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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 380, Octobre 2016

Cas no 3097 (Colombie) - Date de la plainte: 04-JUIN -14 - En suivi

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce des violations des droits de grève et de négociation collective dans des conflits collectifs au sein de plusieurs entreprises du secteur minier, par le ministère du Travail et les tribunaux colombiens

  1. 305. La plainte figure dans une communication en date du 4 juin 2014 présentée par le Syndicat national des travailleurs de l’industrie minière, de la pétrochimie, des agrocarburants et de l’énergie (SINTRAMIENERGETICA).
  2. 306. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 22 mai 2015.
  3. 307. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante

    Premier conflit collectif

  1. 308. L’organisation plaignante dénonce tout d’abord la violation des droits de grève et de négociation collective dans un conflit collectif au sein de l’entreprise Drummond Ltd. A cet égard, l’organisation plaignante déclare en particulier que: i) SINTRAMIENERGETICA est l’organisation syndicale majoritaire au sein de l’entreprise du fait qu’elle regroupe plus de 50 pour cent des travailleurs de l’entreprise; ii) des conventions collectives de travail successives ont été conclues entre l’entreprise et le syndicat; iii) conformément à la législation en vigueur, SINTRAMIENERGETICA a dénoncé la convention collective en vigueur et présenté un nouveau cahier de revendications dont la négociation (phase de négociation directe) a débuté le 28 mai 2013; iv) prolongée le 17 juin 2013, la phase de négociation directe est venue à échéance le 7 juillet 2013 sans qu’aucun accord n’ait été conclu; v) toujours conformément à la législation en vigueur, SINTRAMIENERGETICA, en tant que syndicat majoritaire, a convoqué l’assemblée des travailleurs syndiqués de l’entreprise pour décider s’il fallait déclencher la grève ou porter le différend devant un tribunal arbitral; vi) la majorité des adhérents s’est prononcée en faveur de la grève qui a débuté le 23 juillet 2013; vii) le 23 août 2013, un groupe de 47 travailleurs non syndiqués a averti le ministère du Travail de la tenue d’une assemblée générale des travailleurs de l’entreprise pour les 29, 30 et 31 août 2013, en vue de se prononcer sur la poursuite de la grève ou décider de porter le différend devant un tribunal arbitral; viii) bien que SINTRAMIENERGETICA soit le seul initiateur de ce conflit collectif, et par conséquent le seul habilité à suspendre la grève, le ministère du Travail a ordonné, par le décret no 3256 de 2013, la convocation d’un tribunal arbitral obligatoire dans l’entreprise; ix) SINTRAMIENERGETICA a interjeté un recours en révision contre cette décision, recours qui a été rejeté par un nouveau décret en date du 5 novembre 2013; le 9 décembre 2013, la composition du tribunal arbitral obligatoire a été ordonnée, ce qui signifie clairement une violation de l’autonomie syndicale protégée par les conventions de l’OIT; et x) bien que la grève ait été déclarée conformément aux dispositions légales, le Tribunal supérieur de Valledupar l’a déclarée illégale le 19 février 2014, jugement contre lequel SINTRAMIENERGETICA a fait appel.

    Deuxième conflit collectif

  1. 309. L’organisation plaignante déclare en deuxième lieu que la même entreprise introduit une action en justice de l’ordre du million (6 260 219,28 dollars E.-U.) contre l’organisation syndicale SINTRAIME à titre de compensation pour les préjudices présumés qu’elle aurait subis lors d’un arrêt de travail en mars 2013. L’organisation plaignante ajoute que les faits à l’origine de l’action en justice touchent aux relations entre ouvriers et employeurs, de ce fait l’objectif est d’entraver à l’avenir l’exercice des droits collectifs.

