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Rapport intérimaire - Rapport No. 376, Octobre 2015

Cas no 3113 (Somalie) - Date de la plainte: 28-DÉC. -14 - Clos

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  1. 957. La plainte figure dans la communication conjointe de la Fédération des syndicats somaliens (FESTU) et du Syndicat national des journalistes somaliens (NUSOJ) en date du 28 décembre 2014, appuyée par la Confédération syndicale internationale (CSI) dans une communication en date du 17 février 2015.
  2. 958. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 11 mai 2015.
  3. 959. La République fédérale de Somalie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 960. Dans leurs communications en date du 28 décembre 2014 et du 17 février 2015, les organisations plaignantes allèguent des menaces, des actes d’intimidation et des représailles graves contre des membres et des dirigeants syndicaux et l’absence de réponse adaptée de la part du gouvernement fédéral de la Somalie.
  2. 961. Pour situer les faits dans leur contexte, les organisations plaignantes rappellent que la Somalie est devenue Membre de l’OIT en 1960 et a donc accepté les principes fondamentaux inscrits dans la Constitution de l’OIT et la Déclaration de Philadelphie, y compris les principes de la liberté syndicale. En mars 2014, le gouvernement fédéral de la Somalie a ratifié les conventions nos 87 et 98, et son Premier ministre, M. Abdiweli Sheikh Ahmed Mohamed, a mis l’accent sur le fait que le «gouvernement s’est totalement engagé à institutionnaliser le dialogue tripartite» et que «les organisations syndicales aspirent à participer à l’élaboration des politiques sociales et économiques. Il importe que leurs voix soient entendues dans le dialogue social national, car elles appellent à un environnement équitable dans lequel elles bénéficient de chances égales». Les organisations plaignantes renvoient aussi à l’article 16 de la Constitution provisoire de la République fédérale de Somalie sur la liberté syndicale et à l’article 24 du même texte sur les relations professionnelles, y compris: i) le droit à des relations professionnelles équitables; ii) le droit de constituer un syndicat et d’y adhérer et de participer aux activités d’un syndicat; iii) le droit de grève; enfin iv) le droit des syndicats, des organisations d’employeurs ou des employeurs de mener des négociations collectives sur les questions relatives au travail.
  3. 962. Les organisations plaignantes expliquent que les dirigeants et les responsables de la FESTU et du NUSOJ de même que leurs membres subissent régulièrement des abus et des violations de la liberté syndicale et des droits syndicaux de la part du gouvernement. La liberté syndicale continue à être purement et simplement bafouée de manière grave en Somalie. Du fait de ces violations, les travailleurs en général et les membres syndicaux en particulier ont du mal à se faire entendre et représenter sur le lieu de travail et sur les questions ayant un impact sur leurs intérêts et leur bien-être. Les autorités gouvernementales portent atteinte systématiquement à l’indépendance, à la crédibilité, à l’intégrité et à la légitimité du mouvement syndical. Les membres et dirigeants syndicaux somaliens, en particulier ceux de la FESTU et du NUSOJ, ont été victimes à des degrés divers d’actes de persécution, de harcèlement et d’intimidation de la part des organes gouvernementaux, y compris des arrestations et des interrogatoires arbitraires de syndicalistes. La FESTU et le NUSOJ exigent donc le respect et la jouissance de leurs droits à la liberté d’organisation, de représentation et d’association.
  4. 963. En particulier, tout en fournissant diverses lettres du gouvernement à l’appui de leurs allégations, les organisations plaignantes mentionnent une série de faits et d’obstacles juridiques.
