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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 375, Juin 2015

Cas no 3105 (Togo) - Date de la plainte: 26-SEPT.-14 - Clos

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Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent l’incapacité du gouvernement à prévenir des entraves et des ingérences dans l’élection des représentants du Conseil national du patronat du Togo (CNP)

  1. 492. La plainte figure dans des communications en date des 26 septembre et 12 décembre 2014 de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et du Conseil national du patronat du Togo (CNP).
  2. 493. Le gouvernement a indiqué dans une communication en date du 8 janvier 2015 que l’examen de la plainte était en cours et que les réponses appropriées seraient apportées dans les meilleurs délais. A ce jour, aucune information n’a encore été reçue du gouvernement.
  3. 494. Le gouvernement n’ayant pas répondu, le comité a dû ajourner l’examen du cas à deux reprises. A sa réunion de mars 2015 [voir 374e rapport, paragr. 6], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa prochaine session, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas reçues à temps.
  4. 495. Le Togo a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 496. Dans une communication en date du 26 septembre 2014, les organisations plaignantes indiquent que le CNP a été constitué en 1963 pour représenter le secteur privé au Togo mais aussi au niveau international. Il s’agit d’une fédération regroupant 16 associations professionnelles qui représentent des entreprises industrielles, commerciales, de services, du bâtiment et des travaux publics, des PME/PMI et tous les autres secteurs de l’activité économique du pays. Le CNP est aussi un organisme de lobbying pour les thèmes de politique économique et sociale, ainsi qu’une structure de coordination, de formation, d’information et d’action, au profit du secteur privé. Le CNP est membre de l’OIE depuis 1997. Enfin, le CNP est aussi membre de la Fédération des organisations patronales de l’Afrique de l’Ouest (FOPAO) qui est une organisation d’employeurs régionale ayant pour mission de défendre et promouvoir les intérêts de ses membres. Les organisations plaignantes précisent que la FOPAO a été impliquée dans le présent cas et a essayé d’opérer en tant que médiateur du litige, sans succès.
  2. 497. Les organisations plaignantes dénoncent l’incapacité du gouvernement à prévenir des entraves au droit des membres du CNP à élire librement leurs représentants, ce qui a pour conséquence d’empêcher l’organisation d’organiser ses activités et de formuler son programme d’action. Les organisations plaignantes décrivent les faits suivants.
  3. 498. Le 20 septembre 2013, les membres du CNP ont été appelés à élire un nouveau conseil d’administration, pour un mandat de cinq ans, au cours d’une assemblée générale ordinaire. En vue de ces élections et dans un souci de transparence et d’impartialité, le conseil d’administration avait décidé, le 10 juillet 2013, de mettre en place une commission ad hoc chargée de l’organisation et de la supervision des élections du nouveau conseil. Lors de l’assemblée générale, après vérification du quorum, les élections se sont déroulées en présence de la commission ad hoc, constituée d’un président et de trois membres. Les élections se sont tenues en présence d’un huissier de justice près de la Cour d’appel de Lomé, dont la présence durant les travaux – du dépouillement des dossiers de candidatures à la proclamation des résultats – a garanti la transparence des élections. L’huissier de justice a établi les procès-verbaux des travaux de la commission électorale.
  4. 499. L’assemblée générale a démocratiquement réélu M. Kossivi Naku à la présidence du CNP; le deuxième candidat à ce poste était M. Ahlonko Bruce, qui a reçu au deuxième tour de scrutin six voix contre huit pour M. Naku. M. Bruce a félicité M. Naku pour cette victoire. L’assemblée générale a aussi démocratiquement élu les autres membres du conseil d’administration, le vice-président et le trésorier.
  5. 500. Or, le 6 janvier 2014, plus de trois mois après l’élection de M. Naku et sans avoir protesté d’aucune manière, ni avant, ni pendant les élections, M. Bruce a saisi le juge des référés du Tribunal de première instance de Lomé dans le but d’invalider les élections du 20 septembre 2013 qui, d’après lui, se seraient déroulées de manière irrégulière. Le 10 janvier 2014, le juge des référés prononce une ordonnance d’annulation des élections contestées et ordonne la mise en place d’une administration provisoire du CNP.
