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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 378, Juin 2016

Cas no 2994 (Tunisie) - Date de la plainte: 04-JUIN -12 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce des actes d’ingérence dans ses affaires internes, le fait d’être privée des cotisations de ses membres et d’être exclue des consultations tripartites en vue de l’élaboration d’un contrat social national. En outre, elle dénonce des actes de discrimination antisyndicale à l’encontre de ses membres par la compagnie de transport aérien TUNIS AIR

  1. 758. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion d’octobre-novembre 2015 et présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 376e rapport, paragr. 992 à 1008, approuvé par le Conseil d’administration à sa 325e session.]
  2. 759. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 8 mars 2016.
  3. 760. La Tunisie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 761. Lors de sa réunion d’octobre-novembre 2015, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 376e rapport, paragr. 1008]:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de restaurer le système de prélèvement des cotisations syndicales des membres de la CGTT dans le secteur public, cela afin d’éviter toute discrimination et de prévenir tout impact sur le libre choix des travailleurs de former ou d’adhérer à des organisations syndicales.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir plus de précisions sur ses affirmations concernant les responsables de la CGTT sanctionnés suite à la grève à TUNIS AIR en mai 2012 afin de permettre à l’organisation plaignante de répondre. De manière plus générale, le comité prie le gouvernement de revoir avec la CGTT la situation des responsables syndicaux qui auraient été suspendus en violation des principes qu’il a rappelés et, le cas échéant, de s’assurer que des compensations appropriées leur soient versées. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de fournir davantage d’informations concernant la mutation de M. Belgacem Aouina, secrétaire général de la CGTT, et de préciser si ce dernier a formé un recours contre la décision de mutation et, le cas échéant, le résultat.
    • d) Le comité réitère une nouvelle fois au gouvernement sa recommandation de longue date de prendre toutes les mesures nécessaires pour fixer des critères clairs et préétablis de la représentativité syndicale en consultation avec les partenaires sociaux et de le tenir informé de tout progrès dans ce sens. Le comité s’attend à ce que toutes les organisations concernées soient consultées à cet égard et rappelle une nouvelle fois au gouvernement qu’il peut se prévaloir, s’il le souhaite, de l’assistance technique du Bureau.
    • e) Le comité attend du gouvernement qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour répondre urgemment et de manière détaillée à ses recommandations et, dans la mesure où, dans le présent cas, les allégations font état de difficultés dans une entreprise nommément désignée, le comité prie instamment le gouvernement de s’efforcer d’obtenir des commentaires de l’entreprise, via l’organisation d’employeurs concernée, de manière à lui permettre d’examiner l’affaire en toute connaissance de cause.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 762. Dans une communication en date du 8 mars 2016, le gouvernement a transmis des informations relatives à certaines recommandations du comité.
  2. 763. S’agissant de la recommandation du comité demandant la restauration du système de prélèvement des cotisations syndicales des membres de la CGTT dans le secteur public, le gouvernement fait état de la publication, le 4 janvier 2016, de la circulaire no 02 relative à la déduction du montant des cotisations syndicales des agents publics, au profit de plusieurs organisations syndicales pour l’année 2016, aux centrales syndicales suivantes: la Confédération générale tunisienne du travail, l’Union des travailleurs tunisiens et l’Organisation tunisienne du travail. Cette circulaire adressée aux différentes administrations publiques les autorise à prélever le montant des cotisations des membres des centrales syndicales susmentionnées pour l’année 2016. Le gouvernement ajoute que le prélèvement de la cotisation sociale s’effectue sur demande écrite et signée de l’agent concerné. Enfin, selon le gouvernement, cette circulaire a été saluée par le secrétaire général de la CGTT comme un pas positif vers l’égalité entre les différentes structures syndicales.
  3. 764. S’agissant de la recommandation du comité concernant la situation de responsables syndicaux de la CGTT sanctionnés suite à la grève à TUNIS AIR, le gouvernement indique être intervenu auprès de l’entreprise concernée et avoir reçu la réponse suivante en janvier 2016: de tous les responsables syndicaux concernés, seul M. Fazwi Bel’am, membre du bureau exécutif du syndicat de base, a été renvoyé devant le Conseil de discipline, et ce pour des motifs totalement étrangers à son activité syndicale, puisque l’intéressé avait perturbé le bon déroulement d’un voyage aérien le 24 mai 2012 en montant à bord d’un avion – sans que cela soit au programme – et avait agressé le contrôleur direct pour lui retirer les documents de l’avion. M. Bel’am a comparu devant le Conseil de discipline qui l’a suspendu pour une durée de vingt-cinq jours.
