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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 378, Juin 2016

Cas no 3142 (Cameroun) - Date de la plainte: 25-MARS -15 - Cas de suivi fermés en raison de l'absence d'informations de la part du plaignant ou du gouvernement au cours des 18 mois écoulés depuis l'examen de ce cas par le Comité.

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Allégations: L’organisation plaignante conteste la teneur de l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 portant constatation du classement national des confédérations syndicales des travailleurs du Cameroun à l’issue des élections des délégués du personnel du 15 janvier 2014

  1. 114. La plainte figure dans une communication en date du 25 mars 2015 de la Confédération des travailleurs unis du Cameroun (CTUC).
  2. 115. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications en date des 1er décembre 2015 et 1er février 2016.
  3. 116. Le Cameroun a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 117. Dans une communication en date du 25 mars 2015, la Confédération des travailleurs unis du Cameroun (CTUC) conteste la teneur de l’arrêté ministériel no 032/MINTSS/SG/DRP/SDRT du 9 mars 2015 (l’arrêté ministériel du 9 mars 2015) portant constatation du classement national des confédérations syndicales des travailleurs du Cameroun à l’issue des élections des délégués du personnel du 15 janvier 2014. L’organisation plaignante allègue notamment que: i) en conformité avec l’article 20 de la loi no 92/007 du 14 août 1992 portant Code du travail (Code du travail), le caractère représentatif des organisations syndicales se constate en fonction des effectifs des adhérents et les élections syndicales ne sauraient être considérées comme élément de représentativité; ii) l’arrêté du ministre du Travail et de la Sécurité sociale (MINTSS) sur le classement des confédérations syndicales des travailleurs du Cameroun viole les dispositions de l’article 20 du Code du travail ainsi que les conventions nos 87 et 98, en ce qu’il ne tient pas compte des effectifs des adhérents, et se limite aux seules organisations des travailleurs, excluant celles des employeurs qui en font également partie; iii) le classement des confédérations établi par l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 n’indique ni le nombre de syndicats affiliés ni le nombre de leurs adhérents; iv) le rapport de la Commission de collecte et d’analyse des procès-verbaux des élections sociales du 15 janvier 2014, commission qui se voulait tripartite, n’a connu la participation d’aucun employeur et, parmi les 34 membres de la commission, uniquement 12 membres étaient présents lors de la collecte et de l’analyse des procès-verbaux de ces élections (7 représentants du MINTSS et 5 représentants des confédérations syndicales); v) l’arrêté ministériel du 9 mars 2015, qui a été pris dans la précipitation suite à la pression du BIT, a eu pour seul objectif de justifier les accréditations à la 104e Conférence internationale du Travail, 2015, des confédérations syndicales dont la représentativité est douteuse, au détriment des confédérations dites libres et indépendantes, telle l’organisation plaignante; vi) les résultats des élections des délégués du personnel ont été publiés quatorze mois après les élections et sont falsifiés et non fondés (à titre d’exemple, lors des élections sociales dans les entreprises Société nationale d’électricité au Cameroun (ENEO) et Société nationale des eaux du Cameroun (CDE), la Fédération nationale des syndicats des travailleurs de l’énergie électrique et de l’eau du Cameroun (FENSTEEEC), un affilié de l’organisation plaignante, a obtenu 243 délégués du personnel, alors que l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 attribue uniquement 123 délégués pour le compte de la CTUC); et vii) le MINTSS n’a jamais publié le procès-verbal des élections au sein de son ministère où le Syndicat national des contractuels du Cameroun (SNCC), un affilié de l’organisation plaignante, a présenté des candidatures et obtenu des délégués du personnel.
