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Rapport intérimaire - Rapport No. 374, Mars 2015

Cas no 3069 (Pérou) - Date de la plainte: 14-MARS -14 - En suivi

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Allégations: Licenciement de 35 fondateurs de l’organisation plaignante et actes d’ingérence antisyndicale par l’entreprise ANTAPACCAY

  1. 833. La plainte figure dans une communication du Syndicat des fonctionnaires de la Compagnie minière Antapaccay (SITRAMINA) de mars 2014. Cette organisation a présenté des informations complémentaires et de nouvelles allégations dans des communications en date du 10 octobre 2014 et du 9 janvier 2015.
  2. 834. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date du 12 août et du 17 septembre 2014.
  3. 835. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 836. Dans ses communications de mars et du 10 octobre 2014, le Syndicat des fonctionnaires de la Compagnie minière Antapaccay (SITRAMINA) allègue que, alors que le syndicat a été créé le 23 novembre 2013 par 35 travailleurs de ladite entreprise, et que ce syndicat a été enregistré le 27 novembre 2013 auprès du ministère du Travail et, par conséquent, reconnu légalement, l’entreprise a adressé, entre le 29 novembre et le 3 décembre 2013, des lettres notariées signifiant leur licenciement aux 35 travailleurs qui avaient créé le syndicat.
  2. 837. Dans le même temps, l’entreprise minière a pris contact avec les travailleurs qui avaient créé le syndicat et leur a offert de réintégrer leurs postes de travail à condition de renoncer préalablement à leur affiliation syndicale. Suite à cette manœuvre d’ingérence de la part de l’entreprise, 28 travailleurs ont envoyé individuellement des lettres de renoncement à leur affiliation au syndicat. Toutes ces lettres, adressées à la Direction régionale du travail de Cusco présentent le même contenu. Deux travailleurs ont également accepté de recevoir une indemnisation. Cinq travailleurs, qui ont résisté aux pressions exercées par l’entreprise sont toujours licenciés: Hernández Tejada Joel Humberto; Aparicio Arispe Angel Gilbert; Tito Flóres David Antero; Chirinos Herrera Walter Gusmaldo et Bayona Carazas Cosme.
  3. 838. D’autre part, l’organisation plaignante ajoute que l’entreprise continue à s’immiscer dans les affaires du syndicat par l’intermédiaire des travailleurs réintégrés qui continuent à exiger la radiation du syndicat de manière illégale.
  4. 839. L’organisation plaignante fait savoir que l’entreprise a abusé de son pouvoir et affirme que les licenciements sont conformes aux dispositions légales car il s’agit de travailleurs occupant des postes de confiance, ce qui permet de les licencier à tout moment. C’est inexact, en effet, les cinq travailleurs licenciés et les personnes qui ont créé le syndicat au départ ont travaillé dans l’entreprise pendant plus de quinze ans, de manière ininterrompue. En réalité, ce ne sont pas des travailleurs occupant des postes de confiance mais des travailleurs de carrière qui occupaient des postes d’employés à la confection de catalogues, techniciens et/ou analystes, qui n’ont pas connaissance d’informations confidentielles.
  5. 840. L’organisation plaignante signale que les cinq travailleurs encore licenciés ont introduit un recours en amparo devant le tribunal constitutionnel et des contentieux de Cusco, demandant leur réintégration et la reconnaissance de leurs droits syndicaux, le 27 décembre 2013.
  6. 841. Dans sa communication en date du 9 janvier 2015, l’organisation plaignante fait parvenir les jugements du tribunal constitutionnel et de contentieux administratif de Cusco qui ordonne, comme mesure conservatoire, de réintégrer les cinq travailleurs fondateurs du syndicat licenciés, à leurs postes de travail. Quant aux démarches auprès de l’autorité administrative du travail, le ministère du Travail a ratifié en première instance le constat d’infraction (du 3 mai 2014) émanant de l’inspection du travail pour violation de la liberté syndicale, mais l’entreprise a fait appel et il a été déclaré nul et non avenu le 11 décembre 2014 (l’entreprise a invoqué le fait que ses éléments à décharge n’avaient pas été pris en compte). Le ministère doit donc statuer de nouveau en première instance.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 842. Dans sa communication en date du 12 août 2014, le gouvernement déclare que le SITRAMINA a introduit une plainte en décembre 2013, plainte qui a conduit à une inspection du travail. Les inspecteurs du travail ont décelé des infractions à la législation socioprofessionnelle en matière de liberté syndicale, consistant en mesures discriminatoires à l’encontre d’un travailleur en raison de son activité syndicale, et ont alors proposé d’infliger une amende de 13 376,00 nouveaux soles par le constat d’infraction no 022-2014. Conformément à la directive générale no 08-2011-MTPE/2/16, dans un courrier présentant la référence no 426-2014-MTPE/2/16.2, du 27 mars 2014, la Direction générale de l’inspection du travail (DGIT) a fait parvenir le dossier de l’ordre d’inspection no 024-2014-MTPE/2/16 et le constat d’infraction en question à la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi de Cusco en vue d’introduire la procédure de sanction correspondante. La procédure est toujours en cours.
