l’entreprise Casa Grande y Anexos a licencié pour des motifs antisyndicaux, le 3 mai 2013, six dirigeants syndicaux en représailles de leurs activités syndicales, et que l’entreprise n’a pas transféré les cotisations syndicales de mai, juin et juillet 2013.
  2. 760. En ce qui concerne le licenciement des six dirigeants syndicaux, selon les allégations au motif d’activités syndicales, dont les grèves convoquées en janvier et en mars 2013, le comité note que l’entreprise réfute tout motif antisyndical et indique qu’ont été constatées la falsification de documents ainsi que des irrégularités dans la liste des travailleurs qui ont déclaré la grève de 2013 (irrégularités qui sont décrites en détail dans la réponse du gouvernement).
  3. 761. Etant donné que la version du syndicat et celle du gouvernement sur les motifs des licenciements divergent, que les six dirigeants en question ont saisi la justice au sujet de leur licenciement et que l’autorité judiciaire a pris une mesure provisoire de réintégration des dirigeants dans leur poste de travail qui a été observée par l’entreprise, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de cette procédure.
  4. 762. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’autorité administrative aurait déclaré injustifiée et illégale la grève du 23 janvier 2013, le comité note que le gouvernement, bien qu’il indique qu’aucune sanction disciplinaire n’a été prise à l’encontre des travailleurs qui ont participé à la grève du 23 janvier 2013, n’a pas nié que c’est l’autorité administrative qui a déclaré injustifiée et illégale la grève (cette déclaration ressort des résolutions que les organisations plaignantes ont jointes en annexe).
  5. 763. Le comité souhaite signaler à cet égard – comme il l’a fait dans d’autres cas de déclaration par les autorités péruviennes de l’illégalité d’une grève – que la décision de déclarer la grève illégale ne devrait pas appartenir au gouvernement mais à un organe indépendant des parties et jouissant de leur confiance. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 628.] Le comité prie de nouveau le gouvernement, comme il l’a fait en d’autres occasions, de prendre des mesures pour modifier la législation afin qu’elle prenne en compte ce principe.
  6. 764. Enfin, le comité prend note des raisons invoquées par l’entreprise (en particulier l’existence d’un conflit interne qui a donné lieu à la création de deux conseils de direction) pour justifier la consignation judiciaire des cotisations syndicales de mai, juin et juillet 2013 qui devaient être versées au syndicat. Le comité rappelle qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur des conflits internes à une organisation syndicale, sauf si le gouvernement est intervenu d’une manière qui pourrait affecter l’exercice des droits syndicaux et le fonctionnement normal d’une organisation. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1114.]

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 765. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de la procédure relative au licenciement de six dirigeants de l’organisation plaignante.
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