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Rapport définitif - Rapport No. 375, Juin 2015

Cas no 3071 (République dominicaine) - Date de la plainte: 03-AVR. -14 - Clos

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Allégations: Refus des autorités de recevoir les dirigeants de l’Association des inspecteurs du travail de la République dominicaine, mesures de mutation et avertissements à l’encontre de syndicalistes en raison de leur participation à une manifestation pacifique

  1. 182. La plainte figure dans une communication de la Confédération nationale de l’unité syndicale (CNUS) en date du 3 avril 2014.
  2. 183. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 29 juillet 2014.
  3. 184. La République dominicaine a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 185. Dans sa communication du 3 avril 2014, la Confédération nationale de l’unité syndicale (CNUS) allègue que, depuis sa création, l’Association des inspecteurs du travail de la République dominicaine (ASITRAREDO) s’efforce, par tous les moyens prévus par la loi, de renforcer la qualité des services d’inspection en améliorant les conditions de travail et de vie des inspecteurs du travail. Dans ce cadre, l’ASITRAREDO a demandé, d’abord de vive voix puis par écrit, à être reçue par la ministre du Travail afin de lui soumettre un certain nombre de problèmes affectant l’association et les inspecteurs. Cependant, le ministère n’a pas donné suite à ces demandes de rendez-vous qui visaient l’instauration d’un dialogue.
  2. 186. L’organisation plaignante indique que, par la suite, en représailles des demandes ainsi présentées et des activités syndicales et associatives du mouvement, la ministre du Travail a ordonné la mutation de dix inspecteurs dans des sections situées dans des lieux reculés. Ainsi, M. Enemencio Matos Gómez (président de l’association), Mme Evelyn Geraldina Mejía Mejía (secrétaire aux affaires financières), Mme Elizabeth Batista (membre de la Commission de discipline) et M. Víctor Guerrero Ogando (secrétaire aux relations internationales) ont été mutés dans des sections très éloignées de leur lieu d’affectation précédent et de l’endroit où ils résidaient avec leur famille, alors même qu’ils y avaient entrepris des études qui devaient leur permettre de se perfectionner, ce qui leur a causé un préjudice économique et personnel considérable.
  3. 187. L’organisation plaignante allègue que, face au refus de la ministre du Travail de lui concéder un entretien, l’ASITRAREDO a dressé la liste des problèmes qu’elle souhaitait lui soumettre et, dans une communication reçue par le secrétariat de la ministre en date du 16 novembre 2012, elle a exposé dans le détail chacun des points appelant un examen conjoint et des mesures concertées, en renouvelant sa demande d’entretien. L’association demandait notamment la réaffectation à leur poste antérieur des inspecteurs mutés, plusieurs mesures à caractère financier, la mise à disposition dans les locaux du ministère du Travail d’un espace réservé à l’association, qui regroupe des inspecteurs, du personnel d’encadrement et des représentants de l’administration du travail affectés dans des antennes locales, et l’organisation de concours internes ouverts à tous les inspecteurs sur un pied d’égalité pour pourvoir les postes de représentants dans une antenne locale devenus vacants.
  4. 188. La ministre n’ayant pas donné suite non plus à cette nouvelle demande, et comme les problèmes affectant les inspecteurs perduraient, l’association a envisagé d’autres moyens pour faire entendre sa voix et obtenir satisfaction, et elle a décidé dans ce cadre d’organiser une manifestation qui devait se tenir devant le ministère du Travail.