  2. 843. Le gouvernement déclare que la Compagnie minière Antapaccay S.A. a indiqué en premier lieu qu’elle rejette catégoriquement l’accusation de comportements ou pratiques antisyndicaux et que, tout au contraire, sa politique – a toujours été – de faire preuve d’un respect absolu des droits de ses travailleurs, et en particulier du principe fondamental de la liberté syndicale.
  3. 844. Elle indique également qu’il existe actuellement en son sein deux organisations syndicales avec lesquelles elle entretient une relation harmonieuse, durable et pacifique: il s’agit du «Syndicat unique des travailleurs de Xstrata Tintaya-Antapaccay» créé en 2006 et actif depuis cette date qui compte actuellement 238 membres et du «Syndicat unifié des travailleurs de Xstrata Tintaya-Antapaccay» qui a commencé ses activités en 2013 et qui compte actuellement 338 membres. Elle signale en outre que la relation entre les deux organisations syndicales a toujours été bonne, ce dont témoigne la manière harmonieuse dont sont présentés les cahiers de revendications, ce qui a conduit l’entreprise à signer de multiples conventions collectives, dont celles qui sont en vigueur pour la période 2013 2016. L’entreprise regrette que la plainte ait omis d’exposer un fait qui revêt une importance majeure et qui aiderait à comprendre le contexte, à savoir que, durant l’année 2013, l’entreprise s’est vue obligée de suspendre, pour trois ans, les activités de son usine de sulfures située dans la localité de Tintaya, suite à l’épuisement du minerai, ce qui a été autorisé par la Direction générale des mines par le décret no 372-2013-MEM-DGMA/V. Ceci a eu pour conséquence que le personnel ouvrier qui travaillait dans cette usine de sulfures a dû être réaffecté dans les locaux d’Antapaccay. Cela veut dire que, dans de nombreux emplois, sur le site d’Antapaccay, le travail était fait en double, ce qui a entraîné la mise en disponibilité d’un nombre important de travailleurs. Il fallait donc remédier à cette situation qui entraînait des dépenses excessives et superflues pour l’entreprise et, en même temps, empêchait les travailleurs de faire leur travail correctement. C’est dans ce contexte où le départ d’un grand nombre de travailleurs, pour fonctions faisant double emploi, était négocié – moyennant paiement des indemnités légales correspondantes – que les cinq ex-travailleurs en question ont été licenciés. Elle ajoute qu’il est clair qu’on ne peut alléguer une attitude antisyndicale, étant donné que le licenciement de ces cinq travailleurs – ainsi que celui d’un grand nombre d’autres – a été la conséquence de la mise en disponibilité de travailleurs dans l’entreprise à ce moment-là. En outre, poursuit l’entreprise, ce n’est que le 4 décembre 2013 que la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi de Cusco lui a communiqué la constitution du SITRAMINA et qu’elle a donc pu prendre connaissance de l’existence de cette organisation syndicale.
  4. 845. C’est pourquoi l’entreprise insiste sur le fait que, lorsque les travailleurs ont été licenciés, elle ignorait complètement leur condition de membres d’un syndicat; il est par conséquent injustifié d’alléguer un licenciement antisyndical.
  5. 846. L’entreprise affirme que les faits contestés, qui font l’objet de la présente plainte, sont en cours de règlement tant par la voie administrative que par la voie judiciaire, afin que les autorités compétentes de l’Etat puissent se prononcer sur une éventuelle violation de la liberté syndicale des travailleurs licenciés, mais qu’il n’y a encore à ce jour aucun jugement définitif ni au niveau administratif ni au niveau judiciaire.
  6. 847. Dans sa communication en date du 17 septembre 2014, le gouvernement déclare en ce qui concerne les procédures administratives, que la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi de Cusco a fait savoir que la Fédération nationale des travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou a demandé au directeur de la Direction nationale des inspections du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi d’effectuer une inspection d’enquête sur le droit de liberté syndicale, les mesures de discrimination pour raisons syndicales et le licenciement arbitraire de travailleurs membres de l’organisation syndicale. Celle-ci a donc émis l’ordre d’inspection no 024-2014-MTPE/2/16 d’où découle le constat d’infraction no 22-2014 à l’encontre de l’entreprise qui infligeait une amende d’un montant de 13 376,00 nouveaux soles pour des actes empêchant la libre affiliation à une organisation syndicale et pour discrimination envers des travailleurs en raison de leur activité syndicale. La décision no 009-2014-GR-CUSCO/DRTPE-OZTPEPAA, du 8 juillet 2014 déclare irrecevable les éléments à décharge présentés par l’entreprise Compagnie minière Antapaccay S.A. et confirme l’amende proposée dans le constat d’infraction no 22-2014, décision contre laquelle l’entreprise a fait appel.