  2. 118. L’organisation plaignante indique qu’elle a entrepris plusieurs recours pour contester la teneur de l’arrêté ministériel du 9 mars 2015. Suite à l’invitation en date du 23 octobre 2014 à signer les procès-verbaux sanctionnant les travaux de la Commission tripartite, l’organisation plaignante a exprimé, dans une communication au MINTSS en date du 30 octobre 2014, ses objections relatives à la violation délibérée des dispositions du Code du travail, à la falsification des données et à la publication des résultats erronés (selon l’organisation plaignante, celle-ci a obtenu 637 délégués dans les élections sociales alors que l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 lui attribue à tort 123 délégués). Par la suite, l’organisation plaignante a adressé au MINTSS un recours gracieux préalable en date du 19 mars 2015 tendant à rapporter sans délai l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 pour cause de violation délibérée du Code du travail et de l’arrêté no 019/MTPS/SG/SG/CJ du 26 mai 1993 modifié et complété par l’arrêté no 0016/CAB/MINTSS du 1er octobre 2013, ainsi que pour défaut de procédure de la collecte et de l’analyse des élections sociales et des résultats falsifiés. Une communication semblable en date du 24 mars 2015 a également été envoyée au Premier ministre. L’organisation plaignante ajoute que les résultats et l’analyse comparative des documents issus du Département ministériel créent des soupçons de corruption et de conspiration contre elle. Par conséquent, le 7 avril 2015, l’organisation plaignante a saisi le Tribunal administratif du centre à Yaoundé de sursis en exécution de l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 et pour absence de critères objectifs de détermination des organisations des travailleurs les plus représentatives, elle a également contesté auprès de la Commission de vérification des pouvoirs du BIT la désignation de la délégation des travailleurs du Cameroun à la 104e session de la Conférence internationale du Travail, 2015.
  3. 119. L’organisation plaignante souligne qu’elle regrette que l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 soit déjà publié, considéré et utilisé par le gouvernement et certaines confédérations comme étant le document de référence sur la représentativité des organisations syndicales au Cameroun. Elle considère également que l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 lui cause de graves préjudices dans son fonctionnement ainsi que dans le fonctionnement de ses organisations affiliées et dénonce la politique délibérée d’affaiblissement et de division du monde syndical et de la plate-forme intersyndicale du Cameroun. Par conséquent, l’organisation plaignante demande au comité d’inviter le gouvernement à annuler l’arrêté contesté et à fournir des informations précises sur les organisations syndicales représentatives des travailleurs qui existent dans le pays avec l’indication des effectifs de leurs adhérents, conformément au Code du travail en vigueur.
  4. 120. L’organisation plaignante affirme en outre qu’avant les élections elle a obtenu des informations d’une organisation affiliée, le Syndicat national des contractuels du Cameroun (SNCC), selon lesquelles les collaborateurs du ministère lui interdisaient de présenter des listes de candidature aux élections sociales du 15 janvier 2014 et ordonnaient des candidatures libres. L’organisation plaignante a adressé une communication en date du 9 janvier 2014 au MINTSS dans laquelle elle a noté les ingérences répétées des collaborateurs du ministère et les menaces à l’encontre des travailleurs du Département ministériel du fait de leur appartenance syndicale et leurs candidatures aux élections sociales. L’organisation plaignante a également demandé au délégué régional du travail et de la sécurité sociale du centre d’ordonner la prise en compte et la publication des listes de candidature présentées par le SNCC au sein du ministère et dans toutes les autres administrations.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 121. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications en date des 1er décembre 2015 et 1er février 2016. Concernant le classement des confédérations syndicales, le gouvernement indique que, selon l’ordonnancement juridique national, il a pour compétence de constater les résultats finaux des élections sociales des délégués du personnel par un arrêté ministériel, conformément au procès-verbal produit par la Commission tripartite créée à cet effet. Selon le gouvernement, l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 n’a fait que constater les résultats des élections tels que mentionnés dans le procès-verbal et a permis de les classer en fonction des résultats obtenus par chaque organisation. Ainsi, la responsabilité du gouvernement ne peut pas être évoquée quant aux allégations formulées aux termes des dispositions des conventions nos 87 et 98 qui prescrivent le respect et la protection des droits des organisations syndicales, lesquels droits n’ont subi ni suspension ni aliénation. Au sujet de la représentativité syndicale, le gouvernement explique que les informations sur les effectifs des adhérents qui permettent de déterminer la représentativité d’un syndicat n’étaient pas disponibles au moment de la constitution de la délégation camerounaise à la 104e Conférence internationale du Travail, 2015, et pour cette raison le gouvernement s’est basé sur le classement issu des élections sociales pour les désigner. Par la suite, le gouvernement a pris conscience de ce manquement et a pris la résolution de le réparer. Pour ce faire, les inspecteurs du travail sont à pied d’œuvre sur le terrain en collaboration avec l’Observatoire national du travail afin de déterminer les réels effectifs des adhérents des organisations syndicales et des travailleurs employés conformément à l’article 20 du Code du travail. Le gouvernement affirme que les résultats de cette enquête lui permettront d’avoir une idée précise du nombre de syndicats et de leurs différents adhérents et de déterminer les syndicats de travailleurs et d’employeurs les plus représentatifs. Le gouvernement précise qu’il fera transmettre ces résultats au comité dès que possible. Le gouvernement indique qu’il a transmis au comité une copie de la décision rendue par le Tribunal administratif du centre à Yaoundé saisi par l’organisation plaignante.