  5. 964. Activités syndicales: Le ministère de l’Information, des Postes et des Télécommunications (ci-après dénommé le ministère de l’Information) s’est ingéré dans le droit du NUSOJ de mener des activités syndicales pacifiques ayant pour objectif légitime de défendre les intérêts professionnels de ses membres. En novembre 2014, le ministère de l’Information a fait cesser une conférence de deux jours organisée par le NUSOJ pour célébrer la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes. A peine les participants avaient-ils commencé à s’enregistrer à la conférence que le ministre de l’Information, M. Mustaf Sheikh Ali Dhuhulow, par l’intermédiaire de l’Agence nationale du renseignement et de la sécurité de la section de Mogadiscio, a ordonné la cessation immédiate des activités en citant la présence «d’étrangers» dans les activités comme une menace pour la sécurité et en faisant valoir que la réunion n’avait pas été approuvée par le ministère de l’Information. Toutes les procédures avaient pourtant été suivies concernant la participation de deux représentants internationaux du Réseau africain d’échange pour la liberté d’expression (AFEX). En outre, le ministère de la Sécurité nationale avait approuvé l’arrivée de la délégation à la suite d’une demande formelle présentée par le NUSOJ qui avait écrit à la Direction de l’immigration et des nationalités pour demander la délivrance de visas aux deux personnes concernées. Le 1er novembre 2014, le vice-ministre de l’Information, M. Abdullahi Olad Roble, a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a qualifié la présence des deux représentants de l’AFEX en Somalie d’«illégale» et fait savoir que des instructions avaient été données aux autorités chargées de la sécurité pour enquêter sur eux.
  6. 965. Interrogatoires arbitraires de syndicalistes: Le 7 septembre 2014, M. Omar Faruk Osman, secrétaire général de la FESTU et du NUSOJ, a été convoqué par le procureur général qui l’a informé que lui-même et d’autres responsables syndicaux feraient l’objet de poursuites pénales pour avoir notamment «fourni des informations à une puissance étrangère» et «sapé l’intégrité et la réputation du gouvernement». Finalement, aucune charge n’a été retenue contre les syndicalistes, mais la menace de poursuites a eu un effet dissuasif sur les syndicats. Précédemment, en novembre 2011, des policiers armés ont fait irruption sans mandat dans les bureaux du NUSOJ et arrêté son secrétaire chargé de l’organisation, M. Abdiqani Sheik Mohamed. Ce dernier a été interrogé par la police et la Direction des enquêtes criminelles (CID), mais a été finalement relâché et a été averti que la police poursuivrait ses enquêtes pénales contre le syndicat sans en préciser les motifs. Des syndicalistes et des membres du Parlement et de la société civile ont protesté auprès de la CID contre les interrogatoires arbitraires et systématiques infligés aux représentants du NUSOJ en représailles de l’exercice de leurs droits légaux et légitimes.
  7. 966. Menaces: Le gouvernement n’a pris aucune mesure adéquate pour veiller à ce que les travailleurs puissent exercer leurs droits dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes contre les membres syndicaux. Entre le 2 et le 19 septembre 2013, les menaces de mort et les actes d’intimidation contre les membres du comité exécutif de la FESTU se sont rapidement multipliés. Les dates et les heures des menaces, les noms des responsables syndicaux ciblés et les messages adressés aux dirigeants syndicaux ont été transmis à la CID qui n’a pas ouvert d’enquête sur les menaces. La FESTU est convaincue que des miliciens de la capitale ont été engagés comme tueurs à gages. Le 28 septembre 2013, environ trois heures avant l’ouverture d’une réunion prévue par la FESTU réunissant une dizaine de syndicats affiliés pour discuter de l’augmentation du nombre d’actes d’intimidation et de menaces de mort, une bombe a été découverte enfouie devant l’entrée du bureau de la FESTU. L’incident a été signalé à la police qui a procédé au retrait de la bombe, mais qui n’a pas cherché à découvrir qui l’avait placée.
  8. 967. Restrictions dans les déplacements des syndicalistes: M. Omar Faruk Osman, secrétaire général du NUSOJ et de la FESTU, avait été invité par le ministère du Travail et des Affaires sociales à participer à la Conférence arabe du travail au Caire en tant que représentant travailleur. M. Omar Faruk Osman a néanmoins été interpellé par des agents de l’immigration au moment d’embarquer dans l’avion pour Le Caire le 12 septembre 2014. Ces derniers lui ont fait savoir que le bureau du procureur général avait lancé un mandat d’arrêt contre lui, mais n’ont pas été en mesure de lui présenter une preuve écrite. Finalement, le bureau du procureur a démenti avoir émis un mandat d’arrêt et fait savoir au Département de l’immigration que M. Omar Faruk Osman pouvait librement voyager.