  5. 189. Le 5 novembre 2013 à 11 heures, l’ASITRAREDO a effectivement manifesté devant le ministère du Travail, en présence de représentants de la CNUS, avec qui elle avait coordonné l’événement. Cette manifestation s’est déroulée de façon pacifique, dans un respect absolu des personnes et des biens. Cependant, la ministre du Travail n’a pas accepté de recevoir les représentants de l’association pour chercher à résoudre les problèmes que celle-ci dénonçait; au contraire, en date du 11 novembre 2013, elle a prononcé un avertissement contre plusieurs de ses dirigeants, en l’espèce MM. Enemencio Matos Gómez, Agustín del Carmen, Víctor Guerrero Ogando, Mme Evelyn Geraldina Mejía Mejía et M. Juan Manuel Mercedes Montaño, et contre 14 autres de ses membres, en représailles des revendications légitimes qu’ils avaient présentées. Il apparaît par conséquent que, face aux activités syndicales menées par les inspecteurs et à leur exercice de la liberté syndicale, la ministre du Travail a pris, dans un esprit de représailles, des mesures qui constituent une violation flagrante de la Constitution et des conventions de l’OIT sur la liberté syndicale ratifiées par le pays.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 190. Dans sa communication du 29 juillet 2014, le gouvernement indique que l’analyse de la plainte présentée par la CNUS a montré que plusieurs éléments appelaient une réponse. Ainsi, lorsque la CNUS laisse entendre que les autorités dominicaines, notamment le ministère du Travail, refusent de reconnaître l’ASITRAREDO, il précise que le ministère du Travail n’a fait aucune déclaration ni pris aucune mesure à l’encontre de la liberté syndicale, droit reconnu à l’ensemble des agents du ministère du Travail. Tout au contraire, le ministère a apporté son soutien à chacune des directions successives de l’association depuis sa création, notamment à la première d’entre elles, placée sous la présidence de M. Dionicio Morel, inspecteur du travail en chef, puis à celle de M. Andrés Valentín Herrera, actuel responsable de la Direction générale du travail, et, enfin, à celle de M. Daniel Jiménez et celle de M. Enemencio Matos, président de la direction actuelle, qui a été reçu par la ministre du Travail, seul ou au sein de délégations représentant l’association.
  2. 191. S’agissant des différentes demandes présentées par l’ASITRAREDO au ministère, il convient de signaler que, pour mieux comprendre les différents problèmes soulevés par l’association, la ministre du Travail a constitué une commission placée sous la direction du vice-ministre, du responsable de la Direction générale du travail et du coordonnateur de l’inspection, qui a convoqué plusieurs réunions devant permettre d’examiner chacun des aspects mentionnés.
  3. 192. Par ailleurs, en ce qui concerne l’allégation selon laquelle les inspecteurs du travail ont été mutés vers des lieux éloignés, en représailles des demandes qu’ils avaient présentées, le gouvernement précise que 60 pour cent des inspecteurs résident, avec leur famille, dans les deux principales villes du pays (Saint-Domingue et Santiago de los Caballeros) et qu’il peut arriver par conséquent, sans que cela n’ait rien d’anormal, que ces agents soient mutés dans l’une des autres sections de l’inspection du travail, qui comprend 40 antennes réparties sur l’ensemble du territoire national. L’absence d’intention de nuire dans les mutations de ces dernières années est illustrée par le cas du président de l’ASITRAREDO, M. Enemencio Matos, affecté à une section plus proche de son domicile de 150 km environ, ou encore par celui de M. Víctor Guerrero Ogando, juriste et secrétaire aux affaires intérieures, rapproché de son domicile de 80 km environ. Le gouvernement souligne que tous les inspecteurs sont parfaitement informés que, une fois recrutés, ils pourront être affectés sur des lieux éventuellement éloignés de leur domicile, et qu’ils acceptent par conséquent, par consentement exprès, d’être réaffectés périodiquement ailleurs que sur leur lieu de résidence. Le gouvernement joint copie des formulaires d’acceptation correspondants.
  4. 193. S’agissant de la liste de points soumise au ministère du Travail par l’ASITRAREDO, le gouvernement indique que l’institution a répondu au fur et à mesure à chacune des questions qui y figuraient, et il fournit de nombreuses précisions à cet égard, notamment sur les aspects financiers des conditions d’emploi et la question des concours. S’agissant de la demande présentée par l’ASITRAREDO quant à la mise à disposition d’un espace dans les locaux du ministère du Travail, le gouvernement déclare que cette possibilité a toujours existé, indiquant à l’appui que l’ASITRAREDO dispose d’un bureau et qu’elle a eu accès à des locaux chaque fois qu’elle l’a demandé, et il estime par conséquent que la question ne devrait pas constituer un motif de préoccupation pour l’association.