  6. 501. Le 10 janvier 2014, M. Naku fait appel de l’ordonnance du juge des référés et demande un sursis à exécution. Il obtient gain de cause. Le 12 mars 2014, la Cour d’appel de Lomé rend un arrêt dans lequel elle reconnaît l’incompétence du tribunal de première instance en la matière et infirme son jugement.
  7. 502. Le 12 mars 2014, M. Bruce saisit le Tribunal de première instance de première classe de Lomé pour faire annuler les élections qu’il considère entachées d’irrégularités et demander la désignation d’une administration provisoire avec pour mission de convoquer une nouvelle assemblée générale élective. Dans son jugement du 4 avril 2014, l’examen quant au fond de l’affaire par le tribunal a fait ressortir des irrégularités dans l’élection du conseil d’administration. Le tribunal a ainsi prononcé la nullité des élections du 20 septembre 2013 et désigné un administrateur provisoire du CNP (M. Papaly) ayant pour mission d’organiser une nouvelle assemblée générale dans un délai de dix-huit mois. Le tribunal ordonne l’exécution provisoire de son jugement. Le 14 avril 2014, une ordonnance d’apposition des scellés sur les bureaux du CNP est ainsi notifiée à M. Naku, avec exécution immédiate.
  8. 503. Selon les organisations plaignantes, aucune des organisations membres du CNP n’a remis en cause les résultats des élections du 20 septembre 2013 ni n’a engagé de recours auprès d’une autorité judiciaire à cet égard. Par ailleurs, les 16 associations professionnelles membres du CNP ont signé, le 30 avril 2014, une déclaration certifiant que les élections du 20 septembre 2013 ont été régulières, transparentes et acceptées par tous les membres du CNP et demandant le respect de leur résultat, soit l’élection de M. Naku à la présidence du CNP.
  9. 504. Les organisations plaignantes ajoutent que la FOPAO, représentée par son secrétaire exécutif, s’est rendue à Lomé du 6 au 8 mai 2014 pour écouter toutes les parties en conflit et a finalement rendu un rapport dans lequel elle considère que le jugement du 4 avril 2014 prononçant la nullité des élections est «fortement préjudiciable au fonctionnement du CNP et constitue même clairement un empêchement de fonctionner pour le CNP».
  10. 505. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que, suite à la désignation de M. Papaly en tant qu’administrateur provisoire, celui-ci a été accrédité par le gouvernement comme délégué des employeurs à la place de M. Naku à la Conférence internationale du Travail (CIT) en mai-juin 2014. M. Naku n’a donc pas pu représenter le CNP à ladite Conférence et a saisi la Commission de vérification des pouvoirs de la CIT d’une protestation à cet égard. En vue de sa participation en tant que représentant du CNP au conseil général de l’OIE, où sa présence est fondamentale afin de permettre que les besoins du CNP soient pris en compte dans l’élaboration du programme d’action annuel de l’OIE, M. Naku s’est rendu à Genève le 27 mai 2014. Il a ensuite pu assister aux travaux de la CIT, à ses propres frais, en tant qu’observateur accrédité par l’OIE, mais sans droit de vote.
  11. 506. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que la désignation d’un administrateur provisoire chargé d’organiser une nouvelle assemblée générale élective dans un délai de dix-huit mois ait pour conséquence de paralyser totalement l’activité du CNP, qui n’assure plus l’exécution de son programme ni la protection et la promotion des intérêts de ses membres.
  12. 507. Les organisations plaignantes affirment que M. Bruce a présenté sa candidature au poste de président du CNP malgré le conflit d’intérêts entre la fonction publique qu’il occupe et la nécessité d’assurer l’indépendance du CNP vis-à-vis des pouvoirs publics. Or ce type de conflit d’intérêts ne fait pas l’objet d’une réglementation spécifique au niveau national et permettrait donc à l’Etat de s’ingérer dans les affaires des organisations professionnelles.
