ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport intérimaire - Rapport No. 374, Mars 2015

Cas no 2318 (Cambodge) - Date de la plainte: 22-JANV.-04 - Actif

Afficher en : Anglais - Espagnol

Allégation: Meurtre de trois dirigeants syndicaux et répression permanente à l’encontre des syndicalistes du pays

  1. 113. Le comité a déjà examiné le présent cas quant au fond à neuf reprises, la dernière fois à sa réunion d’octobre 2013, à l’occasion de laquelle il a présenté un rapport intérimaire approuvé par le Conseil d’administration à sa 319e session. [Voir 370e rapport, paragr. 144 168.]
  2. 114. Le gouvernement n’ayant pas répondu, le comité a dû ajourner l’examen du cas à plusieurs reprises. A sa réunion d’octobre-novembre 2014 [voir 373e rapport du comité, paragr. 6], le comité a adressé un appel pressant au gouvernement et attiré son attention sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa prochaine réunion, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas reçues à temps. A ce jour, le gouvernement n’a envoyé aucune information.
  3. 115. Le Cambodge a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Il n’a pas ratifié la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 116. Dans son examen antérieur du cas, regrettant que, malgré le délai écoulé depuis son dernier examen de ce cas le gouvernement n’ait communiqué aucune observation, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 370e rapport, paragr. 168]:
    • a) Le comité déplore vivement que, malgré le temps écoulé depuis le dernier examen du cas, le gouvernement n’ait pas fourni ses observations, alors qu’il avait été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité prie instamment le gouvernement d’être plus coopératif à l’avenir. Le comité rappelle au gouvernement qu’il a la possibilité de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.
    • b) D’une manière générale, concernant l’ensemble des questions mentionnées ci-dessous, le comité exhorte à nouveau le gouvernement à prendre des mesures pour veiller à ce que les droits syndicaux de tous les travailleurs soient pleinement respectés au Cambodge et que les syndicalistes puissent exercer leurs activités dans un climat exempt d’intimidation et de menace pour leur sécurité personnelle et leur existence, ainsi que celles de leurs familles.
    • c) Le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête indépendante et impartiale sur les poursuites engagées contre Born Samnang et Sok Sam Oeun, y compris sur les allégations de torture et autres mauvais traitements par la police, d’intimidation des témoins et d’ingérence politique dans la procédure judiciaire, et de le tenir informé des résultats de cette enquête ainsi que des mesures de réparation octroyées aux intéressés suite à leur détention injustifiée.
    • d) En outre, le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de garantir qu’une enquête indépendante et approfondie sera menée dans les meilleurs délais sur les meurtres de Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy de sorte que toutes les informations disponibles soient enfin portées à la connaissance de la justice, afin d’identifier les véritables meurtriers et les commanditaires de l’assassinat de ces dirigeants syndicaux, de punir les coupables et de mettre ainsi fin à l’impunité qui entoure les actes de violence à l’encontre des dirigeants syndicaux. Le comité demande à être tenu informé à cet égard.
    • e) S’agissant du dirigeant syndical Hy Vuthy, le comité prie le gouvernement de confirmer que, le 3 novembre 2010, la Cour suprême a ordonné au tribunal municipal de Phnom Penh de rouvrir l’enquête sur son décès et de le tenir informé de toute évolution dans ce domaine.
    • f) Le comité prie en outre instamment le gouvernement de communiquer des observations détaillées concernant les dernières allégations relatives aux coups de feu tirés par l’ancien gouverneur Chhouk Bandith sur des travailleurs qui manifestaient et sur l’impunité dont il aurait bénéficié au cours de son procès.
    • g) Rappelant l’importance qu’il attache dans cette affaire au renforcement des capacités et à la mise en place de garanties contre la corruption, qui sont nécessaires pour garantir l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire, le comité prie instamment le gouvernement de lui indiquer les mesures prises dans ce sens.
    • h) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement d’ouvrir sans délai des enquêtes judiciaires indépendantes sur les agressions dont ont été victimes les syndicalistes Lay Sophead, Pul Sopheak, Lay Chhamroeun, Chi Samon, Yeng Vann Nuth, Out Nun, Top Savy, Lem Samrith, Chey Rithy, Choy Chin, Lach Sambo, Yeon Khum et Sal Koem San et de le tenir informé du résultat de ces enquêtes.
    • i) Le comité prie instamment le gouvernement d’indiquer les mesures qui ont été prises pour empêcher l’inscription de syndicalistes sur des listes noires.
    • j) En ce qui concerne le licenciement de Lach Sambo, Yeon Khum et Sal Koem San, suite à leur condamnation pour des actions entreprises dans le cadre d’une grève ayant eu lieu dans l’usine de confection de vêtements «Genuine», le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de l’informer de l’état d’avancement de la procédure d’appel concernant ces syndicalistes et d’indiquer leur situation professionnelle actuelle.
