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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration - Rapport No. 377, Mars 2016

Cas no 2750 (France) - Date de la plainte: 02-DÉC. -09 - Clos

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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration

Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
  1. 27. Le comité a examiné le présent cas pour la dernière fois à sa réunion de mars 2014. [Voir 371e rapport, paragr. 59 à 63.] Le comité rappelle que la plainte présentée par la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO) porte sur la conformité des dispositions de la loi du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail et ses textes d’application avec les dispositions des conventions nos 87, 98 et 135 ratifiées par la France. Dans ses dernières recommandations, le comité avait demandé au gouvernement de faire état de l’évaluation de l’application de la loi du 20 août 2008 issue du rapport qui devait être présenté à cet égard au Parlement en 2013, ainsi que des consultations menées au sein du Haut Conseil du dialogue social (HCDS) établi à cet effet. Le comité avait alors exprimé l’espoir que l’évaluation tiendrait dûment compte des préoccupations exprimées par la CGT-FO ainsi que des conclusions et recommandations qu’il avait lui-même formulées précédemment sur les points soulevés.
  2. 28. Dans une communication en date du 10 septembre 2015, l’organisation plaignante déplore que le gouvernement n’ait pas donné suite aux recommandations du comité sur les deux points qu’elle soulevait précédemment, à savoir, d’une part, la liberté de désigner le (ou la) délégué(e) syndical(e) en charge de représenter le syndicat dans l’entreprise, notamment dans le cadre de la négociation collective, et, d’autre part, celle de la désignation et de la durée du mandat du représentant d’une section syndicale, cela en regard du droit des organisations syndicales d’organiser leur gestion et leur activité conformément à l’article 3 de la convention no 87. Pour la CGT-FO, les modifications nécessaires du Code du travail, permettant de rétablir la pleine liberté de désignation du délégué syndical et du représentant d’une section syndicale, sont très simples à mettre en œuvre puisqu’il suffirait d’amender l’article L2143-3 du Code du travail relatif au délégué syndical et l’article L2142-1-1 du Code relatif au représentant de la section syndicale.
  3. 29. La CGT-FO indique avoir pourtant rappelé au gouvernement à plusieurs reprises la nécessité de modifier le Code du travail en mettant en œuvre les recommandations du comité, y compris lors des réunions de concertation et des débats parlementaires sur le projet de loi du gouvernement dit de «modernisation du dialogue social» qui a été récemment débattu et adopté (loi no 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi). La CGT-FO estime que rétablir la pleine liberté de désignation du délégué syndical et du représentant d’une section syndicale est d’autant plus urgente que le gouvernement a confirmé vouloir très prochainement réformer le Code du travail pour donner plus de poids encore à la négociation collective d’entreprise, y compris de façon dérogatoire aux dispositions légales et aux accords de branches ou conventions collectives nationales. Enfin, la CGT-FO se réfère à deux décisions judiciaires qui, s’appuyant sur la loi en vigueur (art. L2143-3 du Code du travail), dénient au syndicat CGT-FO – bien que représentatif dans les entreprises concernées, car ayant obtenu notamment plus des 10 pour cent de voix aux élections du comité d’entreprise – la possibilité de désigner le délégué syndical de son choix. Or, dans les deux cas, le syndicat CGT-FO a simplement voulu désigner librement comme délégué syndical un de ses adhérents, non élu au comité d’entreprise, après que ses membres élus au comité d’entreprise ont fait connaître, librement, qu’ils ne souhaitaient pas exercer le mandat de délégué syndical en cumul de la fonction de représentant élu au comité d’entreprise, une fonction distincte.