  13. 508. M. Bruce est depuis 2012 le chef traditionnel de la ville d’Aného, titre et poste qui, selon l’article 1 de la loi no 2007-002 du 8 janvier 2007, dépendent directement du ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales et qui impliquent un émargement au budget de l’Etat. En exerçant ses fonctions, M. Bruce doit se comporter «en digne représentant de sa population et être loyal envers l’Etat» (art. 24 de la loi no 2007-002). Selon les organisations plaignantes, ces dispositions montrent clairement que les fonctions de chef traditionnel et le poste de président du CNP sont incompatibles.
  14. 509. Malgré le fait que le ministre de l’Administration territoriale ait affirmé que, «en l’état actuel de la législation, il n’existe aucune incompatibilité ou interdiction pouvant empêcher un chef traditionnel d’exercer une quelconque responsabilité fut-elle élective, dans une organisation patronale ou syndicale», ladite incompatibilité a été soulignée par la commission ad hoc chargée de l’organisation et de la supervision des élections du nouveau conseil d’administration qui, en date du 9 septembre 2013, en a informé par lettre M. Bruce. Cette lettre reprend la position exprimée, le 2 septembre 2013, par la chargée des activités des employeurs de l’Equipe technique d’appui au travail décent du bureau de l’OIT à Dakar dont la teneur est: «la crédibilité d’une organisation d’employeurs et sa capacité à jouer son rôle reposent sur son indépendance vis-à-vis des autorités nationales avec lesquelles elle est appelée à négocier. Il est donc essentiel d’éviter tout conflit d’intérêts de la part de son équipe dirigeante. Certaines fonctions comme celle d’être de fait un agent de l’Etat sont donc incompatibles avec la fonction de président et même de membre du conseil d’administration.»
  15. 510. Les organisations plaignantes regrettent que le juge du Tribunal de première instance de première classe de Lomé n’ait fait aucune référence à la question d’incompatibilité entre la fonction publique exercée par M. Bruce et sa candidature au poste de président du CNP, qui est pourtant d’importance fondamentale pour la solution du litige.
  16. 511. Les organisations plaignantes observent que M. Bruce accuse la commission ad hoc chargée de l’organisation et de la supervision des élections du nouveau conseil d’administration d’avoir été gérée par M. Naku, d’avoir été ni impartiale ni indépendante et d’avoir «créé l’inégalité et un déséquilibre total entre les candidats et les électeurs». Cependant, elles constatent qu’aucune des organisations membres du CNP ne s’est plainte ni formellement, ni informellement, du déroulement des élections, ce qui tend à montrer que la commission a travaillé de manière irréprochable.
  17. 512. Enfin, les organisations plaignantes s’étonnent de l’analyse du Tribunal de première instance de première classe de Lomé concernant la présence de l’huissier de justice qui a sanctionné par des procès-verbaux les travaux de la commission électorale et le déroulement des élections que le tribunal considère dans son jugement comme ayant «joué un rôle d’auxiliaire de justice ayant compétence pour, entre autres, dresser constat de certaines situations ou événements». Sa présence avait pour but de faire constater le déroulement desdites opérations, qu’elles soient régulières ou pas. Selon les organisations plaignantes, ce raisonnement enlève toute importance et toute valeur à la présence d’un huissier de justice pendant les travaux de la commission électorale.
  18. 513. Dans une communication en date du 12 décembre 2014, les organisations plaignantes dénoncent une nouvelle entrave des autorités au droit des membres du CNP d’élire librement leurs représentants et de voir respectés les statuts et règlements adoptés par l’organisation. Les organisations plaignantes dénoncent ainsi l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Lomé (no 232/2014) le 8 octobre 2014, dans lequel la cour considère que le jugement de première instance «n’a pas justifié [l’administration provisoire par M. Papaly] tant dans la désignation de ses membres que dans la durée a elle impartie; qu’aucun support juridique ne sous-tend cette désignation, de sorte que celle-ci manque de base légale; que sa présence à la tête du CNP Togo ne se justifie». C’est ainsi que la cour reçoit partiellement l’appel interjeté par M. Naku en désignant: «le doyen d’âge des présidents d’association de base composant le CNP Togo pour assurer l’administration provisoire à la tête du patronat»; «le plus jeune en âge des présidents d’associations de base composant le CNP Togo comme secrétaire général provisoire»; et «le vice-président de la Cour d’appel de Lomé pour mettre en place le bureau de l’administration provisoire dans un délai de douze jours à compter du prononcé de la décision». La cour prévoit que le bureau provisoire constitué a pour mission d’organiser une assemblée générale élective dans un délai de trois mois à compter de sa mise en place.
