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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 376, Octobre 2015

Cas no 3102 (Chili) - Date de la plainte: 11-SEPT.-14 - En suivi

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Allegations: Obstacles au droit à la négociation collective et au droit de grève des syndicats interentreprises et diminution de la protection des travailleurs et travailleuses contre les actes de discrimination antisyndicale tel que le licenciement

  1. 245. La plainte figure dans les communications de la Confédération nationale des travailleurs de l’industrie du pain et de l’administration (CONAPAN), la Fédération nationale des syndicats de chauffeurs d’autobus et de camions, et activités similaires et connexes du Chili (FENASICOCH), le Syndicat interentreprises des travailleurs des entreprises des supermarchés Líder, la Fédération des syndicats de travailleurs unis (AGROSUPER), le Syndicat interentreprises des travailleurs des entreprises de sous-traitance (SITEC), le Syndicat interentreprises des acteurs du Chili (SIDARTE), le Syndicat national interentreprises des professionnels et des techniciens du cinéma et de l’audiovisuel (SINTECI), la Fédération des travailleurs sous-traitants ENAP de Concón, le Syndicat interentreprises des footballeurs professionnels, la Fédération des syndicats de travailleurs des entreprises holding ISS et filiales, services généraux (FETRASSIS) et le Syndicat interentreprises des travailleurs domestiques, datées du 22 avril et du 30 juillet 2013 (reçues au Bureau le 11 septembre 2014).
  2. 246. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 21 août 2015.
  3. 247. Le Chili a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 248. Dans leurs communications en date des 22 avril et 30 juin 2013, la Confédération nationale des travailleurs de l’industrie du pain et de l’administration (CONAPAN), la Fédération nationale des syndicats de chauffeurs d’autobus et de camions, et activités similaires et connexes du Chili (FENASICOCH), le Syndicat interentreprises des travailleurs des entreprises des supermarchés Líder, la Fédération des syndicats de travailleurs unis (AGROSUPER), le Syndicat interentreprises des travailleurs des entreprises de sous-traitance (SITEC), le Syndicat interentreprises des acteurs du Chili (SIDARTE), le Syndicat national interentreprises des professionnels et des techniciens du cinéma et de l’audiovisuel (SINTECI), la Fédération des travailleurs sous-traitants ENAP de Concón, le Syndicat interentreprises des footballeurs professionnels, la Fédération des syndicats de travailleurs des entreprises holding ISS et filiales, services généraux (FETRASSIS) et le Syndicat interentreprises des travailleurs domestiques allèguent que les syndicats interentreprises sont définis juridiquement dans la législation du Chili comme «[…] des syndicats qui regroupent des travailleurs occupés par deux employeurs différents ou plus;» (art. 216 b) du Code du travail). Les organisations plaignantes précisent qu’elles représentent des milliers de travailleurs et de travailleuses occupés à de multiples activités productives dans divers secteurs industriels, manufacturiers et dans des services essentiels pour le développement du Chili, tels que le commerce de détail, les transports, l’alimentation, l’exploitation minière, les énergies (combustibles et substances dangereuses), les arts et la communication, les services de nettoyage industriel ainsi que les services domestiques, les acteurs ou les footballeurs professionnels.
  2. 249. Cependant, en vertu de la législation, le droit essentiel et fondamental des syndicats interentreprises à représenter leurs affiliés dans le processus de négociation dépend exclusivement de la volonté de l’employeur; c’est lui qui décide s’il veut ou non qu’il y ait négociation. Plus encore, quand l’entreprise accepte d’entamer un processus de négociation, cette négociation a lieu en dehors de toutes les règles, c’est-à-dire sans aucune protection pour les travailleurs, et sans que soit respecté le moindre droit lié à la négociation, non plus que le droit de grève.