    Troisième conflit collectif

  1. 310. L’organisation plaignante dénonce en troisième lieu la violation des droits de grève et de négociation collective dans un conflit au sein de l’entreprise Carbones de La Jagua S.A. A cet égard, l’organisation plaignante déclare en particulier que: i) SINTRAMIENERGETICA est le syndicat majoritaire au sein de ladite entreprise spécialisée dans l’extraction et l’agglomération de la houille; ii) la convention collective conclue entre l’entreprise et l’organisation syndicale, venant à échéance le 30 avril 2012, a été dénoncée par les deux parties; iii) comme aucun accord n’était intervenu entre les parties lors de la phase de négociation directe, le syndicat, conformément à la législation en vigueur, a voté en faveur d’une déclaration de grève, qui s’est déroulée en juillet 2012; iv) l’entreprise a introduit une action en justice alléguant le caractère illégal de l’arrêt de travail; v) le lieu de travail, la mine de charbon à ciel ouvert La Jagua, est exploité par trois entreprises, propriété de Glencore: l’entreprise en question, acquise en 2005, le Consorcio Minero Unido S.A., acquis en 2006, et Carbones El Tesoro S.A., acquis en 2007; vi) bien que, à la date de l’introduction de la plainte, l’entreprise demanderesse ait signalé qu’il n’existait pas d’unité entre les trois structures, Glencore les a peu après réunies en une seule; vii) l’entreprise a allégué devant le tribunal que la grève ne s’était pas déroulée de manière pacifique au motif que l’électricité avait été coupée dans l’entreprise, que les voies d’accès à d’«autres entreprises» avaient été bloquées, et que les travailleurs avaient pris d’assaut les locaux de l’entreprise et avaient pillé les locaux où vivaient les travailleurs.
  2. 311. L’organisation plaignante déclare en outre que l’entreprise demanderesse a ajouté avec cela que le syndicat avait transgressé les frontières physiques entre les trois entreprises, paralysant les activités d’entreprises étrangères au conflit. SINTRAMIENERGETICA a cependant pu établir que les trois entreprises minières fonctionnaient de manière collective, et qu’il n’y avait pas de limites physiques clairement définies entre elles; elles employaient le même personnel administratif (y compris le même responsable des ressources humaines) et ouvrier, il n’était par conséquent pas possible de revendiquer l’indépendance des trois entreprises minières et il était matériellement impossible que la grève n’affecte pas le fonctionnement de toutes, à cause du chevauchement de leurs activités. L’entreprise a également allégué que l’organisation syndicale avait refusé d’approuver un plan d’urgence qui aurait permis le maintien des activités vitales de l’entreprise alors que SINTRAMIENERGETICA avait présenté une proposition allant dans ce sens le 27 juillet 2012, proposition qui n’a pas été signée par l’entreprise.
  3. 312. L’organisation plaignante indique que, par une ordonnance du 27 août 2012, le Tribunal supérieur de Valledupar, après un examen détaillé de tous les éléments de preuve, a déclaré la grève légale. Le tribunal a indiqué que, même si quelque tension propre à ce type de conflits s’était produite, la grève s’était déroulée de manière pacifique et qu’aucune preuve des faits allégués n’avait été présentée.
  4. 313. L’organisation plaignante déclare que, cependant, par le jugement du 10 avril 2013, la Cour suprême a annulé le jugement de première instance et déclaré l’arrêt de travail illégal. L’organisation plaignante allègue en particulier que la Cour n’a pas effectué une analyse juridique de la figure de l’unité de l’entreprise et a pris en considération les témoignages concernant des actes de violence présumés qui n’avaient pas été considérés comme valides par le Tribunal supérieur de Valledupar. Elle allègue en outre que la Cour suprême a effectué une analyse partielle et biaisée des moyens de preuve, dans la mesure où: i) elle a donné une grande importance aux apartés des déclarations susceptibles de laisser préjuger d’une forte tension; ii) elle a sous-évalué les communications qui indiquaient que son déroulement a été pacifique; et iii) elle a ignoré les procès-verbaux émis par les fonctionnaires du ministère du Travail qui ont servi de base pour le jugement en première instance.
  5. 314. L’organisation plaignante conclut l’exposé de ses allégations en déclarant que les exemples décrits sont contraires à l’autonomie syndicale, au droit de grève et à la promotion de la négociation collective, ce qui enfreint les conventions nos 87, 98 et 154 de l’OIT, ratifiées par la Colombie.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement

    Premier conflit collectif

  1. 315. Dans sa communication en date du 22 mai 2015, le gouvernement se réfère en premier lieu au conflit collectif opposant l’organisation syndicale SINTRAMIENERGETICA à l’entreprise Drummond Ltd., et communique tout d’abord la réponse de l’entreprise. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle il a été mis fin au mouvement de grève déclenché par SINTRAMIENERGETICA grâce à un vote auquel avait appelé un groupe de travailleurs non syndiqués, l’entreprise déclare que: i) la décision de mettre un terme au mouvement de grève et de demander la convocation d’un tribunal arbitral a été prise par la majorité des travailleurs de l’entreprise, et l’entreprise n’a eu aucun lien direct avec ce vote; ii) SINTRAMIENERGETICA s’est distingué par son manque de bonne foi tout au long des négociations, rejetant des offres répétées de l’entreprise d’améliorer le montant de la prime par la signature de la convention collective et de l’augmentation de salaire; iii) le 6 août 2013, le vice-ministre des relations professionnelles a convoqué une réunion entre l’entreprise et les trois syndicats concernés par le conflit (SINTRAMIENERGETICA, SINTRADRUMMOND et AGRETRITRENES); SINTRAMIENERGETICA a refusé d’y participer; iv) l’organisation plaignante n’explique pas pourquoi la décision de la majorité des travailleurs d’avoir recours au tribunal arbitral violerait les conventions nos 87 et 98 de l’OIT et elle ne remet pas en question le déroulement de ce vote. D’un point de vue plus général, l’entreprise estime que la convocation du tribunal arbitral n’était pas contraire aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective dans la mesure où cette convocation n’a été imposée ni par les autorités administratives ni par l’employeur mais a découlé de la décision démocratique des travailleurs, et que cette solution n’a pas été remise en question par l’entreprise, elle a au contraire été acceptée.
  2. 316. L’entreprise s’exprime ensuite sur la déclaration d’illégalité de la grève déclenchée par SINTRAMIENERGETICA du 23 juillet au 13 septembre 2013. L’entreprise déclare que c’est le caractère non pacifique de la grève, en particulier le jour où les travailleurs de l’entreprise ont voté sur la poursuite du mouvement, qui a motivé les jugements du Tribunal supérieur de Valledupar et de la Cour suprême, jugements qui se sont basés, entre autres, sur les recommandations du Comité de la liberté syndicale.
  3. 317. Le gouvernement communique ensuite ses propres observations sur le conflit opposant la première entreprise à SINTRAMIENERGETICA. Le gouvernement indique que, en l’absence d’un accord sur la signature d’une nouvelle convention collective, les travailleurs de l’entreprise ont décidé de recourir à la grève. Au cours de celle-ci, le ministère du Travail, qui avait proposé ses bons offices pour assurer la poursuite des négociations, a été informé par un groupe de 47 travailleurs qu’une assemblée générale des travailleurs allait se tenir pour décider de poursuivre la grève ou de demander la convocation d’un tribunal arbitral. L’inspection du travail a pu constater que la majorité des travailleurs s’était prononcée en faveur d’une demande de convocation d’un tribunal arbitral, ce qui a été fait par une décision du 13 septembre 2013. Le gouvernement indique en outre que: i) de cette manière, les dispositions de l’article 445.2 du Code du travail, selon lequel «pendant le déroulement de la grève, la majorité des travailleurs de l’entreprise ou l’assemblée générale du syndicat ou des syndicats regroupant plus de la moitié de ces travailleurs pourront décider de soumettre le différend à la décision d’un tribunal arbitral» ont été respectées; et ii) le recours en tutelle présenté par l’organisation syndicale contre la décision du ministère du Travail a été rejeté en première et en deuxième instance.

    Deuxième conflit collectif

  1. 318. Le gouvernement communique la réponse de l’entreprise en ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’entreprise en question introduirait une action en justice de l’ordre du million (6 260 219,28 dollars E.-U.) contre le Syndicat national des travailleurs du secteur de la mécanique métallique, de l’industrie métallique, de la métallurgie, des chemins de fer et des entreprises de commercialisation du secteur (SINTRAIME) à titre de compensation pour les préjudices présumés occasionnés pendant une grève. A cet égard, l’entreprise déclare que: i) entre le 14 mars et le 26 mars 2013, SINTRAIME a bloqué les entrées de plusieurs mines de l’entreprise ainsi que les voies publiques des localités qui les desservent; ii) ces actions se sont accompagnées de manœuvres d’intimidation à l’encontre des employés de l’entreprise et des employés d’entreprises sous-traitantes qui désiraient exercer leur liberté de travail; iii) cette violation de la liberté de travail a été constatée à différentes reprises par l’inspection du travail; iv) les actes illégaux de SINTRAIME ont causé un important préjudice économique à l’entreprise et ont porté atteinte à l’intention de maintenir une relation de confiance entre les parties; et v) c’est pourquoi l’action en justice introduite par l’entreprise ne constitue pas un acte d’agression et n’a pas pour objectif d’entraver l’exercice de l’association syndicale.