  19. 514. Le 17 octobre 2014, le vice-président de la cour d’appel a effectivement réuni les présidents des 16 associations professionnelles composant le CNP comme le lui demandait la cour. A l’issue de la réunion, un président de l’administration provisoire et un secrétaire général de l’administration provisoire ont été désignés. Cependant, de l’avis des organisations plaignantes, cette action représente une nouvelle tentative d’ingérence des pouvoirs publics dans la gestion du CNP.
  20. 515. Suite à cet arrêt et dans le but d’apporter une solution à la délicate situation dans laquelle se trouve le CNP, une assemblée générale extraordinaire, convoquée le 22 octobre 2014, à laquelle ont participé 15 des 16 présidents des associations professionnelles qui composent le CNP, a adopté les résolutions suivantes:
    • ■ la mise en place d’un comité de pilotage et d’organisation des élections qui a pour mission d’actualiser les textes et d’organiser les élections dans un délai maximum de trois mois;
    • ■ la gestion des affaires courantes reste la compétence du conseil d’administration qui s’engage à faire la passation dès la mise en place des nouveaux élus. Son mandat prend fin le jour même des élections;
    • ■ tous les participants ont remercié vivement M. Naku pour sa sagesse et son savoir-faire pour avoir mené à bien l’assemblée générale extraordinaire qui s’est déroulée dans de très bonnes conditions;
    • ■ tout pouvoir est donné au porteur des présentes résolutions pour en faire bon usage.
  21. 516. Les organisations plaignantes précisent que, à l’occasion de cette assemblée générale extraordinaire, M. Naku a publiquement déclaré qu’il ne présentera pas sa candidature à l’élection des organes dirigeants du CNP.
  22. 517. En conclusion, les organisations plaignantes demandent au Comité de la liberté syndicale d’enjoindre le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour:
    • ■ faire respecter les résultats des élections du 20 septembre 2013 et toutes les demandes des membres du CNP;
    • ■ retirer les scellés des bureaux du CNP afin de permettre au conseil d’administration et à son président élu de pouvoir exercer leurs fonctions;
    • ■ rembourser les dépenses que M. Naku a dû supporter pour participer à la CIT de 2014 du 26 mai au 12 juin;
    • ■ éviter qu’une nouvelle situation de ce type – qui entrave gravement la conduite des activités et la formulation du programme d’action du CNP – ne puisse se répéter à l’avenir.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 518. Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations des organisations plaignantes, alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité regrette vivement que le gouvernement se soit contenté d’indiquer en janvier 2015 son intention de répondre rapidement à la présente plainte sans y avoir donné suite, cela compte tenu de la gravité des allégations qui concernent la capacité des organisations d’employeurs de fonctionner et de mener leurs activités au nom de leurs membres. Le comité prie instamment le gouvernement de faire preuve de plus de coopération à l’avenir.