  4. 30. Dans sa communication en date du 17 juillet 2014 relative aux suites données aux recommandations du comité dans le présent cas, le gouvernement affirme que la réforme de la représentativité syndicale, introduite par la loi du 20 août 2008 et complétée par la suite, a conduit à une profonde refonte des règles de représentativité des salariés dans l’entreprise, dans les branches et aux niveaux national et interprofessionnel. La mise en œuvre de ces nouveaux principes a fait l’objet d’un bilan complet au second semestre de l’année 2013. Dans le cadre de la réalisation du bilan de la loi, un travail de fond a été engagé avec les membres du HCDS, parallèlement au processus de publication des arrêtés de représentativité de branche. Trois réunions thématiques du Haut Conseil et de son groupe de suivi ont ainsi été organisées entre les mois de septembre et de novembre. Les premières séances ont porté sur le bilan de la réforme aux niveaux national et interprofessionnel et de la branche, en particulier sur la mise en œuvre du système de mesure de l’audience de la représentativité syndicale (dit «système MARS»). Les séances suivantes ont porté sur le bilan du scrutin organisé en direction des salariés des très petites entreprises. Les dernières séances ont enfin porté sur le bilan de la réforme de la représentativité des entreprises. Selon le gouvernement, ce travail s’est accompagné d’une réflexion plus large, associant tous les acteurs qui ont concouru à la mise en œuvre de la loi, notamment les hautes juridictions, telles que la Cour de cassation et le Conseil d’Etat, et les praticiens du droit, afin qu’ils enrichissent la doctrine à ce sujet. Le gouvernement ajoute que, comme le prévoit la loi, le rapport du ministère, qui fait un bilan de la mise en œuvre de la loi du 20 août 2008, a été présenté à la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) le 16 décembre 2013. Selon le gouvernement, l’avis de la CNNC démontre que les partenaires sociaux se sont accordés sur le fait que le constat dressé par le ministère retranscrit avec justesse les différents questionnements et positions sur l’application de la loi du 20 août 2008. Par ailleurs, les membres du HCDS ont rendu, le 20 décembre 2013, un avis visant à tirer les enseignements du rapport présenté et à émettre des propositions d’évolutions législatives, réglementaires et opérationnelles en lien avec la réforme de la représentativité syndicale.
  5. 31. Dans sa communication en date du 18 décembre 2015, le gouvernement a transmis des éléments de réponse aux observations de la CGT-FO. Le gouvernement rappelle que le Comité de la liberté syndicale l’avait précédemment invité à examiner, en consultation avec les partenaires sociaux dans le cadre du HCDS, la possibilité de réviser la législation. Ladite consultation a eu lieu le 20 décembre 2013 et a donné lieu à la position suivante du HCDS à propos de la condition introduite par l’article 5 de la loi du 20 août 2008 (article L2143-3 du Code du travail reprenant l’article 10-3 de la Position commune du 9 avril 2008): «L’appréciation selon laquelle cette condition permet de renforcer la légitimité du délégué syndical en lui donnant une assise électorale n’est certes pas partagée par tous, mais l’ensemble des membres du Haut Conseil du dialogue social, à l’exception de la CGT-FO et de la Confédération française des syndicats chrétiens (CFTC), ne font pas état, dans la pratique, de difficultés particulières quant à l’application de cette disposition. Ils relèvent que les dispositions de la loi complétées par la jurisprudence de la Cour de cassation permettent de surmonter de manière pragmatique les situations dans lesquelles pourraient se trouver des organisations syndicales qui, tout en étant représentatives, n’auraient pas ou plus de candidat ayant recueilli personnellement 10 pour cent des suffrages. Ils souhaitent donc que la jurisprudence soit codifiée sur ce point mais ne jugent pas nécessaire de faire évoluer la loi au regard du principe de liberté syndicale.» Le gouvernement estime ainsi avoir respecté la recommandation du Comité de la liberté syndicale en saisissant le HCDS et en ne faisant pas évoluer la loi dans la mesure où, à l’exception de la CGT-FO et de la CFTC, le HCDS dans son ensemble ne souhaitait pas remettre en cause le principe de désignation du délégué syndical tel qu’institué par la loi du 20 août 2008.
  6. 32. Par ailleurs, le gouvernement apporte les précisions suivantes en ce qui concerne la possibilité de désigner le délégué syndical de son choix: le reproche fait par la CGT-FO n’est pas fondé car, si la loi du 20 août 2008 prévoit désormais qu’ils soient choisis parmi les candidats aux élections professionnelles ayant recueilli un minimum de suffrages sur leur nom (10 pour cent), elle n’impose pas que le choix se fasse parmi les élus. En effet, ces personnes n’ont pas nécessairement à être élues. Le gouvernement réitère que la condition posée par la loi du 20 août 2008 pour le choix des délégués syndicaux vise à renforcer le lien entre les travailleurs et leurs représentants et se réfère à nouveau aux décisions de 2010 de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel quant à sa conformité avec le droit interne. En outre, le gouvernement précise que la loi du 20 août 2008 a veillé à pallier les éventuelles impossibilités de désigner un délégué syndical pour un syndicat représentatif qui ne disposerait plus de candidats ayant recueilli aux élections au moins 10 pour cent des suffrages puisqu’elle lui permet dans ce cas de désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement. Par ailleurs, de l’avis du gouvernement, le cas dans lequel le syndicat ne dispose plus de personnes susceptibles d’être désignées délégué syndical ne peut être assimilé à la situation dans laquelle les personnes susceptibles d’être désignées refusent de l’être. Ainsi, l’affaire citée par la CGT-FO, dans laquelle tous les candidats aux élections professionnelles avaient indiqué ne pas vouloir être désignés délégué syndical, ne peut être assimilée à l’impossibilité pour le syndicat de désigner un délégué syndical parmi ses candidats, ce qui l’autoriserait à en désigner un parmi ses propres adhérents. De l’avis du gouvernement, dans l’affaire évoquée, le juge a justement relevé et sanctionné des attitudes qui avaient pour effet de contourner les exigences légales.