    Troisième conflit collectif

  1. 319. En ce qui concerne le conflit collectif opposant l’organisation syndicale SINTRAMIENERGETICA à l’entreprise Carbones de La Jagua S.A., le gouvernement communique tout d’abord la réponse de l’entreprise qui déclare que: i) la déclaration d’illégalité de la grève déclenchée par SINTRAMIENERGETICA en juillet 2012 se base sur les actes de violence qui ont accompagné l’arrêt de travail et sur l’occupation de l’entreprise en infraction aux dispositions du Code du travail, empêchant qu’un plan d’urgence soit mis en œuvre pour garantir la sécurité des locaux de l’entreprise; ii) la violence exercée par les travailleurs en grève a affecté non seulement l’entreprise mais aussi des tiers étrangers au conflit; iii) dans un procès-verbal en date du 15 août 2012, l’inspection du travail de Curumani a attesté le comportement agressif du président de section de SINTRAMIENERGETICA; iv) les organisations syndicales colombiennes ont réclamé pendant de nombreuses années que la déclaration d’illégalité d’une grève soit traitée par les tribunaux de justice, position qui suppose d’accepter les jugements qui ne favorisent pas les intérêts des syndicats; et v) le jugement de la Cour suprême a fait l’objet de deux recours en tutelle interjetés devant la Chambre de cassation pénale de la Cour suprême et le Conseil de section de la magistrature.
  2. 320. Le gouvernement communique ensuite ses propres observations concernant ce conflit; il signale que le jugement rendu par le Tribunal supérieur de Valledupar qui reconnaissait la légalité de la grève déclenchée par SINTRAMIENERGETICA a été rejeté par la Cour suprême par le jugement du 10 avril 2013 et que la décision de la Cour suprême s’est basée sur l’existence de faits de violence pendant le déroulement de la grève, conformément aux principes du Comité de la liberté syndicale.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 321. Le comité observe que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue que le ministère du Travail et les tribunaux colombiens ont porté atteinte aux droits de grève et de négociation collective lors de trois conflits collectifs dans le secteur minier.