  7. 848. Enfin, la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi du gouvernement régional du Cusco a émis l’édit directorial no 032-2014-GR-DRTPE-DPSCL-Cusco du 25 août 2014 par lequel elle déclare la nullité de cette dernière décision et dispose qu’une nouvelle décision qui prendrait en compte les éléments à décharge présentés par l’entreprise Compagnie minière Antapaccay S.A. soit prise en première instance.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 849. Le comité observe que, dans le présent cas, l’organisation plaignante SITRAMINA allègue que, quelques jours après sa création, le 23 novembre 2013, les 35 membres fondateurs ont été licenciés et que, suite à des actes d’ingérence commis par l’employeur qui assujettissait la réintégration des travailleurs à leurs postes de travail à leur renoncement à leur affiliation au syndicat, 28 travailleurs ont renoncé à leur affiliation et deux ont accepté une indemnisation économique, si bien que seuls cinq travailleurs ont résisté aux pressions exercées par l’employeur; dans le même temps, l’entreprise s’acharne, par l’intermédiaire des travailleurs réintégrés, à obtenir la radiation du syndicat.
  2. 850. Le comité prend note des informations transmises par le gouvernement de la Compagnie minière Antapaccay S.A. sur ce cas, informations selon lesquelles: 1) elle respecte scrupuleusement le principe de la liberté syndicale et elle en veut pour preuve qu’il existe en son sein deux syndicats qui comptent respectivement 238 et 338 membres, avec lesquels elle a signé des conventions collectives; 2) la plainte omet d’exposer un fait majeur permettant de comprendre le contexte dans lequel s’inscrit ce cas, à savoir qu’au cours de l’année 2013 l’entreprise a été obligée de suspendre pour trois ans les activités de son usine de sulfures située dans la localité de Tintaya, à cause de l’épuisement du minerai, ce qui a été autorisé par la Direction générale des mines par la décision no 372-2013-MEM-DGM/V; cette situation a eu pour conséquence que le personnel ouvrier de l’usine de sulfures en question a dû être réaffecté dans les locaux d’Antapaccay; cela a eu pour conséquence que, dans de nombreux emplois, le travail était fait en double, ce qui a entraîné la mise en disponibilité d’un nombre important de travailleurs; 3) par conséquent, il a fallu remédier à cette situation qui générait des dépenses excessives et superflues pour l’entreprise; c’est dans ce contexte où le départ d’un grand nombre de travailleurs pour cause de double emploi, était négocié – moyennant paiement des indemnités légales correspondantes – que s’est produit le licenciement des cinq ex travailleurs en question; 4) cela ne peut conduire à alléguer une attitude antisyndicale, étant donné que l’entreprise ne savait pas que les personnes licenciées étaient membres d’un syndicat et que le licenciement de ces cinq travailleurs – ainsi que celui d’un nombre important d’autres travailleurs (membres de SITRAMINA) – était la conséquence de la mise en disponibilité de travailleurs dans l’entreprise à ce moment-là; et 5) à ce jour, aucune procédure administrative ou judiciaire n’a encore abouti sur ce cas.
  3. 851. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement confirmant qu’à ce jour aucune procédure administrative ni judiciaire n’a abouti sur ce cas, que l’affaire a commencé par une plainte introduite par un syndicat, plainte qui a donné lieu à une inspection et à un constat d’infraction, qu’une amende de 13 376,00 nouveaux soles a été infligée pour violation de la liberté syndicale, que l’entreprise a fait appel contre cette décision en seconde instance administrative et que ce recours a abouti à un nouvel examen du cas qui doit prendre en compte les éléments à décharge présentés par l’entreprise.
  4. 852. Le comité observe que l’organisation plaignante fait savoir que les cinq membres licenciés ont obtenu une réintégration, comme mesure conservatoire, après avoir introduit un recours constitutionnel en amparo, qui a été contesté par l’entreprise; cette procédure est actuellement en cours.
  5. 853. Dans ces conditions, observant que l’organisation plaignante et l’entreprise défendent des positions contradictoires quant au caractère antisyndical des licenciements, le comité prie le gouvernement de communiquer toute décision administrative ou judiciaire qui serait prise en ce qui concerne ce cas en vue d’examiner, avec tous les éléments requis, les allégations relatives au licenciement des 35 fondateurs de l’organisation plaignante et aux actes d’ingérence antisyndicale, y compris des pressions exercées à l’encontre les travailleurs afin qu’ils renoncent à leur affiliation.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 854. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité prie le gouvernement de communiquer toute décision administrative ou judiciaire concernant ce cas, en vue de disposer de tous les éléments pour examiner les allégations relatives au licenciement des 35 fondateurs de l’organisation plaignante et aux actes d’ingérence antisyndicale, y compris les pressions exercées à l’encontre des travailleurs afin qu’ils renoncent à leur affiliation.
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