  2. 122. Le gouvernement transmet également les observations de la Confédération syndicale nationale entente des travailleurs du Cameroun (ENTENTE) au sujet de la plainte. L’ENTENTE indique que, en application de l’article 20 du Code du travail et pour déterminer la représentativité des organisations syndicales, le mécanisme le plus objectif, efficace et stable reste et demeure celui des élections sociales afin que les travailleurs désignent librement leurs représentants. Selon l’ENTENTE, cela n’est en rien contraire à l’article 20 du Code du travail ou à la convention no 87. Néanmoins, l’ENTENTE précise que le mauvais fonctionnement et la partialité flagrante de la Commission tripartite de collecte et d’analyse des procès-verbaux des élections sociales du 15 janvier 2014 ont conduit certaines organisations de travailleurs à une interprétation incorrecte des dispositions du Code du travail. Selon l’organisation syndicale, la refonte de la réglementation sur les élections sociales pour définir des conditions plus transparentes de collecte et d’analyse de résultats pour les futures élections sociales, du niveau local au niveau international, permettra de limiter les plaintes et les frustrations. Concernant l’enquête avec la participation de l’Observatoire national du travail, l’ENTENTE considère que la part de subjectivité est très grande au regard des informations sollicitées qui ne sont fournies que par les syndicats eux-mêmes et que cette enquête concerne bien l’assainissement du fichier syndical et n’enlève rien à la pertinence et à l’objectivité exclusive des élections, en application de l’article 20 du Code du travail. L’ENTENTE indique en outre que l’enquête ne peut aboutir qu’à une estimation statistique aléatoire sans réelle influence sur l’importante question de la représentativité syndicale.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 123. Le comité note que le présent cas porte sur une contestation de la teneur de l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 portant constatation du classement national des confédérations syndicales des travailleurs du Cameroun à l’issue des élections des délégués du personnel du 15 janvier 2014.
  2. 124. Le comité observe que l’organisation plaignante dénonce, d’une part, l’utilisation des élections sociales pour déterminer la représentativité des confédérations syndicales et, d’autre part, le caractère biaisé de la Commission de collecte et d’analyse des procès-verbaux des élections sociales du 15 janvier 2014 ainsi que l’ingérence du MINTSS dans les élections sociales et des menaces contre les travailleurs du Département ministériel du fait de leur appartenance et leurs activités syndicales. Le comité note que l’organisation plaignante indique notamment que: i) en conformité avec l’article 20 du Code du travail, le caractère représentatif des organisations syndicales se constate en fonction des effectifs des adhérents et les élections syndicales ne sauraient être considérées comme élément de représentativité; ii) l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 viole cette loi et les conventions nos 87 et 98 en ce qu’il ne tient pas compte des effectifs des adhérents et exclut les organisations d’employeurs; iii) le classement des confédérations établi par l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 n’indique ni le nombre de syndicats affiliés ni le nombre de leurs adhérents; iv) le rapport de la Commission de collecte et d’analyse des procès-verbaux des élections sociales du 15 janvier 2014, commission qui se voulait tripartite, n’a connu la participation d’aucun employeur et, parmi les 34 membres de la commission, uniquement 12 membres étaient présents lors de la collecte et de l’analyse des procès-verbaux de ces élections (7 représentants du MINTSS et 5 représentants des confédérations syndicales); v) l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 a été pris dans la précipitation pour justifier les accréditations des confédérations syndicales à la 104e Conférence internationale du Travail, 2015; vi) les résultats des élections des délégués du personnel ont été publiés quatorze mois après les élections et sont falsifiés et non fondés (selon l’organisation plaignante, celle-ci a obtenu 637 délégués alors que l’arrêté ministériel lui attribue à tort 123 délégués); vii) le MINTSS n’a jamais publié le procès-verbal des élections au MINTSS où le Syndicat national des contractuels du Cameroun (SNCC), un affilié de l’organisation plaignante, a présenté des candidatures et obtenu des délégués du personnel; et viii) les résultats et l’analyse