    • k) Le comité continue d’exprimer sa profonde préoccupation face à l’extrême gravité de ce cas et à l’absence persistante d’information sur les mesures prises pour enquêter de manière transparente, indépendante et impartiale sur les questions susmentionnées, condition nécessaire à l’instauration d’un climat exempt de violence et d’intimidation, indispensable au plein développement du mouvement syndical au Cambodge.
    • l) Vu l’absence de progrès sur ces points essentiels, le comité ne peut qu’attirer à nouveau spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 117. Le comité déplore profondément qu’en dépit du temps écoulé depuis le dernier examen du cas le gouvernement n’ait pas communiqué ses observations, bien qu’il y ait été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant. Le comité prie instamment le gouvernement d’être plus coopératif à l’avenir. Le comité rappelle au gouvernement qu’il a la possibilité de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.
  2. 118. Dans ces circonstances, conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
  3. 119. Le comité rappelle une fois de plus au gouvernement que l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen d’allégations faisant état de violations de la liberté syndicale vise à assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent de leur côté reconnaître l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]
  4. 120. Toutefois, le comité observe que le gouvernement a fourni certains éléments d’information récents concernant la plainte dans le cadre de l’examen, par la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail, en mai-juin 2014, de l’application par le Cambodge de la convention no 87.
  5. 121. Le comité exprime une fois encore sa vive préoccupation devant la gravité de cette affaire, notamment en ce qui concerne le meurtre des dirigeants syndicaux Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy, ainsi que le climat d’impunité qui entoure les actes de violence dirigés contre les syndicalistes et les graves irrégularités qui ont manifestement entaché les procédures judiciaires tout au long de cette affaire.
  6. 122. Le comité rappelle, au sujet du procès concernant le meurtre de Chea Vichea, qu’il avait précédemment accueilli favorablement un jugement rendu en appel par la Cour suprême, en vertu duquel Born Samnang et Sok Sam Oeun avaient été définitivement acquittés et toutes les charges contre eux avaient été abandonnées ordonnant au tribunal de Phnom Penh de diligenter une nouvelle enquête. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement à la Commission de l’application des normes indiquant que les autorités compétentes poursuivent l’enquête visant à identifier les responsables du meurtre. Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir dûment informé de l’avancement de l’enquête sur le meurtre de Chea Vichea et de veiller à ce que les auteurs et les commanditaires de ce crime odieux soient traduits en justice. Le comité attend aussi du gouvernement qu’il mène une enquête indépendante et impartiale sur les poursuites dont ont fait l’objet Born Samnang et Sok Sam Oeun, y compris sur les allégations faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements perpétrés par la police, d’intimidation de témoins et d’ingérence politique dans la procédure judiciaire, et prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de cette enquête et des mesures de réparation accordées aux intéressés suite à leur détention injustifiée.
  7. 123. En outre, le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de faire en sorte qu’une enquête indépendante et approfondie soit menée sans délai sur les meurtres de Ros Sovannareth et Hy Vuthy et de le tenir informé des progrès réalisés à cet égard.
  8. 124. Lors de son précédent examen du cas, le comité avait pris note avec préoccupation des allégations relatives aux coups de feu tirés par l’ancien gouverneur Chhouk Bandith sur des travailleurs en grève et aux circonstances qui avaient entouré son procès. Le comité prend note de la déclaration du gouvernement à la Commission de l’application des normes, dans laquelle il a affirmé que Chhouk Bandith avait été condamné par la cour d’appel à dix-huit mois d’emprisonnement et au versement de 38 millions de riels aux trois victimes à titre de réparation. La police était néanmoins toujours à sa recherche. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
  9. 125. Le comité déplore profondément que, malgré les demandes qu’il lui a adressées à plusieurs reprises depuis juin 2007, le gouvernement n’ait fourni aucune information concernant les mesures prises pour enquêter sur les agressions, signalées par l’organisation plaignante en octobre 2006, dont ont été victimes plusieurs syndicalistes (Lay Sophead, Pul Sopheak, Lay Chhamroeun, Chi Samon, Yeng Vann Nuth, Out Nun, Top Savy, Lem Samrith, Chey Rithy, Choy Chin, Lach Sambo, Yeon Khum et Sal Koem San), membres du Syndicat libre des travailleurs du Royaume du Cambodge (FTUWKC) et du Syndicat libre de l’usine de confection Suntex. Le comité déplore également l’absence d’informations concernant la situation professionnelle actuelle des trois militants du Syndicat libre des travailleurs de l’usine de confection «Genuine» (FTUWGGF) (Lach Sambo, Yeom Khun et Sal Koem San), qui ont été licenciés en 2006 suite à leur condamnation pour des actes commis lors d’une grève à l’usine de confection «Genuine».