  9. 968. Ingérence dans les affaires internes des syndicats: Le ministère de l’Information s’est livré à des déclarations diffamatoires sur le secrétaire général démocratiquement élu du NUSOJ dans le but de décrédibiliser les conclusions du rapport intitulé «Lives and Rights of Journalists under Threat» (Vies et droits des journalistes menacés). Le 24 janvier 2012, le ministère de l’Information a publié un communiqué de presse affirmant faussement que M. Omar Faruk Osman avait été démis de ses fonctions «pour mauvaise gestion et détournement de fonds» et que la direction intérimaire du NUSOJ avait «intenté une action judiciaire» contre lui. Ces accusations sont complètement infondées, et visent clairement à tromper le public et à décrédibiliser le rapport. M. Osman est secrétaire général du NUSOJ depuis 2006, et il n’y a jamais eu de poursuites judiciaires engagées contre lui pour détournement de fonds syndicaux. En tout état de cause, le droit à la liberté syndicale implique que les syndicats aient le droit de décider eux-mêmes des règles à suivre pour l’organisation de leur gestion, y compris les conditions d’éligibilité à des fonctions syndicales. Tout conflit interne devrait être réglé sur la base des statuts du syndicat et sans ingérence des pouvoirs publics.
  10. 969. Reconnaissance des dirigeants syndicaux du NUSOJ: Le ministère de l’Information refuse de reconnaître la direction démocratiquement élue du NUSOJ et son secrétaire général M. Omar Faruk Osman, et favorise une direction fantoche pour porter atteinte à la crédibilité et à l’intégrité du syndicat. Le ministère a rédigé des lettres visant à légaliser la direction fantoche alors qu’il n’est pas légalement habilité à le faire. Le NUSOJ, tout comme tout autre syndicat, recevra sa reconnaissance en tant que syndicat légal du ministère du Travail, conformément au Code du travail, et non pas du ministère de l’Information. Ce dernier doit donc s’abstenir de s’ingérer dans les affaires internes du NUSOJ en imposant des personnes extérieures à la direction du syndicat, notamment lorsque l’objectif est de bafouer le droit à la liberté d’expression.
  11. 970. Inadéquation du cadre juridique de la Somalie: S’agissant de garantir le droit à la liberté syndicale, le cadre juridique de la Somalie est extrêmement inadapté. Dans la pratique, la législation du travail impose de sérieux obstacles aux syndicats. Le droit à la liberté syndicale est consigné dans la Constitution provisoire de la République fédérale de Somalie, de même que dans la partie II du Code du travail de 1972, qui impose des restrictions au libre choix de la structure syndicale, au droit d’élaborer des statuts et des règlements administratifs, au droit d’élire librement des représentants, au droit d’organiser des activités et de formuler des programmes en toute légalité, et limite les sujets pouvant être abordés dans le cadre de la négociation collective. Le Code du travail impose également des contraintes excessives à la création de syndicats et permet la dissolution et la suspension de ces derniers.
  12. 971. Plus particulièrement, la législation somalienne porte atteinte aux droits des travailleurs de déterminer librement la structure et la composition de leurs syndicats. Les travailleurs devraient avoir le droit de créer des syndicats constitués de travailleurs de différents lieux de travail et villes. Néanmoins, l’article 10 du Code du travail prévoit que les travailleurs pourront créer des syndicats «dans les mêmes professions, métiers ou industries». L’article 19 du même texte prévoit que les syndicats pourront nommer des comités conformément aux dispositions de leurs statuts et règlements «à condition que les personnes nommées dans ce cadre soient celles qui œuvrent dans la même profession, dans le même métier ou dans des professions ou métiers apparentés». Ces dispositions impliquent que des travailleurs employés dans des métiers et des secteurs différents ne pourront pas créer un même syndicat et y adhérer, et font donc obstacle aux droits des travailleurs de décider librement de la composition de leurs syndicats.