  2. 519. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
  3. 520. Le comité rappelle au gouvernement que l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen d’allégations en violation de la liberté syndicale vise à assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent à leur tour reconnaître l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]
  4. 521. Le comité note que le présent cas a trait à l’ingérence présumée des pouvoirs publics dans les élections des représentants du Conseil national du patronat du Togo (CNP). Il ressort des informations fournies par les organisations plaignantes que le CNP a organisé l’élection d’un nouveau conseil d’administration au cours d’une assemblée générale ordinaire le 20 septembre 2013. Une commission ad hoc chargée de l’organisation et du contrôle des élections du nouveau conseil a été mise en place à cet effet et un huissier de justice a établi les procès-verbaux des travaux de l’assemblée générale et du déroulement des élections. Ainsi, selon les organisations plaignantes, l’assemblée générale a démocratiquement élu tous les membres du conseil d’administration, dont M. Kossivi Naku à la présidence du CNP. Le comité note toutefois que, trois mois après ces élections, le deuxième candidat à la présidence du CNP, M. Ahlonko Bruce, qui a échoué au deuxième tour de scrutin et qui n’a pas manifesté à cette occasion d’opposition aux résultats, a saisi un juge des référés le 6 janvier 2014 pour faire invalider les élections du 20 septembre 2013 qu’il considère comme entachées d’irrégularités. Le juge des référés a fait droit à la demande de M. Bruce et ordonné l’invalidation des élections par ordonnance du 10 janvier 2014. Cependant, cette ordonnance sera annulée au motif de l’incompétence du juge des référés par la Cour d’appel de Lomé saisie par le CNP. La cour renvoie donc les parties devant le Tribunal de première instance de Lomé. M. Bruce décide ainsi de saisir le juge de première instance de première classe de Lomé d’une requête en annulation des élections et demandent la désignation d’une administration provisoire ayant pour mission d’organiser une nouvelle assemblée générale élective. Le comité observe que par un jugement du 4 avril 2014, le tribunal a constaté des irrégularités graves contraires aux statuts mêmes de l’organisation dans le déroulement des élections du 20 septembre 2013, a annulé lesdites élections et a désigné un administrateur provisoire (M. Papaly) ainsi qu’un secrétaire général (M. Adjogah) et un trésorier (M. Aziabu) dont la mission est d’organiser un nouveau scrutin dans un délai de dix-huit mois à compter de la date du jugement.
  5. 522. Le comité note que, suite au jugement du Tribunal de première instance de première classe de Lomé, les 16 associations professionnelles membres du CNP ont organisé une réunion extraordinaire le 30 avril 2014 à l’issue de laquelle elles ont signé une déclaration certifiant que les élections du 20 septembre 2013 ont été régulières, transparentes et acceptées par tous les membres du CNP et demandant le respect de leur résultat.
  6. 523. Enfin, le comité prend note de la communication du 12 décembre 2014 des organisations plaignantes selon laquelle l’arrêt rendu le 8 octobre 2014 par la Cour d’appel de Lomé saisie par le CNP a considéré la décision de première instance d’une administration provisoire du CNP comme manquant de base légale et a décidé de désigner une administration provisoire émanant de l’organisation. Compte tenu du silence des statuts de l’organisation en cas d’annulation des élections, la cour a décidé d’appliquer le critère du doyen d’âge des présidents d’associations composant le CNP en qualité d’administrateur provisoire et le plus jeune en âge des présidents en qualité de secrétaire général. Le comité note que les organisations plaignantes sont insatisfaites de cette décision qu’elles considèrent comme une nouvelle entrave des autorités au droit du CNP d’élire ses propres dirigeants et d’organiser sa gestion selon ses statuts. Suite à cet arrêt, le CNP a organisé une assemblée générale extraordinaire à l’issue de laquelle les résolutions suivantes concernant l’organisation de nouvelles élections ont été adoptées: i) la mise en place d’un comité de pilotage et d’organisation des élections qui a pour mission d’actualiser les textes et d’organiser les élections dans un délai maximum de trois mois; et ii) la gestion des affaires courantes reste la compétence du conseil d’administration qui s’engage à faire la passation dès la mise en place des nouveaux élus. Son mandat prend fin le jour même des élections.
  7. 524. S’agissant des différends au sein d’une organisation professionnelle, le comité rappelle qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur des conflits internes d’une organisation syndicale ou patronale, sauf si le gouvernement est intervenu d’une manière qui pourrait affecter l’exercice des droits syndicaux et le fonctionnement normal de l’organisation en question. A cet égard, le comité rappelle fréquemment le principe selon lequel, dans le cas de dissensions intérieures au sein d’une même fédération syndicale, un gouvernement n’est lié, en vertu de l’article 3 de la convention no 87, que par l’obligation de s’abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des organisations professionnelles d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action, ou de toute intervention de nature à entraver l’exercice légal de ce droit. Enfin, le comité souligne régulièrement le principe selon lequel, dans les cas de conflits internes, l’intervention de la justice permettait de clarifier la situation d’un point de vue légal et de normaliser la gestion et la représentation de l’organisation en cause. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1116 et 1117.]