comparative des documents issus du Département ministériel créent des soupçons de corruption et conspiration contre l’organisation plaignante. Le comité note que l’organisation plaignante allègue en outre que, selon les informations d’une organisation affiliée, le Syndicat national des contractuels du Cameroun (SNCC), les collaborateurs du ministère lui interdisaient de présenter des listes de candidature aux élections sociales du 15 janvier 2014 et ordonnaient des candidatures libres, et que l’organisation plaignante a noté les ingérences répétées des collaborateurs du MINTSS et les menaces à l’encontre des travailleurs du Département ministériel du fait de leur appartenance syndicale et leurs candidatures aux élections sociales. Le comité constate que l’organisation plaignante a entrepris plusieurs recours au niveau national pour contester la teneur de l’arrêté ministériel du 9 mars 2015: une lettre de contestation envoyée au MINTSS dans laquelle l’organisation plaignante a exprimé ses objections relatives à la violation délibérée des dispositions du Code du travail, à la falsification des données et à la publication des résultats erronés; un recours gracieux préalable adressé au MINTSS en date du 19 mars 2015 tendant à rapporter sans délai l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 pour cause de violation délibérée du Code du travail, ainsi que pour défaut de procédure de la collecte et de l’analyse des élections sociales et des résultats falsifiés; une communication semblable en date du 24 mars 2015 a également été envoyée au Premier ministre; l’organisation plaignante a saisi le Tribunal administratif du centre à Yaoundé de sursis en exécution de l’arrêté ministériel du 9 mars 2015; et pour absence de critères objectifs de détermination des organisations des travailleurs les plus représentatives, elle a également contesté auprès de la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence internationale du Travail la désignation de la délégation des travailleurs du Cameroun à la 104e session de la Conférence de 2015. Le comité observe que l’organisation plaignante souligne que l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 cause préjudice à son fonctionnement ainsi qu’à celui de ses organisations affiliées et qu’elle dénonce la politique délibérée d’affaiblissement et de division du monde syndical et de la plate-forme intersyndicale du Cameroun.
  3. 125. Le comité prend note des observations du gouvernement selon lesquelles il a pour compétence de constater les résultats finaux des élections sociales des délégués du personnel par un arrêté ministériel, conformément au procès-verbal produit par la Commission tripartite créée à cet effet. Le comité observe que le gouvernement indique que l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 n’a fait que constater les résultats des élections tels que mentionnés dans le procès-verbal et a permis de les classer en fonction des résultats obtenus par chaque organisation et que la responsabilité du gouvernement ne peut pas être évoquée quant aux allégations formulées aux termes des dispositions des conventions nos 87 et 98, puisque les droits des organisations syndicales n’ont subi ni suspension ni aliénation. Le comité note que le gouvernement précise, au sujet de la représentativité syndicale, que les informations sur les effectifs des adhérents qui permettent de déterminer la représentativité d’un syndicat n’étaient pas disponibles au moment de la constitution de la délégation camerounaise à la 104e Conférence internationale du Travail, 2015, et pour cette raison le gouvernement s’est basé sur le classement issu des élections sociales pour désigner les syndicats les plus représentatifs. Le comité note également que le gouvernement indique qu’il a pris conscience de ce manquement et a pris la résolution de le réparer, et par conséquent les inspecteurs du travail sont à pied d’œuvre sur le terrain en collaboration avec l’Observatoire national du travail pour définir les réels effectifs des adhérents des organisations syndicales et des travailleurs employés afin que le gouvernement ait une idée précise du nombre de syndicats et de leurs différents adhérents et puisse déterminer les syndicats de travailleurs et d’employeurs les plus représentatifs conformément à l’article 20 du Code du travail, information que le gouvernement fera transmettre au comité. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle il a transmis la décision du Tribunal administratif du centre à Yaoundé au comité, mais observe que cette décision n’a pas été envoyée au comité.