    Premier conflit collectif

  1. 322. Le comité note que l’organisation plaignante se réfère en premier lieu à un conflit collectif opposant l’entreprise Drummond Ltd. à SINTRAMIENERGETICA; l’organisation syndicale, majoritaire dans l’entreprise, a décidé, en l’absence d’accord sur la renégociation de la convention collective de l’entreprise, de déclencher une grève qui a débuté le 23 juillet 2013. A cet égard, l’organisation plaignante allègue tout d’abord que le ministère du Travail a enfreint le principe de l’autonomie syndicale et le droit de grève en suspendant la grève et en convoquant un tribunal arbitral après que 47 travailleurs non syndiqués ont appelé, le 23 août 2013, à la tenue d’une assemblée générale de tous les travailleurs de l’entreprise, assemblée qui a voté pour la fin de la grève et la constitution d’un tribunal arbitral. L’organisation plaignante affirme que, dans la mesure où la grève avait été déclenchée par SINTRAMIENERGETICA, seul SINTRAMIENERGETICA était habilité à prendre une décision concernant la poursuite du conflit collectif en question et à mettre un terme à la grève.
  2. 323. A cet égard, le comité prend note des réponses concordantes de l’entreprise et du gouvernement dans lesquelles ils déclarent que: i) en vertu de la législation colombienne (art. 444.2 du Code du travail (CST), la faculté de déclarer la grève appartient tant aux organisations syndicales majoritaires (par un vote de leur assemblée) qu’à la majorité absolue des travailleurs de l’entreprise; ii) également, le CST (art. 445.2 et 448) prévoit que l’organisation syndicale majoritaire, de même que la majorité des travailleurs de l’entreprise peuvent, au cours de la grève, y mettre un terme et demander la convocation d’un tribunal arbitral; iii) l’organisation plaignante n’a pas allégué d’irrégularités dans le vote de l’ensemble des travailleurs de l’entreprise; et iv) la constitution du tribunal arbitral dans le présent cas a pleinement respecté les dispositions légales, comme l’établissent les jugements qui ont rejeté le recours en tutelle introduit par le syndicat.
  3. 324. En ce qui concerne cette première allégation, le comité constate que l’organisation plaignante, l’entreprise et le gouvernement s’accordent sur l’enchaînement des faits et que la régularité dans le déroulement du vote de la majorité des travailleurs visant à mettre un terme à la grève n’a pas été remise en question par l’organisation plaignante. Le comité observe par conséquent que ce premier point de la plainte consiste à déterminer si le fait qu’un vote de l’ensemble des travailleurs de l’entreprise a mis fin à une grève déclenchée par SINTRAMIENERGETICA est contraire ou non aux principes de la liberté syndicale. A cet égard, le comité note que, en vertu de la législation colombienne: i) tant une organisation syndicale majoritaire que la majorité absolue de l’ensemble des travailleurs de l’entreprise ont à la fois la faculté de déclarer une grève (art. 444.2 du CST) et de mettre fin à une grève en cours, en demandant la constitution d’un tribunal arbitral (art. 445.2 et 448 du CST); et ii) la déclaration de grève a des effets sur l’ensemble des travailleurs – en particulier en ce qui concerne la suspension des contrats de travail – qu’ils soient ou non affiliés à un syndicat, et qu’ils aient ou non voté en faveur de la grève (art. 448.2 du CST). Dans ces circonstances spécifiques, le comité estime que le vote majoritaire appelant à mettre fin au mouvement de grève et appelant à mettre en place un tribunal arbitral n’est pas contraire aux principes de la liberté syndicale.
  4. 325. Dans le cadre de ce même conflit collectif, le comité note que l’organisation plaignante allègue que les tribunaux colombiens ont enfreint la convention no 87 et les principes de la liberté syndicale en déclarant illégal le mouvement de grève déclenché par SINTRAMIENERGETICA le 23 juillet 2013. Le comité note à cet égard que l’entreprise déclare que le Tribunal supérieur de Valledupar ainsi que la Cour suprême ont déclaré la grève illégale en partant du fait que des actes de violence avaient été commis pendant la grève. Observant que l’organisation plaignante n’indique pas de quelle manière les jugements en question enfreindraient les principes de la liberté syndicale, le comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.

    Deuxième conflit collectif

  1. 326. Le comité note que l’organisation plaignante allègue que l’entreprise Drummond Ltd. aurait introduit une action en justice de l’ordre du million (6 260 219,28 dollars E.-U.) contre le Syndicat national des travailleurs du secteur de la mécanique métallique, de l’industrie métallique, de la métallurgie, des chemins de fer et des entreprises de commercialisation du secteur (SINTRAIME) à titre de compensation pour les préjudices présumés occasionnés pendant une grève qui s’est déroulée en mars 2013. Le comité note également que l’organisation plaignante ajoute que les faits qui sont à l’origine de la plainte de l’entreprise sont caractéristiques des relations entre ouvriers et patrons et que l’entreprise aurait par conséquent pour objectif d’entraver à l’avenir l’exercice des droits collectifs. Le comité note également la réponse de l’entreprise, communiquée par le gouvernement, selon laquelle, entre le 14 et le 26 mars 2013, SINTRAIME a déclenché une grève accompagnée de manœuvres d’intimidation, bloquant les voies de communication, faisant ainsi obstacle à la liberté de travail des employés de l’entreprise et des entreprises sous-traitantes et causant un important préjudice économique à l’entreprise. Observant que le gouvernement n’a pas envoyé ses observations concernant cette allégation et soulignant l’importance qu’il y a à ce que les sanctions imposées en cas de grèves abusives n’aient pas pour effet de décourager l’exercice légitime des droits syndicaux, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de l’action en justice introduite par l’entreprise.