  3. 250. Les organisations plaignantes expliquent qu’au Chili les entreprises disposent au niveau constitutionnel d’un droit garanti d’exercer l’activité économique de leur choix. Le droit de propriété dote les chefs d’entreprise des pleins pouvoirs et de toutes sortes de protections, qui prévalent sur les droits sociaux fondamentaux; les fonctions de direction et d’administration des chefs d’entreprises sont donc pleinement protégées, et les employeurs peuvent s’organiser en toute liberté; ils s’organisent donc sous cette ample protection, créent des entreprises, les réorganisent au moyen de fusions ou de divisions de leurs structures; en fait, ils peuvent arborer de multiples raisons sociales tout en cachant leur identité véritable et ils peuvent externaliser tous leurs services et toute leur production, y compris dans le cadre de leur activité principale. La dispersion syndicale et l’affaiblissement des syndicats sont des conséquences naturelles du contexte qui vient d’être décrit. Selon les statistiques officielles, environ 85,5 pour cent des unités de production n’ont pas négocié collectivement au cours des cinq dernières années.
  4. 251. Par exemple, dans le secteur du commerce de détail et des supermarchés, il existe de grandes chaînes dont chaque point de vente correspond à une raison sociale distincte; le meilleur moyen d’établir un équilibre de pouvoir entre l’entreprise et les travailleurs et les travailleuses reste le syndicat interentreprises, simplement parce que, effectivement, une même entreprise peut se déguiser en plusieurs autres entreprises plus petites.
  5. 252. Dans le secteur des transports, certains éléments sont à prendre en compte, tels la géographie, la dispersion du transport routier, la dynamique du travail lors des déplacements sur de longues distances et le fait que les chauffeurs d’une même entreprise résident en divers endroits du pays. C’est sur cet ensemble de facteurs que se fonde le droit de s’affilier à un syndicat interentreprises. La situation du secteur des transports est identique à celle du secteur de la boulangerie et de celui du nettoyage: il s’agit de travailleurs qui travaillent seuls ou qui comptent très peu de collègues dans l’exercice de leurs fonctions ou sur le lieu de travail.
  6. 253. Les organisations plaignantes font valoir que certains secteurs dans lesquels opèrent les syndicats interentreprises présentent une autre caractéristique: ils travaillent beaucoup en sous-traitance comme c’est le cas des techniciens et des professionnels des communications, qui sont liés aux chaînes de télévision par une ou plusieurs entreprises tiers; il y a aussi les travailleurs des entreprises de sous-traitance dont les dirigeants opèrent selon de multiples sous-divisions des processus, tout en dissimulant leur qualité d’employeurs, alors que c’est d’eux pourtant que dépend le contrôle absolu des conditions de travail. Il y a enfin beaucoup d’autres secteurs dans lesquels les travailleurs voient se diluer leur force collective compte tenu du niveau élevé de dispersion de l’entreprise, qui découle très souvent de ses choix frauduleux.
  7. 254. Confronté à deux syndicats interentreprises, l’employeur peut choisir de négocier avec l’un et non pas avec l’autre, sans motiver sa décision.
  8. 255. Les organisations plaignantes font savoir qu’au Chili le système fonctionne de la manière suivante. Les syndicats interentreprises présentent à l’entreprise ou aux entreprises un projet de convention collective après avoir rempli une série de conditions légales, et l’entreprise dispose de dix jours ouvrables pour faire connaître sa décision d’accepter ou non de négocier, sans devoir la motiver. Si, par miracle, elle accepte de négocier, les travailleurs contractuels du projet risquent d’être licenciés, car ils ne disposent d’aucune protection juridique étant donné qu’ils n’ont pas le droit d’exercer un mandat syndical dans le processus de négociation. Par ailleurs, la loi ne leur concède pas non plus un outil légal de pression, puisqu’ils n’ont pas le droit de faire grève.