  13. 972. Le nombre minimal légal de membres fondateurs d’un syndicat est excessivement élevé et constitue un sérieux obstacle à la syndicalisation des travailleurs. L’article 10 du Code du travail prévoit qu’un syndicat devra être constitué d’au moins 50 membres. En même temps, l’économie de la Somalie est essentiellement informelle, et la majorité de la population travaille dans des petites entreprises. De ce fait, d’importantes parties de la population active ne sont pas en mesure de répondre à ce critère, compte tenu de la structure du marché du travail somalien, et sont exclues du droit à la liberté syndicale sur leur lieu de travail.
  14. 973. Les dispositions législatives permettent de s’ingérer dans la gestion interne des syndicats et vont au-delà de l’obligation de présenter des rapports périodiques aux pouvoirs publics. En vertu de l’article 13 du Code du travail, le règlement administratif de tout syndicat doit comporter une clause permettant à toute personne intéressée par les fonds d’un syndicat de vérifier ses livres et les noms de ses membres. Cette disposition laisse une importante marge discrétionnaire aux pouvoirs publics pour effectuer des inspections et exiger des informations à tout moment, ce qui constitue un risque pour la garantie du droit d’organiser librement leur gestion interne.
  15. 974. La loi permet au gouvernement de s’ingérer dans les fonctions des syndicats. L’article 17 du Code du Travail prévoit expressément que les fonctions des syndicats consisteront notamment à «favoriser le fonctionnement normal des entreprises publiques et la participation des travailleurs à la planification et à la gestion de ces entreprises; et veiller à l’augmentation de la production et au renforcement de la discipline au travail». Cette disposition limite les droits des travailleurs d’organiser librement leurs activités, car elle impose des objectifs qui peuvent empêcher les syndicats de défendre les intérêts de leurs membres en les obligeant à renforcer le système politique et économique du pays.
  16. 975. L’article 27 du Code du travail prévoit que le gouvernement dispose du pouvoir de dissoudre tout syndicat, dont les activités sont considérées comme préjudiciables aux intérêts des travailleurs ou à l’esprit de la révolution. Cela signifie que c’est le gouvernement qui est compétent pour dissoudre un syndicat et non pas un organe judiciaire indépendant et impartial, et que les syndicats se voient privés de leurs droits à la défense dans le cadre d’une procédure judiciaire régulière. En subordonnant l’existence des syndicats à leur niveau de conformité au vaste concept de l’«esprit de la révolution», la législation empêche le développement d’organisations syndicales libres et indépendantes à même de contester les politiques socio-économiques sans risquer la dissolution.
  17. 976. Enfin, la législation prévoit des restrictions qui limitent le champ des questions pouvant être négociées dans le cadre de la négociation collective. L’article 32(2) du Code du travail prévoit que la teneur d’une convention collective du travail devra prendre en compte la politique sociale révolutionnaire de l’Etat, le rôle des syndicats et la responsabilité des travailleurs dans la mise en œuvre de tous les moyens possibles pour augmenter la production nationale et leur participation à la planification et à la gestion de l’économie nationale. L’article 33(j) précise que les conventions collectives devront énoncer les mesures qui visent à favoriser la participation des travailleurs à la gestion de l’entreprise. En application de l’article 42(1), les relations d’emploi relevant des décisions d’une instance publique prévue par la loi ne pourront pas être régies par une convention collective de travail. La relation d’emploi ne pourra être régie que par l’intermédiaire d’une «convention collective spéciale» tripartite, et il appartient au ministère du Travail d’en prendre l’initiative et de consulter les travailleurs et les employeurs. La relation d’emploi peut avoir de sérieuses implications sur les conditions de travail et, de la sorte, l’exclusion de cette question du champ de la négociation collective porte gravement atteinte aux droits des travailleurs.
  18. 977. Le Code du travail a été adopté en 1972 durant la dictature militaire du Président Siad Barre. Il est manifeste qu’il est très insuffisant pour protéger la liberté syndicale des travailleurs et instituer des relations professionnelles saines en Somalie. Plusieurs articles du code empiètent expressément sur les droits fondamentaux et doivent être modifiés.