    Troisième conflit collectif

  1. 327. Le comité note que l’organisation plaignante se réfère enfin à la déclaration d’illégalité de la grève déclenchée par SINTRAMIENERGETICA en juillet 2012 au sein de l’entreprise Carbones de La Jagua S.A. par la Cour suprême. Le comité note tout particulièrement que l’organisation plaignante allègue que: i) contrairement au Tribunal supérieur de Valledupar qui avait constaté le caractère pacifique de la grève et l’avait déclarée légale, la Cour suprême aurait effectué une analyse partielle et biaisée des témoignages à disposition de façon à pouvoir conclure que la grève ne s’était pas déroulée pacifiquement; et ii) dans ce contexte, la Cour suprême n’aurait pas pris en considération les procès-verbaux émis par les fonctionnaires du ministère du Travail présents au moment des faits, qui constataient le caractère pacifique du mouvement.
  2. 328. Le comité note également que le gouvernement et l’entreprise s’accordent pour signaler que l’arrêt de la Cour suprême qui rejetait la décision du Tribunal supérieur de Valledupar et déclarait l’illégalité de la grève était basé, conformément aux principes du Comité de la liberté syndicale, sur l’existence de certains faits de violence tout au début de la grève et l’occupation illégale du lieu de travail tout au long de la paralysie des activités. Le comité note enfin que le jugement de la Cour suprême a fait l’objet de deux recours en tutelle devant la Chambre de cassation pénale de la Cour suprême et le Conseil de section de la magistrature.
  3. 329. Se basant sur le texte du jugement en première instance et sur celui de la Cour suprême fournis par l’organisation plaignante ainsi que par le gouvernement, le comité constate tout d’abord que le Tribunal supérieur de Valledupar a conclu, en se basant sur les procès verbaux de vérification de l’inspection du travail, que: i) l’arrêt de travail s’était déroulé de manière pacifique; ii) quelques altercations et situations de tension s’étaient bien produites au tout début de la grève, ce qui était normal, la grève étant un moyen de pression qui pouvait donner lieu à ce genre de confrontations; iii) le maintien de l’occupation des locaux du site d’exploitation par certains travailleurs ne permettait pas non plus de déclarer la grève illégale étant donné que l’accès du personnel de direction n’avait pas été empêché, qu’aucun acte d’agression du fait du syndicat n’avait été commis et que cette présence, en l’absence de concertation d’un plan d’urgence permettait de protéger les locaux de l’entreprise. Le comité constate par ailleurs que la Cour suprême a considéré que: i) son analyse devait se baser sur les articles 446 et 450 f) du Code du travail, articles qui disposent que la grève doit se dérouler de manière ordonnée et pacifique et que la suspension collective du travail qui ne serait pas limitée à la suspension pacifique du travail serait illégale; ii) contrairement aux considérations du Tribunal supérieur de Valledupar, les témoignages de deux travailleurs de l’entreprise devaient être pris en compte, dans la mesure où ils n’occupaient pas des postes de direction ni des postes de confiance; iii) s’il est vrai que dès le deuxième jour de grève on a pu observer un déroulement normal et pacifique de l’arrêt de travail, cela n’excuse pas certains débordements du premier jour de la grève; et iv) l’occupation illégale des locaux de l’entreprise par les travailleurs syndiqués a duré tout le long de l’arrêt de travail, motif pour lequel la grève déclenchée par SINTRAMIENERGETICA ne s’étant pas limitée à la suspension pacifique du travail devait par conséquent être déclarée illégale.
  4. 330. Le comité observe, d’une part, que le déroulement de la grève au sein de l’entreprise en question a donné lieu à différentes nuances d’appréciation tant de la part de l’inspection du travail comme de celle des différentes instances judiciaires et, d’autre part, que deux recours en protection des droits fondamentaux relatifs à ce cas sont en instance devant la chambre de cassation pénale de la Cour suprême et le Conseil de section de la magistrature. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la résolution des recours en protection susmentionnés.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 331. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le premier conflit collectif ne nécessite pas un examen plus approfondi.
    • b) En ce qui concerne le deuxième conflit collectif, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de l’action en justice introduite par l’entreprise contre SINTRAIME.
    • c) En ce qui concerne le troisième conflit collectif, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des recours en protection des droits fondamentaux en instance devant la chambre de cassation pénale de la Cour suprême et du Conseil de section de la magistrature et concernant la grève menée par SINTRAMIENERGETICA.
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