  9. 256. Dans la majorité des cas, les entreprises ne reconnaissent pas aux syndicats interentreprises le droit de négocier. Ces derniers doivent faire preuve de créativité dans leur recherche de manières nouvelles de représenter leurs affiliés et de négocier. Certains se voient contraints de se dissimuler sous diverses formules, de recourir à la méthode antisyndicale qui consiste à créer des groupes de négociation, ou tout simplement de recourir à la force collective tout en assumant que les participants à cette force courent le risque d’être sanctionnés.
  10. 257. Avant 1973, les travailleurs du transport routier jouissaient de bonnes conditions de rémunération et d’autres indemnités grâce à une négociation collective semblable à celle de la branche d’activité, dans laquelle l’Etat fixait certaines conditions comme les indemnités de subsistance et un pourcentage lors de la vente du camion, qui n’ont plus jamais été revendiquées par travailleurs. Ce secteur est présent dans tous les domaines productifs du pays, mais jusqu’à présent ses travailleurs n’ont pas réussi à récupérer cette possibilité de négocier par branche d’activité.
  11. 258. Les organisations plaignantes précisent que le cas des artistes et des professionnels de la communication (actrices et acteurs) est particulier et qu’ils ont été exclus du Code du travail en pratique, car les chaînes de télévision ont fait pression sur eux pour qu’ils se lancent dans des activités en tant qu’entrepreneurs indépendants, ce qui leur a fait perdre leur identité de travailleur salarié, même si le lien de subordination et de dépendance vis-à-vis de l’employeur est présent en tous temps. Dans le domaine du cinéma et de l’audiovisuel, les travailleurs sont au bénéfice de contrats de durée déterminée, liés à un projet ou à une œuvre (par exemple le tournage d’une publicité, d’une série de télévision, d’un documentaire ou d’un film chilien). C’est pourquoi, pendant l’année, le travailleur a plusieurs employeurs. C’est ainsi qu’est né le syndicat interentreprises. Par ailleurs, le syndicat qui opère dans CODELCO s’est constitué dans le but de répondre aux nouvelles formes d’organisation du travail (la sous-traitance et la spécialisation de main-d’œuvre étaient auparavant centrées principalement sur des travaux étrangers au noyau principal de l’industrie).
  12. 259. Selon les allégations, tout ce qui précède démontre la violation évidente dans les faits des conventions nos 87 et 98 de l’OIT. En fait, les syndicats interentreprises sont victimes de discrimination par rapport aux syndicats d’entreprise qui peuvent négocier indépendamment de la volonté de l’employeur, et il n’est pas rare que, lorsqu’un travailleur décide de s’affilier à un syndicat interentreprises ou y assume des fonctions de dirigeant syndical, l’entreprise concernée exerce immédiatement des représailles pour le décourager de prendre cette décision.
  13. 260. Enfin, les organisations plaignantes réitèrent que les syndicats sont constitués par les travailleurs et que ce sont eux qui doivent décider de l’organisation syndicale à laquelle ils souhaitent s’affilier et qui doit les représenter dans toutes les instances prévues par les statuts syndicaux, notamment à la négociation collective.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 261. Dans sa communication en date du 21 août 2015, le gouvernement estime, en ce qui concerne les faits dénoncés par les organisations syndicales plaignantes, qu’il n’y a pas eu violation de la liberté syndicale par l’Etat du Chili. Ce qui n’empêche pas les erreurs ou les différences d’appréciation des faits qui peuvent exister entre les parties, mais ce sont là des questions qui ont été résolues grâce aux institutions en vigueur dans le pays, soit sur le plan administratif, soit sur le plan juridictionnel.
  2. 262. A cet égard, le gouvernement précise que la Constitution politique de la République prévoit dans son article 19, alinéa 2, que: «la Constitution garantit que toutes les personnes sont à égalité devant la loi. Au Chili, il n’existe ni individu ni groupe privilégié. Au Chili, il n’y a pas d’esclave, et toute personne qui entre sur le territoire est une personne libre. Hommes et femmes sont égaux devant la loi. Ni le droit ni aucune autorité quelle qu’elle soit ne peuvent établir de différences arbitraires.» L’article 19, alinéa 19, prévoit que: «la Constitution garantit à toutes les personnes le droit de se syndiquer selon les conditions prévues par la loi […]».