  8. 525. Dans le présent cas, le comité constate que la juridiction de première instance saisie a prononcé le 4 avril 2014 l’annulation des élections du 20 septembre 2013 au motif de violations de certaines règles établies dans les statuts de l’organisation concernant l’élection des membres du conseil d’administration, sans lien avec l’élection du président. Le comité note en outre que la juridiction d’appel n’a pas remis en cause les motifs d’annulation des élections, mais seulement la base légale de la nomination d’une administration provisoire du CNP pendant la période transitoire devant mener à l’organisation de nouvelles élections.
  9. 526. Sans devoir rentrer dans une analyse de fond des décisions rendues, le comité note qu’en l’espèce le conflit a été tranché par l’autorité judiciaire qui s’est efforcée de désigner une autorité provisoire en vue de procéder rapidement à de nouvelles élections. A cet égard, le comité rappelle qu’il a toujours signalé que l’intervention de la justice permettrait de clarifier la situation du point de vue légal et de normaliser la gestion et la représentation de la centrale syndicale en cause. Un autre moyen de procéder à cette normalisation consisterait à désigner un médiateur indépendant, en accord avec les parties intéressées, en vue de chercher conjointement la solution des problèmes existants et, le cas échéant, de procéder à de nouvelles élections. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1124.] Dans la mesure où l’issue proposée par la justice ne convient pas aux parties en conflit, le comité les invite à s’efforcer de s’entendre sur la désignation d’un médiateur indépendant qui les assisterait pour mettre en œuvre une procédure acceptée par tous afin de permettre aux membres du CNP de choisir librement et rapidement leurs représentants, conformément aux principes de la liberté syndicale rappelés ci-dessus.
  10. 527. S’agissant des allégations des organisations plaignantes selon lesquelles M. Bruce a présenté sa candidature au poste de président du CNP malgré le conflit d’intérêts entre sa fonction publique de chef traditionnel de la ville d’Aného depuis 2012 et la nécessité d’assurer l’indépendance du CNP vis-à-vis des pouvoirs publics, le comité note que les organisations plaignantes estiment que le titre de chef traditionnel de la ville d’Aného dépend directement du ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales et implique un émargement au budget de l’Etat, en vertu de l’article 1 de la loi no 2007-002 du 8 janvier 2007. En vertu de l’article 24 de la loi no 2007-002, en exerçant ses fonctions, M. Bruce doit se comporter «en digne représentant de sa population et être loyal envers l’Etat». Cette obligation rend sa fonction incompatible avec celle de président du CNP selon les organisations plaignantes. Les organisations plaignantes regrettent que le juge du Tribunal de première instance de première classe de Lomé n’ait fait aucune référence à la question d’incompatibilité entre la fonction publique exercée par M. Bruce et sa candidature au poste de président du CNP, qui est pourtant d’importance fondamentale pour la solution du litige.
  11. 528. Le Comité reconnaît la nécessité pour une organisation d’employeurs de préserver sa crédibilité et son indépendance vis-à-vis des autorités nationales avec lesquelles elle doit négocier en s’assurant qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts dans sa direction, en particulier entre certaines fonctions dans l’équipe dirigeante et celles au sein de l’Etat. A cet égard, tout en notant que, selon les autorités, il n’existe aucune incompatibilité ou interdiction dans l’état actuel de la législation pouvant empêcher un chef traditionnel d’exercer une quelconque responsabilité fut-elle élective, dans une organisation patronale ou syndicale, le comité est d’avis que, si une organisation estime qu’une charge ou une fonction publique est incompatible avec un poste électif ou non à sa direction, elle a toute latitude pour intégrer cette question dans ses statuts, conformément au droit des organisations professionnelles d’élaborer leurs statuts et règlements en toute liberté sans ingérence des autorités, notamment en ce qui concerne les procédures électorales.