  4. 126. Le comité note également l’indication de l’ENTENTE selon laquelle le mécanisme le plus objectif, efficace et stable pour déterminer la représentativité des organisations syndicales reste et demeure celui des élections sociales afin que les travailleurs désignent librement leurs représentants, ce qui n’est en rien contraire à l’article 20 du Code du travail. Néanmoins, le comité observe que l’ENTENTE souligne certains défauts de la commission tripartite tels que son mauvais fonctionnement et sa partialité flagrante dans la collecte et l’analyse des résultats des élections sociales. Le comité observe en outre que, selon l’ENTENTE, la refonte de la réglementation sur les élections sociales pour définir des conditions plus transparentes de collecte et d’analyse des résultats contribuerait à limiter les frustrations des organisations syndicales.
  5. 127. Le comité prend note qu’il ressort des allégations de l’organisation plaignante et de la réponse du gouvernement, y compris des observations de l’ENTENTE, que: l’article 20 du Code du travail dispose que le caractère représentatif d’un syndicat professionnel est constaté, en tant que besoin, par arrêté du ministre chargé du travail tenant compte, pour les syndicats de travailleurs, des effectifs des adhérents; le 15 janvier 2014, des élections des délégués du personnel ont été organisées sur l’ensemble du territoire national; par l’arrêté du 6 janvier 2014, le gouvernement a créé auprès du MINTSS une commission tripartite composée de représentants du gouvernement, des employeurs et des travailleurs et chargée de la collecte et de l’analyse des procès-verbaux et de l’élaboration d’un procès-verbal de toutes ses opérations; après l’analyse des résultats des élections sociales parvenus à la commission, le classement au plan national des confédérations syndicales du Cameroun a été constaté par l’arrêté ministériel du 9 mars 2015, lequel attribue à l’organisation plaignante le neuvième rang de représentativité; sur la base de ce classement, la délégation des travailleurs camerounais pour la 104e Conférence internationale du Travail, 2015, a été élaborée; et l’organisation plaignante a entrepris plusieurs recours au niveau national afin de contester la teneur de l’arrêté ministériel du 9 mars 2015, et a également adressé une communication à ce sujet à la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence international du Travail. Le comité note que la Commission de vérification des pouvoirs a pris note de la communication de l’organisation plaignante contestant la désignation de la délégation des travailleurs et a décidé que cette communication n’appelait pas d’action de sa part. Le comité observe que, tandis que l’organisation plaignante conteste l’utilisation des élections sociales pour déterminer la représentativité des organisations syndicales et demande de rapporter l’arrêté ministériel du 9 mars 2015, le gouvernement explique que, puisque les informations sur les effectifs des adhérents qui permettent de déterminer la représentativité d’un syndicat n’étaient pas disponibles au moment de la constitution de la délégation camerounaise à la 104e Conférence internationale du Travail, 2015, le gouvernement s’est basé sur le classement issu des élections sociales. D’une part, le comité note avec préoccupation les allégations de l’organisation plaignante, soutenues par les observations de l’ENTENTE, selon lesquelles le processus de collecte et d’analyse des résultats des élections sociales effectué par la Commission tripartite créée à cet effet serait biaisé et partial et causerait de ce fait préjudice à certaines organisations syndicales, une allégation à laquelle le gouvernement n’a pas fourni d’observations. D’autre part, le comité note avec intérêt l’indication du gouvernement selon laquelle les inspecteurs du travail, en collaboration avec l’Observatoire national du travail, recensent les syndicats sur le terrain afin de préciser les réels effectifs de ces derniers et des travailleurs employés pour pouvoir déterminer les organisations syndicales les plus représentatives conformément à l’article 20 du Code du travail.