  19. 978. En conclusion, les organisations plaignantes appellent l’attention sur le fait que, bien que le gouvernement prétende être attaché au tripartisme et reconnaître l’importance de la liberté syndicale pour le développement socio-économique de la Somalie, tant les pratiques que les dispositions législatives contredisent ses engagements et perpétuent la violation systématique des droits des membres et des dirigeants syndicaux somaliens.
  20. 979. Elles appellent le comité à exhorter: i) le ministère de l’Information à reconnaître la direction démocratiquement élue du NUSOJ, y compris le secrétaire général en fonctions, M. Omar Faruk Osman, et à cesser toute ingérence dans les affaires internes du syndicat; ii) le gouvernement à mettre un terme aux restrictions de voyages arbitraires imposées au NUSOJ et aux dirigeants de la FESTU pour qu’ils puissent exercer leurs droits à la liberté de circulation, et à cesser d’interrompre les réunions organisées par les syndicats de sorte que les membres et dirigeants syndicaux jouissent du droit de réunion; iii) les autorités chargées de la sécurité à mettre un terme à leur pratique d’arrestations, d’intimidations et d’interrogatoires arbitraires et à veiller à ce que les syndicalistes sous enquête aient droit à une procédure régulière; et iv) le gouvernement à diligenter des enquêtes et à réprimer les menaces et les attaques contre les syndicalistes et, enfin, à modifier la législation en consultation avec les partenaires sociaux pour veiller à ce qu’elle prévoie une protection adéquate du droit à la liberté syndicale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 980. Dans sa communication en date du 11 mai 2015, le gouvernement indique que des fonctionnaires gouvernementaux ont méconnu leur devoir, transgressé la liberté syndicale et de réunion, et se sont ingérés dans les activités syndicales internes du NUSOJ et de la FESTU en causant des problèmes aux membres syndicaux et en entravant l’action et l’indépendance syndicale. Il n’échappe pas au gouvernement que des réunions de syndicats de journalistes ont été entravées par des agents de sécurité et le ministère de l’Information en novembre 2014.
  2. 981. Selon le gouvernement, l’OIT doit savoir, pour avoir une existence légale en Somalie, qu’un syndicat doit être admis et agréé par le ministère compétent. Ainsi, la direction du NUSOJ doit être agréée par le ministère de l’Information pour pouvoir opérer officiellement. Toute personne non accréditée par le ministère de l’Information dirige illégalement le NUSOJ. De la même manière, la haute direction et les activités de la FESTU doivent être admises et agréées par le ministère du Travail et des Affaires sociales, faute de quoi il s’agit d’une organisation illégale dont les actions sont considérées comme illégales.
  3. 982. Le bureau du procureur général et la CID ont poursuivi M. Omar Faruk Osman et son équipe pour avoir sermonné des fonctionnaires au ministère de l’Information et affirmé publiquement qu’ils étaient les véritables dirigeants du NUSOJ alors que leurs rôles de dirigeants ne sont pas reconnus par le ministère de l’Information. C’est à l’occasion des enquêtes et interrogatoires menés dans ce cadre que les autorités chargées de l’immigration ont été conduites à interdire occasionnellement à M. Omar Faruk Osman de se rendre à l’étranger.