  4. 765. En ce qui concerne la situation de M. Belgacem Aouina, secrétaire général de la CGTT, le gouvernement réitère que ce dernier a été affecté à de nouvelles fonctions sans perte de son grade de directeur, conformément au pouvoir d’appréciation dont dispose le Président directeur général. L’entreprise n’indique pas si ce dernier a formé un recours contre cette décision d’affectation.
  5. 766. Enfin, en réponse aux recommandations sur la détermination de critères de la représentativité syndicale, le gouvernement déclare rechercher, en consultation avec les partenaires sociaux, un système de représentativité syndicale adapté à la réalité économique et sociale et au système de relations professionnelles du pays. Ainsi, en janvier 2014, le gouvernement a organisé un séminaire tripartite, avec l’appui du Bureau international du Travail, sur les aspects juridiques de la détermination de la représentativité syndicale. II a été convenu, au terme de ce séminaire, de poursuivre la consultation sur cette question, dans le cadre d’un comité tripartite regroupant des représentants du gouvernement, de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) et du Bureau de l’OIT à Tunis ainsi que plusieurs experts. Ce comité a tenu plusieurs réunions dont la dernière a eu lieu le 22 décembre 2015. Il est prévu de valider les travaux de ce comité au cours d’un deuxième séminaire national. Par ailleurs, le Bureau de l’OIT à Tunis a appuyé le gouvernement via la rédaction d’une étude comparative qui aborde l’expérience de plusieurs pays (Chili, Espagne, France, Maroc, Portugal et Sénégal) et formule quelques propositions.
  6. 767. Le comité tripartite a convenu de l’élaboration d’un projet de loi destiné à réviser et compléter le Code du travail et à prévoir des dispositions réglementant la représentativité syndicale. Il doit encore adopter une méthodologie de travail qui lui permettra d’aborder les différentes problématiques relatives à la détermination des critères de représentativité (définition des critères, méthode d’élections, système de négociation collective, procédure de recours, etc.).

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 768. Le comité rappelle que, dans le présent cas, les allégations de la Confédération générale tunisienne du travail (CGTT) ont trait à des actes d’ingérence des autorités dans ses affaires, à son exclusion de toutes les consultations tripartites nationales et à des actes antisyndicaux de certaines entreprises à l’égard de ses dirigeants.
  2. 769. Le comité rappelle que, dans ses précédentes recommandations, il avait prié instamment le gouvernement de restaurer le système de prélèvement des cotisations syndicales des membres de la CGTT dans le secteur public, cela afin d’éviter toute situation de favoritisme envers certains syndicats qui bénéficieraient du système et de prévenir tout impact sur le libre choix des travailleurs de former ou d’adhérer à des organisations syndicales. Le comité note l’indication selon laquelle le gouvernement a publié, le 4 janvier 2016, la circulaire no 02 relative à la déduction pour l’année 2016 du montant des cotisations syndicales des agents publics au profit de plusieurs organisations syndicales dont la CGTT. Cette circulaire du chef du gouvernement aux différents ministères les autorise à prélever le montant des cotisations des membres des trois centrales syndicales citées pour l’année 2016. Le gouvernement ajoute que cette circulaire a été saluée par le secrétaire général de la CGTT comme un pas positif vers l’égalité entre les différentes structures syndicales. Le comité accueille favorablement la circulaire du gouvernement autorisant le prélèvement à la source des cotisations syndicales pour la CGTT dans le secteur public en 2016, et il invite le gouvernement à entreprendre des consultations avec toutes les organisations syndicales concernées afin de pérenniser un système où l’ensemble des organisations syndicales dans le secteur public auraient l’assurance de bénéficier du prélèvement des cotisations de leurs membres à la source.