  3. 263. Par ailleurs, le Code du travail prévoit que:
    • ■ Article 2 […]
      • Les actes de discrimination sont contraires aux principes de la législation du travail.
      • Les actes de discrimination sont notamment les distinctions, exclusions ou préférences fondées sur la race, la couleur, le sexe, l’âge, l’état civil, l’appartenance à un syndicat, la religion, les opinions politiques, la nationalité, l’ascendance nationale ou l’origine sociale qui auraient pour objet d’annuler ou d’altérer l’égalité de chances ou de traitement dans l’emploi et la profession.
    • ■ Article 212. Est reconnu aux travailleurs du secteur privé et des entreprises d’Etat, quelle que soit leur nature juridique, le droit de constituer, sans autorisation préalable, les organisations syndicales de leur choix, à l’unique condition de respecter la législation nationale et les statuts de ces organisations.
    • ■ Article 214. Les mineurs n’ont pas besoin d’autorisation pour s’affilier à un syndicat, ou pour intervenir dans son administration et sa direction.
      • L’affiliation à un syndicat est volontaire, personnelle et inaliénable.
      • Nul ne peut être contraint à s’affilier à une organisation syndicale pour assumer un emploi ou accomplir un travail. Par ailleurs, nul ne peut être contraint à se désaffilier d’un syndicat. […]
    • ■ Article 215. L’emploi d’un travailleur ne saurait être conditionné à l’appartenance ou la non-appartenance à une organisation syndicale. De la même manière, il est interdit d’empêcher ou d’entraver l’affiliation du travailleur, de le licencier ou de lui nuire de quelque manière que ce soit au motif de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales.
    • ■ Article 216. La constitution et le nom d’une organisation syndicale doivent être en rapport avec les travailleurs qui sont appelés à s’y affilier. Voici notamment les organisations qui peuvent être constituées:
      • a) syndicat d’entreprise: celui qui regroupe les travailleurs d’une même entreprise;
      • b) syndicat interentreprises: celui qui regroupe des travailleurs dépendant de deux employeurs ou plus;
      • c) syndicat de travailleurs indépendants: celui qui regroupe des travailleurs qui ne dépendent d’aucun employeur;
      • d) syndicat de travailleurs temporaires ou occasionnels: celui qui est constitué par des travailleurs qui accomplissent des travaux dans le cadre d’une dépendance ou d’une subordination lors de périodes cycliques ou intermittentes.
  4. 264. Comme on pourra le constater, dit le gouvernement, la législation en vigueur non seulement reconnaît le droit d’appartenir à un syndicat, et le promeut au statut de garantie constitutionnelle, mais encore elle le protège en éliminant la possibilité d’en faire un critère de discrimination. Cependant, s’agissant du cas particulier des syndicats interentreprises, ceux-ci sont expressément autorisés et décrits dans l’article 216, alinéa b), déjà mentionné du Code du travail; par conséquent il n’est pas exact de dire que ces syndicats ne jouissent pas d’une reconnaissance légale au Chili. Pour entamer un processus de négociation collective, les syndicats de ce type disposent de deux solutions:
    • ■ Par le biais du processus décrit à l’article 334 du Code du travail, c’est-à-dire en essayant de conclure un accord préalable avec le ou les employeurs. Dans ce cas, pour pouvoir présenter un projet de convention collective, les organisations syndicales doivent remplir deux conditions, à savoir: «a) la ou les organisations syndicales respectives doivent conclure un accord préalable avec le ou les employeurs respectifs par écrit et devant huissier de justice;» et «b) dans l’entreprise concernée, la majorité absolue des travailleurs affiliés qui ont le droit de négocier collectivement doit décider, par un vote à bulletin secret, d’accorder cette représentation à l’organisation syndicale en question lors d’une assemblée qui se tiendra en présence d’un huissier de justice».