  4. 983. En outre, si le ministre du Travail précédent, M. Luqman Ismail, et son gouvernement avaient reconnu la FESTU, syndicat dirigé par M. Omar Faruk Osman, le nouveau ministre du Travail, M. Abdiweli Ibrahim Sheikh, a décidé de ne plus reconnaître ni approuver la direction de M. Osman. Le ministre a pris une décision, et le ministère l’applique.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 984. Le comité note que les organisations plaignantes dans le présent cas allèguent des menaces, des actes d’intimidation et des représailles graves contre des membres et des dirigeants du NUSOJ et l’absence de réponse adaptée de la part du gouvernement fédéral de la Somalie. Tout en mentionnant que la liberté syndicale continue à être purement et simplement bafouée de manière grave, les organisations plaignantes allèguent principalement une série de violations de la liberté syndicale: i) le 24 janvier 2012, le ministère de l’Information a fait une déclaration diffamatoire sur le secrétaire général du NUSOJ et le secrétaire général de la FESTU, M. Omar Faruk Osman – cette ingérence dans les affaires internes du NUSOJ se poursuit, car le ministère de l’Information refuse de reconnaître sa direction démocratiquement élue ainsi que son secrétaire général et rédige des lettres visant à reconnaître une direction fantoche alors qu’il n’est pas légalement habilité à le faire; ii) en septembre 2013, les membres du comité exécutif de la FESTU ont fait l’objet de manière croissante de menaces de mort et d’actes d’intimidation, mais le gouvernement n’a pas ouvert d’enquête; iii) en septembre 2014, M. Osman et d’autres représentants du NUSOJ ont été interrogés de manière systématique et arbitraire par le procureur général, la CID et la police, et des fonctionnaires de l’immigration ont tenté d’imposer des restrictions de voyages à M. Osman; iv) en novembre 2014, le ministère de l’Information s’est ingéré dans le droit du NUSOJ de mener des activités syndicales pacifiques, notamment en interrompant une conférence de deux jours organisée par le NUSOJ pour commémorer la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes; enfin, v) en ce qui concerne des obstacles juridiques à la liberté syndicale et à la négociation collective, les organisations plaignantes allèguent que la législation somalienne impose des exigences excessives pour la création de syndicats et permet la dissolution et la suspension de syndicats, notamment les articles 10, 13, 17, 32(2), 33(j) et 42(1) du Code du travail.
  2. 985. Le comité prend note des observations envoyées par le gouvernement contenant principalement les éléments suivants: i) il n’échappe pas au gouvernement que des fonctionnaires gouvernementaux ont méconnu leur devoir, transgressé la liberté syndicale et de réunion, et se sont ingérés dans les activités syndicales internes du NUSOJ et de la FESTU en causant des problèmes aux membres syndicaux et en entravant l’action et l’indépendance syndicale, notamment à l’occasion de la conférence de novembre 2014 du NUSOJ, qui a été entravée par des agents de sécurité et le ministère de l’Information; ii) étant donné que les syndicats doivent être admis et agréés par les ministères fédéraux compétents pour pouvoir avoir une existence légale en Somalie, la direction du NUSOJ doit être agréée par le ministère de l’Information tandis que la haute direction et la direction opérationnelle de la FESTU doivent être admises et agréées par le ministère du Travail et des Affaires sociales – faute de quoi leur existence et leurs actions sont illégales; iii) à cet égard, le bureau du procureur général et le CID ont poursuivi systématiquement M. Osman et son équipe pour avoir sermonné des fonctionnaires au ministère de l’Information et publiquement affirmé qu’ils étaient les véritables dirigeants du NUSOJ alors que leur rôle de dirigeants n’était pas reconnu par le ministère de l’Information. C’est à l’occasion des enquêtes et interrogatoires menés dans ce cadre que les autorités chargées de l’immigration ont été conduites à interdire occasionnellement à M. Osman de se rendre à l’étranger; iv) enfin, si le ministre du Travail précédent, M. Luqman Ismail, et son gouvernement avaient reconnu la FESTU, syndicat dirigé par M. Osman, le nouveau ministre du Travail, M. Abdiweli Ibrahim Sheikh, en vertu de son pouvoir de formuler des politiques, a décidé de ne plus reconnaître ni approuver la direction de M. Osman.