  12. 529. Le comité note avec préoccupation l’indication selon laquelle M. Naku s’est vu notifier, dès le 14 avril 2014, l’apposition de scellés sur les bureaux du CNP et que, depuis cette date, l’accès au siège du CNP lui est interdit ainsi qu’aux autres membres du CNP, paralysant totalement les activités de l’organisation. Malgré le fait que la mise sous scellés des locaux du CNP soit issue d’une décision judiciaire, le comité ne peut que regretter le fait que, depuis maintenant une année, l’organisation en question ne peut organiser ses activités ni protéger les intérêts de ses membres de manière adéquate. Le comité prie instamment le gouvernement de l’informer de la levée de la mise sous scellés des locaux du CNP et, entre-temps, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que le CNP puisse développer sans entrave ses activités de défense et de promotion des intérêts de ses membres dans l’intervalle menant à l’organisation de nouvelles élections de son conseil d’administration.
  13. 530. Enfin, le comité note que les organisations plaignantes dénoncent le fait que, suite à la désignation d’un administrateur provisoire, celui-ci a été accrédité par le gouvernement comme délégué des employeurs à la place de M. Naku à la Conférence internationale du Travail (CIT) en mai-juin 2014. M. Naku a participé, à ses frais, à la CIT comme observateur accrédité par l’OIE sans droit de vote et a saisi la Commission de vérification des pouvoirs de la CIT d’une protestation à cet égard. Rappelant que les questions ayant trait à la participation à la Conférence internationale du Travail sont du ressort de la Commission de vérification des pouvoirs, le comité note cependant que, dans son analyse de la protestation de M. Naku, la commission a indiqué que les prérogatives conférées à un administrateur provisoire par une décision de justice ne devraient pas être de nature à empêcher que le représentant choisi par les employeurs exerce ses fonctions à la Conférence. La commission a rappelé en outre que l’intervention des organisations professionnelles dans la désignation des délégués et des conseillers techniques n’a d’autre but que de garantir que les gouvernements désigneront des personnes dont les opinions seront en harmonie avec les opinions respectives des employeurs et des travailleurs. En conclusion, la commission observe que le gouvernement aurait dû procéder à de nouvelles consultations pour garantir pleinement la représentation des employeurs à la Conférence. Le comité s’attend à ce que le gouvernement garantisse que la désignation du délégué des employeurs aux futures sessions de la Conférence internationale du Travail s’effectuera d’une manière pleinement conforme à la Constitution de l’OIT.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 531. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations des organisations plaignantes, alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité regrette vivement que le gouvernement se soit contenté d’indiquer en janvier 2015 son intention de répondre rapidement à la présente plainte sans y avoir donné suite, cela compte tenu de la gravité des allégations qui concernent la capacité des organisations d’employeurs de fonctionner et de mener leurs activités au nom de leurs membres. Le comité prie instamment le gouvernement de faire preuve de plus de coopération à l’avenir.
    • b) Dans la mesure où l’issue proposée par la justice ne convient pas aux parties en conflit, le comité les invite à s’efforcer de s’entendre sur la désignation d’un médiateur indépendant qui les assisterait pour mettre en œuvre une procédure acceptée par tous afin de permettre aux membres du CNP de choisir librement et rapidement leurs représentants.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de l’informer de la levée de la mise sous scellés des locaux du CNP et, entre-temps, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que le CNP puisse développer sans entrave ses activités de défense et de promotion des intérêts de ses membres dans l’intervalle menant à l’organisation de nouvelles élections de son conseil d’administration. Le comité, rappelant que les organisations d’employeurs et de travailleurs devraient exercer leur droit d’élaborer leurs propres statuts et règles de fonctionnement en toute liberté sans ingérence de la part des autorités, en particulier en ce qui concerne les procédures d’élection, prie le gouvernement de respecter ce principe dans le traitement du présent cas et à l’avenir.
    • d) Le comité s’attend à ce que le gouvernement garantisse que la désignation du délégué des employeurs aux futures sessions de la Conférence internationale du Travail s’effectuera d’une manière pleinement conforme à la Constitution de l’OIT.
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