  6. 128. Le comité rappelle que les systèmes dans lesquels la représentation syndicale conditionnant l’exercice des droits syndicaux collectifs se fonde sur le nombre d’adhérents des syndicats, de même que ceux dans lesquels la représentation syndicale dépend d’une élection générale où votent tous les travailleurs ou fonctionnaires et, enfin ceux qui reposent sur une combinaison de ces deux mécanismes sont compatibles avec les conventions nos 87 et 98. Cependant, la détermination du syndicat le plus représentatif devra toujours se faire d’après les critères objectifs et préétablis, de façon à éviter toute possibilité de partialité ou d’abus. Le fait de reconnaître la possibilité d’un pluralisme syndical n’empêche pas la concession de certains droits et avantages aux organisations les plus représentatives, à condition que la détermination de l’organisation la plus représentative se fasse d’après des critères objectifs, préétablis et précis, de façon à éviter toute possibilité de partialité ou d’abus, et que les avantages se limitent généralement à la reconnaissance de certains droits préférentiels, par exemple aux fins telles que la négociation collective, la consultation par les autorités ou la désignation de délégués auprès d’organismes internationaux. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 347, 349 et 354.] Le comité veut croire que les démarches entreprises par le gouvernement pour préciser le nombre d’organisations syndicales et de leurs adhérents permettront de déterminer les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives en vertu de la législation nationale en vigueur et conformément aux principes mentionnés ci-dessus. Le comité prie le gouvernement de transmettre la décision rendue par le Tribunal administratif du centre à Yaoundé au sujet de l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 contesté par l’organisation plaignante.
  7. 129. Le comité note avec préoccupation les indications de l’organisation plaignante qui portent sur l’ingérence du MINTSS dans les élections sociales ainsi que sur des menaces des travailleurs du Département ministériel en raison de leur appartenance syndicale et leurs candidatures aux élections sociales, et note que le gouvernement ne fournit pas d’observations à ce sujet. Le comité tient à souligner que les travailleurs et leurs organisations doivent avoir le droit d’élire leurs représentants en toute liberté, et ces représentants le droit d’exprimer les revendications des travailleurs. Une intervention des autorités publiques dans les élections syndicales risque de paraître arbitraire et de constituer une ingérence dans le fonctionnement des organisations de travailleurs incompatible avec l’article 3 de la convention no 87, qui leur reconnaît le droit d’élire librement leurs dirigeants. De plus, le harcèlement et les manœuvres d’intimidation perpétrés à l’encontre de travailleurs au motif de leur affiliation syndicale ou de leur participation à des activités syndicales légitimes peuvent, bien qu’ils ne portent pas nécessairement préjudice aux travailleurs dans leur emploi, les décourager de s’affilier aux organisations de leur choix et, par là même, violer leur droit d’organisation. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 389, 429 et 786.] Au vu de ces principes, le comité prie le gouvernement de s’assurer que les autorités publiques n’interviennent pas dans les élections sociales et que les travailleurs ne soient pas menacés ou discriminés en raison de leur appartenance à une organisation syndicale ou de leurs activités syndicales légitimes.
  8. 130. A la lumière des questions soulevées par l’organisation plaignante, le comité prie instamment le gouvernement de prendre des mesures pour approfondir le dialogue social dans le pays et l’invite à se prévaloir de l’assistance technique du BIT à cette fin, s’il le désire.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 131. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • Le comité prie le gouvernement de transmettre la décision rendue par le Tribunal administratif du centre à Yaoundé au sujet de l’arrêté ministériel du 9 mars 2015 contesté par l’organisation plaignante.
    • Soulignant que l’ingérence dans les élections sociales et la discrimination antisyndicale sont contraires aux principes de la liberté syndicale, le comité prie le gouvernement de s’assurer que les autorités publiques n’interviennent pas dans les élections sociales et que les travailleurs ne soient pas menacés ou discriminés en raison de leur appartenance à une organisation syndicale ou de leurs activités syndicales légitimes.
    • c) A la lumière des questions soulevées par l’organisation plaignante, le comité prie instamment le gouvernement de prendre des mesures pour approfondir le dialogue social dans le pays et l’invite à se prévaloir de l’assistance technique du BIT à cette fin, s’il le désire.
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