  3. 986. En ce qui concerne les allégations d’ingérence dans les activités de la FESTU et du NUSOJ et la décision unilatérale du gouvernement de ne plus reconnaître la FESTU en tant que syndicat dirigé par M. Osman, le comité note que la Commission de vérification des pouvoirs a examiné une plainte présentée par la FESTU alléguant que le gouvernement avait unilatéralement annulé sa représentation à la délégation de la session de juin 2015 de la Conférence internationale du Travail, et avait relevé que «les changements intervenus dans les accréditations de la délégation tripartite émanaient de plusieurs autorités publiques, ce qui révèle un manque de concertation» et «avait considéré que ces faits constituaient une ingérence allant à l’encontre des dispositions de l’article 3, paragraphe 5, de la Constitution de l’OIT, puisque le gouvernement a décidé unilatéralement de remplacer les personnes désignées comme représentants des travailleurs». [Voir BIT, Conférence internationale du Travail, 104e session, Genève, juin 2015, Compte rendu provisoire 5C, paragr. 59-65.] Au vu de ces observations et des informations limitées fournies dans la réponse du gouvernement au sujet des allégations d’ingérence, le comité doit souligner le principe général selon lequel le droit des organisations des travailleurs d’élire librement leurs dirigeants constitue une condition indispensable pour qu’elles puissent effectivement agir en toute indépendance et promouvoir avec efficacité les intérêts de leurs membres. Pour que ce droit soit pleinement reconnu, il importe que les autorités publiques s’abstiennent de toute intervention de nature à en entraver l’exercice, que ce soit dans la détermination des conditions d’éligibilité des dirigeants ou dans le déroulement des élections elles-mêmes. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 391.] Le comité regrette profondément que le gouvernement se borne à déclarer qu’il y a eu une ingérence dans les activités du NUSOJ et de la FESTU en novembre 2014 de la part de fonctionnaires gouvernementaux qui ont méconnu leur devoir sans préciser les mesures prises pour remédier à la situation, et déplorant par ailleurs l’indication selon laquelle le nouveau ministère du Travail a décidé de ne plus reconnaître les dirigeants syndicaux sans fournir d’information sur la base de cette décision ou sur la mesure juridique prise pour légitimer une décision aussi importante qui ne devrait être prise que par un organe judiciaire. Le comité prie instamment le gouvernement de s’abstenir de toute nouvelle ingérence dans les affaires syndicales internes des syndicats enregistrés en Somalie avec une référence particulière au NUSOJ et à la FESTU, de respecter le droit d’un syndicat d’administrer ses affaires et ses activités sans obstacle ni entrave et conformément aux principes de la liberté syndicale et de la démocratie, de veiller à ce que les dirigeants élus du syndicat exercent librement leurs mandats au nom de leurs membres et ainsi soient reconnus comme un partenaire social par le gouvernement. Le gouvernement doit également s’assurer que le droit à la liberté de mouvement est pleinement respecté et exercé par les dirigeants syndicaux.
  4. 987. En rapport avec la grave allégation de multiples actes d’intimidation et menaces de mort à l’encontre des dirigeants et membres de la FESTU et du NUSOJ, le comité rappelle que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe, et qu’une enquête judiciaire indépendante soit effectuée sans retard, car cette méthode est particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de telles actions. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 44 et 50.] Le comité regrette vivement que la réponse du gouvernement ne traite pas de ces graves questions et exhorte ce dernier à prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection et garantir la sécurité des dirigeants et des membres de la FESTU et du NUSOJ et à diligenter une enquête judiciaire complète et indépendante sur les allégations d’actes d’intimidation et de menaces de mort à leur encontre et à tenir le comité informé des résultats de l’enquête.
  5. 988. En ce qui concerne les restrictions aux voyages imposées aux syndicalistes, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle M. Osman a été occasionnellement empêché de se rendre à l’étranger en raison des interrogatoires menés, parce qu’il avait sermonné des fonctionnaires du ministère et affirmé être le véritable dirigeant syndical. Le comité rappelle que, en vertu de la Déclaration universelle des droits de l’homme, toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien et de revenir dans son pays. De la sorte, les syndicalistes, comme toute autre personne, devraient jouir de la liberté de mouvement. En particulier, ils devraient jouir du droit, dans le respect de la législation nationale qui ne doit pas être contraire aux principes de la liberté syndicale, de participer à des activités syndicales organisées à l’étranger. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 121 et 122.] Le comité demande une nouvelle fois au gouvernement de s’abstenir de s’ingérer dans les activités syndicales et de veiller à ce que le droit à la liberté de mouvement soit pleinement respecté.