  5. 194. S’agissant de l’allégation relative aux avertissements prononcés à l’encontre de plusieurs inspecteurs qui avaient manifesté pour faire valoir des revendications présentées sans succès, le gouvernement souligne que la Constitution comme la loi no 41-08 sur la fonction publique et ses règlements d’application garantissent pleinement le droit des fonctionnaires de manifester si telle est leur volonté. Cependant, la loi no 41-08 énonce en outre les modalités applicables en toutes circonstances en la matière, des règles que plusieurs inspecteurs n’ont pas respectées, paralysant le service le 5 novembre 2013 et empêchant ainsi les citoyens d’accéder aux services publics rendus par le ministère du Travail dans des conditions de normalité. Pris à l’improviste, le ministère du Travail n’a pas pu prendre les dispositions voulues pour répondre aux demandes des usagers (art. 32, paragr. 4, de la loi no 41-08). Le gouvernement réaffirme que le pays est disposé à recevoir des orientations de la part de l’Organisation internationale du Travail (OIT) au sujet des questions soulevées dans le présent rapport, et qu’il s’efforce en outre en permanence de veiller à la mise en œuvre effective des normes juridiques, qu’elles soient nationales ou internationales, en vue d’assurer la paix sociale entre employeurs et travailleurs.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 195. Le comité observe que, dans la présente plainte, la CNUS fait état des éléments suivants: 1) le refus de la ministre du Travail de recevoir les représentants de l’ASITRAREDO pour s’entretenir avec eux afin que ceux-ci puissent améliorer la qualité de l’inspection et les conditions de travail et de vie des inspecteurs (des copies de courriers datés des 22 octobre 2012, 10 avril 2013 et 2 août 2013, par lesquels l’association demande à être reçue par la ministre du Travail, sont fournies); 2) la mutation dans des lieux reculés de dix inspecteurs du travail en représailles des demandes et des activités de l’association, mutations qui ont causé un préjudice économique et personnel aux intéressés (ces mutations auraient visé plusieurs dirigeants syndicaux, en l’espèce M. Enemencio Matos Gómez (président de l’association), Mme Evelyn Geraldina Mejía Mejía (secrétaire aux affaires financières), Mme Elizabeth Batista (membre de la Commission de discipline), et M. Víctor Guerrero Ogando (secrétaire aux relations internationales ); 3) le refus de la ministre du Travail de donner suite à la demande de rendez-vous présentée par l’association en vue de l’examen d’une liste de points à traiter (document reçu par le secrétariat de la ministre en date du 16 novembre 2012); parmi ces points figuraient notamment la réaffectation des inspecteurs mutés à leurs postes antérieurs, plusieurs mesures à caractère financier, la mise à disposition, dans les locaux du ministère du Travail, d’un espace réservé à l’association, qui regroupe des inspecteurs, du personnel d’encadrement et des représentants de l’administration du travail affectés dans des antennes locales, et l’organisation de concours internes ouverts à tous les inspecteurs sur un pied d’égalité pour pourvoir les postes de représentants dans une antenne locale devenus vacants; 4) la communication reçue par le secrétariat de la ministre étant restée sans réponse, l’association a envisagé d’autres moyens d’action et a décidé dans ce cadre d’organiser une manifestation, qui a eu lieu le 5 novembre 2013 à 11 heures devant le ministère du Travail, et qui s’est déroulée de façon pacifique, en présence de représentants de la CNUS; 5) le 11 novembre 2013, en représailles, la ministre du Travail a adressé un avertissement à plusieurs dirigeants syndicaux, en l’espèce MM. Enemencio Matos Gómez, Agustín del Carmen, Víctor Guerrero Ogando, Mme Evelyn Geraldina Mejía Mejía et M. Juan Manuel Mercedes Montaño, et à 14 autres membres de l’association.