  10. 126. Rappelant que les événements susmentionnés remontent à 2006, le comité ne peut qu’exprimer sa profonde préoccupation devant le manque de coopération du gouvernement pour diligenter une enquête transparente, indépendante et impartiale sur les questions soulevées. Le comité espère que le gouvernement fera preuve d’une plus grande diligence si des actes de violence et d’intimidation sont commis contre des syndicalistes à l’avenir et qu’il le tiendra informé des mesures prises pour régler les questions qui sont pendantes depuis plusieurs années.
  11. 127. D’une manière générale, en ce qui concerne toutes les questions examinées dans le cadre de la présente affaire, le comité s’attend fermement à ce que le gouvernement s’engage à mettre fin à l’impunité qui règne dans le pays, notamment à l’égard des actes de violence visant des syndicalistes, en faisant procéder sans délai et de manière systématique à des enquêtes judiciaires indépendantes en vue d’établir rigoureusement les faits et les circonstances de ces actes, d’identifier les responsables, de les punir et d’empêcher que des actes analogues se reproduisent. Le comité souligne en outre l’importance de l’adoption urgente, par le gouvernement, de mesures effectives pour faire en sorte que les droits syndicaux de tous les travailleurs soient pleinement respectés au Cambodge et que les syndicalistes puissent exercer leurs activités dans un climat exempt d’intimidation et de menace pour leur sécurité personnelle et leur existence, ainsi que celles de leurs familles.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 128. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité déplore profondément qu’en dépit du temps écoulé depuis le dernier examen du cas le gouvernement n’ait pas fourni ses observations, bien qu’il y ait été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant. Le comité prie instamment le gouvernement d’être plus coopératif à l’avenir. Le comité rappelle au gouvernement qu’il a la possibilité de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.
    • b) A la lumière du manquement récurrent du gouvernement à son obligation de fournir des informations demandées par le comité sur le présent cas et de la gravité des questions soulevées depuis juin 2005, le comité invite le gouvernement, en vertu de l’autorité que lui confère le paragraphe 69 de la procédure pour l’examen des plaintes en violation de la liberté syndicale, à se présenter devant le comité au cours de sa prochaine réunion en mai 2015 afin de lui permettre d’obtenir des informations détaillées sur les mesures prises par le gouvernement en rapport avec les questions en suspens.
    • c) D’une manière générale, en ce qui concerne toutes les questions susmentionnées, le comité attend fermement du gouvernement qu’il s’engage à mettre fin à l’impunité qui règne dans le pays, notamment à l’égard des actes de violence visant des syndicalistes, en faisant procéder sans délai et de manière systématique à des enquêtes judiciaires indépendantes en vue d’établir rigoureusement les faits et les circonstances de ces actes, d’identifier les responsables, de les punir et d’empêcher que des actes analogues se reproduisent. Le comité souligne en outre l’importance de l’adoption urgente, par le gouvernement, de mesures effectives pour faire en sorte que les droits syndicaux de tous les travailleurs soient pleinement respectés au Cambodge et que les syndicalistes puissent exercer leurs activités dans un climat exempt d’intimidation et de menace pour leur sécurité personnelle et leur existence, ainsi que celles de leurs familles.
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir dûment informé de l’avancement de l’enquête sur le meurtre de Chea Vichea et de faire en sorte que les auteurs et les commanditaires de ce crime odieux soient traduits en justice.
    • e) Le comité attend du gouvernement qu’il mène une enquête indépendante et impartiale sur les poursuites engagées contre Born Samnang et Sok Sam Oeun, y compris sur les allégations faisant état d’actes de torture et autres mauvais traitements perpétrés par la police, d’intimidation de témoins et d’ingérence politique dans la procédure judiciaire, et lui demande de le tenir informé du résultat de cette enquête et des mesures de réparation accordées aux intéressés suite à leur détention injustifiée.
    • f) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de faire en sorte qu’une enquête indépendante et approfondie soit également menée sans délai sur les meurtres de Ros Sovannareth et Hy Vuthy et de le tenir informé des progrès réalisés à cet égard.
    • g) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la suite donnée à la condamnation prononcée par la cour d’appel contre Chhouk Bandith.
    • h) Le comité espère que le gouvernement fera preuve de la diligence voulue si des actes de violence et d’intimidation sont commis contre des syndicalistes à l’avenir et qu’il le tiendra informé des mesures prises pour donner suite aux allégations, pendantes depuis longtemps, relatives aux agressions contre les dirigeants et les membres du FTUWKC et du Syndicat libre de l’usine de confection Suntex.
    • i) Vu l’absence de progrès sur ces points essentiels, le comité ne peut qu’attirer à nouveau l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent de ce cas.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer