Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent l’ingérence du gouvernement
dans les élections syndicales dans l’administration publique, l’intimidation, la mise à pied
et la détention de responsables syndicaux sous l’impulsion du ministère de la Fonction
publique
- 332. Le comité a examiné ce cas émanant de 16 syndicats de la fonction
publique pour la dernière fois à sa réunion de novembre 2015 et a présenté à cette
occasion un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 376e rapport,
approuvé par le Conseil d’administration à sa 325e session (novembre 2015),
paragr. 928-956.]
- 333. Le Syndicat des agents et fonctionnaires de l’Etat (SYAPE) a envoyé
des informations additionnelles dans une communication en date du 11 août 2016.
- 334. Le gouvernement n’ayant pas répondu, le comité a dû ajourner
l’examen du cas à deux reprises. A sa réunion de juin 2016 [voir 379e rapport,
paragr. 9], le comité a regretté l’absence persistante de coopération et lancé un appel
pressant au gouvernement indiquant qu’il présentera un rapport sur le fond de l’affaire
à sa prochaine réunion, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas
reçues à temps. Par ailleurs, une délégation gouvernementale a rencontré les deux
vice-présidents et le coordinateur des membres gouvernementaux du comité afin d’évoquer
le manquement du gouvernement et les voies pour y remédier. A ce jour, le gouvernement
n’a envoyé aucune information.
- 335. La République démocratique du Congo a ratifié la convention (nº 87)
sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98)
sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention
(nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 336. Lors de son précédent examen du cas, en novembre 2010, le comité a
formulé les recommandations suivantes [voir 376e rapport, paragr. 956]:
- a) Le comité regrette que le gouvernement n’ait pas répondu aux
allégations de l’organisation plaignante, alors qu’il a été invité à plusieurs
reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et
observations sur ce cas. Le comité prie instamment le gouvernement de faire preuve
de plus de coopération à l’avenir.
- b) Le comité prie
instamment le gouvernement de prendre sans délai les dispositions nécessaires pour
que les arrêtés contestés de 2013 pris par le ministère de la Fonction publique
soient revus en consultation avec les organisations de travailleurs concernées. Le
comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Le comité prie instamment le gouvernement, en même temps que de
réviser les arrêtés de 2013, d’entreprendre sans délai des consultations avec toutes
les organisations représentatives de travailleurs concernées, en particulier l’INSP
et les SIAP, sur les modalités de la représentation des intérêts des travailleurs en
vue de la négociation collective dans l’administration publique. Le comité prie le
gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- d) Le comité
prie le gouvernement de communiquer le procès-verbal de constitution de l’INAP ainsi
que le procès-verbal de remise et reprise entre l’ancienne intersyndicale (INSP) et
l’INAP et de transmettre ses observations à cet égard.
- e)
Le comité s’attend à ce que le gouvernement donne des instructions urgentes pour que
des syndicalistes exerçant leurs fonctions syndicales légitimes dans
l’administration publique ne puissent plus subir de préjudice dans l’emploi et pour
que les responsables de tels actes soient punis. Aussi, le comité prie instamment le
gouvernement de diligenter des enquêtes sur les cas cités d’actions disciplinaires à
l’encontre de dirigeants syndicaux afin de déterminer si ces actions ont sanctionné
l’exercice légitime d’activités syndicales et, le cas échéant, de prévoir le
versement d’une indemnisation suffisamment dissuasive.
- f)
Notant que M. Muhimanyi et M. Endole Yalele ont porté plainte devant la cour d’appel
pour violation du délai légal de clôture de dossier disciplinaire, le comité prie le
gouvernement de le tenir informé du résultat des plaintes.
- g) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête
sur les circonstances de l’arrestation et de la détention de dirigeants syndicaux en
juillet 2013 et novembre 2014 et de le tenir informé des résultats et des suites
données.