  6. 989. S’agissant de l’allégation selon laquelle le gouvernement aurait attaqué la gestion des fonds du NUSOJ par M. Osman par l’intermédiaire d’un communiqué de presse du ministère de l’Information alors qu’aucun tribunal n’était jamais intervenu, le comité regrette que le gouvernement n’ait pas répondu à cette allégation, exprime sa profonde préoccupation devant la publication de ce communiqué de presse qu’il n’a pas dûment porté devant les tribunaux et veut croire que le gouvernement s’abstiendra de commettre d’autres actes de cet ordre à l’avenir.
  7. 990. S’agissant des allégations des organisations plaignantes relatives à l’article 10 du Code du travail, le comité rappelle que la création d’un syndicat peut être considérablement gênée ou même rendue impossible lorsque la législation fixe le nombre minimum des membres d’un syndicat à un niveau manifestement trop élevé, ce qui est le cas, par exemple, lorsque la législation dispose qu’un syndicat doit compter au moins 50 membres fondateurs. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 284.] S’agissant des allégations des organisations plaignantes relatives à l’article 27 du Code du travail, le comité rappelle que la dissolution d’organisations syndicales est une mesure qui ne devrait intervenir que dans des cas de gravité extrême. Une telle dissolution ne devrait pouvoir intervenir qu’à la suite d’une décision judiciaire afin de garantir pleinement les droits de la défense. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 699.] En ce qui concerne les allégations des organisations plaignantes relatives à l’article 32(2), le comité rappelle que le droit de négocier librement avec les employeurs au sujet des conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale, et les syndicats devraient avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu’ils représentent, et les autorités publiques devraient s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal. Toute intervention de ce genre semblerait une violation du principe selon lequel les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 881.] Le comité note que la Somalie a ratifié les conventions nos 87 et 98 en 2014 et que son rapport à l’intention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) n’est pas exigé avant l’année 2016. Le comité prie le gouvernement de revoir rapidement le Code du travail somalien, en consultation avec les partenaires sociaux librement choisis, en vue de veiller à sa pleine conformité avec les conventions nos 87 et 98 et de fournir un rapport complet à la CEACR à qui il transmet les aspects législatifs de ce cas. Dans ces circonstances, le comité se voit obligé de demander instamment au gouvernement de recourir à toute l’assistance nécessaire du BIT en la matière.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 991. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de s’abstenir de toute nouvelle ingérence dans les affaires syndicales internes des syndicats enregistrés en Somalie avec une référence particulière au NUSOJ et à la FESTU, de respecter le droit d’un syndicat d’administrer ses affaires et ses activités sans obstacle ni entrave et conformément aux principes de la liberté syndicale et de la démocratie, de veiller à ce que les dirigeants élus du syndicat exercent librement leurs mandats au nom de leurs membres et ainsi soient reconnus comme un partenaire social par le gouvernement. Le gouvernement doit également s’assurer que le droit à la liberté de mouvement est pleinement respecté et exercé par les dirigeants syndicaux.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection et garantir la sécurité des dirigeants et des membres de la FESTU et du NUSOJ, et de diligenter une enquête judiciaire complète et indépendante sur les allégations d’actes d’intimidation et de menaces de mort à leur encontre. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des conclusions de cette enquête.
    • c) Le comité prie le gouvernement de revoir rapidement le Code du travail somalien, en consultation avec les partenaires sociaux librement choisis, en vue de veiller à sa pleine conformité avec les conventions nos 87 et 98 et de fournir un rapport complet à la CEACR à qui il transmet les aspects législatifs de ce cas.
    • d) Dans ces circonstances, le comité se voit obligé de demander instamment au gouvernement de recourir à toute l’assistance nécessaire du BIT en la matière.
    • e) A la lumière de la gravité des questions soulevées dans le présent cas et en l’absence apparente de compréhension de leur importance fondamentale, le comité invite le gouvernement, en vertu de l’autorité que lui confère le paragraphe 69 de la procédure pour l’examen des plaintes en violation de la liberté syndicale, à se présenter devant le comité au cours de sa prochaine réunion en mars 2016 afin de lui permettre d’obtenir des informations détaillées sur les mesures prises par le gouvernement en rapport avec les questions en suspens.
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