    • ■ En présentant directement un projet de convention collective en vertu de ce que prévoit l’article 334bis du Code du travail déjà cité. Dans ce cas, même lorsque de par sa nature juridique le syndicat interentreprises représente des travailleurs dépendants de plus d’un employeur, il peut présenter un projet de convention collective de travail, au nom de ses membres et des travailleurs appelés à adhérer, à des entreprises qui emploient des travailleurs adhérents dudit syndicat, sans qu’il soit nécessaire de compter sur l’accord préalable du ou des employeurs respectifs, comme l’exige la norme pour la procédure mentionnée antérieurement. Il convient de signaler que, dans le cadre de cette deuxième procédure, l’employeur a le droit de décider s’il veut ou non négocier avec le syndicat interentreprises, mais une décision négative, qu’il doit notifier expressément dans un délai de dix jours, permet aux travailleurs affiliés au syndicat et qui dépendent d’un même employeur de négocier collectivement en vertu des règles générales établies par le Code du travail.
  5. 265. Le gouvernement souligne que, conformément aux chiffres officiels qui ont été communiqués par la direction du travail, organe technique chargé de l’enregistrement des conventions collectives, au cours de l’année 2013, 127 accords collectifs ont été enregistrés, comparé à 152 en 2014 et 74 à ce jour pour 2015. Par conséquent, un total de 353 conventions collectives sont le fruit de la négociation collective interentreprises, et elles s’appliquent directement à 48 152 travailleurs.
  6. 266. Compte tenu de ce qui précède, on peut déduire que, en dépit de ses imperfections et des divergences d’interprétation à son endroit, le modèle de négociation collective interentreprises a été effectivement appliqué et qu’il a eu pour conséquence des améliorations multiples des conditions de travail de milliers de travailleurs.
  7. 267. Le gouvernement fait savoir qu’il est en train de mettre au point une réforme qui permettra de moderniser le système des relations professionnelles. Dans cette perspective, il a présenté (Bulletin no 1055-362) le projet de loi portant les amendements nécessaires au Code du travail tout en veillant à garantir un équilibre entre les parties et le respect absolu de la liberté syndicale. Ce projet de loi (que le gouvernement annexe à sa réponse), non seulement veut réformer la réglementation actuelle du droit de grève pour renforcer son exercice, mais encore autorise les travailleurs membres du syndicat à négocier collectivement, tout en interdisant la formation de groupes de négociation dans ces entreprises, et il réglemente l’existence d’un socle minimum de négociation ainsi que l’extension des indemnités.
  8. 268. S’agissant des allégations contenues dans la plainte, le gouvernement souligne que le projet de loi qui est en cours d’examen reconnaît le droit du syndicat interentreprises à négocier dans l’entreprise dans laquelle il compte un nombre de membres équivalant à celui qui est fixé pour la constitution d’un syndicat d’entreprise, ce qui lui donne ainsi l’autorité nécessaire pour agir au nom de ses membres. Preuve en est la rédaction de la proposition de l’article 362, récemment adopté par la Chambre des députés et rédigé comme suit:
    • Article 362. Négociation collective du syndicat interentreprises. Le syndicat interentreprises pourra négocier selon la procédure de négociation collective prévue par le Titre IV de ce Livre, compte tenu des modifications précisées dans ce chapitre. Dans ce dernier cas, l’entreprise ne peut s’opposer à la négociation.
  9. 269. Depuis le 30 mars 2015, le projet fait l’objet d’un processus urgent au Congrès national et il est actuellement devant le Sénat de la République en deuxième lecture constitutionnelle; le vote est prévu pour le 19 août 2015, ce qui permet de lancer la phase de la présentation des commentaires du gouvernement.
  10. 270. Compte tenu de tout ce qui précède, et du processus actuel de réforme du cadre légal de la négociation collective, le gouvernement considère que la plainte n’est pas fondée.