- h) Le comité prie instamment le gouvernement de
le tenir informé de l’issue de la plainte de M. Modeste Kayombo-Rashidi auprès du
parquet de grande instance de Kinshasa/Gombe contre M. Constant Lueteta, secrétaire
de l’INAP, pour avoir proféré des menaces de mort.
- i) Le
comité prie le gouvernement d’indiquer les suites données aux recours administratifs
et judiciaires formés par les organisations plaignantes.
B. Informations additionnelles des organisations plaignantes
B. Informations additionnelles des organisations plaignantes- 337. Dans une communication en date du 24 mai 2016, les organisations
plaignantes regroupées au sein des Syndicats indépendants de l’administration publique
(SIAP) ont dénoncé une situation demeurée inchangée depuis les recommandations du
comité. Les organisations plaignantes dénoncent en outre des mesures de représailles à
l’encontre de certains dirigeants syndicaux et de syndicalistes, notamment la révocation
de M. Nkunngi Masewu, président du SYAPE, et de M. Embusa Endole, président du Syndicat
Espoir, ainsi que les mesures disciplinaires à l’encontre de MM. Gongwaka, Kaleba et
Kalambay.
- 338. En outre, rappelant que les dernières élections contestées
concernaient les services centraux, les organisations plaignantes dénoncent des
concertations en cours que l’administration a décidé d’engager exclusivement avec l’INAP
en vue de l’organisation d’élections dans d’autres structures de l’administration
publique (enseignement, santé, services connexes de certaines administrations, etc.), y
compris dans les provinces.
- 339. Dans une communication en date du 11 août 2016, le SYAPE dénonce les
actions disciplinaires, notamment la révocation de la fonction publique de plusieurs
dirigeants syndicaux, en représailles à des lettres ouvertes au gouvernement. Selon le
SYAPE, le ministre de la Fonction publique aurait chargé le secrétaire général de la
fonction publique chargé des actifs d’ouvrir des actions disciplinaires à l’encontre de
dirigeants syndicaux signataires de deux lettres ouvertes adressées au Premier ministre
en janvier et février 2014. Le SYAPE indique que son président, M. N’Kungi Masewu, fait
partie des dirigeants ciblés et que ce dernier a été informé de sa révocation de la
fonction publique par l’ordonnance portant révocation des agents de commandement de
l’administration des différents ministères (no 16-056 du 3 mai 2016) délibérée en
Conseil des ministres. Le motif de cette révocation serait d’avoir, par le biais de ces
lettres, tenu des propos diffamatoires à l’endroit du ministre de la fonction
publique.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 340. Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis la
présentation de la plainte, les recommandations formulées en novembre 2015 et une
réunion avec une délégation gouvernementale en juin 2016, le gouvernement n’ait à ce
jour fourni aucune réponse ni observation aux allégations des organisations plaignantes
ni aux recommandations du comité, alors qu’il y a été invité à plusieurs reprises, y
compris par un appel pressant. Compte tenu de son manquement récurrent à répondre aux
plaintes, le comité invite le gouvernement, en vertu de l’autorité que lui confère le
paragraphe 69 de la procédure pour l’examen des plaintes en violation de la liberté
syndicale, à se présenter devant le comité au cours de sa prochaine réunion en mars 2017
afin de lui permettre d’obtenir des informations détaillées sur les mesures prises par
le gouvernement en rapport avec les cas en suspens.
- 341. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable
[voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa
184e session], le comité se voit dans l’obligation de présenter un nouveau rapport sur
le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir
du gouvernement.
- 342. Le comité rappelle de nouveau au gouvernement que l’ensemble de la
procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen
d’allégations en violation de la liberté syndicale vise à assurer le respect de cette
liberté en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège
les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent à leur tour
reconnaître l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses
détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité,
paragr. 31.]
- 343. Le comité rappelle que le présent cas présenté par seize
organisations syndicales de la fonction publique porte sur l’ingérence, dans l’impunité,
du gouvernement en tant qu’employeur dans les activités des organisations syndicales, en
particulier des mesures d’intimidation et des mesures disciplinaires à l’encontre de
dirigeants syndicaux, et l’adoption d’une réglementation contestée concernant
l’organisation d’élections syndicales dans l’administration publique visant à mettre en
place une intersyndicale sous contrôle comme interlocuteur unique du gouvernement.
- 344. Le comité note avec préoccupation que, dans une communication en
date du 24 mai 2016, les organisations plaignantes font état de mesures de représailles
à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes suite à l’adoption des
dernières recommandations du comité en novembre 2015. Il s’agirait notamment de la
révocation de M. Nkunngi Masewu, président du SYAPE, et de M. Embusa Endole, président
du Syndicat Espoir, ainsi que de mesures disciplinaires visant MM. Gongwaka, Kaleba et
Kalambay, tous syndicalistes. Le comité rappelle fermement que les dirigeants syndicaux
ne devraient pas être soumis à des mesures de rétorsion, et notamment des arrestations
et des détentions, pour avoir exercé des droits découlant des instruments de l’OIT sur
la liberté syndicale, en l’occurrence pour avoir déposé plainte auprès du Comité de la
liberté syndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté
syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 74.] Le comité prie instamment le
gouvernement de fournir sans délai des informations détaillées sur les motifs et l’état
des mesures de révocation et disciplinaires à l’encontre des dirigeants syndicaux et
syndicalistes mentionnés ci-dessus.
- 345. Par ailleurs, notant avec préoccupation les allégations relatives à
des concertations engagées entre l’administration et l’INAP exclusivement concernant la
tenue de futures élections dans les structures n’ayant pas organisé les élections en
2013, le comité rappelle qu’un développement harmonieux des relations professionnelles
dans le secteur public suppose le respect des principes de la non-ingérence, de la
reconnaissance des organisations les plus représentatives et de l’autonomie des parties
dans la négociation. Ainsi, le comité ne peut qu’exprimer sa préoccupation devant les
dernières allégations faisant état d’une situation demeurée inchangée depuis ses
dernières recommandations. Une telle situation n’est pas de nature à assurer des
relations professionnelles apaisées. En conséquence, le comité ne peut qu’exhorter une
nouvelle fois le gouvernement à entreprendre sans délai des consultations avec toutes
les organisations représentatives de travailleurs concernées, y compris l’INSP et le
SIAP, sur les modalités de la représentation des intérêts des travailleurs en vue de la
négociation collective dans l’administration publique. Le comité prie le gouvernement de
le tenir informé à cet égard.
- 346. Le comité note par ailleurs avec préoccupation les récentes
allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux dans la fonction publique feraient
l’objet de mesures disciplinaires, notamment la révocation, pour avoir signé deux
lettres ouvertes adressées en janvier et en février 2014 au Premier ministre. Le
président du SYAPE, M. N’Kungi Masewu, aurait ainsi été informé de sa révocation de la
fonction publique par l’ordonnance portant révocation des agents de commandement de
l’administration des différents ministères (no 16-056 du 3 mai 2016) délibérée en
Conseil des ministres. Le motif de cette révocation serait d’avoir, par le biais de ces
deux lettres, tenu des propos diffamatoires à l’endroit du ministre de la Fonction
publique. Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des
informations détaillées à cet égard, notamment sur les motifs retenus pour justifier la
révocation du président du SYAPE.
- 347. Enfin, regrettant profondément l’absence de réponse de la part du
gouvernement, le comité se voit contraint de renvoyer le gouvernement aux conclusions
formulées lors de son dernier examen du cas [voir 276e rapport, paragr. 943 à 955] et de
rappeler l’intégralité de ses recommandations antérieures.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 348. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite
le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le
comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte,
les recommandations formulées en novembre 2015 et une réunion avec une délégation
gouvernementale en juin 2016, le gouvernement n’ait à ce jour fourni aucune réponse
ni observation aux allégations des organisations plaignantes ni aux recommandations
du comité, alors qu’il y a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel
pressant. Compte tenu de son manquement récurrent à répondre aux plaintes, le comité
invite le gouvernement, en vertu de l’autorité que lui confère le paragraphe 69 de
la procédure pour l’examen des plaintes en violation de la liberté syndicale, à se
présenter devant le comité au cours de sa prochaine réunion en mars 2017 afin de lui
permettre d’obtenir des informations détaillées sur les mesures prises par le
gouvernement en rapport avec les cas en suspens.