  7. 33. Le comité prend note des informations détaillées fournies par l’organisation plaignante et le gouvernement. Il rappelle que, lors de son examen antérieur du cas, le comité avait indiqué que le droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs dirigeants constitue une condition indispensable pour qu’elles puissent effectivement agir en toute indépendance et promouvoir avec efficacité les intérêts de leurs membres. Pour que ce droit soit pleinement reconnu, il importe que les autorités publiques s’abstiennent de toute intervention de nature à en entraver l’exercice, que ce soit dans la détermination des conditions d’éligibilité des dirigeants ou dans le déroulement des élections elles-mêmes. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 391.] Les autorités publiques devraient donc s’abstenir de toute intervention de nature à entraver l’exercice de ce droit, que ce soit dans le déroulement des élections, des conditions d’éligibilité, la réélection ou la destitution des représentants. Tout en notant que, à l’exception de la CGT-FO et de la CFTC, le HCDS dans son ensemble n’a pas souhaité remettre en cause le principe de désignation du délégué syndical institué par la loi du 20 août 2008, le comité doit rappeler qu’il considère que le droit des organisations syndicales d’organiser leur gestion et leur activité conformément à l’article 3 de la convention no 87 comprend tant la liberté pour les organisations reconnues comme représentatives de choisir leurs délégués syndicaux aux fins de la négociation collective que celle de pouvoir être assistées par des conseillers de leur choix. Le comité attend du gouvernement qu’il veille à ce que le système établi par la loi du 20 août 2008 n’exclue pas ces possibilités. Compte tenu de ce qui précède, le comité invite le gouvernement à maintenir un dialogue ouvert avec les partenaires sociaux sur la révision sans délai de la législation à la lumière du principe susmentionné.
  8. 34. S’agissant de la liberté du syndicat qui n’a pas recueilli 10 pour cent des suffrages lors des dernières élections de désigner le représentant de la section syndicale et de déterminer la durée de son mandat (art. L2143-3 du Code du travail), le gouvernement rappelle que la loi du 20 août 2008 a offert aux organisations non représentatives des prérogatives qui n’appartenaient jusqu’alors qu’aux organisations syndicales représentatives (constitution d’une section syndicale; désignation d’un représentant syndical; autorisation de présentation de candidats au premier tour des élections professionnelles; négociation et conclusion du protocole d’accord préélectoral organisant les élections). Le gouvernement indique, s’agissant du mandat du représentant de la section syndicale, que la loi prévoit qu’il prend fin à l’issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation, et que le représentant qui n’est pas parvenu à faire franchir à son syndicat le seuil de 10 pour cent ne peut être immédiatement redésigné. Le syndicat reste néanmoins libre de désigner un autre salarié comme représentant de la section syndicale et, quoi qu’il en soit, le salarié initialement désigné peut être à nouveau désigné représentant de la section syndicale dans les six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l’entreprise. De l’avis du gouvernement, cette disposition qui laisse au syndicat la possibilité de désigner un autre salarié respecte sa liberté de désigner un représentant, et le syndicat demeure libre, entre deux élections, de choisir la durée du mandat du représentant de la section syndicale qu’il désigne. Le gouvernement ajoute que cette question est abordée dans le cadre du rapport en cours d’élaboration en vue de sa transmission au Parlement et à partir duquel le HCDS présentera au ministre chargé du travail les enseignements à tirer de l’application de la loi du 20 août 2008 pour qu’il puisse apprécier, le cas échéant, si des ajustements sont nécessaires. Lors de l’examen antérieur du cas, le comité avait rappelé que, en conformité avec l’article 3 de la convention no 87, la désignation et la durée du mandat du représentant d’une section syndicale devraient découler du libre choix du syndicat concerné et conformément à ses statuts. Le comité avait ainsi conclu qu’il revient au syndicat de déterminer la personne la plus à même de le représenter au sein de l’entreprise et de défendre ses membres dans leurs réclamations individuelles, même lorsque cette dernière n’a pas recueilli 10 pour cent des suffrages lors des élections sociales. Notant que cette question pourrait faire l’objet de discussions quant à des ajustements nécessaires, le comité espère que l’analyse du HCDS à ce sujet sera présentée au Parlement et que des discussions auront lieu, avec la participation des partenaires sociaux, pour la révision sans délai de législation à la lumière du principe susmentionné.
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