C Conclusions du comité

C Conclusions du comité
  1. 271. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent que: i) les syndicats interentreprises («[…] ceux qui regroupent des travailleurs dépendant de deux employeurs ou plus» (art. 216 b) du Code du travail)) n’ont pas de garantie quant à leur droit fondamental de représenter leurs affiliés lors d’une négociation collective, puisque ce droit dépend de la volonté de l’employeur qui décide s’il souhaite ou non négocier; dans le cas où l’employeur accepte la négociation, celle-ci aura lieu en dehors des procédures établies, sans aucune protection contre le licenciement pour les travailleurs concernés par le projet de négociation collective (privilège syndical) et sans que ces derniers puissent exercer le droit de grève; ii) cette situation fait obstacle à la négociation dans certaines branches d’activité ainsi qu’à la représentation ou la négociation de travailleurs qui accomplissent une même activité professionnelle (par exemple les travailleurs domestiques, les boulangers, les chauffeurs, etc.), d’autant plus que les entreprises divisent leurs structures en créant des raisons sociales multiples en divers points du pays; iii) dans certains cas, comme celui des acteurs, il est fait pression sur les travailleurs pour qu’ils se lancent dans des activités en tant que travailleurs indépendants, même si leur situation de subordination et de dépendance persiste; et iv) certains syndicats interentreprises se voient contraints de recourir au modèle antisyndical du «groupe de travailleurs» ou à l’action collective comme la grève, s’exposant ainsi à des sanctions légales puisqu’ils n’ont pas le droit de faire grève. Selon les organisations plaignantes, la conséquence naturelle de tout ce qui précède est la dispersion syndicale et l’affaiblissement conséquent des syndicats, objectifs poursuivis le plus souvent.
  2. 272. Le comité note les dispositions légales et constitutionnelles en vigueur communiquées par le gouvernement dans sa réponse, ainsi que les explications du gouvernement sur leur portée et les statistiques relatives au nombre des accords collectifs conclus par les syndicats interentreprises et la couverture des travailleurs par ces mêmes accords. Le comité note également que le gouvernement estime que la législation en vigueur ne viole pas la liberté syndicale et que la plainte évoque des questions qui ont été résolues par les institutions en vigueur, qu’elles soient administratives ou juridictionnelles; on peut déduire de la réponse du gouvernement que, avec certaines majorités, le syndicat interentreprises peut pratiquer la négociation collective (art. 334 du Code du travail).
  3. 273. Le comité note aussi que le gouvernement évoque un projet de réforme partiel du Code du travail en matière de relations professionnelles qui est en cours d’examen au Congrès national. Le comité note que le gouvernement déclare que ce projet: 1) reconnaît le droit des syndicats interentreprises de négocier dans l’entreprise (sans que cette dernière puisse s’opposer) dès qu’il dispose d’un nombre d’affiliés équivalant à celui qui est fixé pour la constitution d’un syndicat d’entreprise, et que cela lui confère l’autorité nécessaire pour agir au nom de ses affiliés; 2) autorise le syndicat interentreprises à profiter de la «procédure établie» applicable aux autres types de syndicats, y compris l’octroi des privilèges syndicaux aux affiliés en cas de négociation (protection contre le licenciement); 3) interdit l’existence de groupes (de travailleurs) de négociateurs; et 4) réglemente l’existence d’un socle minimum de négociation et l’extension des indemnités.
  4. 274. Le comité demande au gouvernement de lui communiquer le texte de la loi qui modifie le Code du travail dès qu’elle sera adoptée, laquelle, selon le gouvernement, reconnaît le droit de grève aux syndicats interentreprises. Le comité observe que le projet de loi traite de certains points soulevés par la plainte en renforçant les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 275. Compte tenu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Observant que le projet de loi de réforme partielle du Code du travail actuellement en cours contient des dispositions qui traitent de certains points soulevés dans la plainte en renforçant les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, le comité demande au gouvernement de lui communiquer le texte de la loi dès qu’elle sera adoptée.
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