- b) Le comité prie
instamment le gouvernement de prendre sans délai les dispositions nécessaires pour
que les arrêtés contestés de 2013 pris par le ministère de la Fonction publique
soient revus en consultation avec les organisations de travailleurs concernées. Le
comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Le comité ne
peut qu’exhorter une nouvelle fois le gouvernement à entreprendre sans délai des
consultations avec toutes les organisations représentatives de travailleurs
concernées, y compris l’INSP et le SIAP, sur les modalités de la représentation des
intérêts des travailleurs en vue de la négociation collective dans l’administration
publique. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- d)
Le comité prie le gouvernement de communiquer le procès-verbal de constitution de
l’INAP ainsi que le procès-verbal de remise et reprise entre l’ancienne
intersyndicale (INSP) et l’INAP et de transmettre ses observations à cet
égard.
- e) Le comité s’attend à ce que le gouvernement donne des instructions
urgentes pour que des syndicalistes exerçant leurs fonctions syndicales légitimes
dans l’administration publique ne puissent plus subir de préjudice dans l’emploi et
pour que les responsables de tels actes soient punis. Aussi, le comité prie
instamment le gouvernement de diligenter des enquêtes sur les cas cités d’actions
disciplinaires à l’encontre de dirigeants syndicaux afin de déterminer si ces
actions ont sanctionné l’exercice légitime d’activités syndicales et, le cas
échéant, de prévoir le versement d’une indemnisation suffisamment
dissuasive.
- f) Notant que M. Muhimanyi et M. Endole Yalele ont porté plainte
devant la cour d’appel pour violation du délai légal de clôture de dossier
disciplinaire, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat des
plaintes.
- g) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans
délai une enquête sur les circonstances de l’arrestation et de la détention de
dirigeants syndicaux en juillet 2013 et novembre 2014 et de le tenir informé des
résultats et des suites données.
- h) Le comité prie instamment le
gouvernement de le tenir informé de l’issue de la plainte de M. Modeste
Kayombo-Rashidi auprès du parquet de grande instance de Kinshasa/Gombe contre
M. Constant Lueteta, secrétaire de l’INAP, pour avoir proféré des menaces de
mort.
- i) Le comité prie le gouvernement d’indiquer les suites données aux
recours administratifs et judicaires formés par les organisations
plaignantes.
- j) Rappelant fermement que les dirigeants syndicaux ne
devraient pas être soumis à des mesures de rétorsion, et notamment des arrestations
et des détentions, pour avoir exercé des droits découlant des instruments de l’OIT
sur la liberté syndicale, en l’occurrence pour avoir déposé plainte auprès du Comité
de la liberté syndicale, le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans
délai des informations détaillées sur les motifs et l’état des mesures de révocation
et disciplinaires à l’encontre des dirigeants syndicaux et syndicalistes suivants:
M. Nkunngi Masewu, président du SYAPE; M. Embusa Endole, président du Syndicat
Espoir; M. Gongwaka, dirigeant syndial; M. Kaleba, président du comité de base
CCT/Finances; et M. Kalambay, coordinateur du COSSA.
- k) Le comité prie
instamment le gouvernement de fournir sans délai des informations détaillées en
réponse aux allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux dans la fonction
publique feraient l’objet de mesures disciplinaires, notamment la révocation, pour
avoir signé deux lettres ouvertes adressées en janvier et en février 2014 au Premier
ministre, et en particulier sur les motifs retenus pour justifier la révocation en
mai 2016 du président du SYAPE, M. N’Kungi Masewu.