  3. 770. Le comité avait précédemment demandé au gouvernement de fournir davantage d’informations sur la situation de responsables de la CGTT qui auraient été sanctionnés suite à la grève à TUNIS AIR (ci-après, l’entreprise) du 22 au 24 mai 2012. Le comité rappelle que, lors de son dernier examen du cas, il avait noté l’indication du gouvernement selon laquelle l’entreprise a entrepris de sanctionner seulement les grévistes qui avaient commis des actes mettant en péril la sécurité des avions. Le comité note que, selon les informations transmises dernièrement par le gouvernement de la part de l’entreprise, seul M. Fazwi Bel’am, membre du bureau exécutif du syndicat de base, a été renvoyé devant un Conseil de discipline, et ce pour des motifs considérés comme étrangers à son activité syndicale, puisque l’intéressé avait perturbé le bon déroulement d’un voyage aérien le 24 mai 2012 en montant à bord d’un avion – sans que cela soit au programme – et avait agressé le contrôleur direct pour lui retirer les documents de l’avion. Selon l’entreprise, M. Bel’am a comparu devant le Conseil de discipline qui l’a suspendu pour une durée de vingt-cinq jours. Le comité observe que l’entreprise ne précise pas si ce dernier a engagé un recours contre cette sanction.
  4. 771. Par ailleurs, le comité note, s’agissant de M. Belgacem Aouina, directeur de l’audit et secrétaire général de la CGTT, qui avait été affecté à d’autres fonctions, que l’entreprise réitère que cette affectation a été décidée conformément au pouvoir d’appréciation du Président directeur général. Le comité note que l’entreprise ne précise pas si M. Aouina a formé un recours contre cette décision d’affectation. Le comité observe que, de son côté, l’organisation plaignante n’a pas fourni les informations complémentaires éventuelles que le comité lui demandait de présenter afin d’appuyer ses allégations d’une mutation fondées sur des considérations antisyndicales. Le comité estime utile de rappeler une nouvelle fois qu’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables –, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 799.]
  5. 772. Compte tenu des éléments à sa disposition, le comité ne poursuivra pas l’examen des allégations de sanctions à l’encontre de responsables de la CGTT de la part de l’entreprise suite à la grève de mai 2012, à moins que l’organisation plaignante ne fournisse rapidement des informations détaillées à même d’étayer ses allégations que des responsables syndicaux, nommément désignés, ont effectivement fait l’objet de représailles de la part de l’entreprise pour avoir exercé leurs mandats syndicaux de manière légitime.
  6. 773. S’agissant de ses recommandations de longue date adressées au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour fixer des critères clairs et préétablis de la représentativité syndicale en consultation avec les partenaires sociaux, le comité apprécie les informations du gouvernement sur les différentes mesures prises depuis 2014, notamment la constitution d’un comité tripartite pour étudier la question, l’élaboration prochaine d’un projet de loi complétant le Code du travail sur la représentativité syndicale et la réflexion engagée dans l’administration et avec les partenaires sociaux sur différentes problématiques liées. Notant que le gouvernement mentionne certaines organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs dans le cadre de ses consultations, le comité s’attend à ce qu’il privilégie sur cette question importante un dialogue social inclusif en s’efforçant d’élargir son champ de consultation à toutes les organisations concernées du paysage syndical et patronal tunisien afin de prendre en considération les divers points de vue. Le comité, espérant que le gouvernement continuera de bénéficier de l’appui du BIT, le prie de faire état de tout progrès sur la question de la détermination de critères de la représentativité syndicale.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 774. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité demande au Conseil d’administration d’approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité accueille favorablement la circulaire du gouvernement autorisant le prélèvement à la source des cotisations syndicales pour la CGTT dans le secteur public en 2016, et il invite le gouvernement à entreprendre des consultations avec toutes les organisations syndicales concernées afin de pérenniser un système où l’ensemble des organisations syndicales dans le secteur public auraient l’assurance de bénéficier du prélèvement des cotisations de leurs membres à la source.
    • b) Le comité s’attend à ce que le gouvernement privilégie sur la question de la détermination de critères de la représentativité syndicale un dialogue social inclusif en s’efforçant d’élargir son champ de consultation à toutes les organisations concernées du paysage syndical et patronal tunisien afin de prendre en considération les divers points de vue. Le comité, espérant que le gouvernement continuera de bénéficier de l’appui du BIT, le prie de faire état de tout progrès à cet égard.
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