  2. 196. Le comité prend acte des déclarations suivantes du gouvernement: 1) comme ses prédécesseurs, le président de l’association a été reçu à de nombreuses reprises par le ministère du Travail, seul ou au sein de délégations représentant l’organisation, qu’il dirigeait; 2) face aux préoccupations exprimées par l’association, la ministre du Travail a constitué une commission placée sous la direction du vice-ministre, du responsable de la Direction générale du travail et du coordonnateur de l’inspection, qui a convoqué plusieurs réunions devant permettre d’examiner chacune des questions soulevées (des précisions sont fournies à cet égard dans la réponse du gouvernement), notamment les problèmes de nature financière et la question de la mise à la disposition de l’association d’un bureau (effective dans les faits) et d’autres locaux si elle en faisait la demande; 3) s’agissant de la mutation alléguée d’inspecteurs dans des lieux éloignés en représailles des demandes présentées par l’association, il n’y avait pas d’intention de nuire puisque les inspecteurs concernés avaient exprimé par écrit leur consentement à des mutations périodiques dans des sections éventuellement éloignées de leur lieu de résidence, étant entendu qu’il existe 40 antennes de l’inspection du travail réparties sur l’ensemble du territoire national; ainsi, le président actuel de l’association (M. Enemencio Matos Gómez) et son secrétaire aux relations internationales (M. Víctor Guerrero Ogando) ont été mutés dans des sections plus proches de leur domicile de 150 et 80 km respectivement; 4) s’agissant des avertissements prononcés à l’encontre de 19 inspecteurs, la législation en vigueur autorise les fonctionnaires à manifester s’ils le souhaitent, mais les inspecteurs qui ont paralysé le service le 5 novembre 2013 n’ont pas respecté les règles fixées par la loi no 41-08 sur la fonction publique, qui régit les modalités applicables à l’ensemble des mouvements de revendication, et ils ont empêché les citoyens d’accéder aux services publics rendus par le ministère du Travail dans des conditions de normalité; pris à l’improviste, le ministère du Travail n’a pas pu prendre les dispositions voulues pour répondre aux demandes des usagers; 5) le ministère n’a jamais agi à l’encontre de la liberté syndicale.
  3. 197. Le comité constate que le gouvernement récuse l’absence de dialogue avec l’association et présente à l’appui des preuves suffisantes, qu’il affirme que les mesures de mutation et les avertissements prononcés à l’encontre de plusieurs inspecteurs étaient dépourvus de caractère antisyndical et qu’il souligne que cette dernière décision a été prise conformément au droit et parce que la manifestation organisée devant le ministère n’avait pas été annoncée et qu’elle avait nui au bon déroulement des services dus aux usagers.
  4. 198. Le comité accueille favorablement les déclarations par lesquelles le gouvernement se déclare disposé à recevoir des orientations du BIT sur les questions soulevées et, compte tenu des divergences entre la version des faits de l’organisation plaignante et celle du gouvernement, il souhaite formuler les conclusions suivantes: le problème principal dans la plainte à l’examen est constitué par la mutation de dix inspecteurs membres de l’association (qui avaient consenti cependant par écrit à des réaffectations périodiques), parmi lesquels cinq dirigeants de l’association, notamment son président. Par ailleurs, il ressort des annexes présentées par l’organisation plaignante que l’association avait notamment revendiqué l’établissement d’un «règlement et protocole rappelant les formalités et les modalités applicables aux mutations ainsi que les motifs pouvant les justifier». Le comité invite le gouvernement à examiner cette proposition avec l’association.
  5. 199. S’agissant de l’avertissement adressé à cinq dirigeants syndicaux et 14 membres de l’association à la suite d’une manifestation organisée devant le ministère du Travail, un mouvement pacifique, selon le syndicat, mais qui n’aurait pas été annoncé et serait contraire aux dispositions de la loi no 41-08, selon le gouvernement, du fait qu’il aurait nui indûment au bon déroulement des services dus aux usagers, et compte tenu en outre des déclarations du gouvernement selon lesquelles l’ensemble des revendications présentées par l’association ont été soumises à une commission de haut niveau qui a abordé chacun des problèmes soulevés, le comité suggère au gouvernement et à l’association, afin de rétablir des relations harmonieuses entre les parties, d’envisager conjointement de réexaminer, dans un esprit constructif, les avertissements prononcés à l’encontre de syndicalistes.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 200. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) S’agissant des mutations alléguées, le comité invite le gouvernement à examiner avec l’ASITRAREDO la proposition que cette association a présentée quant à l’établissement d’un règlement et protocole rappelant les formalités et modalités applicables aux mutations ainsi que les motifs pouvant les justifier.
    • b) S’agissant des avertissements allégués, et afin de rétablir des relations harmonieuses entre les parties, le comité suggère au gouvernement et à l’association d’envisager conjointement de réexaminer, dans un esprit constructif, les avertissements prononcés à l’encontre de syndicalistes.
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